Vingt Troisième Grain
- Allez Namjoon !
- Mais t'es complètement dingue ou quoi ? Hors de question que je monte là-dessus, on va se prendre une amende !
- Mais allez quoi, au pire tu dégueulasses tes vêtements c'est rien de grave !
Namjoon regarda d'un air hésitant le long train à marchandises qui roulait doucement dans leur direction, avant de se tourner vers Hoseok qui était déjà en train de grimper sur une des plateformes rouillées.
- Hoseok descend, fais pas des conneries, on va s'attirer des ennuis...
- Je l'ai fait des centaines de fois, le train va s'arrêter pendant quelques temps et personne va venir nous voir, allez viens !
L'autre soupira avant de monter tant bien que mal et de s'installer à ses côtés.
- Oh putain je viens de ruiner mon pantalon, t'aurais pu me prévenir au moins !
- Mais regardes devant toi, ça en vaut la peine.
Et effectivement, il se retrouva forcé d'avouer que cela en valait la peine.
Devant eux, la forêt verdoyante était baignée par la lumière du coucher de soleil. A peine quelques mètres après les rails, une grande pente les séparaient des arbres et cela donnait l'impression curieuse d'être sur un piédestal dans les airs flottant au-dessus de la nature. Des oiseaux volaient au loin, disparaissaient derrière le petit disque rougeâtre qui se fondait lentement dans l'horizon. L'air était frais, et frôlait sa joue de la plus délicieuse des manières. Le métal froid du wagon n'était pas des plus confortables mais la beauté à couper le souffle du paysage le faisait oublier.
- T'as jamais eu peur de tomber ?
Hoseok éclata de rire.
- Bien sûr que non, j'ai fait ce genre de truc toute mon adolescence ! Après avec les études j'ai pas eu l'occasion de revenir.
- Tu m'étonnes, il nous a fallu presque deux heures de train pour y arriver !
- Dis-toi qu'avec ma sœur on faisait ça en vélo...
Et ce fut au tour de Namjoon de rire alors qu'il imaginait la scène. Il continua ensuite d'observer les oiseaux au loin avant de se retourner vers son comparse qu'il trouvait bien silencieux. Quelle ne fut pas sa surprise en se retrouvant face-à-face avec lui, quelques centimètres les séparant à peine ! Mais il ne fit pas un mouvement, par pure curiosité. Il voulait savoir ce qui se passerait s'il se laissait aller.
Après tout, depuis la mort de Jimin il y a des mois de cela, il n'avait jamais vraiment osé imaginer qu'il puisse se passer quelque chose avec quelqu'un d'autre. Pour une fois, alors qu'il se sentait parfaitement détendu par l'atmosphère du moment, il voulut savoir ce que cela ferait d'abandonner un peu le passé. Il respira doucement, se remplissant les poumons d'effluves diverses, se vidant un peu la tête. Il se sentit un peu plus léger, perché sur la structure de métal, une main caressant doucement son bras, et ses pieds se balançant dans le vide.
Il y avait parfois des moments où, en regardant le monde, il se rendait compte qu'il trouvait en chaque chose une beauté inexorable. Le métal rouillé du wagon, l'immensité du ciel, le vert vibrant des arbres qui grignotait l'horizon. Il avait parfois le souffle coupé par la vie, par toutes les petites merveilles qu'il avait la chance de graver dans sa mémoire. Parfois, tout lui semblait si joli qu'il en oublierait presque le reste.
Il se tourna vers Hoseok qui lui sourit, ses yeux brillants de douceur et il remarqua pour la première fois que son sourire avait presque une forme de cœur, ce qui le fit sourire à son tour. Ils se souriaient comme deux idiots, les pensées emmêlées par l'adrénaline, comme deux enfants.
Les lèvres du rouquin allaient effleurer les siennes lorsqu'un cri retentit :
- Eh, qu'est ce que vous foutez là !
Ils sursautèrent tous deux avant d'apercevoir un homme d'âge mur fonçant droit vers eux.
- Vous êtes complètement inconscients ! Descendez immédiatement !
Et les deux hommes se mirent immédiatement à courir, sautant du wagon et s'élançant droit vers le mur qu'ils avaient enjambés pour entrer. Ils coururent probablement plus vite qu'ils ne pensaient, le vent leur fouettant le visage et leurs jambes s'emmêlant. Derrière eux, l'homme qui les avaient interpellés ne prit pas la peine de les poursuivre mais ils le remarquèrent à peine. Alors qu'ils courraient toujours, ils éclatèrent tous deux de rire (ce qui les ralentit considérablement).
Ils s'écroulèrent sur le béton mouillé, sans vraiment remarquer la pluie qui alourdissait leurs vêtements. Une voiture passa à côté d'eux et klaxonna, mais ils riaient si fort, si fort qu'ils ne l'entendirent pas.
Namjoon, un sourire si grand aux lèvres qu'il en avait mal, regardait le ciel gris de ses yeux pleins de larmes, et les larmes du ciel roulaient sur son visage. Hoseok semblait happé par cette vision, osant à peine frôler du regard le visage de sons vis-à-vis. Le bonheur lui allait si bien, et il aurait aimé le voir comme ça tout le temps. Mais ils furent brusquement ramenés à la réalité par le grondement du tonnerre, un peu trop proche. Ils allèrent s'abriter sous l'abribus de l'autre côté de la rue, et restèrent silencieux. La musique de la pluie contre les parois en plastique de leur petit radeau leur donnait l'impression d'être enfermés dans un petit cocon à part du monde. Mais le sourire de Namjoon s'était déjà enfui, laissant place à des souvenirs douloureux.
Le rouquin observa impuissant ses yeux se voiler et son corps se recroqueviller. Son torse encore mince secoué de frissons et ses bras fragiles l'entourant dans un maigre espoir d'y trouver de la chaleur, le brun revint lentement à la réalité. Il aurait aimé oublier, et rester encore un peu plus longtemps assis sur le métal froid du train. Mais ses blessures l'avaient rattrapé. C'était beau d'imaginer un autre monde où il repartirait à zéro, mais dans celui-ci, il n'était toujours que l'ombre de celui qu'il avait pu être. Son compagnon l'enlaça tendrement, mais il ne sentait rien d'autre que le froid qui lui dévorait l'âme.
S'il y avait bien une chose qu'il savait, maintenant, c'était que malgré le nombre de pas qu'il pouvait faire en avant, tous ceux qu'il avait fait pour parvenir jusqu'à là faisaient tout autant partie de lui.
Les jours s'écoulaient doucement, et il se sentait flotter vers des jours meilleurs, mais il portera pour toujours le poids de ses regrets. Et, alors qu'il éclatait encore en sanglots, Hoseok le serra plus fort.
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Chapitre un peu court encore une fois, mais je tenais à le publier quand même.
On approche doucement de la fin, même si tout n'est pas figé, et le prochain chapitre est presque terminé.
Je pense à réécrire encore le premier tome une dernière fois ensuite, où à continuer mes autres histoires ; ce qui est sûr c'est que je finirais mes projets actuels, même si ça prends un peu de temps.
Merci encore de me lire, j'espère sincèrement que ça vous plaît (j'ai envie de publier la fin juste parce que je suis tellement pressée de savoir ce que vous en pensez mais vous verrez bien x)
Je vous aime, prenez soin de vous <3
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