Septième Grain
Deux heures du matin, dans un bar quelconque près du centre de Séoul.
Sa tête pesait lourd.
Tellement lourd qu'il n'arrivait pas à la lever.
Pourtant, la surface froide sur laquelle elle était posée était tout sauf confortable. Un brouhaha léger se faisait entendre à travers le brouillard épais qui semblait le tenir à l'écart du reste du monde.
Il avait mal aux mains. Il n'avait pas de mal de crâne, en soi : il se sentait juste totalement éloigné du monde réel, comme s'il avait lâché prise.
Lentement, il ouvrit un oeil. Des couleurs bleues, jaunes, rose fluo. Une ambiance tamisée propice aux rapprochements, le bruit familier et sourd de basses résonnant dans le sol, faisant vibrer la table contre laquelle il s'était visiblement effondré. Plus loin, le chaos : une mêlée de corps suants et désireux, aux vices à peine nommés, qui se frottait les un contre les autres dans l'espoir de trouver quelqu'un pour assouvir leurs envies malsaines.
Si Jungkook avait été dans son état normal, il se serait probablement haï d'avoir eu recours à de tels moyens pour tenter d'oublier ses problèmes. Mais bourré -et probablement défoncé- comme il l'était, c'était le cadet de ses soucis.
Et tout lui revint. Les larmes roulèrent sur son visage fatigué, sans même qu'il n'essaie de les retenir.
La mort de Yoongi.Sa relation foireuse avec Taehyung. La possessivité de Taehyung. La mort de Jimin. La jalousie maladive de Taehyung. Puis, quand il pensait que leur relation était en fin à peu près saine et normale, l'égoïsme de Taehyung. Peut être le pire...
Il ne le reconnaissait même plus.
Ce Taehyung qui s'appuyait sur lui comme si sa force supportait le monde entier alors qu'il était si fragile et brisé. Ce Taehyung qui ne lui demandait plus comment il allait. Ce Taehyung qui, parce qu'il avait eu le job de ses rêves, partait du principe que Jungkook abandonnerait sa vie pour le suivre à l'autre bout du monde, quoi qu'il advienne, sans même concerter ce dernier. Ce Taehyung qui était heureux, sans remarquer que Jungkook cachait toute la peine du monde derrière ses caresses bancales.
Qui était cet homme qui oubliait que Jungkook était humain?
Aucune idée.
Mais il tuait Jungkook.
Grain par grain, miette par miette, il arrachait en Jungkook chaque partie de bonheur pour construire la forteresse de "leur" avenir heureux.
Et ça faisait encore plus mal à Jungkook. Parce que le châtain ne lui voulait pas de mal. Parce qu'il ne voulait pas que leur relation ne se termine. Parce qu'il avait tenu coûte que coûte, parce que Taehyung l'avait aidé à oublier Jimin.
Mais était ce vraiment bon que sa vie tourne autant autour d'un seul homme ? Il savait que non. Et il n'était plus bien sûr de supporter tout ça.
Parce que ce n'était pas tout.
Parce qu'il n'avait à fausser ses sourires que devant son Hyung, non, sinon ce serait trop facile.
Il y avait aussi les caméras.
Jungkook avait toujours été quelqu'un de franc et de honnête, et qui méprisait profondément le monde hypocrite de la haute société et le monde mythomane des médias. Il s'était juré de ne jamais devenir comme ces gens faux, oppressés par la constante présence de photographes, de regards sur eux.
Et pourtant, Taehyung, avec son faciès incroyablement gracieux et son homosexualité à peine masquée, montait en popularité. Attirant les regards de la télévision sur Jungkook, qui pourtant essayait de rester dans son coin.
Et il haïssait ça.
Les messages haineux sur les réseaux sociaux, les médisances, et tous ces gens qui guettaient, attendant de sa part un léger pas de travers pour ruiner sa vie, tous souriants, évidemment.
En soi, c'était à cause de Taehyung.
Mais Jungkook n'avait jamais rien dit.
Parce que ça tenait à coeur à Tae.
Tae qu'il avait aimé après Jimin, qu'il avait aidé à aller mieux et à vivre heureux pour oublier le défunt.
Ça avait porté ses fruits.
Aujourd'hui, il était l'étoile montante du mannequinât, selon les magazines. Le plus beau visage du monde; une personnalité hors du commun ; l'égérie de ce parfum à l'odeur délicieusement boisée, soupoudrée de musc ; un homme qui attirait homme et femmes ; une perfection.
Mais qui était vraiment Taehyung ?
Parfois, Jungkook se demandait si les journaux n'en savaient pas plus à propos de son petit ami qu'il n'en savait lui même. Et c'était effrayant. Ce monde du fameux, ce monde charmeur était terriblement effrayant.
Et voilà.
Voilà où se trouvait Jungkook.
Perdu au milieu de tout ça, au milieu de tout ce beau monde.
Il alluma son téléphone avec lenteur, sanglotant toujours, et les lumières et la moiteur de la boîte de nuit donnant à son visage gracieux et doux des airs enchanteurs. Il parvint, avec peine, à appuyer sur le premier numéro qu'il voyait -et il voyait trouble, justement-.
- Allô ?
La voix était grave. Assez douce, et, paradoxalement, assez froide. Et surtout très, très, très fatiguée.
- J-imin...?
Un silence lui répondit. Un très long silence, mais qui lui parut aussi court qu'une seconde.
- Jungkook... Où es-tu ?
- J-je sais p-pas, Hyung. Mais y-a de j... jolies lumières tu devrais voir !
Et voilà que Jungkook se faisait dévisager par tous les occupants des tables aux alentours parce qu'il gazouillait et babillait comme un bébé, d'une voix de fausset absolument insupportable.
- Écoute moi Kook. Active la localisation sur ton téléphone.
Et le brunet parvint, après douze minutes d'essais infructueux, à s'exécuter.
Après, ce fut assez flou. On lui parlait, il se rendormait, puis on le réveillait et le portait. Des flashs violents traversaient ses paupières, et il aurait presque eu envie d'ouvrir les yeux si la soudaine sensation d'avoir reçu un coup de massue sur le crâne ne l'en avait pas soudainement empêché.
Des lèvres pulpeuses sur son front. Et son corps, balloté comme un petit saucisson, et enfin une surface assez moelleuse pour qu'il puisse s'abandonner aux portes du sommeil dont il rêvait.
" " "
Encore, il se réveilla.
Avec l'étrange impression que c'était le même jour qui se répétait, encore et encore.
Mais le mal de crâne qui l'assailli lorsqu'il se mit en position assise lui fit clairement comprendre que la soirée d'hier n'était pas un rêve.
Il se leva, le regard trouble, la bouche pâteuse, et pour une fois il faisait plutôt tiède dans la pièce. Taehyung avait du allumer le chauffage. Ça le fit sourire. Ils haïssaient tous deux le froid du matin, et ils oubliaient pourtant toujours d'allumer le chauffage.
Il avança dans l'appartement avec la fougue et la vitesse d'un vieux zombie. Autant dire qu'il mit presque dix minutes pour atteindre la salle de bain. Il se lava le visage, se brossa rapidement les dents et les cheveux, et prit une petite douche avait de se maquiller très légèrement : blush pour éviter le teint pâle, fard à paupière, gloss rosé. Ensuite, il retourna s'habiller, satisfait de son apparence.
Il arriva dans le salon en chantonnant de sa voix grave.
Mais la vue de Taehyung, assit sur le canapé, le regard froid, le dos droit, eu tôt fait d'effacer son sourire. Un silence lourd s'abattit sur la pièce, comme si soudainement le brun se souvenait de la raison pour laquelle il avait bu la veille.
Il vint s'assoir à côté de son petit-ami.
Le silence dura un peu. Et, soudainement, le châtain explosa.
- Bordel Jungkook ! Qu'est ce que t'as foutu !
Sa voix était forte, et terriblement grave. Signe d'une colère trop retenue.
- Tu vas pas me faire chier, non plus. C'est toi qui as commencé !
- Mais on a plus quatre ans, bordel ! Tu penses avant d'agir ou quoi ?
- J'ai toujours été impulsif, et ça changera pas ! C'est toi qui est trop égoïste, t'as même pas essayé de me retenir putain !
Sa voix résonna dans la pièce. Et Taehyung se retourna violemment vers lui, le sondant de son regard empli de haine.
- Mais putain ! Tu vois pas que je fais ce qu'il y a de mieux pour nous deux ? Mais tu veux ruiner ma carrière, toi, espèce de salaud !
Jungkook écarquilla les yeux .
- Mais j'ai rien fait tu saoules putain !
Et à l'autre de rageusement sortir son téléphone avant lui plaquer rageusement sur le front, et de se lever. Jungkook prit le téléphone et jeta un rapide coup d'oeuil.
- Mais j'y peux rien si un connard a pris des photos de moi !
- Tu te rends compte ? Ça pourrait être fatal pour ma carrière !
- Et moi j'en ai ras le cul de faire attention à chaque fait et gestes ! J'suis pas comme vous, j'suis pas faux comme tu peux l'être ! Et au moins, tu partiras pas à l'autre bout de la planète !
- Pardon ? Mais ferme là ! Tu me demandes de sacrifier mon rêve pour un toxico alcoolique qu'est pas capable de faire un petit sacrifice pour moi ?
Le regard noir de Jungkook devint obscur. Et il se leva précipitamment, allant chercher le sac qu'il avait préparé la veille, avait de partir. Il revint dans le salon, se plantant devant Taehyung, le brûlant de son regard.
- J''en peux plus, Taehyung. J'en peux plus de toi, de vivre avec toi, de me plier en quatre pour toi. J'en ai marre de ta célébrité à la con et j'en ai marre que tous mes faits et gestes soient épiés, pour qu'à la moindre erreur on puisse dire que faudrait mieux que tu te trouves un meuf. J'en ai marre de toi. Tu reconnais jamais tes torts. Alors tu sais quoi ? Casses toi. J'essayerais pas de te rattraper. Vas-y, oublies moi, trouves toi un faux-cul prêt à te lécher les bottes. Fais le tour du monde, j'en sais rien, mais j'veux plus rien avoir à faire avec toi. Parce que moi, les mecs qui passent leur journées à se lancer des fleurs, et les gars qui préfèrent l'argent à la passion, bah j'en ai rien à foutre, tu vois. Donc j'me casse. En attendant, mets toi tes photos bien profond et va annoncer à la presse qu'on a cassé, ça te fera passer pour quelqu'un de bien. Et puis-
Il soupira longuement avant de passer une main dans ses cheveux.
- Non, tu sais quoi, va juste te faire foutre.
Et il partit.
La porte claqua très, très fort.
- O-ouais c'est ça, casses-toi ! J'ai pas besoin de toi de toute façon.
Sa voix était brisée et partait dans les aigus. Sa phrase puait le mensonge, le faux.
Et il éclata en sanglots.
Cette fois, Jungkook était vraiment parti. Il le sut quand il fit un tour de la chambre. Quand il vit que son radio-réveil et ses livres manquaient. Le pire, c'était surement que ses affaires étaient déjà prêtes... Depuis combien de temps envisageait-il de le quitter? Peut-être que Jungkook n'était qu'un connard qui attendait le moindre prétexte pour se barrer...?
Et c'est ainsi que le lendemain matin, Taehyung prit sa décision.
Il allait vendre l'appartement.
Partir définitivement pour Rome, sans dire au revoir à personne.
Réaliser son rêve.
Devenir un homme célèbre.
Mais surtout, il allait oublier Jeon Jungkook.
" " "
Voilà, j'espère que vous avez aimé !
J'ai décidé de publier tous les dimanches, au moins jusqu'à ce que je me mette sur Tears.
Qu'avez vous pensé de Jungkook ?
De Tae ?
Qui a eu raison, vous pensez ?
Enfin, bon, à la semaine prochaine !
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top