Chapitre 9

On sort du parking de l'hôpital vers 16 heures. Je n'ai donc pas le temps de déposer Lola chez ma mère. Surtout si je veux être à l'heure pour mon rendez-vous avec mon comptable. Je ne peux pas me permettre de le faire attendre, surtout que je l'ai déjà repoussé dans la journée.

— Bon, Lola on va direct chez le comptable. Je n'ai pas le temps de te laisser chez mamie avant.

— Okay, pas de soucis.

Comme à son habitude, Lola ne fait pas de vague. Elle a toujours été très accommodante. Jamais, elle ne râle sur le programme d'une journée ou s'il y a des modifications de dernières minutes.

A peine arrivé, je suis déjà reçu. Cela me change après la journée que je viens de passer à attendre, durant des heures.

Avec mon comptable, ça se passe très bien, faut dire que c'est lui qui me suit depuis le début de mon aventure. On discute des impôts, des prévision pour l'année à venir, du chiffre d'affaires en progression, de la possibilité d'une nouvelle embauche et surtout du changement de ma camionnette, qui n'est plus toute jeune, la pauvre. Ce n'est pas l'aspect de mon métier de chef d'entreprise qui me plait, bien au contraire.

Je ne suis pas à l'aise avec tous ces chiffres. Donnez-moi quelques légumes et une cuisinière, là je suis dans mon élément. Mais je sais que je n'ai pas le choix que je dois en passer par là. Surtout si je souhaite rajouter un pâtissier à mon équipe.

Mon rendez-vous a été un franc succès, je n'ai eu que des bonnes nouvelles, enfin si on ne pense pas au montant du prochain impôt qui va mettre prélever sur le compte bancaire, ce mois-ci. Mais je vais pouvoir chercher un petit apprenti pâtissier qui viendra gonfler mon équipe de quatre personnes, ce qui n'est pas mal pour une petite entreprise.

Ce qui me permettra de proposer plus de desserts de qualité à nos clients, en plus de nos entrées et plats principaux. Puis aussi de transmettre mon savoir-faire, car j'ai également une formation de pâtissier. Sauf que je manque bien souvent de temps pour proposer des choses nouvelles à notre clientèle, en croissance constante depuis des années. Une paire de bras supplémentaire me le permettrait.

En me ramenant jusqu'à l'accueil, où m'attend sagement Lola, mon comptable m'apprend une dernière bonne nouvelle.

— Au fait, j'ai un client qui souhaite faire un petit truc dans son bureau pour les fêtes de fin d'année. Il cherchait un traiteur, je lui ai donné ta carte de visite.

— Cool, merci beaucoup.

— De rien, je le fais avec plaisir. D'ailleurs tu peux m'en donner d'autres, je crois que je n'en ai plus.

J'en ai toujours dans mon portefeuille. On ne sait jamais quand on peut en avoir besoin. Je lui en donne une bonne dizaine. Je ne suis jamais contre un peu de publicité gratuite. Et lui est mon meilleur représentant sur le terrain. Bien souvent, il me commande son déjeuner du midi. Et il n'hésite pas à m'envoyer un mail de critiques lorsqu'il est déçu. Ce qui est une grande source d'aide pour moi.

D'ailleurs en partant, il m'interrompe lorsque je vais passer la porte d'entrée.

— Très bon, le tournedos Rossini de midi !

J'éclate de rire en sortant devant cette affirmation qui me confirme que j'ai trouvé ma voie.

Sur le chemin, qui nous conduit chez ma mère, j'en profite pour questionner Lola.

— Tu devais aller où en l'absence de ta mère ?

J'espère que sa réponse ne va pas trop me mettre en colère. Je n'ai pas besoin d'une autre mauvaise nouvelle, celles que j'ai obtenu chez mon comptable mon remonté le moral, il ne faudrait pas que sa réponse foute en l'aire ma bonne humeur fraichement acquise.

— Chez Coraline.

Ça va, Coraline est la meilleure amie de ma fille. Sa famille sont des gens très biens et stables. Je n'en reviens pas que Natasha leur ait refilé notre fille durant je ne sais combien de temps.

— Faudra les prévenir que tu n'y dormiras plus.

Je les appellerai lorsque l'on sera arrivé. Je poursuis mon interrogatoire, elle ne peut m'échapper dans la camionnette, sauf si elle décide de ne plus répondre à mes questions ou de sauter de la voiture en marche.

— Tu devais y rester combien de temps ?

— Deux jours, après c'était ton tour de me garder.

C'est vrai que ma garde commence dans seulement deux jours. D'habitude, je profite que Lola soit chez sa mère pour finir plus tard, pour pouvoir lui consacrer plus de temps lorsqu'on se retrouve la semaine suivante. Mais là, pas question que je la laisse dormir chez quelqu'un d'autre que moi. Même si je pense le plus grand bien de la famille de Coraline. Je garde mon bébé avec moi, surtout après la journée que je viens de passer.

Je me gare chez moi, puis on rejoint rapidement la maison de mes parents. Celle qui m'a vu grandir, faire les 400 coups avec mes frères. Ma cabane dans le jardin existe toujours, et je sais que ma fille va si réfugier régulièrement. J'adore venir mis ressourcer. Je sais que ça ne dérange jamais ma mère de m'y accueillir à bras ouverts.

En arrivant devant, je constate que la voiture de Matthieu est garée dans l'allée. Bien évidemment, il vient aux nouvelles et comme il me connaît si bien, il savait que je viendrais directement chez maman et papa. Lola, elle est déjà à l'intérieur à faire des câlins à sa grand-mère.

A peine, la porte passée que je suis accueilli par des éclats de voix. Dans ma famille, tout le monde parle fort.

— Salut la compagnie.

Comme je le suspectais, Lola est déjà dans les bras de ma mère à chercher un peu de réconfort maternel, que je ne pourrais jamais lui donner. Et que sa mère ne lui donne pas plus, mais elle, c'est par choix. Ma mère est plus que disposée à lui en donner des tonnes. Elles ont donc une relation très soudée, toutes les deux. Elles sont inséparables. Je sais que lorsque Lola se trouve chez Natasha, elle téléphone régulièrement à ma mère, pour le plus grand bonheur de sa véritable maman, qui ne supporte pas cela.

— Hey, me répond mon frère.

Il est venu encore seul. Je ne sais pas trop ce qu'il se passe avec sa femme. Mais elle ne vient plus à la maison familiale, elle qui la trouvait si charmante au début de leur relation. Je vois plus trop les petits, non plus. Il va falloir que je l'attrape rapidement pour que l'on en discute tous les deux. Car je sens bien qu'il a des problèmes, mais qu'il ne veut pas nous en parler.

— Bon raconte nous tous, Simon !

Ma mère me sort de mes réflexions. Comme toujours cette femme est très pragmatique. Et j'imagine qu'elle a besoin d'être rassurée, tout comme moi. Je lui résume donc notre journée aux Urgences. De temps en temps, Lola rajoute un commentaire.

— Papa a était odieux avec une infirmière, sauf avec la dernière.

Alors là, cette remarque de ma fille, je ne la sens pas, mais alors pas du tout. Car elle ne va pas passer inaperçue au sein des membres de ma famille.

— Simon pourquoi as-tu était méchant avec cette pauvre femme ?

Bon c'est passé inaperçue du coté de ma mère.

— C'était qui cette dernière infirmière ?

Bingo, j'étais sûr que mon frère allait relever ce commentaire. Je le regarde pour lui signifier : « Pas maintenant ! Y a maman ». Sauf que bien sûr, mon message, je ne le délivre pas à la bonne personne. Car la petite voix de ma fille résonne dans la pièce et répond à ma place à la question de mon frère bien trop curieux.

— Sarah, je crois.

Un énorme silence s'abat dans la cuisine de ma mère. Cette dernière a arrêté de cuisiner le repas pour ce soir à l'annonce de Lola, elle a le couteau en suspend au-dessus de sa pomme de terre, l'image pourrait me faire rire si je n'avais pas peur de la suite de la conversation.

Ma fille n'a pas conscience de la bombe qu'elle vient de faire exploser dans la pièce. Même si le silence qui suit sa déclaration devrait la mettre sur la piste.

Je traduis assez facilement le regard que me lance mon frère « tu vas passer à la casserole ». S'il croit que je suis le seul qui vais passer sur le grill, il se fourre le doigt dans l'œil. J'essaye de lui répondre de manière non verbale, comme lui, « Toi aussi ! ».

Notre mère met fin à la tension ambiante.

— Je suis contente que tu n'aies rien de grave. Mais quelle idée, ils ont ces professeurs aussi, leur faire faire de l'escalade, franchement.

— Mamie, je ne suis plus un bébé.

Lola a horreur qu'on l'infantilise.

— Mais si, tu seras toujours le nôtre.

Elle conclut son affirmation par un bon pinçage de la joue de ma fille. Aïe, j'ai mal pour elle.

La soirée reste bon enfant. Ma mère nous a concocté un délicieux diner. J'en profite d'autant plus que ce n'est pas moi qui l'ai cuisiné. J'adore cuisiner, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit. Mais comme tout le monde, j'apprécie aussi de mettre les pieds sous la table et de n'avoir rien à faire, sauf savourer les excellents mets que nous a préparé ma mère.

Matthieu est resté diner avec nous. Ce qui est, selon moi, très louche. Pourquoi ne dine-t-il pas avec sa femme et ses garçons ? Je dois lui faire sortir les vers du nez, ce soir, pour pouvoir lui venir en aide.

Pendant des années, il a été mon confident et mon meilleur conseiller en relation amoureuse. Il est plus que tant que je lui renvoie l'ascenseur, même si pour lui, j'aurais préféré ne jamais avoir à le faire.

— Maman, demain tu pourras t'occuper de Lola ?

C'est quand même bien pratique de vivre juste à côté de ses parents. Surtout quand on est père célibataire. Soit ma mère vient chez moi quand je pars au marché, en attendant que Lola se réveille. Soit, maintenant qu'elle est plus âgée, ma fille rejoint directement ma mère chez elle, une fois réveillée et habillée.

— Bien sûr, mon grand.

Aaaahhhh !... Je n'ai plus 5 ans, bon dieu. 

J'approche la trentaine, franchement, il serait tant que ma famille me trouve un nouveau surnom. Je prends sur moi car c'est ma mère qui me l'a dit. Mais je vois bien que Matthieu ricaner derrière sa serviette. S'il croit être discret, il se trompe lourdement. Il ne paie rien pour attendre celui-là, ma vengeance sera savoureuse.

D'ailleurs qu'est-ce qu'elle a ce soir, ma mère, à nous prendre pour de jeunes enfants ? D'abord Lola, puis maintenant moi, j'ai vraiment hâte que l'on en arrive à Matthieu.

Après un autre bâillement de ma fille, j'en conclus que la soirée est terminée pour nous, je dois la ramène chez moi pour la mettre au lit.

— Allez Lola, on y va.

— Je viens, s'empresse d'ajouter Matthieu.

Celui-ci ne perd pas une occasion de me soutirer des informations, etceux depuis mon plus jeune âge. Alors là, pour lui, c'est une occasion en or.Mais j'ai bon espoir de renverser la situation en ma faveur et de lui tirerquelque vers du nez moi aussi.

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