Chapitre 2

Après avoir fini d'installer les viandes dans la quinzaine d'emballages pour ce midi. Je laisse terminer mon bras droit et commis de cuisine.

— Louis, rajoute les légumes au box. Et remplit les cagettes avant l'arrivée du transporteur.

Même si je sais que Louis est parfaitement rodé à l'exercice, depuis le temps qu'il travaille avec moi. Je ne peux pas m'empêcher de lui donner des instructions, c'est plus fort que moi.

— Oui, chef !

Je note bien l'ironie dans le ton de sa voix lorsqu'il me répond. Sans les autres dans la cuisine, il m'aurait plutôt répondu « sans déconner ! ». Pour lui montrer que j'ai bien compris sa réponse sous-jacente, je lui fais un prodigieux doigt d'honneur en quittant la cuisine.

Avec son accent chantant, Louis est l'italien dans toute sa splendeur. Tous les stéréotypes de l'italien sont réunis dans sa personne, et je le soupçonne dans jouer en plus. Grand, brun, fine moustache, il parle constamment avec les mains, ce qui peut poser de sérieux problèmes lorsqu'il tient un couteau.

Quand, il est arrivé dans ma société, la première chose qu'il m'a dit est gravé à jamais dans ma mémoire :

— Embauchez-moi, je vais changer votre vie !

Et sérieusement, il ne m'a pas menti. Depuis que je travaille avec lui, ma vie n'est effectivement plus la même.

Comme tout bon italien qui se respecte, c'est un dragueur invétéré. Dès qu'il est en présence d'une jolie fille, c'est plus fort que lui, il faut qu'il lui fasse du gringue. Bien sûr, à l'arrivé de Nadège dans l'entreprise, et ce malgré mes avertissements et mes réprimandes, Louis a fait son gros lourd en l'invitant, en passant devant l'accueil plus que de raison, en faisant des allusions sexuelles plus ou moins douteuses et plus ou moins subtiles.

Puis du jour au lendemain, plus rien. Il a changé de comportement vise à vis d'elle. Je la soupçonne de lui avoir expliquer sa façon de penser, d'une manière assez imagée, car il faut savoir que Nadège est loin d'avoir sa langue dans la poche. Et lorsqu'elle a quelque chose à dire elle ne se fait pas prier pour l'exprimer.

A force de le voir draguer, on pourrait s'attendre à ce qu'il ait trouvé chaussure à son pied. Mais non, il papillonne toujours autant, de droites à gauches, de femmes en femmes, sans aucune attache.

Mais à côté de ça, c'est un homme au grand cœur, qui répond toujours présent quand vous avez besoin de lui. Ce qui est devenu assez rare de nos jours.

Avant d'atteindre, l'intimité de mon bureau, je passe devant l'accueil. Je fais un petit signe à l'intention de Nadège pour qu'elle me transfère l'appel de cette folle furieuse. A peine la porte refermé derrière moi que le fixe de mon bureau sonne. Je décroche à contre cœur, mais je n'ai hélas pas le luxe de faire autrement que de lui répondre.

— Natasha.

Je sais que je pourrais être un minimum poli, en commençant ma phrase par un bonjour par exemple. Mais je n'ai pas le temps et surtout plus la force de l'être avec cette personne. J'ai trop donné par le passé, je n'ai plus rien en stock à lui transmettre.

— Et maintenant, tu oses me faire poireauter au téléphone avec cette horrible musique !

Okay, elle est en forme ! Elle m'attaque direct. Qu'est-ce que je vous disez ? Elle ne l'est pas plus que moi de toute façon. Donc je ne me vois pas faire des efforts que je sais pertinemment qu'elle ne fera pas de son côté, elle n'en n'a jamais fait de toute façon, ce n'est pas maintenant qu'elle va commencer. Je sens qu'une migraine va se loger dans ma cervelle avant la fin de cette conversation.

— Tu sais très bien qu'à cette heure-ci, je suis en cuisine en plein rush pour le service du midi ! En plus, les fêtes de fin d'année approchent, j'ai donc du travail par-dessus la tête.

J'ai l'impression d'avoir à faire à une gosse. Chaque fois, il faut que je lui réexplique que je suis chef cuisinier et patron, par conséquent que je dois travailler, moi. Ce qui n'est pas son cas, et ce depuis plusieurs années déjà. Je ne suis même pas sûr qu'elle ait déjà travailler de sa vie, en tout cas pas à ma connaissance.

— De toute façon, quand on t'écoute tu es toujours débordé, ça ne changera jamais, Simon.

Elle est sérieuse. Oui, je bosse comme un dingue depuis des années, et alors. Moi au moins, je dois ce que j'ai, qu'à moi-même et à mon travail acharner, ce qui bien évidemment n'est pas le cas pour Mme Martinez, qui doit tout ce qu'elle possède à son cher et tendre mari. Je n'ai pas le temps de répliquer, elle poursuit comme si elle ne venait pas de me lancer une pique en pleine poire.

— L'école viens de m'appeler. Lola est tombé dans la cour.

Là, c'est une vraie urgence. Tous mes sens sont en alerte maximale. C'est bien la première fois qu'elle m'appelle pour quelque chose de vraiment important. Comme quoi elle commence à s'assagir avec le temps. Y a de l'espoir. Tout n'est pas perdu pour elle.

— Elle va bien ? Qu'est-ce qu'elle a ? Elle s'est fait mal comment ? Tu l'as amené aux urgences ? Qu'as dit le docteur ?

Je sais que je la bombarde de question, mais là j'ai vraiment besoin d'être rassuré.

Oh mon dieu, qu'est-ce qui a bien pu se passer ? Elle était peut-être en train de jouer au ballon avec ses amis. Quand un des enfants n'a pas su maitriser sa force, ce n'est pas facile à cette âge-là, il a envoyé le ballon à Lola, qui étourdie comme elle est, ne l'a pas vu venir et se l'ai pris en pleine tête. Bien sûr sous le choc, elle est tombée, sa tête, déjà bien amochée et venue se fracasser contre le bitume de la cour. Elle souffre d'un traumatisme crânien qui lui a fait perdre connaissance.

Ou alors, Lola était sur un banc à discuter avec ces copines, sauf qu'aux lieux de s'assoir normalement, elle s'est assise sur le dossier du banc, comme elle a la mauvaise habitude de faire en ce moment. Sauf que durant sa conversation animée avec ces copines, elle perd l'équilibre et tombe en arrière, dans un mouliné de bras et de jambes, qui empêche quiconque de pouvoir la rattrapé, pour finir sa course sur le sol. A l'impact sa petite tête se fracasse contre une pierre. Bien évidemment, du sang s'écoule de sa blessure, abondamment, ce qui fait paniquer ses petits camarades. Dans la cohue générale, le personnel enseignants et administratifs met un certain temps à repérer et à découvrir Lola, inconsciente sur le sol avec plein de sang autour d'elle.

Dans ma tête, le pire des scénarios est en train de se former : Lola gisant au sol dans la cour de l'école, se vidant de son sang. Sans personne autour d'elle pour lui porter secours.

Et là, je suis en train de me disputer avec Natasha au lieu qu'elle soit à son chevet pour la faire soigner et la réconforter. Alors que le plus urgent est de lui porter secours, pas de me téléphoner pour m'informer. Ça pouvait attendre ce soir, que Lola soit en sécurité et sauvé.

C'est la voix super aigüe de Natasha qui me tire de mes lugubres pensées.

— Je ne sais pas. Ils viennent tout juste de m'appeler. Je n'ai pas le temps d'y aller. C'est pour ça que je t'appelle à mon tour.

Il doit y avoir une caméra cachée dans mon bureau, ça ne peut être qu'un canular, une farce. Comment une mère qui ne travaille pas, n'est pas au chevet de son enfant lorsqu'il lui arrive quelque chose d'assez grave pour que l'école t'appelle ?

Je suis tellement estomaqué par sa déclaration, que j'en reste sans voix. Elle comprend à mon silence que j'ai besoin de plus de précisions.

— Ecoute, je suis occupée là. Je ne peux pas y aller. Vas-y toi.

En fait, non, elle très sérieuse. Et c'est bien ça le pire. Je sens que mon sang commence à bouillonner dans mes veines. Je suis envahi par la colère. Et bien sûr, il va falloir qu'elle sorte.

— Mais tu ne travailles pas. Faut que je finisse le service de midi. J'ai de la paperasserie à classer et j'ai même rendez-vous chez mon comptable cette après-midi. Je ne peux pas y aller.

Je suis un peu virulent dans mes propos. Je sais qu'il faut que je me calme. Ça ne sert à rien de s'énerver avec elle. C'est même contreproductif sur Natasha, si vous vous énervez, vous obtenez l'inverse de ce que vous souhaitiez. Le passé me la souvent démontrer.

Mais le film qui se joue dans ma tête ainsi que la bêtise de cette femme, n'aide pas à ce que je me détende et que mon rythme cardiaque ralentisse pour que je puisse réfléchir calmement et sereinement à la situation actuelle.

— Simon, ce n'est pas parce que je ne travaille pas que je n'ai rien à faire. Je suis très occupée, moi aussi.

Quoi ? Le coiffeur ? un rendez-vous chez l'esthéticienne ? Il me reste assez de bons sens pour ne pas formulez a voix haute mes suggestions.

C'est bien ce que je disais, vous n'obtenez pas ce que vous désirez. Cette femme veut ma mort. Ce n'est pas possible. Bien souvent, je me dis que le jour où je l'ai rencontré, j'aurais mieux fait de me casser une jambe, voir même les deux en même temps. Je sais que mes propos sont violents. Mais c'est pour dire à quel point, elle m'apporte que des emmerdes depuis les onze années où elle est entrée dans ma vie. Et je suis, hélas, loin d'en être débarrassé. Excusez-moi par avance pour mon vocabulaire à son propos.

Je réfléchis à toute vitesse. Il va falloir que j'y aille car elle n'ira pas, je le sais. Au moins cette fois-ci, elle m'a appelé pour m'avertir, pas comme il y a deux ans. Dans quelque temps, c'est l'école qui va me téléphoner pour que je vienne. Je n'ai donc pas le choix, je suis au pied du mur. Il faut que j'y aille. Avant de mettre un plan en place, il faut que je vois Lola. Et le plus tôt sera le mieux. Surtout pour me rassurer quant à son état de santé.

— D'accord, j'y vais.

Ma réponse totalement blasée sur cette situation ne l'émeut pas plus que ça. Comme à chaque fois, elle a obtenu ce qu'elle désirait de moi. C'est exaspérant à la fin. J'ai l'impression d'être une marionnette entre ces mains expertes.

— Parfait.

Après ce seul mot, elle raccroche. Elle ne me demande même pas de lui donner des nouvelles sur l'état de santé de sa fille. Lola pourrait être entre la vie et la mort, que Madame n'en n'aurait rien à faire. Je vous jure comment une femme peut avoir aussi peut d'instinct maternel, ça me dépasse. Surtout que j'ai était élevé par une mère qui en avait à revendre. J'en est même plus qu'elle, alors que je suis un homme, c'est pour dire.

Bon ce n'est pas tout ça, mais il faut que je me dépêche d'aller récupérer Lola. Après avoir retiré en vitesse mes vêtements de cuisine. J'enfile un t-shirt, un jeans et mes converses noires. J'attrape ma veste en cuir marron avant de sortir de mon bureau. En passant, j'explique la situation à Nadège en version synthétisée. J'en fait de même à Louis avant de les quitter pour rejoindre au plus vite l'école de Lola.

J'ai toujours le plus grand mal à abandonner ma cuisine, même si je sais quel est entre de bonnes mains. Louis arrivera parfaitement à gérer la situation, je le sais, cela fait tellement d'année qu'on travaille ensemble. Au fil du temps, il est même devenu un peu plus qu'un simple employé.

Mais ma cuisine s'est mon bébé, je l'ai monté, créé seul à la force de mon travail, de ma volonté, de mon obstination et de mon acharnement. Je ne le partage avec personne d'autre, pas comme Lola. Elle est bien la seule chose que j'ai réussie avec sa mère.

***

Alors, que pensez-vous de ce debut d'histoire ? 

J'attends vos avis, ressenti avec impatience. 

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