Chapitre 10

Après avoir couché Lola, qui s'est endormi dès qu'elle a touché son lit, après la journée que l'on vient de passer, je comprends qu'elle soit fatiguée. Je le suis un peu moi-même, un trop plein d'émotions pour une seule journée. Je retrouve Matthieu attablé dans ma cuisine.

- Une bière ?

On boit rarement en présence de ma mère, sûrement des restes de son autorité parentale durant notre adolescence. Après nous n'avons jamais été de gros buveurs, ce qui doit y jouer aussi.

- Avec joie.

Sans la présence de notre mère, le masque de Matthieu est retombé. J'ai l'impression que les cernes sous ses yeux se sont accentuées, que son dos est encore plus vouté. Je le trouve épuisé, comme s'il portait tout le poids du monde sur ses épaules.

- Dit-moi qu'est-ce qui se passe Matthieu ?

J'attaque direct, pas besoin de tourner autour du pot, on est que tous les deux. Il boit une bonne partie de sa bouteille de bière avant de se lancer. Je le laisse faire, il a besoin de ça pour remettre ces idées en place, semble-t-il.

- Angélique a rencontré quelqu'un d'autre. Elle me quitte et demande le divorce. J'ai reçu les papiers, ce matin dans ma boite à lettres.

Il éclate de rire. Un rire sans joie mais plus d'abattement. Et moi, j'encaisse sa déclaration sans broncher. Cela faisait près de 10 ans qu'ils étaient mariés. Leur mariage a eu lieu durant la première année de Lola, sans compter les années de vie commune avant le mariage. A mes yeux ils étaient un exemple de couple solide, fait pour durer toute la vie, comme mes parents.

- ... Et moi qui pensait qu'il y avait encore un peu d'espoir pour notre couple, quel con je fais.

Je ne dis rien, je le laisse déverser toute sa rancœur qui doit s'accumuler depuis un certain temps déjà.

- ... On va devoir vendre la maison, trouver un nouveau logement, mettre en place la gardes des enfants. Et si, elle croit que je vais me contenter d'un week-end sur deux, c'est qu'elle ne me connait pas. Va falloir que je me trouve un requin d'avocat, un vrai tueur, car je ne me laisserai pas faire.

Je n'ose même pas imaginer la douche froide qu'il a subi en ouvrant sa boite aux lettres. Au moins, Natasha et moi, ça n'a surpris personne. A la fin de notre histoire, on se détestait, ce qui est toujours le cas, part ailleurs.

- Ça fait combien de temps qu'elle est partie ? je finis par demandais.

J'aimerai bien savoir depuis combien de temps, il bataille avec lui-même, seul, alors qu'il aurait pu venir me voir. Pour que l'on discute. Pour pas qu'il se retrouve seul chez lui à errer comme une âme en peine. Je lui en veux un peu d'avoir gardé tout ça pour lui, alors qu'il m'obligeait à tout extériorisé quand j'étais à sa place. Mais je mets ma rancune de côté. En priorité, je dois m'occuper de lui pour le moment, je le gronderais une autre fois, quand tout ceci sera derrière nous.

- Elle est partie vivre avec cette personne, il y a 2 mois.

Maintenant, je suis bien remonté contre ma belle-sœur. Enfin, il va falloir que je m'habitue à plutôt dire ex belle-sœur.

- Il ne faut pas que tu te laisses faire, Matthieu. Tu as raison, faut te trouver un requin d'avocat.

Je suis en train d'échafauder un plan. Il n'est pas question qu'elle lui retire ses enfants et qu'en plus elle le mette sur la paille, comme j'ai déjà vu chez d'autres gars. Ils ont tous perdu, les pauvres. Je ne veux pas que cela arrive à Matthieu. Je poursuis mon résonnement.

- ... Y a abandon du domicile conjugal. Un avocat doit pouvoir en faire quelque chose. Puis j'imagine qu'elle a arrêté de payer le prêt de la maison et les autres frais de la vie familiale. Peut-être que tu pourras même garder la maison. Ça serait plus pratique pour toi et les garçons. Ils pourraient garder leurs chambres, avoir un repaire...

- Je n'en veux pas de la maison, me coupe mon frère.

- Ce n'est pas grave, tu la revends par la suite. Car j'imagine que ce ne se doit pas être facile de vivre au milieu de tous vos souvenirs communs.

Quand je suis lancé, je me transforme en vrai bulldozer, qui dégomme tous sur son passage. Je n'ai qu'une envie, c'est protéger mon frère et mes neveux. Et si en même temps, je peux faire mordre la poussière à ma belle-sœur. Je ne vais surtout pas me gêner. Matthieu me connait mieux que personne. Il sait que dans ma tête, je suis en train de faire monter Angélique sur l'échafaud, prêt à la guillotiner.

- Arrête Simon. Je ne veux plus rien d'elle. Je veux juste avoir la garde alternée de mes enfants, car quoi qu'il arrive elle reste la mère de mes enfants. Je souhaiterais en finir le plus rapidement possible, pour ne plus penser à cette histoire.

Je le trouve résigné, abattu par cette histoire et le coup que lui a fait Angélique. S'il a besoin que quelqu'un le pousse à se battre, il est au bon endroit. Je ne vais pas le lâcher. Je vais être le même soutient, qu'il a était pour moi lorsque je me suis séparé de Natasha.

- Matthieu, tu ne peux pas la laisser détruire ta vie et tout ce que tu as construit, certes avec elle. Faut que tu te battes, sinon tout va revenir à elle et à son nouveau bouffon.

- Ça suffit Simon. C'est déjà assez humiliant pour moi. Je n'ai pas besoin que l'on en rajoute. Je veux juste en finir, et voir mes enfants.

Je commence à m'énerver contre mon frère, maintenant. Il n'est pas aussi lâche habituellement. Je sais bien que c'est humiliant de se faire plaquer pour quelqu'un d'autre, et à mon avis même tromper. Mais on peut se battre pour ce que l'on a, nos enfants, notre maison ...

Et puis ce n'est pas le premier à se faire quitter pour un autre, et ça ne sera sûrement pas le dernier. En ce moment même, je suis sûr qu'une, voir même plusieurs personnes, sont en train de se faire plaquer pour les mêmes raisons que lui.

Mais j'ai surtout peur que plus tard, lorsqu'il aura digéré cette histoire, qu'il s'en veuille de ne pas s'être plus battu. Et mon rôle, en tant que frère, est de lui faire ouvrir les yeux, quitte à se jeter des obscénités à la tronche. Ce n'est pas grave, je ne lui en tiendrais pas rigueur. C'est pour cette raison que je renchéris et le pousse dans ces retranchements.

- Mais, pourquoi ?

- Bon dieu, Simon, car elle m'a quitté pour une femme. Une femme !

Il hurle le dernier mot. Puis poursuit plus calmement comme résigné sur sa situation. Ou qu'il venait de se souvenir que sa nièce dormait dans une autre pièce de la maison.

- ... Je ne peux pas lutter. Je souhaite juste en finir. Alors s'il te plait arrête.

Après cette déclaration, le silence s'abat dans ma cuisine. Qu'est-ce que je peux répondre à ça ? Se faire plaquer pour une personne du sexe opposé c'est ce qui doit y avoir de pire. En fait, je ne sais pas ce qui est le pire. Et de vous à moi, je ne veux surtout pas le savoir. Mais je comprends mieux la réaction de mon frère. Son cerveau doit tourner à plein régime depuis un certain temps, surtout après autant d'années de relation, comme la leur.

- Je suis désolé, mais je n'ai pas d'alcool fort chez moi.

J'essaye de lui arracher un sourire comme je peux. Mais pour le coup, je manque cruellement d'inspiration, ce soir. Surtout face à la nouvelle qu'il vient de lâcher.

- Ne t'inquiète pas. Cela fait un moment que j'ai passé la période « Bourrage de gueule ».

Il mime les guillemets avec ses mains. Il termine sa bière avant de poursuivre avec plus de calme.

- J'ai passé la première semaine, anéantie. J'allais au travail en mode zombie. Et je rentrais le soir, chez moi, avec une nouvelle bouteille de Whisky. Ma pauvre secrétaire, elle a chargé quand j'y repense. Et puis un soir, seul dans ma grande maison, en train de me servir un verre supplémentaire, j'ai vu une photo de Nathan, Luc et moi. C'est à ce moment-là que je me suis fait la promesse de tout faire pour eux. Je n'ai pas bu ce verre de plus. Et depuis ce jour, je n'ai plus noyé mon chagrin dans l'alcool.

Je suis fière de mon frère, de le voir déjà essayer de remonter la pente malgré les obstacles qui s'annoncent devant lui et les garçons.

- Vous faites comment pour les garçons ? Une semaine chacun ?

Il faut maintenant que l'on s'occupe de la logistique. Ce n'est pas évident, surtout au début. Je suis bien placé pour le savoir. Mais je veux principalement qui se rende compte que je suis là pour lui. S'il a besoin, il lui suffit de me le demander.

- Angélique ne me pose pas de soucis là-dessus. On a les garçons une semaine chacun. On les récupère le vendredi soir lorsqu'ils sortent de l'école.

C'est une bonne chose. Entre Natasha et moi, ce n'était pas la même histoire. Et par chance, on n'était pas marié et nous louions notre logement principal de l'époque. Elle n'a pu m'embêter que sur la garde de Lola. Mais j'avais un bon avocat qui n'a rien lâché. J'aurais bien donné ses coordonnées à Matthieu mais il est parti à la retraite, depuis le temps.

- Bon, j'en ai marre de parler de moi. Passons à un sujet plus sympathique. Alors, comme ça tu as revu Sarah...

Je laisse Matthieu changé de sujet à sa guise, si sa peut lui redonner le sourire pour ce soir. Je veux bien passer à la moulinette pour lui.

- Oui, j'ai revu Sarah.

Je le laisse mariner un peu. Matthieu ne tient jamais bien longtemps de toute façon. Le suspense ce n'est vraiment pas son truc. En attendant qu'il craque, je sirote ma bière.

- Ahhh... Et alors ? Tu ne peux pas juste me dire ça ? Elle est toujours aussi belle ? Tu lui as demandé son numéro de téléphone ? Tu lui as donné le tiens ?

Et voilà, il n'a même pas tenu une minute. Je vous jure. Et maintenant, il me bombarde de question. Il a besoin d'étancher sa soif de réponse.

- Calme-toi, tu veux.

J'ai l'impression d'avoir en face de moi, un gosse dans un magasin de jouets. Il est incapable de se retenir.

- Elle est rentrée dans la chambre de Lola. Elle m'a demandé de signer un document. Elle m'a donné l'ordonnance et l'autorisation d'absence de Lola. Puis elle a filé, comme elle était arrivée, en coup de vent.

J'ai plutôt bien résumé notre entretien de cette après-midi. Je sais que j'ai omis tous les détails croustillants, comme la rougeur qui s'est propagée sur ses joues ou le trouble que j'ai ressenti au contact de sa main sur la mienne. Je souhaite juste garder ces détails pour moi. Comme s'il était moins réel, si je les partageais avec quelqu'un d'autre. Je reste donc égoïste et je les garde précieusement au fond de mon subconscient.

- Et alors, elle est toujours aussi belle ? Ou c'est devenu un laideron ?

A la question de Matthieu, je la revois relever ses magnifiques yeux bleus clairs sur moi. Son petit corps mais pas moins tonique, dont mes mains veulent redécouvrir chaque centimètre carré de sa peau. Ses cheveux dont j'aimerais défaire l'élastique, pour qu'ils encadrent son adorable visage avec son petit nez mutin, et qu'ils me chatouillent les joues pendant que je l'embrasse avec fougue.

Ce n'est que lorsque Matthieu se racle la gorge, que le brouillard dans lequel je me suis plongé se dissipe. Au petit sourire taquin de mon frère, je sais qu'il a très bien compris où mes pensées m'ont conduit.

Je garde mon fantasme dans un coin de ma tête, pour quand je me retrouverai seul, peut être avec ma main droite. Mais je m'égare encore, donc je préfère me reconnecter à la réalité en répondant à sa question.

- Oui, très belle, comme toujours. Elle s'est même bonifiée avec le temps.

Il ne se défait pas de son petit sourire à la noix, quand il poursuit la conversation.

- Tu comptes la revoir ? Et/ou peut-être tenter enfin ta chance avec elle cette fois ?

Ah oui, il a relevé le niveau de ces questions. Fini les petites questions bien gentillettes. On passe directe au sujet qui fâche.

- Euh... Je ne sais pas. Je n'y ai pas encore vraiment réfléchi. Et s'il faut elle est mariée ou elle a quelqu'un.

Il hoche la tête à ma déclaration en signe d'acceptation. Avec tout ce qui s'est passé dans la journée, je n'ai même pas eu le temps d'analysé le fait de l'avoir revu, après tant d'années.

Je n'ai pas souvenir d'avoir vu une bague à son annulaire gauche, qui serait un bon indice pour savoir si elle est mariée ou non. Après, je n'ai pas vraiment regardé, non plus. Je sais aussi que les infirmières ne portent pas de bijoux aux poignets et aux doigts, à cause de l'hygiène, comme pour moi, en cuisine. Certaines personnes insèrent leur alliance sur une chaine qu'elle porte autour du cou. Je ne me souviens pas d'avoir vu un seul bijou sur Sarah. On ne sait pas vu très longtemps, non plus. Puis l'absence de bijou ne veut pas forcément dire que Sarah n'est pas attachée sentimentalement à une autre personne.

- Simon, si tu lui ne parles pas. Tu ne le seras jamais.

***

Hey,

L'histoire entre Simon et Sarah continu dans sa version intégrale chez Shingfoo. Retrouver les en format e-book (17 Septembre 2020) et papier (Décembre 2020). 

J'espere qu'il vous ont plu et qu'il vous donnerons envies de poursuivre l'aventure avec eux.

N'hesitez pas à me donner votre ressenti.

Bises,

Julia 

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