Le soleil brille de tout son éclat dehors, éclairant la pièce de ses chaleureux rayons. Je me lève et vais fermer les volets turquoises de ma chambre.
La matinée apparaît peu à peu, la ville se réveille de sa torpeur pour commencer une nouvelle journée. Les vendeurs ouvrent leurs portes et retournent leurs petits écriteaux, pour indiquer que leur boutique est dès maintenant ouverte. Les bus et cars se bousculent pour amener les écoliers, collégiens et lycéens à leurs établissements. Les travaux de chantier reprennent, pour construire un nouveau bâtiment quelque part ailleurs, ou réparer l'un de ceux qui ont été vieillis par le temps. Des voitures de toutes les couleurs prennent la route pour se précipiter vers le travail de chacun. Les plateaux de tournages se réactivent, les acteurs recommencent à jouer et les caméramans à tourner, dès que le fameux « action ! » est prononcé. Chacun reprend sa routine, comme ils l'avaient fait hier et comme ils le feront demain. Comme le soleil qui se lève chaque matin pour se coucher chaque soir. Encore et encore. Je n'ai même plus besoin de voir ces choses pour les deviner, je les connais déjà par cœur.
Je me rends dans la cuisine pour me préparer un petit déjeuner, avant de retourner inévitablement à mon lit, sous la pression des bruits extérieurs. Chaque son, aussi infime soit-il, me fait l'effet d'un électrochoc, me stresse et me fige, comme si je n'étais qu'une minuscule souris dans un monde de matous affamés. Chaque son me rappelle l'univers, et ma petitesse au milieu de celui-ci. Chaque son me rappelle comment je pourrais me faire écraser comme une fourmi, d'un moment à l'autre. Chaque son me détruit un peu plus, alors que je m'étais promis de faire des efforts aujourd'hui. Chaque son me donne un peu plus l'impression de me faire poursuivre par le flambeau du monde, jusqu'à ce que celui-ci me dévore, car je ne suis pas à la hauteur. Je ferme ma porte à clés et me blottis sous la couette, en attendant que la bande-son du monde s'estompe.
D'aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours été dans cet état. Les gens, le monde, les regards, les rires, les chuchotements... Tout fini toujours par se mettre à tourner dans ma tête. Ça commence par un léger tournis, puis je n'arrive plus à respirer. Ma respiration devient saccadée et je n'arrive plus à atteindre l'air, j'ai l'impression de suffoquer. C'est comme si tout s'estompait autour de moi, que ce soit le paysage, les autres, les rayons lumineux de l'astre radieux, les voix ou les bruits de moteurs qui vrombissent à l'extérieur. Je n'entends plus rien d'autre que mon cœur qui bat, qui bat comme s'il voulait s'enfuir, sortir de ma poitrine et me laisser là, seule, dans le noir, loin de la lumière. Ensuite, ce sont mes jambes, puis mes bras, qui me lâchent. Je n'arrive plus à bouger ou à avancer. Je ne peux pas fuir. C'est comme si je m'étais soudainement retrouvée en pleine partie d'1-2-3 soleil, sans avoir rien demandé. Comme si même mon corps se disait que je ne valait plus la peine qu'il fonctionne pour moi, mais seulement pour les ordres du maître du jeu, que ce soit une poupée tueuse ou un simple enfant dans une cour de récréation. Lorsque ça arrive, j'ai l'impression de mourir.
Parfois, c'est un peu moins fort que ça. Par exemple, mes yeux ne me lâchent pas, même si les larmes m'empêchent de voir net. Ou alors, mes jambes restent suffisamment fonctionnelles pour me laisser le temps de me cacher loin des regards remplis de jugement. Parce que le pire dans tout ça, reste les yeux des gens qui me suivent, leurs lèvres qui bougent pour me demander ce qui cloche chez moi, leurs corps qui m'encerclent, comme si j'étais une bête de foire, une anomalie monstrueuse. Le jour qui braque un éternel projecteur sur moi.
Je soupire et me redresse en position assise, rejetant la couette qui me recouvrait. Il va bien falloir que j'y retourne, encore une fois. Je me traîne jusqu'à mon armoire et enfile quelques vêtements, les plus discrets possibles, pour éviter de me faire remarquer. Être le centre de l'attention ne ferait qu'augmenter les chances de faire une nouvelle crise. Je m'avance jusqu'à mon sac de cours et y fourre quelques cahiers, avec une lenteur d'escargot. Je ne veux pas y aller mais je n'ai pas le choix. Je dois me réveiller et me lever le matin, comme tout le monde. Je dois avoir des relations sociales, me faire des amis, comme tout le monde. Je dois étudier, pour ensuite travailler, pour me cotiser une retraite et finir mes jours tranquillement, comme tout le monde.
Je dois vivre au rythme du soleil, au rythme de la société, comme tout le monde. Je n'ai pas le choix.
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Note de l'auteure: J'ai essayé d'écrire ce texte du point de vue d'une personne atteinte d'une phobie sociale extrême. Je ne suis pas dans ce cas mais me suis basée sur de réels témoignages et articles, pour me rapprocher de la réalité autant que possible. Cet écrit place le soleil, à la fois comme l'astre qui nous éclaire, et comme le chemin que la société impose à chacun, alors que certaines personnes n'arrivent pas à s'y adapter (le fait de devoir réussir à avoir des relations sociales, faire des études, travailler etc...). J'espère avoir réussi à faire comprendre ça à travers mes mots.
Ce texte a été écrit il y a quelques mois, à l'occasion d'un concours hors-watty.
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