32. Noah : L'Irlande
La campagne irlandaise s'étend à perte de vue, les collines verdoyantes plongent doucement dans l'océan. Au loin, le vent porte le bruit des vagues s'écrasant contre les falaises, un écho constant. Devant nous se dresse une petite chapelle, ses murs blanchis par le sel de la mer, usés par le temps. Le ciel est d'un bleu d'hiver, glacé et sans nuages.
Nous nous tenons là, Shelley et moi, près du bénitier en pierre, sa surface autrefois polie par des mains pieuses, désormais noircie par les années. L'eau claire coule sur la tête du bébé que Shelley tient dans ses bras. Lux, son Lux, ce fils qu'elle retrouve à chaque fois que nous entrons dans cet univers qu'elle a façonné. Ses yeux, d'un bleu aussi pur que le ciel factice, fixent le monde avec cette innocence que rien n'a encore brisée.
Après le baptême, nous nous retrouvons dans une grande maison en pierre, perchée sur une falaise, face à l'océan. L'intérieur est chaleureux, baigné par la lumière dorée du crépuscule d'octobre. Le parfum sucré d'une charlotte aux fraises flotte dans l'air, se mêlant aux effluves pétillants du champagne. C'est une fête douce, discrète. Nos familles – ou du moins, celles que Shelley a imaginées – se tiennent là, autour de nous. Je ne reconnais aucun visage, mais cela n'a pas d'importance. Ici, dans ce monde intérieur, tout semble familier. Chaque sourire me rassure, chaque regard est un écho de ce que mon cœur aurait aimé vivre.
Shelley est là, rayonnante, tenant Lux dans ses bras avec une tendresse qui me serre la gorge. Je la regarde. La beauté de cet instant me submerge. Il y a une tranquillité dans ce tableau, une paix que je n'ai jamais connue dans la réalité.
— Pourquoi pleures-tu ? chuchote-t-elle en s'approchant.
Je sens ma vision se brouiller et me tourne pour essuyer mes larmes, un sourire déjà accroché à mes lèvres.
— Tout va bien, dis-je, forçant mes lèvres à s'étirer davantage.
Je suis bon pour ça. Pour sourire quand il le faut. J'ai appris.
Dans ce monde parfait qu'elle a tissé, elle a imaginé une mère pour moi. Quelqu'un que je n'ai jamais eu dans la réalité, une figure absente que je n'aurais jamais osée réclamer. Une silhouette bienveillante, pleine de chaleur. Et même si je ne lui dis pas, je m'abandonne au réconfort de ce monde. Je laisse Shelley savourer ces moments avec son fils retrouvé, sans l'encombrer de mes propres manques. C'est son espace, sa création, et je veux qu'elle puisse respirer, qu'elle puisse goûter à la paix.
Shelley est encore plus belle ici. Il y a quelque chose de lumineux en elle, une douceur intacte, inaltérée par la douleur de la perte. Ses traits sont fins, délicats, mais vivants, avec des joues rondes et roses qui s'illuminent à chaque sourire. Elle ressemble à une version de Blanche-Neige, ou peut-être à une Betty Boop plus réaliste.
Dans cet univers qu'elle contrôle, Shelley est toujours heureuse. Elle sourit beaucoup, rit même parfois. Cela n'existe pas dans la réalité. Pas de cette façon. Je m'émerveille de son imagination, de sa capacité à créer ces détails : les broderies minutieuses sur la nappe en lin, les rideaux fleuris qui encadrent les fenêtres, la cuisine d'où s'échappe ce parfum chaleureux de quatre-épices, comme si Noël revenait chaque matin.
Ce n'est jamais un instant figé, mais plutôt une suite de scènes qui s'enchaînent, des ellipses silencieuses, comme dans un film. Une touche de Light Academia, où le piano dans le coin semble jouer tout seul – mélodie fantomatique.
Nous visitons souvent cette grande maison sur la côte irlandaise. Parfois, nous nous retrouvons ailleurs, dans des parcs londoniens, à nourrir des écureuils roux tandis que Lux, plus âgé cette fois, court autour de nous avec des rires heureux. À chaque fois, dans ces mondes intérieurs, il n'est jamais mon fils, mais nous formons tout de même une famille. Une vraie famille, même si elle n'existe que dans ces créations éphémères.
Les semaines passent ainsi, chaque week-end nous ramenant à ces instants volés. Shelley revient toujours, assoiffée de revoir Lux, de le tenir contre elle encore et encore. Et moi, je m'y enfonce aussi, doucement, volontairement, dans cet univers où elle m'offre, sans même le savoir, tout ce que j'ai toujours désiré.
* * *
Shelley relève les yeux vers moi, son sourire toujours aussi lumineux, mais derrière ce bonheur apparent, je devine la tristesse enfouie. Elle l'a bien dissimulée, dans ce monde parfait qu'elle a conçu. Ici, elle n'a pas à affronter la perte, la souffrance.
C'est un refuge pour elle, tout autant qu'un piège.
— Noah, tu viens ?
Elle m'appelle depuis la fenêtre, Lux endormi dans ses bras, bercé par la rumeur des vagues qui frappent les falaises. Je hoche la tête et m'avance vers elle, mais une part de moi hésite. Je suis conscient de l'artifice de cet instant, de cette perfection volée au réel.
C'est étrange, ce bonheur fragile.
Je me penche pour déposer un baiser sur le front de l'enfant. La chaleur de son corps contre le mien me surprend toujours, comme si, dans ces moments, tout devenait plus réel que je ne voudrais l'admettre. Et pourtant, je sais que je garde le contrôle. J'ai l'habitude de ces plongées dans l'imaginaire, de me perdre dans des mondes fictifs chaque nuit, d'en tisser des récits comme autant d'échappatoires. Mais pour Shelley, tout ça est nouveau. J'ai peur qu'elle ne s'y enfonce trop profondément.
Un jour, je devrai lui dire qu'il nous faut arrêter. Ce que nous faisons ici, dans ces mondes intérieurs, ne peut être une solution permanente. Ces endroits sont des refuges, oui, mais ils ne peuvent pas remplacer la vie réelle. Ils sont des inspirations éphémères, pas des réalités où s'ancrer.
Je le sais trop bien : le retour à la surface est toujours brutal, surtout quand le monde réel paraît si fade à côté de l'univers que l'on s'est construit dans sa tête. Mais je veux croire, malgré tout, que la réalité peut être belle. Même pour moi. Malgré ma vie, malgré ce que j'ai enduré jusqu'ici, je reste convaincu que la vie réelle peut suffire. Elle peut être vibrante, pleine de sens. Il suffit de trouver la bonne personne pour la partager.
Cette personne peut être singulière ou plurielle, mais elle est celle qui donne du sens à ce que vous faites, celle qui rêve avec vous, qui vous suit dans vos délires les plus fous, vos aspirations pour l'avenir. Si vous trouvez cette personne, vous avez gagné le jeu de la vie.
Alors, les jours où le ciel est lourd et gris, où le vent déchire les branches nues, où l'hiver semble vous courber sous son poids, vous plierez, oui, mais vous vous relèverez. Parce que l'amour, même s'il n'est pas magique, est une force. Une aide précieuse.
Est-ce que je suis fou de croire en l'amour ? On m'a toujours dit que ce n'était pas pour moi. Je ne suis ni totalement humain, ni vraiment une machine. Alors, qu'est-ce que je suis exactement ? C'est une question à laquelle j'aimerais bien avoir une réponse, un jour.
Shelley se penche au-dessus du berceau, berçant Lux une dernière fois avant de le déposer dans les draps immaculés. Ses gestes sont pleins de douceur, et elle veille à ne pas troubler son sommeil. Le bébé émet un soupir en s'enfonçant dans ses rêves, encore enveloppé de la chaleur maternelle. Shelley reste un instant penchée au-dessus de lui, caressant du bout des doigts ses boucles blondes, et je sens toute l'affection qu'elle a pour cet être qui, ici, lui est rendu.
Je m'approche, me tenant à quelques pas de Shelley. Elle se redresse lentement et me regarde. Son sourire est tendre.
— Il est si paisible, murmure-t-elle en s'éloignant du berceau.
Je hoche la tête et effleure son bras.
— Viens, chuchoté-je en attrapant sa main.
Elle me suit sans hésiter. Nous nous glissons dans la salle de bain attenante, laissant le bébé dormir. L'endroit est baigné d'une lumière douce et blanche – le soleil d'hiver. Je ferme la porte derrière nous, nous isolant davantage.
Je tourne les robinets, et l'eau commence à couler, remplissant la baignoire avec un léger murmure. Le parfum des huiles essentielles que Shelley ajoute emplit bientôt la pièce, un mélange de néroli et de jasmin qui nous détend immédiatement.
Elle se tient près du lavabo, observant mes gestes. Ses lèvres s'étirent dans un sourire timide, et je me rapproche, mes doigts glissant contre son bras, puis remontant le long de son cou. Elle ferme les yeux à mon contact, son souffle ralentissant.
— Noah... murmure-t-elle, comme un secret.
Je laisse mes mains effleurer son visage, puis se poser sur la boutonnière de sa chemise. Je défais chaque bouton, prenant mon temps. Est-ce qu'elle va me demander d'arrêter ? Elle m'aide à retirer le vêtement, qui glisse le long de ses épaules et tombe doucement sur le carrelage.
Je prends un instant pour la regarder, à la lueur hivernale, son corps à demi-dénudé baigné dans cette cartographie des nuages.
Elle est belle, tellement belle.
Shelley fait un pas vers moi, et d'une main hésitante, elle commence à déboutonner ma chemise à son tour. Nos gestes sont empreints de cette même retenue.
C'est nouveau pour moi.
Une fois débarrassés de nos vêtements, nous nous glissons dans l'eau. Celle-ci enveloppe nos corps d'une chaleur réconfortante. Shelley s'allonge contre moi, son dos pressé contre mon torse. Mes bras se referment autour de sa taille, et je dépose un baiser sur son épaule nue. L'odeur de ses cheveux mouillés se mélange à celle des huiles parfumées, et le silence de la pièce n'est interrompu que par le mouvement de l'eau.
Nous restons ainsi un long moment, nos respirations s'accordant. C'est un instant suspendu, loin de ce qui pèse sur nos vies. Juste elle et moi, dans cette bulle éphémère.
— Je me sens bien avec toi, Noah, murmure-t-elle, sa voix tremblante mais sincère.
Je pose mes lèvres contre son cou, savourant sa proximité.
— Moi aussi...
Ce moment est fragile, je le sais. Mais pour l'instant, il est parfait.
Je sens Shelley se détendre contre moi. Mes mains glissent sur ses bras, ses épaules, chaque centimètre de sa peau douce et mouillée. Mes doigts descendent le long de ses côtes, caressant la courbe de ses seins. Je m'arrête, hésitant, avant de les effleurer. Sa poitrine se soulève sous mes caresses, puis je sens son souffle se hâter. Elle ne dit rien, mais son corps parle pour elle. Je joue avec la mousse, la laissant glisser sur ses tétons, mes doigts frôlant les contours sensibles de ses seins.
Shelley laisse échapper un soupir, mais je sens aussi sa gêne dans la façon dont elle se tend légèrement. C'est cette timidité qui la rend encore plus belle, cette manière qu'elle a de se retenir, d'être vulnérable tout en cherchant à ne pas l'être. Je le sais, je le ressens. Elle est encore en train de se protéger, même ici, même avec moi.
— Laisse-toi aller... je murmure à son oreille. Tu es en sécurité... Je te tiens.
Je la caresse avec précaution, laissant ses réactions guider mes mouvements. Ses tétons durcissent sous mes doigts, et je sens son corps se détendre à nouveau, malgré sa gêne. Elle se laisse aller, mais pas complètement. Jamais complètement.
Mes mains descendent sur son ventre, effleurant cette zone qu'elle semble vouloir éviter. Elle attrape ma main, la remonte un peu plus haut, avec une rudesse qui me fait comprendre ce qu'elle n'a pas encore dit. Je m'arrête là où elle veut que je m'arrête, et je l'embrasse dans le creux de son cou, pour lui signifier que je comprends.
Même après ces week-ends passés ensemble dans ce monde imaginaire, ici, sur ces côtes irlandaises qu'elle aime tant recréer, elle ne s'est jamais offerte à moi. À part ces baisers doux, ces câlins intimes comme celui-ci, elle garde une barrière. Et je respecte cette frontière. Peut-être qu'elle attend quelque chose. Peut-être qu'elle a encore besoin de temps.
Je n'ai jamais voulu la brusquer, jamais voulu précipiter quoi que ce soit. Même si... j'ai envie d'elle. C'est venu avec le temps.
Shelley est une fleur qui s'ouvre lentement, sous la bonne lumière, au bon moment. Je la laisse venir à moi à son rythme. J'ai envie de savoir ce que ça fait, de faire l'amour avec quelqu'un comme elle, dans ces circonstances. Quelqu'un qui vous fait vous sentir bien. Quelqu'un en qui vous avez confiance.
Je glisse mes mains sur ses hanches, caressant les rondeurs qui définissent son corps de maman. Elle a beau avoir perdu son petit garçon, c'est bien ce qu'elle est et ce qu'elle sera toujours. J'aime la sentir ainsi contre moi, toute gironde... exquise, éloignée des canons de beauté de nos hôtesses androïdes.
Mes mains retrouvent ses seins, les enveloppant doucement. Je les tiens là, sentant leur poids et leur chaleur. Malgré ce que je suis, je ressens ce besoin, ce désir. Ces moments avec elle éveillent quelque chose en moi : le besoin de la toucher, de la sentir, d'être près d'elle de cette manière. Elle me fait me sentir humain.
— Shelley... je murmure à son oreille. J'ai envie de toi.
Elle ne répond pas, mais je sens son corps réagir, se presser un peu plus contre moi. Ses mouvements sont timides, comme si elle essayait de contrôler ce qu'elle ressent, mais je l'entends. Son souffle s'accélère, un gémissement s'échappe de ses lèvres. J'aime ça. J'aime la façon dont elle se courbe sous mes caresses.
Je tiens ses seins plus fermement, les pressant dans mes mains. Sa peau glisse sous mes doigts, et je sens la chaleur monter en elle, en moi aussi. Je joue avec la pointe de ses tétons, et elle se cambre comme un petit animal. Adorable.
Un autre gémissement, plus audible cette fois, brise le silence. Et ce son... ce son résonne en moi d'une manière inattendue. Je sens mon propre désir monter, une tension que je ne comprends peut-être pas entièrement, parce que je ne l'ai jamais ressenti de cette manière. Ce n'est pas factice, ce n'est pas mon système. C'est moi. Complètement moi. Ma volonté.
— Noah... souffle-t-elle, sa voix pleine d'émotion et de désir.
Je la serre un peu plus fort, laissant mes mains explorer chaque courbe qu'elle veut bien m'offrir. Je veux qu'elle sente mon désir, qu'elle sache que quelqu'un comme moi peut l'aimer de cette manière, avec autant d'intensité.
— Je veux que tu te sentes bien, je murmure, mes mains glissant sur ses hanches. Tu es tellement belle, Shell...
Elle se tourne vers moi, sa tête reposant contre mon épaule. Son regard est différent.
Je vois sa main glisser sous l'eau. Un frisson m'électrise lorsque ses doigts s'aventurent jusqu'à mon sexe. Elle le saisit, et la sensation de sa paume chaude autour de moi m'arrache un gémissement.
— Moi, je ne suis pas encore prête, dit-elle à voix basse, ses lèvres à quelques centimètres de mon oreille. Mais ça ne veut pas dire que je ne peux rien faire pour toi... si tu en as envie ?
Mon souffle s'accélère, et un autre gémissement, plus profond, me trahit. Je la sens commencer à bouger sa main, créant une friction délicieuse sous l'eau.
— J'en ai très... très envie, haleté-je.
Sa main continue sa danse, glissant doucement mais fermement sur moi. Chaque mouvement envoie des ondes de béatitude à travers mon système. Mes hanches se soulèvent pour chercher plus de contact, plus d'intensité. La chaleur de sa paume, l'eau qui ondule autour de nous... et cette vague de plaisir qui monte ! Inexorable.
Chaque jour, je couche avec des inconnus. Mon corps est un outil pour le plaisir des autres. Mais avec elle, tout est différent. C'est comme si je découvrais mon corps pour la première fois, ressentant chaque sensation dans toute sa profondeur. Ce n'est pas mécanique, pas comme d'habitude.
Mon corps entier se tend lorsqu'une chaleur intense irradie dans chaque fibre de mon être. C'est une sensation de libération brutale, douce et violente. Mon souffle se coupe avant de revenir en halètements saccadés, mes doigts se crispent sur sa chair – sa hanche, son sein – la serrant plus fort contre moi alors que le plaisir m'étourdit. Une chaleur liquide s'épanouit sous l'eau, une décharge d'adrénaline mêlée à un abandon total.
Mon sexe palpite dans sa main, chaque va-et-vient m'arrachant un gémissement de plus, alors que l'extase me submerge et que je n'en peux plus.
— She- Shell... Tu peux t'arrêter... J'ai... déjà...
J'ai l'impression qu'elle vient de m'électrocuter ! D'une bonne manière.
Je la sens hésiter, puis elle relâche son étreinte. Je l'attire immédiatement contre moi, mon cœur battant à tout rompre sous l'effet des vagues de plaisir résiduelles. La sensation d'avoir joui dans sa main, si intime, me laisse vidé de toute énergie, mais rempli d'une émotion nouvelle. Il y a une chaleur dans mon cœur, un amour qui grandit à chaque instant passé avec elle. Chaque moment est sincère et authentique.
Je n'ai jamais ressenti ça pour quelqu'un d'autre...
* * *
Hello à tous ! 🌟
Shelley et Noah sont toujours dans leur monde, entre l'illusion et la réalité. N'hésitez pas à nous dire ce que vous en avez pensé dans les commentaires !
Merci à tous pour votre soutien et votre lecture, ça nous touche de savoir que vous êtes là, à chaque chapitre, à chaque étape de cette histoire 💙
Mel & River
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