29. Shelley : Alors, tu viendras ?
Je cligne des yeux, essayant de m'ajuster à la lumière bleue de la chambre. Un vertige me submerge ; je laisse échapper un soupir.
— Oh... expiré-je, tentant de me redresser.
Mais mon corps refuse de coopérer. Je retombe mollement sur l'oreiller, ma tête tournant à toute vitesse. Noah apparaît au-dessus de moi, son visage flou.
— Prends ton temps, murmure-t-il en caressant mon front. C'est toujours comme ça les premières fois.
Il marque une pause, puis ajoute avec un sourire amusé :
— Faut dire que je n'y suis pas allé de main morte...
Je souris faiblement, clignant des yeux pour essayer de revenir tout à fait. Tout semble encore irréel, mais peu à peu, la réalité s'ancre dans mes membres. J'inspire profondément, puis expire. Mes bras sont croisés sur ma poitrine, dans un geste presque défensif.
Avec précaution, je me redresse. Une nouvelle inspiration, et je regarde autour de moi. Les hologrammes des poissons traversent la suite sous les néons océaniques.
— Ça va durer longtemps, cette tête qui tourne ? dis-je, les mains à plat sur le matelas, ancrées de chaque côté de mon corps.
— Non, ça va passer. Laisse-toi le temps, Shelley.
Mais soudain, une vague d'émotions m'envahit, me traverse avec une telle intensité que je sens les larmes monter. Les images des profondeurs sous-marines, du vaisseau, de l'espace infini, et des nébuleuses roses me reviennent en tête. Je peux encore sentir nos baisers, la douceur de ses lèvres, l'ivresse de son toucher.
Et puis, une larme s'échappe.
— Pourquoi tu pleures ? demande-t-il en se penchant vers moi, sa main dans mon dos.
— Je me sens coupable...
— Coupable ?
Je secoue doucement la tête, essuie mes joues, et murmure :
— Je suis là pour Lux...
— Oui, je le sais. Je suis désolé de ne pas avoir pu te le montrer ce soir. Mais comme je te l'ai expliqué, il était essentiel que tu comprennes d'abord comment fonctionne un monde intérieur. Je ne voulais pas prendre le risque que quelque chose ne se passe pas comme prévu, qu'il y ait un bug et que tu paniques. La prochaine fois que tu verras ton fils, je veux que tout soit parfait, que tu en gardes un bon souvenir.
J'acquiesce, puis l'entends ajouter :
— Mais tu as dit « coupable » ... Pourquoi ? Parce que tu as passé un bon moment avec moi ? Écoute-moi bien, Shelley : tu as le droit de vivre pour toi.
Je me retourne à demi pour le regarder, et il m'offre un sourire léger.
— J'ai du mal à vivre pour moi... J'ai l'impression que je n'ai plus vraiment le droit de vivre après tout ce qui s'est passé.
— Quel idiot t'a dit ça ?
— Moi-même, j'imagine.
Un silence s'installe. Doucement, je me rends compte que les vertiges ont disparu.
— Tu peux m'enlever ça ? demandé-je en désignant le casque sur ma tête.
— Bien sûr.
Je sens ses doigts s'activer avec délicatesse. Il commence près de ma tempe, détachant le lien connecté à ma puce. Peu à peu, je retrouve la sensation de liberté dans mon crâne.
Du coin de l'œil, je vois Noah retirer son propre casque.
— Donc, la prochaine fois... je vais pouvoir revoir mon fils ?
— Absolument.
Un sourire réchauffe mon visage.
— Je reviendrai dans une semaine alors.
— Dans une semaine ? répète-t-il, une pointe de déception dans la voix.
Même si je lui fais confiance, une part de moi se demande si tout cela n'est pas simplement un aspect de sa programmation. Un moyen pour Prometheus de garder ses clients, de les faire revenir et payer plus souvent. Je sens déjà cette dépendance en moi, surtout maintenant que je sais que j'ai la possibilité de revoir mon fils.
— Tu ne peux pas revenir avant ? murmure Noah, m'extirpant de mes pensées.
Je le fixe, cherchant à lire dans ses yeux d'androïde. Il semble vraiment déçu. Une part de moi ne peut s'empêcher de craindre la manipulation... Je dois rester vigilante, pour mon propre bien.
— Les heures avec toi sont hors de prix, Noah... Je ne peux pas me permettre de venir plus d'une fois par semaine. Même si... j'aimerais. Mais je ne peux pas.
Il baisse la tête, et à cet instant, il semble si vulnérable.
— Et si... commence-t-il. Si j'avais un moyen de te faire rentrer gratuitement ?
Une étincelle de surprise, puis une vague de joie traversent mon cœur.
— Tu veux dire... en douce ? Oh non, je ne peux pas faire ça.
— Pourquoi pas ? Si je fais en sorte que ce soit sans risque pour toi ?
— Je ne sais pas, Noah. Je ne veux pas avoir d'ennuis.
— Laisse-moi essayer, au moins une fois, insiste-t-il en se redressant sur ses genoux, attrapant mes poignets.
Je tangue légèrement sur le matelas, et il m'aide à me redresser. Ses mains glissent le long de mes bras et s'y posent fermement.
— Tu pourrais venir demain ? continue-t-il. Mais... j'ai besoin que ce soit la nuit.
— À quelle heure ? Je travaille les jours de semaine et je me lève très tôt.
— Vers 2 h du matin.
— 2 h du matin ! lâché-je dans un rire nerveux. Je ne peux pas en semaine...
— Et le week-end ? Tu travailles ?
Je suis étonnée par son insistance, mais aussi touchée, car je comprends que c'est réellement lui, pas une programmation essayant de me soutirer de l'argent.
— Non, je ne travaille pas les week-ends. 2 h du matin, tu dis ?
— Oui, le club ferme à cette heure-là.
— Qu'est-ce que tu fais d'habitude quand tu es seul ?
— Je dors et je rêve ; j'utilise le casque. Le matin, avant qu'on rouvre, je m'occupe de ma charge et des fleurs dans le jardin d'hiver.
— Si quelqu'un me trouve avec toi...
— Personne ne te trouvera avec moi ! Personne ne vient jamais dans nos suites quand on est censé être en veille. Je te le promets.
— Et comment comptes-tu me faire entrer sans que personne ne me voie ?
— Laisse-moi gérer ça. Tout ce que tu as à faire, c'est être là vendredi. Disons... à 2 h 30 du matin. Tu attends derrière le club, près des bennes à ordures.
— Près des bennes à ordures ? répété-je en riant. C'est romantique...
Il laisse échapper un petit rire aussi, puis demande :
— Alors, tu viendras ?
Nos regards s'entrelacent, se tiennent.
— Oui, je viendrai.
Un sourire éclatant illumine son visage. À ma grande surprise, il se jette sur moi, me serrant dans ses bras avec une telle force que je dois lui dire de faire attention. Il s'excuse, puis je sens ses bras se desserrer avec une précision mécanique. Je l'étreins à mon tour, posant un baiser sur son cou. C'est incroyable comme il sait faire sourire mon cœur.
* * *
Merci infiniment d'avoir lu ce chapitre ! 💖 C'est vrai, il était un peu court, mais ne vous inquiétez pas, le prochain arrive plus vite ! En attendant, dites-nous tout : vos impressions, vos théories pour la suite, ou même ce que vous pensez des personnages. On adore lire vos retours et discuter avec vous ! 👀
On se retrouve très bientôt 💫
Mel et River
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