28. Shelley : La piscine
Clair de Lune de Debussy résonne autour de moi, comme si la mélodie émanait d'une baignoire remplie d'eau, étouffée, lointaine. Mon reflet vacille dans le miroir carré, encadré par de la peinture jaune. Je cligne des yeux plusieurs fois, cherchant à comprendre où je suis. La cabine est petite, avec un banc et une tablette sous le miroir. Le carrelage humide sous mes pieds nus contraste avec l'air lourd, chargé de l'odeur pénétrante du chlore.
Je scrute mon reflet, mes lèvres s'entrouvrent comme pour poser une question à cette autre moi-même dans le miroir. Pourquoi suis-je ici ? Aucune réponse. Juste cette étrange sensation d'irréalité. Puis, à travers la cloison fine à ma droite, j'entends du mouvement, des bruissements légers suivis d'une voix masculine. Sa voix.
— Je suis juste à côté, Shelley. Tu m'entends ?
Je hoche la tête par réflexe, avant de me rappeler qu'il ne peut pas me voir.
— Je t'entends. C'est... une piscine ?
— Une piscine municipale, mais un peu spéciale.
Je baisse les yeux et réalise que j'ai déjà un haut de maillot de bain sur moi. D'un vert profond, il semble moulé à une poitrine qui n'est pas la mienne. Ou du moins, pas celle que je connais. Je cligne des yeux, écarquillant les paupières en réalisant que mes seins semblent avoir doublé de volume. Instinctivement, je les soupèse, abasourdie.
— Je crois que tu as exagéré sur la poitrine, dis-je en me tournant de profil, scrutant le miroir.
De l'autre côté de la cloison, j'entends le rire léger de Noah.
— Hey, c'est mon monde intérieur, répond-il avec une touche de malice. Tu pourras imaginer des choses plus grosses sur moi la prochaine fois, je ne t'en tiendrai pas rigueur...
Je sens mes joues chauffer. Pourtant, une question me trotte dans la tête.
— Tu trouves mes seins trop petits ? demandé-je finalement, mes yeux fixant la cloison qui nous sépare.
— J'aurais dû voir cette question venir... Non, Shelley. Ils sont parfaits. C'est d'ailleurs l'une des premières choses que j'ai remarquées chez toi, dans le couloir du club.
— Le rêve de toute femme ! ironisé-je.
Il rit à nouveau, et ce petit échange me fait du bien. Le ton léger, complice, m'arrache un sourire sincère.
— Il n'y a rien de mal à être attiré par quelqu'un physiquement, reprend-il. On le fait tous, humain ou androïde. C'est instinctif.
— Peut-être... mais ce n'est pas la première chose que j'ai remarquée chez toi, Noah.
Je dis cela, mais mon ton manque de conviction.
— Menteuse... chuchote-t-il. Concentre-toi sur le miroir, Shelley, et sur ta poitrine. Visualise-la telle qu'elle est dans la vie réelle. Concentre-toi et laisse ton esprit faire le reste.
Je fixe mon reflet, m'efforçant de me souvenir de chaque détail de mon corps tel que je le connais. Ma poitrine rétrécit doucement dans le miroir, revenant à sa taille normale. Un souffle de surprise m'échappe, un « Wow... » émerveillé.
— Félicitations, murmure Noah derrière la cloison. C'était ton premier exercice, et tu l'as parfaitement réussi. Tout ce que tu veux peut exister ici. Tu dois simplement forcer assez le pouvoir de ta volonté, Shelley.
Soudain, trois coups secs à la porte de ma cabine me font sursauter.
— Noah, c'est toi ? demandé-je, la voix tremblante.
— Oui, c'est moi. Si tu es décente, tu peux sortir.
Je prends une inspiration, croisant à nouveau mon reflet dans le miroir. Lentement, j'ôte mon jeans, dévoilant le bas de maillot, aussi échancré que le haut. C'est un bikini magnifique, vert minuit, mais loin de ce que j'ai l'habitude de porter. Mes yeux dérivent sur mes hanches, mon ventre un peu trop mou, mes cuisses qui se touchent. Les ficelles du maillot remontent haut sur mes hanches, contrastant avec ma peau laiteuse.
— Décente... murmuré-je, hésitante. Je ne suis pas sûre de l'être dans ce truc.
— Pourquoi ? Quelque chose ne va pas ? Il y a un bug ?
— Non... c'est juste que... Je ne ressemble pas aux androïdes parfaites que tu as l'habitude de voir.
Rassemblant tout mon courage, j'ouvre enfin la porte. Noah est là, plus magnifique que jamais dans son short de bain ivoire qui semble taillé sur mesure. Je déglutis en sentant son regard glisser sur moi, évaluant chaque centimètre de ma peau exposée. Puis, ses yeux remontent aux miens, un sourire bienveillant étirant ses lèvres.
— Tu es très belle, murmure-t-il.
Je lui rends son sourire, mais timidement, comme une adolescente face à son premier flirt. Mon cœur bat plus vite quand il se penche vers moi et dépose un baiser sur ma joue. Ses lèvres sont chaudes, et cette chaleur se répand en moi alors qu'il se redresse.
Pendant un instant, j'oublie où nous sommes, qui il est, qui je suis. Ses yeux, deux galaxies, ne quittent plus les miens.
— Respire, tu vas t'étouffer sinon... plaisante-t-il avec un petit sourire.
Je laisse échapper un rire, la tension qui me serrait la poitrine se relâchant.
— Prête ? ajoute-t-il.
Je prends une inspiration et hoche la tête. Noah se détourne et traverse les vestiaires. Je le suis, mes pieds nus glissant sur le carrelage humide. Autour de nous, les échos de Clair de Lune continuent de résonner.
En arrivant près du bassin, je m'arrête, contemplant l'eau turquoise, hypnotique sous la lumière tamisée. Noah se retourne vers moi, m'offrant sa main.
— Viens, dit-il. Fais-moi confiance.
Je prends sa main, et ensemble, nous avançons jusqu'au bord de l'eau. Nos reflets dansent à la surface, troubles, démultipliés. Noah plonge le premier, sa silhouette disparaissant sous l'eau. Je l'observe un instant avant de le suivre. L'eau est tiède, enveloppante. Je m'y laisse porter, m'abandonnant à cette sensation de sérénité totale.
Noah m'attire vers lui, ses doigts effleurant ma peau sous l'eau, et je sens chaque contact comme un courant électrique. Nos regards se croisent à nouveau, et il sourit, un sourire léger, sincère, avant de murmurer :
— Bienvenue dans mon monde, Shelley.
Je lui rends son sourire, sentant que quelque chose de profond se passe entre nous, quelque chose qui dépasse les mots.
— Cet endroit... Qu'est-ce que c'est ? C'est réel ?
Alors que je pose cette question, un son résonne à travers le hall désert de la piscine. Des cloches, lointaines, emplissent l'air d'une mélodie solennelle. Je lève les yeux, et soudain, des gouttes d'eau fraîches commencent à tomber du plafond. Elles éclatent autour de nous, dans l'eau, perturbant le calme.
Noah sourit, amusé par ma surprise.
— La réalité, Shelley, c'est un concept très humain, dit-il en observant la pluie qui s'intensifie. Ça, c'est la mousson. Tu as déjà vu la Thaïlande au mois d'août ?
Je secoue la tête, les yeux écarquillés, fascinée par cette pluie qui devient de plus en plus dense. Les gouttes s'alourdissent, et soudain, un cri résonne. Je sursaute en sentant quelque chose frôler mes cheveux. Une ombre passe rapidement devant moi, insaisissable.
La piscine disparaît, remplacée par une jungle luxuriante. De gigantesques arbres nous entourent, leurs troncs imposants s'élèvent vers le ciel. Des lianes pendent autour de nous, et des singes minuscules – des ouistitis – sautent de branche en branche, gueulant joyeusement. Des oiseaux aux plumes éclatantes volent tout autour, leurs couleurs contrastant avec le vert profond de la végétation.
— Noah ! m'écrié-je en riant lorsqu'un singe me frôle et emmêle mes cheveux.
Je me jette dans ses bras, cherchant refuge contre la nature sauvage, et il éclate de rire, me serrant contre lui.
— N'aie pas peur, murmure-t-il à mon oreille. Tu ne crains rien ici.
Je lève les yeux vers lui, curieuse.
— Ça veut dire qu'on ne peut pas ressentir de douleur dans un monde intérieur ?
D'un claquement de doigts, la jungle disparaît, et nous revoilà dans la piscine. Je m'écarte légèrement, flottant près de lui, tentant de comprendre ce qui vient de se passer.
— Si, tu peux ressentir de la douleur, répond-il tranquillement. La douleur, c'est un signal dans le cerveau. Le casque peut reproduire ça. Certains clients aiment ressentir la douleur sans les marques... alors Prometheus a fait en sorte que ça soit possible ici.
— Tu pourrais... m'infliger de la douleur, toi aussi ?
— Oui. Mais je n'ai aucune raison de te faire du mal.
Je hoche la tête, rassurée par la sincérité dans ses yeux.
— Comment as-tu fait pour créer la jungle ? C'était si... réel.
Il se laisse flotter sur le dos, l'air complètement détendu, les yeux clos.
— Je passe beaucoup de temps dans ma tête, murmure-t-il. C'est ce qu'on fait quand la vie ne suffit pas, non ?
Je reste silencieuse un moment, réfléchissant à ce qu'il vient de dire, puis l'imite, me laissant moi aussi porter par l'eau.
— Ma vie ne m'appartient pas, Shelley, reprend-il doucement. Mais ici, je suis libre de faire ce que je veux.
— Le club sait que tu as ces casques ? demandé-je, intriguée.
— Non. Ils devaient être détruits, mais j'en ai gardés quelques-uns. D'autres pourrissent dans les sous-sols maintenant.
— Pourquoi ils ne les utilisent plus ?
— Pas assez rentable, et trop de bugs. Certains clients en sont devenus fous.
Je frissonne à cette idée.
— Est-ce que parfois, tu ne sais plus faire la différence entre la réalité et tes mondes intérieurs ?
À cette question, je l'entends bouger dans l'eau. J'ouvre les yeux et vois qu'il s'est redressé, son regard posé sur moi. Je me redresse à mon tour, nageant près de lui.
— Non, je fais bien la différence. C'est essentiel, dit-il d'un ton sérieux.
— Mais tu n'es jamais tenté de t'enfuir pour toujours ?
— Quelqu'un finirait par me trouver, casque sur la tête. Adieu mes expéditions magiques, plaisante-t-il.
Je ne peux m'empêcher de me sentir triste pour lui.
— C'est un peu comme toi avec le tramadol, dit-il soudain, sa voix plus grave.
Je m'arrête net dans l'eau, le cœur battant plus fort.
— Je te demande pardon ?
— On a vu la boîte l'autre soir, Shelley. Elle est tombée de ton sac. Tu ne prends pas ça pour des douleurs physiques, pas vrai ?
Je déglutis, secouant la tête.
— Je les prends pour oublier. Oublier un peu de moi.
— Tu te trompes, murmure-t-il. Ce n'est pas toi que tu essaies d'oublier. C'est le monde autour de toi.
Je baisse les yeux. Les paroles de Noah font écho à une vérité que je n'ose affronter.
— Pourtant, je sais que je ne devrais pas les prendre, dis-je en me remettant à nager près de lui. J'aimerais être comme ces autres adultes, ceux qui semblent avoir leur vie bien en main. Mais moi... j'ai l'impression d'avoir déjà échoué.
— Ne sois pas si dure avec toi-même. Quel âge as-tu ?
— Tu connais déjà mon âge, répliqué-je en levant un sourcil.
— Oui, mais dis-le quand même, joue le jeu. Je veux une conversation humaine normale, aussi normale que possible vu la situation, plaisante-t-il.
— Sans compter que je parle à un androïde... ajouté-je avec un sourire espiègle.
— C'est vrai. Mais je ne voulais pas empirer ton cas.
Un rire m'échappe, et je remarque son sourire attendri.
Nous sommes maintenant près du bord, et il laisse sa tempe reposer contre le carrelage bleu, ses yeux vairons fixés sur moi.
— J'ai 31 ans, finis-je par dire. Pourquoi tu me posais la question ?
— Parce que tu parles comme si tu étais déjà vieille, à deux pas de la fin. Mais tu as toute la vie devant toi, Shelley.
Je baisse les yeux, regardant les ondulations tranquilles de l'eau autour de nous.
— Tu as raison... Je l'oublie parfois.
— Ou peut-être que tu te vois déjà comme morte à l'intérieur, souffle-t-il.
Je relève le nez vers lui, touchée par la douceur de son expression. Il n'y a aucun jugement dans sa voix, juste de la compréhension.
— Oui... Oui, c'est vrai.
Ses doigts effleurent ma joue, sa caresse réconfortante. Son regard, incroyablement humain, parcourt mon visage avec une tendresse inattendue.
Je ferme les yeux un instant, pressant ma joue contre sa paume.
— Pourquoi... pourquoi es-tu si gentil avec moi ? murmuré-je, hésitante à croiser son regard. Est-ce que c'est juste parce que je suis une cliente ? Est-ce que ça fait partie de ta programmation ?
Il se rapproche, son expression se faisant plus sérieuse, presque grave.
— Ici, c'est mon univers, Shelley. Crois-moi, tu n'es pas une cliente. Je ne suis ni un objet, ni un gamin qu'on peut traiter à la légère.
Il marque une pause, cherchant ses mots, avant de continuer :
— Je sais ce que j'aime et ce que je n'aime pas... Et toi, tu m'intéresse.
Alors qu'il se penche vers moi, ses lèvres m'enveloppent dans une bulle de force. Si je devais choisir un monde où me perdre, ce seraient ses lèvres. J'y vivrais comme une fée minuscule, nichée dans un cocon de tendresse, où tout serait fait de son énergie.
Je m'accroche à lui, mes jambes entourant sa taille. Mes doigts se glissent dans ses cheveux mouillés, et je suis incapable de dissimuler le plaisir que je ressens.
Nous reprenons notre souffle à plusieurs reprises, battant des jambes pour rester à la surface. Nos regards se croisent, se redécouvrent sans filtre, sans barrière. Je goûte ses lèvres, mes mains explorant ses bras, la finesse de ses muscles, sa nuque, jusqu'à la racine de ses cheveux bruns. Puis, Noah rompt le baiser, plongeant son regard dans le mien.
— Shelley... murmure-t-il, sa voix basse et vibrante. Tu me rends vivant.
Sans réfléchir, je l'embrasse à nouveau, cette fois plus doucement, savourant chaque nuance de ses lèvres. Nos corps se pressent l'un contre l'autre, et je peux sentir chaque battement de son cœur artificiel. Mais en cet instant, tout est incroyablement réel, tangible.
Je perçois ses mains descendre sur mes hanches. Mon souffle se coupe un instant, puis je l'arrête. Nos lèvres se séparent, et je murmure :
— Je ne suis pas du tout prête pour... ça.
Noah me regarde, ses yeux cherchant une réponse dans les miens.
— Même ici ? demande-t-il d'une voix douce, sans insistance.
Je hoche la tête.
— Même ici, oui.
Il acquiesce, respectant immédiatement ma décision. Ses doigts effleurent ma joue, ses yeux plongés dans les miens. Puis, avec une étincelle de malice dans le regard, il me sourit mystérieusement et demande :
— Tu veux voir un truc incroyable ?
Je hoche la tête, curieuse et un peu excitée par la promesse de ce qu'il va me montrer.
— Alors plonge avec moi, dit-il.
Je prends une grande inspiration, remplissant mes poumons, et le suis. L'eau est plus fraiche alors que nous descendons vers le fond de la piscine. Soudain, le carrelage sous nos pieds se transforme, s'ouvre, dévoilant une faille faite de coraux fluorescents qui brillent de nuances d'émeraude et de violet. La beauté est saisissante, mais un frisson d'angoisse me traverse. Je vais manquer d'oxygène si on descend aussi bas.
C'est alors que la voix de Noah résonne dans ma tête, aussi claire que s'il me parlait à la surface :
— Tu peux respirer autant que tu veux sous l'eau. Essaye.
Surprise, je pense : Comment ? et Noah, nageant près de moi, continue de s'enfoncer dans cette immense faille qui semble s'étendre comme un océan sans fin.
— Touche sous ta mâchoire, des deux côtés, répond-il.
Je suis ses instructions et sens des ouvertures dans ma chair.
— Des branchies... soufflé-je, alors que des bulles s'échappent de mes lèvres.
Noah rit doucement, un rire apaisant, rassurant.
— Allez, viens ! Nage plus vite ! s'exclame-t-il, amusé.
L'excitation prend le dessus sur la peur. Je bats des jambes avec force, accélérant pour le rattraper dans cet océan de merveilles sous-marines.
— Qu'est-ce que c'est...? murmuré-je, fascinée, en désignant ce qui ressemble à de petites lucioles qui tournoient autour de nous.
— Du plancton.
Je m'arrête un instant, émerveillée. Ce monde aquatique est un tourbillon de sensations et de beauté qui semble rajeunir mon cœur. Nous continuons de nager, les courants chauds et froids caressant ma peau.
— Oh, mon Dieu... soufflé-je en voyant mes bras scintiller, recouverts d'écailles couleur rosée.
— Ça te plaît ?
— Hum... je ne sais pas si ça me plaît.
Noah rit doucement, sa peau désormais recouverte d'écailles lilas et bleues.
— Si quelque chose ne te plaît pas, pense simplement à ce que tu veux voir, et ça apparaîtra ou disparaîtra.
— Encore un exercice ?
— C'en est un si tu le souhaites, répond-il en souriant.
Je laisse finalement mes écailles réfléchir les lueurs qui percent l'onde azur. Lorsque nous touchons le fond de l'océan, un nuage de sable argenté se soulève autour de nous. J'en ramasse une poignée qui finit par s'échapper entre mes doigts.
— C'est magnifique, Noah... Merci.
— Tu n'as encore rien vu, réplique-t-il d'un air espiègle.
Je le regarde avec curiosité tandis qu'il pose ses mains à plat sur le sable, son corps se levant comme pour faire une chandelle.
— Fais comme moi, dit-il en me jetant un coup d'œil.
Je m'exécute, mon corps en apesanteur dans l'eau. Mes mains à leur tour posées sur le sable, j'observe Noah qui ferme les yeux, une concentration intense sur son visage.
— Noah...?
— Chut...
Le sable commence soudain à vibrer sous mes mains. Avant que je ne comprenne ce qui se passe, le fond de l'océan se transforme en une vitre épaisse. Devant nous, l'infinité de l'espace s'étend, grandiose et mystérieux.
— J'y crois pas... lâché-je, ébahie.
Noah rit, un rire frais et plein de vie.
— Regarde ! me dit-il avec enthousiasme. C'est la nébuleuse du papillon.
Devant nous, une immense nébuleuse se déploie, comme deux formes de lumière rouge et rose, qui s'embrassent dans l'immensité de l'univers. Les formes semblent danser autour de l'étoile centrale, comme un ballet cosmique.
Je tourne la tête vers Noah et réalise qu'il flotte près de moi.
— Je suis dans l'espace ! m'écrié-je, à la fois joyeuse et incrédule. Noah, je suis dans l'espace !
Il sourit en me voyant si émerveillée et se rapproche. Ses mains caressent mes joues, son nez frôlant le mien.
— C'est agréable... murmure-t-il. De ne pas être seul dans mes mondes intérieurs.
Nos regards se croisent, puis nos lèvres se retrouvent. Nous flottons ensemble, en apesanteur dans ce vaisseau de verre.
— Toi aussi, tu te sens seul ? demandé-je, reprenant mon souffle.
— Tout le temps.
Je caresse sa tempe, mes doigts effleurant les écailles lilas qui captent les lueurs des nébuleuses. Son regard se perd un instant dans le vide spatial, comme s'il cherchait quelque chose, ou peut-être quelqu'un. Une ombre traverse ses yeux, une mélancolie qu'il ne cherche pas à dissimuler.
Doucement, son regard se fixe à nouveau sur moi, plus présent, plus ancré. Il me sourit légèrement et dit :
— Ton dernier exercice : nous ramener dans ma chambre.
Je le regarde, surprise, mes yeux s'écarquillant.
— Et... comment je fais ça ? lâché-je, sentant l'angoisse monter.
Noah attrape ma main avec douceur, son ton rassurant.
— Tu serres bien fort ma main, tu fermes les yeux, et tu te concentres.
Je déglutis, mon cœur battant plus vite. Mais je m'exécute. Je serre sa main dans la mienne et me laisse guider par sa voix.
— Je veux que tu visualises ma suite, commence-t-il calmement. La skyline de Berlin, la baie vitrée, les murs, les lumières pastel... Les meubles, le lit... Et nous.
J'essaie de faire ce qu'il dit, de construire chaque image dans mon esprit, mais mon cerveau dévie sans cesse. Chaque fois que je pense tenir une image, elle se dissout, et la sensation de réintégrer mon corps s'évanouit. Je grimace, frustrée, toujours les yeux fermés.
— J'y... j'y arrive pas ! soufflé-je, dépitée.
Je sens la main de Noah se resserrer autour de la mienne.
— Concentre-toi. C'est pas grave si tu n'y arrives pas du premier coup. Imagine que tout est déjà là, autour de toi.
Je prends une profonde inspiration, m'efforçant de suivre ses instructions. Lentement, l'image de la suite devient plus nette. Je vois la baie vitrée, les lumières tamisées, le lit... Et je sens la présence de Noah à mes côtés, son souffle calme, sa main toujours dans la mienne. Petit à petit, la scène se stabilise, comme si je pouvais toucher chaque détail.
Puis, soudain, une lourdeur s'abat sur mon corps. Je me retrouve allongée sur le lit, mon esprit flottant entre deux mondes.
* * *
Merci infiniment d'avoir lu ce chapitre ! On espère que vous avez apprécié cette plongée dans l'univers de Shelley et Noah, où la frontière entre rêve et réalité se brouille...
Alors, qu'avez-vous pensé de cette piscine pas comme les autres ? On a hâte de lire vos retours ! 💬👇
À très bientôt,
Mel et River
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