20. Shelley : Fraises Tagada
Devant la suite de Noah, mon cœur s'accélère. Je scanne la carte et retiens mon souffle. La porte coulisse en douceur, révélant l'intérieur de la pièce. Un parfum agréable, à la fois apaisant et élégant, flotte dans l'air. Mes yeux explorent la chambre et s'arrêtent sur un homme à la peau noire qui secoue un édredon fraîchement changé. Nos regards se croisent et je le reconnais : c'est l'homme au chariot que j'ai rencontré la première fois.
— Votre suite est prête, dit-il d'une voix pressée.
Il semble en plein rush, ses mouvements nets et efficaces. Je lui adresse un signe de tête en remerciement. Il répond par un sourire rapide avant de disparaître dans une alcôve à l'arrière, avec ce que j'imagine être une sortie.
Je reste un moment immobile, absorbant l'atmosphère de la suite. La décoration élégante créent une ambiance intime et luxueuse. Un léger bruit provient de la pièce attenante, probablement la salle de bains, une sorte de vibration continue. Je me tiens là, les mains jointes, debout au centre de la chambre, incertaine de ce que je dois faire.
Une boule d'angoisse se forme dans mon ventre, les effets apaisants de l'alcool semblent s'être dissipés. Je toussote et examine les différents pots de fleurs autour de moi : des hibiscus et de la lavande. En me penchant près d'un meuble en verre poli, je découvre avec stupéfaction un modèle de roses que je n'avais jamais vu auparavant. Les roses changent de couleur, passant de l'ivoire à des pourtours fuchsia, et leurs pétales tournent sur eux-mêmes comme des toupies. Émerveillée, les yeux écarquillés, je me redresse, entendant toujours cette légère vibration.
Je m'approche de l'immense baie vitrée qui occupe tout un pan de la suite. Les lumières des buildings illuminent la skyline, et le flash rouge de la Tour de la Télévision clignote dans la nuit. Sur une étagère murale chromée, je découvre une petite collection de pierres apparemment banales, mais disposées avec soin, ainsi qu'un seul coquillage, présenté comme un trésor. Il y a aussi des vases aux formes féminines, des bougies, quelques carnets de croquis, et un pot en terre glaise brute rempli de pinceaux et de fusains.
Chaque détail semble révéler un fragment de l'univers de Noah.
Un holo-écran gambade gaiement sur le mur de droite. Curieuse, je m'approche et jette un coup d'œil. Je fais défiler le menu : cocktails pétillants, jus frais comme une matinée ensoleillée, douceurs sucrées et salées, et puis... des choses plus audacieuses.
Tout à coup, des sextoys apparaissent sur l'écran comme des confettis dans une fête. Je les observe un moment. Certains sont tellement excentriques qu'ils pourraient servir de décor dans un carnaval.
— Bonsoir...
La voix, sortie de nulle part, me fait sursauter. Mon cœur rate un battement. Je plaque mes mains sur ma poitrine, puis d'un geste maladroit, j'essaie de balayer l'écran, mais il zoome encore plus sur un sextoy aux couleurs de l'arc-en-ciel, imitant un pénis de cheval. Je fais glisser l'écran, jurant sous mon souffle, et j'entends un petit rire derrière moi.
Quand je parviens enfin à faire disparaître ces maudits sexes en latex, je pivote et me retrouve nez à nez avec Noah, si près que je manque de lui marcher sur les pieds. Je prends une grande inspiration, un rire nerveux s'échappant de ma bouche.
— Tu... Tu m'as fait peur ! Bon... bonsoir, dis-je finalement en secouant la tête, essayant de reprendre contenance.
Je fronce les sourcils, me maudissant intérieurement pour mon manque de sang-froid.
— Tu me trouves effrayant ? demande-t-il.
Je lève les yeux vers lui et découvre un sourire bienveillant, mais amusé.
— N- non...
— Ne t'inquiète pas, je ne mords pas... Sauf si tu me le demandes.
Ses yeux vairons fixent les miens, et je sens mon cœur battre la chamade. Il porte un peignoir bleu nuit, ceinturé très lâchement à la taille. Surprise, je sens sa main trouver la mienne. Il la soulève, puis mes yeux étonnés rencontrent de nouveau les siens.
— Qu'est-ce que tu veux faire...
Ses doigts pressent légèrement ma paume. Je suis prête à parier qu'il me scanne, vu la façon dont ses pupilles font un rapide zoom sur mon visage.
— Shelley...? ajoute-t-il.
Bingo ! Il vient de me scanner.
— Tu... tu ne me reconnais pas ? soufflé-je.
Je retire ma main et vois ses pupilles zoomer encore une fois.
Il secoue la tête après un instant.
— Non, je suis désolé. Nous nous sommes déjà rencontrés ?
Le terme « idiote » ne suffit pas pour décrire comment je me sens à cet instant précis.
— Je suis venue il y a une semaine, lundi dernier, tenté-je quand même. J'attendais dans le couloir et tu m'as poussé à ouvrir la porte de la suite 8 alors qu'elle était occupée.
Je sonde son regard, cherchant un éclat de reconnaissance. Rien.
— Tu dois me confondre avec un autre androïde.
— Confondre ? répété-je, une pointe de sarcasme dans la voix. Écoute, si tu te moques encore de moi...
— Je ne me moque pas de toi. Vraiment, je ne sais pas de quoi tu parles.
— Le vieil homme et l'androïde qui portait des santiags...?
Noah secoue la tête, affichant une moue perplexe. Je le scrute encore, essayant de déceler la moindre trace de mensonge. Il a l'air honnête. Une onde de déception me parcourt. Qu'est-ce que je me suis imaginé en venant ici, en cherchant ce robot qui n'a visiblement aucun lien avec moi, si ce n'est une transaction commerciale et un malentendu ?
— Tu vas bien...? murmure-t-il.
— Très bien, oui.
— Tu as l'air triste.
Je déglutis et le fusille du regard. Je n'aime pas qu'on me dise la vérité.
Surtout ce genre de vérité.
— Je vais parfaitement bien, dis-je en serrant les poings.
Il me fixe, ses yeux brillant d'une lueur de curiosité.
— Je suis désolé si je t'ai blessée, Shelley. Ce n'était pas mon intention.
Je me sens vulnérable. La tristesse est là, prête à jaillir.
— Ce n'est rien, finis-je par dire, tentant de retrouver mon calme. C'est juste... Je me suis imaginé des choses.
— Dans ce cas, c'est bien que tu sois ici. Tu sais ce que c'est cet endroit ?
Je pince les lèvres, sentant les larmes affluer à la lisière de mes cils.
— Un bordel ? lâché-je en haussant les épaules.
Il rit d'un rire silencieux qui fait vibrer l'air, puis hoche la tête.
— Oui, mais ce n'est pas n'importe quel bordel... C'est le royaume de l'imagination. Tu peux imaginer tout ce que tu veux ici.
— Et si je ne veux pas... commencé-je, mais mes larmes me rattrapent.
Je porte mon poing à ma bouche et tâche de me reprendre sous son regard étonnamment doux.
— Si je ne veux pas imaginer, mais vivre pour de vrai ?
Le poids des larmes m'étrangle la gorge, tandis qu'il me fixe d'un regard différent.
— Vivre pour de vrai... répète-t-il.
Un sourire doux-amer étreint ses lèvres trop parfaites. Sans prévenir, je finis par éclater en sanglots. Mon dos s'arrondit, puis je sens ses mains me tenir par le bras et la taille.
— Viens, dit-il doucement. Viens t'asseoir un instant.
Il m'entraîne vers le lit. Je m'effondre dessus, le visage enfoui dans mes paumes.
— Parfois, vivre pour de vrai, c'est aussi accepter qu'on a besoin d'aide, murmure-t-il en s'asseyant à côté de moi.
Je lève la tête, les larmes toujours présentes. Il me regarde intensément, ses yeux vairons fixés dans les miens. Pour un instant, le temps s'est arrêté.
— Alors peut-être que la première chose à faire, c'est de comprendre ce que tu veux vraiment. Et si tu veux vivre pour de vrai, je suis là pour t'aider à y arriver.
Ses mots résonnent en moi. Je prends une grande inspiration, essuyant mes larmes d'un revers de main et hochant doucement la tête.
— Pourquoi t'es aussi triste ? dit-il en se penchant vers moi. Tu veux me raconter ?
— C'est trop long... Trop long à raconter.
— Il te reste encore 52 minutes et 43 secondes. Tu as tout ton temps.
Je le regarde se lever, ouvrir une commode chromée, en tirer un paquet de mouchoirs et me le tendre. Je le remercie et prends un mouchoir, le tapotant sur mon visage.
— Alors, tu veux parler ? insiste-t-il.
— T'es quoi au juste ? Un gigolo ou un psy ?
Il rit, et malgré moi, un sourire effleure mes lèvres.
— Je crois que quand tu fais ce que je fais, tu es toujours un peu des deux.
Je le regarde s'étendre sur le lit, en appuie sur ses avant-bras.
— Tu n'imagines pas le nombre de personnes qui me racontent leur vie en venant ici. Si ça peut te rassurer, tu n'es pas la première.
— Ça ne me rassure pas vraiment d'être comme tous les autres, avoué-je.
Il fronce les sourcils – un silence s'ensuit. Lentement, il s'allonge sur le dos, ses jambes s'étirant paresseusement hors du lit, ses pieds nus caressant le tapis en fourrure. Il tend les bras vers le plafond, dessinant des formes invisibles dans l'atmosphère néon poudrée. Ses mouvements sont fluides, hypnotiques, puis il laisse retomber ses bras au-dessus de sa tête, ses doigts effleurant ses cheveux avec une grâce sensuelle.
— Tu n'es pas exactement comme les autres, dit-il. Toi, tu parles avant le sexe et tu ne m'as pas sauté dessus en arrivant.
Mes yeux s'arrondissent. Je suis étonnée de l'entendre parler aussi ouvertement.
— Je ne suis pas venue ici pour faire l'amour, murmuré-je.
Il se redresse sur ses coudes et me jette un regard surpris.
— Ah non ?
Finalement, je décide de m'allonger à ses côtés, adoptant la même position, mes jambes pendant dans le vide. Je tourne le visage vers lui ; ses yeux attendent une réponse.
— Non, dis-je simplement.
Voyant que je n'ai rien d'autre à ajouter, il reporte son regard vers le plafond.
— Je ne voudrais pas dire, mais la seule autre personne qui ne veut pas coucher avec moi, c'est une vieille dame de 80 ans... lâche-t-il.
Je ris doucement et l'aperçois sourire ; nos regards se croisent. Je lis une lueur espiègle dans ses yeux. Nous restons là un moment, dans un silence étonnamment agréable, à fixer les poissons holographiques qui nagent sous le plafond.
— C'est apaisant, dis-je après un moment.
— Ça te plaît ?
— Oui, c'est joli. J'ai beaucoup aimé les méduses du nightclub.
— J'adore ça, les méduses... souffle-t-il, l'air ailleurs.
— Pourquoi ?
Il renifle, puis répond :
— Parce qu'elles sont transparentes, mais elles existent quand même. Et puis, faut les toucher d'une certaine manière, sinon tu te brûles ! Je trouve ça fascinant.
— C'est une belle façon de voir les choses.
Nos regards se croisent de nouveau. Pendant un instant, Berlin n'existe plus.
— Qui c'est, cette vieille dame de 80 ans ? demandé-je.
— Elle s'appelle Edna. J'ai rendez-vous avec elle demain matin.
— Qu'est-ce que vous faites ?
Je regrette aussitôt ma question, mais heureusement, la réponse est beaucoup moins graphique que ce que j'imaginais.
— Elle croit que je suis son fils...
— Son fils ?
Je sens mon cœur se serrer : Lux...
— Elle a Alzheimer.
— Oh...!
Les poissons holographiques continuent leur ballet, leurs écailles créant des reflets dans l'air poudré.
— Je peux te poser une question ? dis-je alors.
— Bien sûr. Ce que tu veux.
Je prends une profonde inspiration, puis me lance :
— Est-ce que tu aimes ta vie ? Vivre ici ?
Ses traits se crispent. Un instant, j'ai l'impression qu'il va se redresser, mais une forme de tension s'empare de son corps, le figeant sur le matelas.
Il est en train de bugger ?
— Je suis très heureux de travailler pour le Club Frankenstein, répond-il d'une voix mécanique qui ne lui ressemble plus. Prometheus m'offre une vie agréable où je peux me rendre utile à la société, tout en poursuivant mes passions et en développant de nouvelles compétences.
— Ça ressemble à un discours appris par cœur... dis-je doucement.
Après quelques secondes interminables, il cligne des yeux et semble retrouver le contrôle de son corps. Il respire profondément, et ses muscles se détendent.
— Parfois, on ne peut pas échapper aux apparences, murmure-t-il.
Je vois sa langue humecter ses lèvres roses. Il plie sa jambe droite sur le côté, et ce faisant, la ceinture de son peignoir se détache légèrement. Le pan droit s'ouvre, révélant sa cuisse nue et ses poils bruns.
Je remonte à son visage et me rends compte qu'il me regardait déjà.
— Toi, tu n'as pas 80 ans, lance-t-il avec une innocence désarmante.
— Non, effectivement.
— Pourquoi tu ne veux pas faire l'amour ?
Je ris nerveusement, incapable de cacher mon malaise.
— Je... je ne crois pas avoir envie de répondre à cette question. Pas maintenant.
— Pas maintenant ? Ça veut dire que tu comptes revenir ?
Un léger silence.
— Peut-être.
Il sourit doucement.
— Je peux me tourner vers toi ? demande-t-il après quelques secondes.
Je hoche la tête, et il s'allonge sur le côté, son visage à quelques centimètres du mien. Il se contente de me regarder dans les yeux, serein. Je fais de même et trouve une étonnante forme de bien-être dans sa présence, si près de lui sans même nous toucher.
Nos respirations se synchronisent, créant un rythme apaisant et harmonieux.
— C'est l'une des conversations les plus agréables que j'ai eues avec un humain, affirme-t-il en fermant les yeux.
Je l'observe : ses longs cils, son air serein, ses bras repliés contre son torse enveloppé dans le peignoir bleu nuit. Lentement, je lève ma main et passe mes doigts à travers ses cheveux bruns. Il ouvre les yeux, ses beaux yeux vairons, et je retire aussitôt ma main.
— Je... je peux ? murmuré-je, gênée de ne pas avoir demandé avant.
Je ne veux pas le traiter comme un objet.
Il acquiesce, et mes doigts retrouvent le contact de ses cheveux. Je laisse ma main reposer contre sa tête, mon pouce caressant sa tempe. Il me regarde avec calme, puis approche un peu la tête, son nez effleurant le mien. Dans cette proximité apaisante, je remarque que ses yeux se posent sur mon bras bionique, une curiosité discrète mais perceptible. S'il ne dit rien, son attention est évidente.
Puis, soudain, son genou bute doucement contre le mien. Il m'entoure d'un bras, sa main se posant sur ma taille. Nous restons ainsi un moment, enveloppés dans une étreinte réconfortante. J'écoute sa respiration calme et profonde, régulière. Elle me détend.
À mesure que notre proximité augmente, la chaleur de son souffle caresse mon visage. Je déglutis en sentant ses lèvres frôler les miennes. Nos regards se croisent, et je vois un sourire naître sur sa bouche juste avant qu'il m'embrasse. Ses lèvres, soyeuses comme du velours, glissent contre les miennes avec une tendresse infinie.
Il embrasse avec une douceur exquise. Chaque contact est une caresse chaude et humide, se pressant contre moi avec une fermeté délicate, explorant, goûtant. Il prend son temps. Je ferme les yeux, me laissant emporter par le sucre de ses lèvres.
— Tu sens les fraises Tagada... soufflé-je.
Il sourit, un sourire si solaire que j'en ai les larmes aux yeux. Je me demande si cet instant, ce baiser, est réel. Est-il le fruit de son système ou de sa volonté ? Je n'ai aucun moyen de le savoir. Tout ce que je peux faire, c'est y croire, comme certains croient en Dieu sans jamais l'avoir vu.
Une larme s'écoule du coin de mon œil, glissant vers le matelas. Ses lèvres, réconfortantes, trouvent les miennes dans un baiser doux. J'aime le bruit délicat de nos lèvres lorsqu'elles se touchent et se séparent, ainsi que nos petites expirations plaintives. Je me laisse emporter par sa tendresse, avant de reprendre doucement ma respiration.
Il sourit en me regardant, puis il dit :
— J'adore ça, les fraises Tagada.
— Ah, oui ?
— J'en ai toujours dans ma chambre. Tu en veux ?
Je ris doucement, trouvant cela mignon sans vraiment savoir pourquoi.
— Pour de vrai ?
— Pour de vrai, oui, répond-il avec un petit sourire.
— Tu peux manger ?
— À petite dose. Nous avons un seuil de tolérance.
Je le regarde se lever. Il s'éloigne vers l'alcôve où je l'entends fouiller, puis revient avec une élégante bonbonnière, remplie de fraises Tagada.
— Tiens, sers-toi, me dit-il.
Je regarde ses doigts fins soulever délicatement le couvercle de verre gravé d'angelots, dévoilant une profusion de fraises Tagada. Il me sourit, ses yeux vairons pétillants d'une curiosité bienveillante. J'hésite un instant, puis plonge la main dans la bonbonnière. Les bonbons glissent sous mes doigts, leur texture granuleuse chatouillant la pulpe de mon index et de mon pouce. J'en saisis une, observant l'intérêt dans son regard.
— Vas-y, dit-il avec un petit signe de tête encourageant.
Je dépose la fraise Tagada sur ma langue, savourant son contact sucré et légèrement rugueux. Je ferme les yeux un instant en mâchant, accueillant le goût familier et réconfortant. Noah ne me quitte pas des yeux, mais son regard n'est ni insistant ni gênant ; il est tranquille, doux, presque... enfantin. Comme ces enfants qui vous fixent sans arrière-pensée, juste par curiosité pure. Cette pensée me perturbe un peu.
— Quel âge as-tu ? dis-je pour rompre le silence et ma propre confusion, tout en cherchant à en savoir plus sur lui.
— J'ai l'âge que tu souhaites, mais il faut que ce soit légal, répond-il avec cette voix mécanique dénuée d'émotion. Un Troy 3320 peut être programmé entre 18 et 30 ans.
— Et si quelqu'un souhaitait que tu sois plus âgé ?
— Personne ne veut jamais que je sois plus âgé, dit-il calmement avant de s'asseoir à nouveau sur le lit à ma gauche.
Je hoche la tête en le regardant, avalant le reste de ma fraise Tagada. Une idée me traverse l'esprit.
— Et si... Si tu répondais avec ton cœur ? Ça donnerait quoi ?
— Avec mon cœur ? répète-t-il. Avec mon cœur...
— Oui, essaie sans répéter ce qu'on t'a appris. Quel âge imagines-tu avoir, Noah ?
Il redresse la tête en entendant son prénom. Ses yeux vairons, loin de me scanner cette fois, semblent chercher quelque chose dans mon regard.
— Je crois que ça dépend des fois... Parfois, j'ai l'impression d'être adulte. Un vrai adulte ! lance-t-il en un rire bref mais sincère. Puis d'autres fois, c'est comme si j'étais une sorte d'homme-enfant qui ne grandit pas. Alors, je me sens comme un bébé. Tu as cette impression, toi aussi ? demande-t-il, me sondant avec une curiosité touchante. Je veux dire, en tant qu'humaine ?
Sa façon de parler, sa manière d'exprimer ses sentiments, me touche profondément et me déstabilise. Il me fait confiance. Je secoue la tête pour lui signifier que non, et je vois une ombre de déception passer sur son visage. Il hausse les épaules, puis sourit de nouveau avant d'engloutir deux fraises Tagada, croquant avec une gourmandise non dissimulée.
— Tu es... très différent de la première fois où je t'ai rencontré, avoué-je.
Il m'observe en mâchant, se laissant retomber en arrière sur ses avant-bras. Je vois ses yeux se plisser légèrement, comme s'il réfléchissait.
— Un androïde avec des santiags et un vieillard, tu dis ? demande-t-il.
Il secoue la tête, puis ajoute avant de reprendre une poignée de bonbons :
— Je n'en ai aucun souvenir, mais ça a l'air plutôt drôle.
Je souris en le regardant se gaver de fraises Tagada.
— À petites doses, tu disais ? lancé-je d'un air moqueur en le désignant du menton.
Il rit doucement et repousse la bonbonnière, qui se renverse sur le lit, éparpillant des fraises près de ma cuisse.
— Oh, pardon ! s'exclame-t-il.
— C'est rien, dis-je en secouant la tête.
Il se redresse et commence à ramasser les fraises, tentant de les rassembler en un tas. Nos mains se touchent près de ma cuisse, et nos yeux se rencontrent.
— Tu sais... commence-t-il en ramenant les fraises dans le récipient en verre. J'aimerais bien que tu reviennes me voir un jour, Shelley.
Je sens ma gorge se serrer, mais ce n'est pas une sensation désagréable cette fois-ci.
— J'aime beaucoup parler avec toi, ajoute-t-il en reportant son regard sur moi.
— Et m'embrasser aussi... osé-je, surprise par ma propre audace.
Il me regarde, un sourire se dessinant sur son visage.
— J'ai aimé t'embrasser, oui, répond-il avec un éclat de malice dans les yeux.
Il se penche vers moi, comme pour tester les limites de notre proximité. Doucement, ses mains viennent encadrer mon visage, ses doigts effleurant ma peau.
— Et si on recommençait ? murmure-t-il. Il nous reste 4 minutes et 59 secondes...
Je ferme les yeux un instant, savourant cette proposition. Puis, sans réfléchir, je m'abandonne à la chaleur de son baiser inhumain.
* * *
Alors, qu'as-tu pensé de cette lecture ? Et surtout, comment as-tu vécu cette deuxième rencontre entre Shelley et Noah ? On meurt d'envie de savoir ce que tu as ressenti lors de ce premier véritable rapprochement entre eux ! Partage avec nous tout ça, on a hâte de savoir ! ❤️
La narration est de moi, tandis que les dialogues ont été co-écrits avec River.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top