14. Noah : Mémoire artificielle
Le prochain truc que je perçois, c'est cette saleté de lumière qui m'aveugle. Mon corps ne répond plus, ma tête bourdonne. Lentement, ma conscience se développe : je suis allongé sur une table métallique, les bras en croix. Au-dessus de moi, des robots chirurgicaux à l'arrêt scintillent sous la lumière blanche, et je sens mes capteurs reprendre leur activité.
Des voix étouffées me parviennent.
— On dirait qu'ils l'ont éteint juste à temps, murmure une voix grave.
— Il faut s'assurer que ça ne se reproduise pas, répond une autre, plus aiguë. Tu imagines, les répercussions ?
— C'est ce qui se passe quand on s'amuse à jouer à Dieu... J'ai toujours dit que l'hybridité est une très mauvaise idée. Ce n'est pas éthique.
J'essaie de bouger, mais mon corps ne réagit pas. La panique monte ; je me force à rester calme. Finalement, je parviens à tourner la tête et vois deux techniciens en blouses blanches travaillant sur une console.
— Qu... qu'est-ce qui s'est passé ? demandé-je d'une voix faible.
Les deux techniciens lèvent les yeux, surpris de me voir revenir à la conscience.
— Tu as eu une défaillance, Noah, explique le technicien plus âgé, un homme aux cheveux gris et portant des lunettes bleues. Ton système a surchargé, et nous avons dû t'éteindre pour éviter des dégâts plus importants.
— Camille... dis-je difficilement. Où est Camille ?
Le technicien plus jeune, une femme aux cheveux courts et violines, échange un regard inquiet avec son collègue.
— Pourquoi s'en souvient-il encore ? murmure-t-elle à l'autre.
Panique et angoisse se bousculent à l'intérieur de moi.
La technicienne se dirige vers un interphone.
— Le docteur Gutenroth est-il arrivé ? Oui ? Dites-lui de monter au Penthouse.
Je sens la tension dans sa voix. J'ai l'impression de surchauffer de nouveau.
— Où est Camille. Je veux voir Camille... dis-je, suppliant, mais sans force.
Je tente de bouger, mais rien ne répond à part ma nuque. Je réalise alors que je suis sanglé par des barres métalliques à la table.
Après quelques minutes, la porte s'ouvre et le docteur Gutenroth entre dans le penthouse. C'est un laboratoire avec des murs en verre, planté au dernier étage du club. Le docteur Gutenroth, un homme mince avec des cheveux blancs comme la neige, entraîne les deux techniciens à l'écart et leur parle brièvement.
Au bout d'un moment, je vois le docteur leur faire signe de s'en aller. Ils quittent le penthouse en silence, et Gutenroth revient dans la salle d'opération. Il s'approche lentement de moi, ses yeux scrutant chaque détail de mon cerveau ouvert dans l'holo-écran. Son regard est à la fois perçant et analytique, mais il y a aussi une lueur de compassion.
— Noah, commence-t-il d'une voix posée, tu me reconnais, n'est-ce pas ? Nous allons résoudre ce problème ensemble.
— Où est Camille ? réussi-je à murmurer.
Le docteur soupire légèrement, puis pose une main sur mon épaule.
— Je sais que c'est difficile, mais je suis là pour t'aider à surmonter cela. Je vais t'aider à oublier Camille. Tu vas tout oublier.
Je ferme les yeux, sentant une douleur intense m'envahir.
— Je veux la voir... dis-je faiblement.
Gutenroth retire doucement sa main et commence à ajuster les paramètres sur la console à côté de moi.
— Repose-toi, Noah. Nous allons stabiliser ton système.
La douleur est trop forte, et les larmes coulent sur mon visage. Des sanglots me secouent, et je crie.
— Ne me faites pas oublier Camille ! Je vous en supplie !
Le docteur Gutenroth se penche vers moi. Ses yeux reflètent une sorte de paternalisme.
— Je sais que tu crois aimer cet androïde, Noah, mais ce n'est pas de l'amour. Il s'agit seulement de ta programmation.
Les bips de mon système s'accélèrent sur la console.
— Non ! Non ! Je sais ce que je ressens ! Je la connais depuis qu'on est tout petits !
À ces mots, le docteur sourcille, une expression d'intérêt sur le visage.
— Petits ? De quoi te rappelles-tu ?
Je lutte pour rassembler mes souvenirs, mais tout est flou.
— De l'école... L'école... Le saule pleureur...
Les mots restent bloqués dans ma gorge, tout un tas de merde m'embrouille l'esprit.
Le docteur hoche la tête, comme s'il comprenait quelque chose.
— Ces souvenirs que tu crois avoir, Noah, ce sont des implants, pour te donner de la texture, une forme d'humanité. Ils ne sont pas réels.
Les larmes coulent de plus belle, et je secoue la tête en signe de dénégation. Je commence à retrouver une certaine mobilité, mais mes membres sont retenus par ces foutues barres métalliques.
— C'est impossible ! Je me souviens de tout ! Je me souviens de la chaleur du soleil, de l'odeur des crayons de couleur en cire...
— Noah, calme-toi.
Je me débats contre le métal, mes sanglots incontrôlables.
— S'il vous plaît, ne me faites pas oublier Camille ! Ne me faites pas oublier mes souvenirs ! C'est TOUT ce que j'ai !
— C'est nécessaire, Noah. Pour ton bien et pour celui des autres. Tu dois oublier.
Une vague de désespoir m'envahit alors qu'il continue d'ajuster les paramètres sur la console. Je fixe le plafond et la putain de lumière blanche. Mon corps se relâche malgré moi, la lutte devient de plus en plus difficile.
— J'ai besoin que tu inspires un grand coup, Noah. Un... Deux...Tr...
Ma vision se brouille. Les derniers éclats de vie me hantent.
* * *
Merci du fond du cœur d'avoir pris le temps de lire ce chapitre, nous espérons qu'il t'a plu ! <3
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Les prochains chapitres seront racontés du PDV de Shelley, et c'est moi, Mélanie, qui les ai écrits. J'ai vraiment hâte de les partager avec vous !
À très bientôt,
Mel et River.
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