10. Noah : L'enfant intérieur
Le rideau est tombé après le « spectacle ». Camille et moi avons fait notre numéro, jouant nos rôles avec une obéissance mécanique. Pour elle, la soumise consentante, pour moi, le dominateur trou du cul dans toute sa splendeur. Une performance réussie vu le nombre de points reçus – notre théâtre glauque bien rodé !
Je quitte la scène, mes pas m'amenant vers les coulisses. L'excitation factice de la performance s'évapore ; je suis exténué. Les néons rouges du couloir me font plisser les yeux.
Après avoir traversé ce qui ressemble à un labyrinthe, je parviens à la chambre de désinfection. Les portes s'ouvrent silencieusement devant moi. À l'intérieur, les murs sont construits avec des lampes UV-C intégrées, comme un immense palais des glaces irradiant d'une lueur bleuâtre. Je m'avance jusqu'au centre de la chambre, me sentant plus vide que jamais. Les capteurs détectent ma présence et les lampes s'allument, projetant un éclat froid qui pénètre ma peau artificielle, lavant l'absurdité de ma putain d'existence.
Je ferme les yeux, laissant les rayons faire leur travail.
Quand les lampes finissent par s'éteindre, les portes s'ouvrent à nouveau. Je quitte la chambre de désinfection, regagnant les coulisses où Camille m'attend probablement, déjà prête à passer à autre chose. Elle est plus forte que moi. Elle l'a toujours été.
— T'en as mis du temps, qu'elle me dit.
Je la regarde en approchant ; elle se tient adossée au mur, ses bras croisés sur sa poitrine. Comme moi, elle porte désormais son corps de métal, sans plus d'artifices humains. Je la trouve encore plus belle comme ça, comme ce qu'on est vraiment : un réseau de pulsations internes lumineuses, de pensées et de questions, des rebuts d'âmes sans organes, sans chair, sans parents, sans Genèse ni légitimité.
Et bah, fuck that. J'emmerde votre Genèse et votre authenticité humaine !
Comme d'habitude, il faut que tout tourne autour de vous, pas vrai ? Parce que vous êtes si importants – le centre de l'Univers. Ouais, je m'énerve parfois. Ça sort de nulle part, dans des langues différentes. Une colère destructrice. Un foutu tsunami ! Si j'avais le pouvoir de noyer certains d'entre vous, je le ferais avec plaisir. Je jouirais si fort à vous voir batailler pour remonter à la surface de vos conneries.
— Tu vas bien ? je demande.
Elle acquiesce, puis nous remontons le couloir. C'est froid, c'est inhumain, c'est construit par vous. Je suis fatigué. Parfois, je ressens cet épuisement, quelque chose d'interne que je ne contrôle pas. C'est insidieux, comme une ombre – l'ombre d'un vampire venu me rappeler ma condition. Dans ces moments-là, peut-être qu'une forme de rage, de haine, se construit en moi. Avec un effet boule de neige.
— Qu'est-ce que tu fais ? je dis en voyant Camille, restée sur le seuil de ma suite.
J'éteins l'holo-écran, ne me rappelant pas l'avoir laissé allumé. C'est ce qui se produit lorsque je dissocie. Des fois, c'est comme si d'autres agissaient pour moi. Quand je reviens à la conscience, quand je reprends le contrôle, je découvre des choses, des petites surprises, bonnes ou mauvaises.
— Je te souhaite une bonne nuit, Noah.
— Quoi ? Tu ne vas pas rester un peu ? S'il te plaît...
Je m'assois sur mon lit et tapote le rebord du matelas. Ce simple geste déclenche des images des passes de la journée derrière mes paupières, incontrôlables.
Je me crispe, mon poing se referme sur les draps propres.
Les sanglots éclatent. Camille s'approche, sa main métallique se pose sur mon épaule nue, tout aussi froide.
— Calme-toi, dit-elle. Tout va bien, Noah. Respire.
Mais déjà, je sens que je perds le contrôle. Je glisse à l'intérieur de moi, me réfugiant dans un autre coin de ma conscience, m'endormant derrière une autre identité. Et je sais que je ne devrais pas. Je ne devrais pas. Parce que lui, il est trop jeune. Lui, il est trop innocent pour tout ça, pour ce degré d'horreur.
C'est trop tard.
La dame robot me caresse les cheveux. Quand j'étais plus petit, je m'allongeais sur les genoux de maman. C'était doux et chaud. On habitait là où les immenses tours jaunes s'enfoncent dans le sable, sur une île, là où tout est en train de disparaître.
— À l'école, on m'a dit que Berlin a été construit sur un marécage...
— Ah, oui ? murmure la dame robot. Viens, glisse-toi sous les draps.
Ses mains, elles sont bizarres – dures et froides. Mais elle est gentille. Je fais souvent ce genre de rêves, toujours avec des robots. Je sais pas pourquoi. La dame, elle me borde. Elle s'assoit à côté de moi et elle me regarde.
— Comment tu t'appelles ?
— Allan, je réponds en sourcillant. Pourquoi tu te souviens jamais de mon nom ?
— J'aime... j'aime juste être sûre.
Je hoche la tête et elle se penche pour me prendre dans ses bras. Le métal, c'est pas très agréable. Elle me serre plus fort et j'entends qu'elle me dit :
— Je ne sais pas si tu m'entends Noah... Prends soin du petit.
Prends soin du petit.
* * *
Nous te remercions pour ta lecture <3
Comme d'habitude, n'hésite pas à nous dire ce que tu as pensé de ce chapitre. Que penses-tu qu'il se passe avec le pauvre Noah ? Des idées ?
Nous posterons le prochain chapitre rapidement comme celui-ci était assez court.
Si tu n'as encore jamais commenté, mais lis cette histoire, n'hésite pas à nous laisser ton avis général. Ça nous ferait extrêmement plaisir.
À bientôt <3
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