1. Le marché
Cendrillon se réveille de bonne heure, comme toujours. Cependant elle sourit cette fois. Elle a pu retrouver un semblant de bonheur, de liberté hier soir. Pendant le bal de la veille, elle n'était pas la domestique distribuant les apéritifs et les boissons. Elle n'était pas transparente, faisant le ménage dans la solitude la plus complète. Non, hier, elle était une jeune fille de la bourgeoisie, le monde dans lequel elle est née, dans lequel sa belle-mère et ses belles-sœurs ont évolué et dont elle a longtemps privé. Non pas que les longues parures, les maquillages extravagants et les robes pleines d'extravagances l'intéressent, au contraire, ses tortionnaires l'en ont dégoûtée. Mais pouvoir, de temps en temps, s'acheter une belle robe, être respectée, ça elle en a été privée depuis la mort de son père et y re-gouter hier lui fit un bien fou. Elle descend et prépare le petit déjeuner, vu l'heure à laquelle elles sont rentrées, sa belle-mère ainsi que Javotte et Anastasie risquent de se réveiller plus tard qu'à leur habitude, cependant, Cendrillon préfère, dans le doute, ne pas prendre de retard. Elle cuisine quand on toque à la porte arrière de la cuisine, elle ouvre et voit son ami d'enfance, Benjamin.
« Oh Bengi, bonjours, comment vas-tu ?
_ Bonjours. Je vais bien moi, le royaume, en revanche, est en ébullition.
_ Tu m'étonnes, tout le monde doit parler du bal d'hier, en particulier les jeunes filles bonnes à marier s'excitant pour avoir simplement vu le prince, voir avoir eu un bonsoir de sa part.
_ Ahah ! Presque, en effet le bal d'hier est dans toutes les bouches mais parce que le prince a dansé avec une mystérieuse jeune fille.
_ Une mystérieuse jeune fille ? »
Cendrillon repense à hier soir, étant en retard, elle a rapidement montré son invitation en se dépêchant et il est vrai qu'elle a ouvert le bal, chose se faisant généralement avec le maître de maison ou son héritier s'il est bon à marier ou récemment marié. En d'autres termes, le prince dans ce contexte. Elle avait été tellement heureuse d'attirer l'attention de tous et en particulier d'un homme de la haute société, être vu comme une femme et non pas une servante, qu'elle n'avait pas pensé à lui demander qui c'était. Donc elle a dansé avec le prince héritier, le futur roi, eh bien, ce n'est pas toutes les domestiques qui peuvent se vanter de ça.
« Oui, personne ne sait qui s'est, pas même le prince. Après avoir danser, ils sont allés dans les jardins. On n'a pas plus d'information car il fait signe que personne ne les dérange, résultat, les jardins étaient interdits.
_ Sympa pour les autres... Il lui avait bien semblé que son cavalier avait fait un signe de la main à un homme un peu guindé, c'était donc ça. Vu la taille des jardins c'est un peu exagéré, tous les invités auraient pu être dans les jardins il y aurait eu peu de chance qu'ils croisent quelqu'un.
_ Ahah ! Toujours est-il qu'il est tombé amoureux d'elle, il veut la retrouver et l'épouser. Cendrillon ouvre de grands yeux et s'apprête à ouvrir la bouche. Oui je sais, il passe une soirée avec une jolie jeune fille et il veut l'épouser et régner avec elle, d'autant plus qu'il ignore qui elle. Il a déclaré avoir eu un coup de foudre pour elle, mais, sans prévenir, elle est partie à minuit, ne laissant derrière elle qu'une chaussure de verre. Le prince a alors demandé de faire essayer la chaussure à toutes les jeunes filles, promettant d'épouser celle à qui elle ira parfaitement bien. Franchement, il croit quoi ? Qu'il n'y a qu'une jeune fille dans tout le royaume à qui elle ira ? Il est bien naïf. Eh ? Eh oh ? Tu fais une drôle de tête, ça ne va pas ?
_ Benjamin... la jeune fille... c'est moi...
_ Quoi ? Mais... attend j'étais là-bas, elle avait une belle robe, simple mais de qualité et au goût du jour. Or la sorcière qui te sert de belle-mère ne t'achète jamais rien, ne mettant la main à la poche que pour ces deux horribles filles et les seules robes de qualité que tu ais sont celles de ta mère. En plus d'où viendrait les souliers de verre ?
_ Je t'assure, c'est moi. Regarde. Elle sort de la poche de son tablier le soulier qu'elle a gardé. Je sais que cela peut paraître dingue mais hier, quand Javotte, Anastasie et ma belle-mère sont parties, une femme est apparue, disant qu'elle était ma marraine la bonne fée. Elle a transformé une citrouille en carrosse, des souris en chevaux, un cheval en cocher, un chien en valet de pied et mes aillons en magnifique robe de bal avec des souliers de verres en bonus. Je t'assure je n'ai rien mangé ou bu d'origine inconnu et pouvant me faire délirer.
_ Attend, mais si c'est ta marraine, pourquoi n'est-elle pas venu plus tôt ?
_ C'est ce que je lui ai demandé, elle m'a dit que les fées ne s'occupent pas d'une seule personne mais de plusieurs tout au long de leur vie, sans savoir qu'elle est la prochaine et que jusqu'à présent elle devait s'occuper d'une princesse sur laquelle elle a dû veiller un siècle à cause d'une malédiction. Je sais que cela paraît dingue mais quand j'ai vu qu'elle avait vraiment des pouvoirs et qu'elle était là pour m'aider, je ne me suis pas posée plus de question. Elle m'a donc transformée, moi, ces animaux et la citrouille, me disant que la magie cesserait à minuit. Tu vois, c'était ma chance de pouvoir redevenir ce que j'étais, une femme, d'être respectée et de ne plus être vu comme une servante, j'étais de nouveau libre.
_ Oui je comprends et je sais à quel point tu rêves du jour où tu pourras reprendre ta vie en main. Et... et finalement ce jour est arrivé, tu vas pouvoir être une femme de nouveau, être respectée... grâce à ton mariage avec le prince... je suis content pour toi.
_ Ah je ne veux pas l'épouser. Je veux dire, il était sympa et j'ai passé une bonne soirée avec lui mais il me faut plus qu'une valse et une soirée agréable pour être amoureuse. En plus, si je me marie avec lui, je passerai juste d'une prison à une autre mais plus grande, sans la moindre chance d'en sortir cette fois. Je serai soumise à un nombre incalculable de règle, observée constamment, sans être libre de faire ce que je veux réellement. Moi, je veux juste une vie simple avec un homme que j'aime, pouvoir être respectée et faire ce que je veux.
_ Mince, je n'avais pas vu ça sous cette angle... peut-être que tu pourras leur expliquer la situation et les convaincre de renoncer au mariage.
_ C'est le prince héritier, l'unique fils du roi, il est déjà depuis un moment en âge de régner et de se marier, tout le monde attend avec impatience son mariage et la naissance de son héritier. Je vais avoir la pression de tout le royaume et si je refuse, je vais être la paria de tous, je serai immariable. Dans les deux cas je suis fichue. Cendrillon se prend la tête entre les mains, totalement désemparée.
_ C'est vrai que c'est injuste. Mais bon, il y a peut-être un espoir, tu restes sous la tutelle de ta belle-mère et je doute qu'elle ait envie que tu te maries avec le prince. Cendrillon relève la tête vers Benjamin, d'abord une expression d'étonnement, puis un large sourire nait sur son visage.
_ Benjamin... tu es un génie, merci ! Elle le prend dans les bras et le sert de tout son cœur, Benjamin, d'abord timide, rougit et finit par répondre à son étreinte.
_ Euh... merci... mais pourquoi ? Ils entendent alors du bruit, indiquant l'arrivée du reste de la maison.
_ Je te le dirais plus tard mais sans le savoir tu viens de me permettre d'accéder enfin à mon rêve.
_ Euh... eh bien de rien. Au revoir alors.
_ Oui, au revoir. »
Cendrillon finit le petit déjeuner de ces dames et les apporte, Javotte et Anastasie se plaignent de cette mystérieuse jeune fille leur ayant volé le prince, Mme. Tremaine, elle, ne dit rien mais Cendrillon voit clairement qu'elle est énervée même si elle cherche à le cacher, mais la jeune fille a appris à déceler ses émotions malgré ses efforts. Elle les sert et regarde avec insistance sa belle-mère, elle sait qu'elle va le remarquer, lui demander ce qu'elle a et ses belles-sœurs vont se taire car Mme. Tremaine a une présence imposante et une autorité naturelle. Cela marche, sa belle-mère ne tarde pas à remarquer son manège.
« Qu'est-ce que tu as sourire ? Tu n'as rien de mieux à faire ? Tu veux peut-être que je trouve de quoi t'occuper ?
_ En réalité je voulais vous parler, ce matin a déclarer vouloir épouser la jeune fille avec qui il était au bal.
_ Quoi ? S'exclame Mme. Tremaine.
_ Oh non ce n'est pas vrai !
_ Et tu viens nous dire ça pour te régaler de notre détresse ? Espèce de... Commence à s'en porter Javotte.
_ Pas du tout. Sachez qu'il ignore de qui il s'agit, il n'a d'elle que l'un de ses souliers de verre et il a promis d'épouser celle qui parviendra à chausser le dit soulier.
_ Alors vous avez encore une chance les filles. Se réjouit Mme. Tremaine.
_ Oui, surtout si vous avez le deuxième soulier. S'exclame Cendrillon en sortant le soulier en question et en le posant devant elle. Les trois femmes la regardent, stupéfaites. Je vous rassure tout de suite, je ne veux pas l'épouser. Depuis que mon père est mort, vous m'avez volé ma vie, vous m'avez réduite à l'état de domestique alors que j'aurais dû avoir la vie d'une jeune fille de la bourgeoisie, tout comme Anastasie et Javotte, je veux retrouver ma vie, être libre d'agir comme je le désire, j'en rêve depuis toujours. Or, si j'épouse le prince, je ne serais pas libre, je devrais obéir à un nombre impressionnant de règle et je ne pourrais jamais faire mes propres choix. Moi, ce que je veux, c'est une vie simple, heureuse et libre. En revanche, vous, vous voulez l'argent, la gloire et le pouvoir. Si je donne ma place, l'une sera la reine, l'épouse du prince héritier et la mère de ses enfants, une autre en sera la belle-sœur et la tante de ses héritiers, pouvant ainsi accéder à un large panel de noble et pouvoir épouser les plus grands du monde et la dernière en sera la belle-mère et la grand-mère des futurs princes et princesses du royaume et peut-être même d'une autre contrée. Je vous propose donc un marché : je donne mon soulier, vous permettant de prétendre qu'Anastasie ou Javotte est la mystérieuse cavalière du prince héritier, vous permettant d'avoir ce que vous voulez et, en échange, vous me laissez reprendre ma vie en me rendant juste ma part de l'héritage. En tant que membre de la famille royale, je pense que vous aurez de quoi remboursez mon héritage que vous avez dilapidé. Explique Cendrillon.
_ Qui nous dit que tu ne reviendras pas pour te venger de ce que l'on t'a fait vivre ? Demande Anastasie.
_ Cela pourrait être tentant mais j'ai souffert pendant des années justement, tout ce que je veux, c'est en finir avec tout ça, tourner la page. Si je me venge, vous voudrez répondre et on n'en finira jamais. Je ne veux pas vivre dans la peur d'un retour de bâton de votre part. En revanche, la vie de château reste meilleure que celle que j'ai eu donc si vous ne respectez pas votre part du contrat, je dirais que vous m'avez volée mon soulier pour prendre ma place.
_ Pourquoi t'être enfui brusquement ?
_ Après que vous soyez parti, une bonne fée est apparue, étant donné que j'ai gardé espoir d'avoir un jour une vie meilleure et que je suis restez gentille. Elle m'a offert un carrosse et une belle robe de bal mais la magie ne pouvait agir que jusqu'au douzième coup de minuit, quand le premier coup a retenti, je suis partie en vitesse. Pour la fée je ne l'ai pas revue depuis et j'ignore comment la recontacter. Cendrillon aurait aimé qu'elles ne le sachent pas mais elle craint toujours le pouvoir de sa belle-mère, et puis vaut mieux jouer carte sur table. Alors ? Marché conclu ?
_ D'accord. Marché conclu, Ella. Elle se sert la main, signant leur pacte. »
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