CHAPITRE TROIS
A l'entrée des ruines, il y avait un coin terni de gazon, entre une meurtrière et le début des escaliers. Joe s'était assise au sol mais ce dernier commençait à devenir humide. Zack avait eu la même sensation et les deux s'étaient levées en même temps. Apparemment ils avaient eu la même idée : attraper les drapeaux pour s'en servir comme couverture. Mais, ce n'était pas surprenant, Zack les avait attrapés tous les deux sans en passer au moins un à Joe.
— Ah, je vais avoir bien chaud comme ça !
— Je vais le tuer, songe désespérément Joe.
Zack s'installe au sol en s'enroulant dans les bouts de tissu. Joe restait là, à le regarder se mettre à l'aise. C'était vraiment une journée de merde. Elle pousse un soupir puis s'allonge au sol et se recroqueville en position fœtale pour se réchauffer. Le ciel s'assombrit soudainement. Un flash énorme illumine l'espace où ils se trouvaient. Joe sursaute et se redresse sur le sol. Le ciel gronde à son tour. Oh non... Un orage. La jeune femme se tourne alors vers Zack et tire sur un bout de drapeau.
— Passe-m 'en un ! grogne-t-elle.
Mais rien à faire. Ses yeux étaient fermés avec un sourire collé aux lèvres. Il savourait ce moment. Joe continuait de tirer sans succès.
— Connard, souffle-t-elle.
Elle se lève et s'assoit près du mur de pierre en ramenant ses genoux à sa poitrine. Elle avait une peur bleue des orages. Un nouvel éclair suivis d'un grondement frappe la forêt. Zack était vraiment égoïste... Elle le voit d'ailleurs se remuer avant de rouler sur le côté pour pouvoir la regarder.
— Qu'est-ce que tu fais ?
— De la plongée sous-marine, ça ne se voit pas ?
Le ciel se déchire une énième fois et Joe sursaute. Zack se redresse avec un sourire moqueur collé aux lèvres.
— Ne me dis pas que tu as peur des orages ?
— Eh bien si, retorque Joe.
— Je vois, c'est affreux... Bonne nuit !
Il s'allonge à nouveau. Ce garçon laissait Joe sans voix à chaque connerie de sa part. Au bout d'un certain temps, pour éviter l'hypothermie, Joe s'était donné du courage pour s'allonger et se coller à Zack. C'était comme se coller à une vache après tout... Juste pour ne pas mourir.
Au petit matin, Zack ouvre les yeux et sent que quelque chose de lourd était scotché à lui. Ses yeux changent de direction et il tombe nez à nez avec la Gorgone. Heureusement, ses yeux étaient fermés alors elle ne pouvait pas le tuer avec son regard. L'une de ses jambes était posée autour de Zack. Il souffle avant de la balancer sur le côté. Joe se réveille en sursaut.
— C'était pas moi !
Elle lance des regards paniqués autour d'elle et constate qu'elle se trouvait dans les ruines. Au même instant, les grilles s'ouvrent enfin et un employé municipal apparaît dans leur champ de vision. Zack voulait le saluer chaleureusement mais la Harpie en avant décidée autrement. Tel une furie, elle s'était levée et pointait son doigt vers le pauvre homme.
— Enfin, vous voilà ! Avant de fermer les grilles, vous devriez avoir l'amabilité de faire le tour pour voir si personne n'est resté coincée ! Ça éviterait de très gros désagrément !
Elle jette un regard noir à Zack puis à nouveau à l'employé municipal avant de s'éloigner en remuant les fesses, tel un rhinocéros près à charger. L'employé hausse les sourcils puis s'adresse à Zack en riant d'une manière pas très charismatique.
— Elle a ses règles ou quoi la petite ? Madame n'a pas passé la nuit dont elle rêvait ?
Zack hausse les épaules puis roule des yeux avec un petit sourire.
— Ah ! Les femmes, vous savez...
Après plusieurs minutes de marche, ils étaient enfin revenus devant l'accueil du domaine. La mère de Zack se baladait déjà un verre de champagne à la main. Elle remarque son fils et s'avance vers lui.
— Oh Zack ! On t'a cherché partout hier avec ton père et... Oh mais que vois-je ? Tu t'es fait une petite copine ? Je te l'avais bien dit ! Je suis Stacey... Vous êtes ? demande-t-elle en présentant sa main.
— Maman...
— Mh... Joe... Désolée Madame, j'aimerais aller prendre une douche mais... Au plaisir ! dit-elle en serrant sa main.
Joe s'éloigne ensuite pour rejoindre sa maisonnette. Zack l'observe s'en aller. Sa mère l'entour ensuite avec son bras et ils se mettent à marcher ensemble. Zack lui retire le verre des mains.
— En fait, tu as loupé Tedmund et Sawyer hier !
— C'est juste Ted, Maman...
— Quoi qu'il en soit, j'ai aussi vu ton Oncle Olivier, oh il n'a pas changé d'un poil ! Toujours aussi bavard et bavard... Il ne s'arrête jamais ! Tu savais que...
La porte de Joe s'ouvre lentement. Elle était heureuse de retrouver un endroit chaud et confortable. Elle referme la porte et se laisse tomber sur le canapé dans un soupir. Si elle fermait les yeux, elle allait dormir toute la journée... Ne surtout pas dormir. Lève-toi. Il faut se lever et se laver. Elle s'était redressée avant de laisser la déesse de la flemme venir la chercher. Elle s'assoit alors sur son canapé et se passe les mains dans ses cheveux tout en s'étirant.
— Allez.
Joe lève dans son élan ses fesses du canapé et monte à l'étage pour pouvoir prendre une douche bien chaude. Quand elle revient dans la salle de réception pour le dîner du soir, elle s'était comme qui dirait une claque sur le visage. Il y avait... Un tas de monde. Beaucoup trop par rapport à son souvenir de la vieille. Mais ce qui l'avait marqué le plus, c'était l'espace qu'il y avait entre deux groupes bien distincts. Comme s'il y avait eu une coupure invisible entre les deux. Joe voyait de nouveaux visages qui la fixaient elle aussi. Elle sourit lentement, par politesse, avant de se diriger vers le buffet pour prendre un verre et de quoi grignoter. Il y avait des messes basses partout et les gens des deux côtés se lançaient des regards noirs. Joe ne comprenait vraiment rien. Elle réussit à se frayer un chemin du côté des visages familiers et attrape un verre au buffet. Un géant lui marche sur les pieds et elle s'excuse elle-même.
— Oh pardon.
Un brun plutôt mignon se retourne avec un sourire désolé. Il se recule de quelques centimètres pour retirer son pied.
— Oh, woah.
— Non c'est moi, dit-il en même temps qu'elle.
Ils se mettent à sourire comme deux idiots. C'est pile à ce moment-là que Zack décide d'intervenir. Joe l'observe arrive lentement aux côtés du beau brun.
— Oh, Sawyer, tu as rencontré Joe... Joe, voici mon cousin, Sawyer.
— Ce beau gosse est ton cousin ? s'inquiète-t-elle.
— Exact.
— Je n'aurais jamais deviné que vous étiez de la même famille, lance-t-elle tout en buvant une gorgée de sa boisson.
Zack rit jaune.
— Mais qu'est-ce que t'es drôle Joe, on se fend la poire avec toi.
— Zack, soit gentil, lui conseille son cousin.
— Quoi ? Tu défends cette sorcière ?
Joe hausse un sourcil puis balaie la pièce du regard à la recherche de d'autres visages familiers. Les gens de l'autre côté continuaient de regarder de travers les autres. La jeune femme fronce des sourcils. Elle allait poser la question aux deux garçons mais un autre était arrivé dans la conversation.
— Tiens mais c'est Tic et Tac... Mais où est Toc ? demande un blond en posant une main sur l'épaule de Zack.
Ce dernier retire sa main avec un faux sourire. Il semblait bien remonter et prêt à en découdre à la moindre occasion.
— Salut Paul, lance amicalement Sawyer.
Le fameux Paul pose ensuite son regard sur Joe. C'est vrai qu'il était plutôt pas mal. Beau gosse même. Mieux que Sawyer pour être honnête.
— Ay Caramba ! Mais qui est cette beauté fatale ? Vous ne me la présentez pas les gars ?
— C'est personne, fait remarquer Zack, on s'en va, dit-il ensuite à Joe en la prenant par les bras pour partir.
Cette dernière fronce des sourcils en le regardant de haut en bas. Qu'est ce qui lui prenait ? Elle retire son bras puis se tourne vers Paul qui commençait à se tordre de rire.
— Allons mon frère, soit sympa, partage un peu les contacts !
Paul prend la main de Joe et lui fait un baise-main. La jeune femme hausse un sourcil, surprise. Zack lève les yeux au ciel puis plonge les mains dans ses poches tout en assistant à la scène.
— Je suis Paul. Paul Vermeil. Et toi tu es Ravissante, n'est-ce pas ?
— Joe.
— Joe, c'est le prénom d'une vraie femme.
Il jouait avec ses sourcils.
— Bon ça suffit, lâche Sawyer en retirant la main de Joe puis en s'interposant entre les deux, qu'est-ce que tu veux Paul ?
— Ne vous fâchez pas les copains ! Je venais vous dire bonjour, après tout, nous sommes de la même famille.
— De la même famille ? demande Joe.
Une minute de silence avant que la bombe ne soit lâchée.
— Joe, tu te souviens de mon enfoiré de grand-père, Earl Vermeil, celui qui a lâchement laissé tomber grand-mère pour une autre femme il y a plusieurs décennies de ça ?
— Zack, du calme, demande Sawyer.
— Quoi ?! s'étonne Joe en même temps.
Oh mon dieu, c'est vrai. Elle avait oublié cette histoire. Grand-mère Rima lui en avait parlé il y a très longtemps.
— Qui est-ce que tu traites d'enfoiré, enfoiré ? retorque Paul en se rapprochant de Zack mais repoussé lentement par Sawyer.
— Pourquoi vous êtes tous venus d'ailleurs ? Qui vous a invité ? demande Zack.
— Withley elle-même.
— C'est impossible ! Elle a une dignité.
— Peut-être que tu devrais te demander si grand-père Earl est le seul problème dans cette histoire.
— Espèce de...
— Hey ! s'interpose Joe avec Sawyer pour calmer les deux avant qu'une bagarre ne dégénère.
— C'est qu'une bande d'enfoirés, à se croire meilleur que nous, plus beaux que nous !
— Mais c'est le cas, répond Paul avec un sourire niais.
Zack s'élance vers lui mais Joe le retient par les épaules.
— Zack !
Withley arrive à ce moment-là et tout le monde se tait. Un espace se fait entre la foule dans sa marche.
— Oh mes enfants ! Arrêtez donc ça !
— Pourquoi tu les as invités alors que tu sais très bien qui sont leurs ascendants ?
— C'est la famille Zack.
— La famille ? Tu parles oui ! Une famille c'est un groupe qui ne se sépare pas, un groupe qu'on n'abandonne pas... Tu crois qu'ils en ont quelque chose à faire de toi ?
— Zack ! s'écrient en cœur Sawyer et Joe.
Il regarde un à un Sawyer et Joe avant de sortir de la pièce en trombe. Joe observe Withley. Elle était sous le choc et tremblait légèrement. Elle se rapproche alors d'elle pour poser une main réconfortante sur son épaule. Withley la regarde quelques secondes avant de partir à son tour de l'autre côté de la salle.
— Zack, reviens immédiatement dans la salle et t'excuser auprès de ta grand-mère, ordonne son père.
Zack se trouvait à l'extérieur en train de faire les cent pas devant le bâtiment à maudire chaque être vivant sur ce domaine. Il s'arrête et se tourne lentement vers son père avec un rire nerveux.
— Tu cautionnes leur arrivée ?
— C'est la volonté de Withley.
— Mais ton propre père vous a laissé tomber quand vous étiez encore tout jeune. Il a refait sa vie avec une autre femme qui a eu à son tour une ribambelle d'enfants... Je ne te comprends pas. Ils sont tous odieux en plus.
— Si ma mère est heureuse comme ça, alors je le suis aussi.
— C'est merveilleux alors ! Avec la famille qu'on a, on peut constituer plusieurs équipes de football et créer notre propre Coupe du Monde !
— Zack !
Les deux hommes s'observent l'un et l'autre. Zack pose ses mains sur ses hanches en dégageant une partie de son costume en arrière.
— Qu'est-ce que tu sais de la famille après tout ? lâche soudainement Zack.
— Je te demande pardon ?
— Tu n'es jamais là Papa.
— Et ça recommence....
Son père souffle avant de s'asseoir sur un petit banc en bois. Zack se tourne vers lui, effaré parce qu'il venait de lui retorquer.
— Comment ça « Et ça recommence » ? Tu ne m'écoutes jamais ! Tu ne m'as jamais écouté ! Tu ne vois que toi et en plus de ça, tu fais comme grand-père Earl, tu abandonnes petit à petit Maman !
— Mais arrêtes tes conneries Zack ! Je vous écoute ta mère et toi ! Je ne suis pas si absent que ça.
— Ah ouais ? On va voir ça. Quelle est ma couleur préférée ? Le nom de mon premier animal de compagnie ? Quand est-ce que Léa m'a largué ?
— Je... Je ne sais pas, tu m'embrouilles !
— Tu ne nous écoutes jamais ! Petit, quand je voulais me confier à mon propre père, tu sais ce que tu me disais ? « Zackary, tu es un homme alors règle ton problème toi-même ». Chaque fois que j'avais besoin d'un père, tu n'étais jamais là. Tu ne m'as jamais réconforté pour quoi que ce soit. Tu penses que je me plains constamment mais c'est faux ! C'est ce qu'on appelle la communication. On se confie à nos proches et puis après on trouve une solution ensemble... C'est ça la famille. Tu passes plus de temps avec ton portable qu'avec ta femme... Tu savais que Maman s'était mise à boire ? Pour faire passer le temps ?
— Mais ça a toujours été comme ça Zack ! Les pères et les fils ont une relation compliquée. Mon propre père, ton grand-père Earl, m'a éduqué de la même manière et...
— Bah tiens, on voit alors le fabuleux résultat.
— Tu me parles sur un autre ton Zack.
— Malheureusement, c'est la seule manière pour que tu écoutes et que tu assimiles les informations.
— Je me répète : je vous écoute. Je suis le chef de famille, c'est mon devoir. Tu aimes le bleu, tu avais un chien...
— Mauvaises réponses. J'ai toujours adoré le violet et on n'avait pas un chien mais un cochon d'inde, parce que Maman est allergique à leurs poils.
Son père se masse les tempes. Zack secoue la tête et s'assoit sur le banc d'à côté.
— C'est comme pour le travail.
— Comment ça ?
— Tu crois vraiment que j'ai envie de reprendre l'affaire familiale ? Tu ne t'es jamais dit que je voulais faire autre chose qu'avocat dans une entreprise ?
— Mais ce sont les traditions fils, dit-il en se levant.
— Papa... On est plus au Moyen-Âge, souffle Zack, on est beaucoup dans cette famille et je ne suis pas la seule personne qui peut diriger une entreprise.... Je ne suis même pas foutu de garder une relation amoureuse alors une entreprise ? Même pas en rêve. Et puis je n'aime pas. Être enfermé dans un bureau toute la journée, ça commence à m'énerver.
— Mh... Alors dis-moi, qu'est-ce que tu aimerais faire ?
— Bah euh... Je ne sais pas... Être auprès des gens ? Les aider ?
— Être un médecin alors.... Ou un avocat, encore.
— Mais non, t'as rien compris ! Laisses tomber.
Zack aperçoit Sawyer apparaître devant la porte. Il fourre ses mains dans les poches de son pantalon et se dirige vers son cousin. Mais il s'arrête à mi-chemin et se tourne lentement vers son paternel.
— Une dernière chose.
Son père lève le regard vers lui.
— Si tu veux être un chef de famille, commence par être un bon mari. Maman doit être près du bar.
Ils se fixent silencieusement quelques instants avant que Zack rejoigne Sawyer.
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