CHAPITRE SIX
— Hey mais qu'est-ce que vous faites !
Zack, Ted et Sawyer s'étaient tous levés d'un bon, prêts à aller secourir leur grand-mère.
— Laissez-la un peu tranquille, c'est une adulte, elle a le droit de boire.
— Mais Joe ! Elle a quatre-vingt-dix ans, commence Ted.
— Être âgée ne veut pas dire ne plus avoir le droit de boire. Whitley est loin d'être gâteuse, soutient Lea.
— Ah merci ! lâche Joe.
Zack regardait Joe et Lea une à une. Depuis quand elles se parlaient ces deux-là ? Pourquoi Joe avait parlé de ses origines avec Lea et pas avec lui ?
— Il veut mieux s'amuser avec elle que lui dire d'arrêter de s'amuser. Regardez-la, elle est si heureuse ! termine Lea.
— Elle n'a pas tort, j'ai l'impression qu'elle ne prend que cinquante ans, confirme Joe avec un fin sourire aux lèvres, alors asseyez-vous.
Elle tire sur la manche de Zack pour qu'il s'installe puis continue de manger comme si rien ne s'était passée.
— Il ne peut rien arriver de grave, insiste-t-elle.
— Un, deux. Un, deux.
Quelqu'un s'était emparé du micro et tapotait dessus. Tous les regards s'étaient portés sur la voix et beaucoup de personnes applaudissaient déjà. Grand-mère se trouvait sur la petite scène, toute souriante et avec les joues rouges. Zack lance alors un regard à Joe. Rien de grave, hein ?
— Bonsoir mes enfants et mes beaux-enfants hihi.
— Oh mon dieu, souffle Ted.
Grand-mère pointait à la fois ses petits enfants légitimes et à la fois ceux de l'autre famille. Zack croisait ses bras contre son torse, un peu agité par cette situation.
— Nous sommes une grande famille, si belle, si nombreuse ! Demain c'est mon anniversaire et je vais prendre quatre-vingt-dix ans... Je sais ! Je ne les fais pas.
Des rires dans l'assemblée.
— Bref ! J'ai fait mon vœu et mon vœu c'est que nous soyons une famille, d'accord ? Aimez-vous tous ! Je suis si heureuse ce soir hihi...
Avant que les oncles et tantes de Zack interviennent, elle avait soudain changé de ton.
— Et maintenant ! DANSONS ! Musique maestro !
Les lumières et la musique avaient littéralement explosées dans la salle. Joe fronçait des sourcils et mettait ses mains au niveau de ses oreilles. Plusieurs personnes se levaient pour rejoindre grand-mère. Elle dansait déjà comme une adolescente de quinze ans.
— Elle est possédée, je ne vois que ça, affirme Sawyer.
— Elle profite de la vie, retorque Joe.
Paul dansait avec elle puis très vite, il était passé à Susan dans une danse sensuelle. Zack et Joe croisèrent leur regard, sous l'ahurissement. Au bout d'un certain temps, tout le monde dansait autour de la musique. Très tard le soir, ils étaient tous sortis un par un et rejoignait leur lieu de résidence soit à pied soit en voiture.... Beaucoup avaient bu. Joe et Lea tenaient fermement Whitley par les bras.
— Où couche-t-elle ? demande Joe.
— Dans le manoir, tout au bout du domaine, répond Ted.
— Il y a un manoir ici ? s'ébahis-t-elle.
— Montez dans la voiture, on va la raccompagner, indique Zack.
Il aperçoit sa mère tituber seule vers son lieu de résidence, encore un verre en main. Il soupire.
— Ted... Tu peux t'occuper d'elle ? Et jette-moi ce verre s'il te plait.
— Elle boit encore ? fait remarquer Lea.
Ce qui lui valut un regard assassin de la part de son ex.
— Désolée, marmonne-t-elle.
— Montez.
Zack prend le volant et Sawyer s'installe à côté de lui. Joe, Whitley et Lea grimpent à l'arrière. Zack ne perd pas de temps pour allumer le moteur et conduire prudemment sur la petite route menant aux différentes parties du domaine (avec tous les noms d'animaux).
— C'est vraiment énorme, chuchote Joe.
Zack pouvait facilement l'observer via le rétroviseur. Whitley s'était affalée contre son épaule et dormait à point fermé. Quant à Joe, elle observait par la vitre les différents bâtiments du domaine.
Whitley gesticule quelques secondes avant de lâcher une sorte de soupire. Joe, intriguée, baisse le regard vers elle. Cette dernière l'observait longuement avant de descendre son regard sur le collier en cœur qui pendait entre sa poitrine.
— Tu l'as gardé ! s'écrie-t-elle.
— Bien sûr.
— Je pensais que tu le jetterais après tout ce qui s'est passé...
Son haleine sentait fortement la bière.
— Pourquoi aurais-je...
— Tu me manques tellement Rima.
— Oh oui, je...
— Je t'aime tellement.
Les regards de Zack et de Joe se croisent dans le rétroviseur soudainement. Joe était restée muette après cette conversation et se contentait de rester immobile et de sentir Whitley s'endormir.
La voiture s'était garée quelques minutes après. C'était bien manoir. Mais il n'était pas du tout éclairé. De là où se trouvait Joe, on aurait dit un manoir abandonné. Elle était restée tellement longtemps à l'observer que c'était Zack qui avait frappé doucement contre la vitre. Joe observait l'intérieur de la voiture. Elle était seule. Elle se détache alors et ouvre la portière en faisant attention à ne pas bousculer Zack avec.
— Est-ce que ça va, demande Zack inquiet, tu es devenue toute pâle tout à l'heure.
La petite lumière de la porte d'entrée s'allume et éclaire l'environnement sombre, éblouissant au passage Joe. Elle ferme lentement la portière puis observe Sawyer et Lea, aider Whitley à grimper les marches.
— Oui, ça va, répond-t-elle machinalement, le regard dans le vide.
Elle se décale sur le côté puis se passe une main dans ses cheveux avant de se tourner vers Zack.
— Je vais rentrer.
— Là ? Tout de suite ? Seule ?
— Oui, j'ai... J'ai besoin de marcher.
Sans attendre une quelconque réponse, elle s'engouffre lentement dans le noir.
— Joe, attends ! appelle Zack.
Sawyer, qui était revenu, le retient par le bras.
— Laisse-la... Je pense qu'elle s'est sentie mal quand grand-mère la prise pour la sienne. Elle doit être encore secouée par sa disparition.
— Mais dans le noir, sans lumière... Regarde ! Elle n'a même pas allumé la lampe-torche de son portable. On dirait une cinglée.
— Elle aimerait qu'on se préoccupe plus de Whitley que d'elle je pense.
— Les gars, j'ai besoin de vous ! interpelle Lea.
Zack observe la pénombre avant de rejoindre Swayer et Lea à contre cœur.
Joe n'avait pas arrêté de gigoter dans son lit durant toute la nuit. Ses pensées étaient troublées et confuses. Elle n'avait vraiment pas envie de se lever aujourd'hui, de voir du monde. Pendant au moins plusieurs jours. Pour éviter de culpabiliser, elle avait retourné le planning de Whitley contre la table. Elle buvait lentement son chocolat chaud dans le petit salon et en pyjama. Joe avait même fermé ses volets pour éliminer les éventuels espions venant la kidnapper de force. Elle pensait que c'était une bonne chose... Au moins, elle pourrait avancer sur son projet à rendre avant la fin de l'été. Oui. C'est ce qu'elle allait faire. Elle hoche la tête et se lève, décidée. Elle monte dans sa chambre et ferme la porte. Elle sort tous son matériel de dessin et de maquette. Elle s'attache les cheveux, pose ses lunettes de travail sur son nez et... Pas d'inspiration. Son crayon était levé au-dessus d'une feuille blanche mais sa main ne voulait pas dessiner.
— Arg !
Elle lâche un soupire frustrer et se frotte les yeux. Elle pose ses coudes sur le petit bureau puis se met à réfléchir. Bon, oui. Elle n'avait aucune idée du thème de sa maquette. Il fallait d'abord commencer par ça. Elle se lève alors et s'effondre sur le lit. Son regard se plante sur le plafond et elle pose ses mains contre son ventre. Elle inspire plusieurs fois et réfléchit.
Où était-elle ? A un anniversaire. Avec qui ? La famille de Whitley. La famille... L'amour... Des couleurs vives ? La réunion des gens ? Zack voulait faire un métier avec des gens, non ? Oh ! Pourquoi pensait-elle à Zack tout d'un coup ? Non, non. On reprend.
Un projet qui la tient à cœur. Son devoir final devait refléter ce qu'elle voulait être, en tant qu'architecte d'intérieur, plus tard. Ce qu'elle voulait donner aux gens. Son travail. Sa signature. Un lieu de réunion... Pour aider les gens. Cette idée n'arrêtait pas de revenir dans sa tête. Pour aider la famille à se reconstruire... Un lieu de paix et de chaleur. Un lieu joyeux et curieux. Un jeu ? Un espace de jeu pour resserrer les liens ? Une sorte de maison entière d'escape game ? Non. Pas un escape game... Une maison pleine de mystères et d'histoires. Une sorte d'enquête dans une grande maison... Oui !
Joe se lève d'un bond et commence à dessiner les plans. Une sorte de gite. Avec un grand espace de vie au centre. Au-dessus, une énorme verrière solide pour pouvoir observer les étoiles. Des canapés en rond... De l'espace et des couleurs. Mais... Ce ne serait pas un gite ordinaire. Ce serait comme vivre dans une maison déjà habitée, avec des secrets et des découvertes à faire. Une histoire à suivre... Une histoire d'amour et d'aventure. Un nouveau concept de jeu et d'hôtel en même temps. Oui ! C'était une bonne idée. Joe dessinait frénétiquement, commençait à faire l'intérieur de la maquette...
Soudain, de grands coups frappés à sa porte la sortent de sa torpeur. Elle fronce des sourcils puis descend dans la pénombre du salon. Elle ouvre la porte en grand. Zack se tenait là, essoufflée et avec un regard à la fois inquiet mais soulagé. Il plisse des yeux pour pouvoir observer la pièce.
— Mais qu'est-ce que tu nous fais Joe ?
— Je voulais me reposer un peu...
— Pendant deux jours entiers ?
— DEUX JOURS ?
Elle n'en revenait pas. Elle avait travaillé pendant deux jours non-stop sans se nourrir, dormir et se laver. D'ailleurs, elle recule face à cette idée de manque d'hygiène. Zack en profite pour entrer et ouvrir les volets puis les fenêtres.
— On dirait une grotte, grommelle-t-il.
Il observe l'environnement. Joe fait de même. Bon heureusement, ce n'était pas le bazar.
— J'étais super inquiet, personne ne t'a vu depuis l'autre jour. Tu ne viens plus aux activités ni au repas.
— Ce n'est pas obligatoire....
— Toi et moi, on sait que c'est le cas.
Elle s'assoit lourdement sur le canapé tout en jouant nerveusement avec le collier en forme de cœur contre sa poitrine.
— Honnêtement, je n'ai pas vu le temps passer.
— Est-ce que ça à un rapport avec le côté de tes mains tout coloré ?
Elle regarde alors ses mains. Bon sang oui ! C'était à la fois tout noir mais avec des touches de rouges et de violets.
— Ah oui c'est pour mon projet quand je travaille à fond je...
Elle observe Zack. Oh ! Elle en avait oublié ses bonnes manières.
— Thé ? Café ? Jus ?
— Je veux bien du café, répond-t-il en croisant les bras contre son torse.
Pendant que Joe préparait le café, Zack l'observait. Elle portait un vieux jogging et un tee-shirt tacheté. Ses cheveux étaient attachés mais en bataille. Elle avait vraiment l'air d'une folle mais étonnement il la trouvait mignonne. A cette pensée, ses yeux s'arrondirent et il tousse comme pour chasser une maladie. Joe lui tend une tasse et elle se calle contre le meuble de l'évier en le regardant à son tour.
— Qu'est-ce que j'ai manqué ?
— Pas grand-chose.
Rien n'avait été intéressant sans elle. Zack observe les couleurs sur ses mains tout en buvant des gorgées de son café.
— C'est quel genre de projet ?
— Des plans et une maquette à rendre pour avoir mon diplôme d'architecte d'intérieur.
— Ça a l'air cool ! Tu aimes ça ?
— Ça dépend du projet, dit-elle en haussant les épaules.
Zack repense à la question de Lea qu'elle n'avait pas répondu. Il pose sa tasse.
— Je peux le voir ?
— Euh... Oui...
Elle avait l'air gêné.
— Tu n'es pas obligé tu sais.
— Oh c'est pas ça, c'est que...
Elle le regarde longuement. Joe s'était inspirée de lui et elle n'osait pas lui dire.
— Allons-y alors, lâche-t-elle en indiquant les escaliers.
Ils montent les escaliers et Joe se dépêche d'entrer dans la chambre pour cacher quelques vêtements... Maintenant qu'elle était sortie puis revenue dans la pièce, c'est vrai qu'il y avait une petite odeur. Elle se précipite alors vers la fenêtre pour l'ouvrir. Elle se tourne ensuite vers Zack qui observait la maquette. Un doigt s'aventurait trop près de sa maquette.
— Pas touche, siffle Joe.
— Oh pardon.
Il cache son doigt dans son dos. Il acquiesce lentement. Joe se pince les lèvres pour s'abstenir de rire.
— Tu ne comprends pas ce que j'ai fait hein ?
— J'avoue.
Il se redresse et lui sourit bêtement.
— Je t'avoue que j'apprécie. C'est mieux que de voir des gens s'extasier devant une œuvre d'art pour faire genre.
Elle se rapproche, en gardant un petit sourire collé à ses lèvres.
— En fait, j'ai voulu créer une sorte de maison qui pourrait servir à deux choses : la première comme une maison d'hôte, un gite pour une famille ; la deuxième une sorte d'enquête.
Zack fronce des sourcils. Joe rit légèrement.
— Tu vois, ces meubles vont regroupés en fait de « fausses affaires », comme si des gens avaient déjà vécues dedans. Les diverses affaires seront des sortes d'indices pour que la famille enquête et résout un mystère ou découvre quelque chose...
— C'est un peu comme les maisons de personnalités qui sont transformées en musée ?
— C'est un peu l'idée oui, si ça peut t'aider à comprendre.
Zack observe à nouveau la maquette et les plans.
— Et ça servirait à quoi ? demande-t-il, le regard bloqué sur la maquette.
— A ressouder les liens familiaux.
Il se redresse d'un coup pour regarder Joe dans les yeux. La jeune femme pouvait y lire de la surprise et de l'amusement.
— C'est plutôt mignon.
Joe roule des yeux et secoue la tête avec un sourire.
— « Mignon » n'est pas le mot qu'une architecte d'intérieure rêverait d'entendre.
Elle jette et range quelques babioles inutiles sur son plan de travail. Elle sent le regard de Zack sur elle.
— Et donc ? lâche-t-il.
— Et donc, répète-t-elle en continuant de ranger.
— Tu vas sortir ?
Elle s'arrête et le regard avec une légère moue.
— Je ne sais pas...
— C'est ce qu'a dit Grand-mère qui te préoccupe ?
— Non... Pas vraiment...
Elle s'assoit sur son lit. Zack la rejoint.
— Tu l'as perdu il y a un an c'est ça ?
— Oui à peu près. Elle me manque tous les jours.
— Comment était-elle ?
— Rima ? Elle était unique. Vraiment unique. Elle avait une incroyable douceur en elle... Mais c'était aussi une guerrière, un roque. Elle n'avait peur de rien. Elle pensait qu'il y avait toujours du bon chez les gens. Mais elle était aussi têtue. Incroyablement têtue. Elle s'est toujours occupée de moi.
— Et tes parents alors ?
— Disons qu'ils n'étaient jamais là... Trop occupés dans leur carrière.
— Je peux comprendre ça, marmonne-t-il.
Le regard de Joe se baisse sur le collier. Elle le prend entre ses doigts et sourit lentement.
— Elle et Whitley étaient les meilleures amies du monde. Elles étaient inséparables depuis le lycée. Mais...
— Mais ?
— Je crois qu'au tout début elles se détestaient.
— Sérieusement ?
— Oui. Ma grand-mère ne m'en parlé très rarement mais je crois qu'elles étaient un peu comme le cliché des deux filles populaires qui se battent pour le trône.
Elle se lève pour prendre son téléphone.
— J'ai pris une photo chez ma grand-mère que j'avais trouvé super cool. Elle date des années cinquante... La voilà !
Joe rejoint à nouveau Zack sur le lit puis lui tend le téléphone.
— La vache ! Tu es vraiment son portrait craché.
— Ta grand-mère était super belle ! Elle avait de beaux cheveux, une bouche pulpeuse un corps très mince.
— Elles étaient toutes les deux magnifiques.
— J'aurais bien aimé voir comment c'était à l'époque.
Joe referme son téléphone puis se tourne vers Zack.
— Genre, tu préférerais voyager dans le passé plutôt que dans le futur ?
— Le futur est terrifiant, souffle-t-elle.
— Et donc, c'est aussi terrifiant de sortir dehors et de revoir tes amis ? dit-il en lui bousculant doucement l'épaule.
Joe sentait une boule dans son ventre.
— Non, ment-elle.
Il se lève et elle l'imite mais se ressaisit avant de sortir de la chambre.
— Je vais prendre une douche avant...
— Bonne idée ! lance-t-il depuis les escaliers.
— Hey !
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