CHAPITRE QUATRE

Matinée du troisième jour. Joe essayait de dessiner des plans, des idées pour son travail à rendre avant la fin de l'été mais l'inspiration manquait grandement. Elle avait même fabriqué une petite maquette à l'improviste mais rien à faire. Le vide total. Si elle rendait une idée aussi mauvaise alors elle pouvait faire une croix sur son année. Et ce n'était pas en regardant constamment par la fenêtre qu'une idée allait surgir par magie.

C'est en faisant sa petite vaisselle matinale, quelques heures après son manque d'inspiration, que quelqu'un avait frappé à sa porte. Joe avait froncé des sourcils, pensant passer une matinée seule puisque l'emploi du temps de Withley ne mentionnait aucune activité. En allant ouvrir, elle découvrit le fameux Paul. Il se tenait à l'encadrement de la porte d'une manière assez étrange et avec un air qui se voulait probablement séduisant.

— Je viens t'apporter ta queue, beauté fatale.

— Pardon ?

Il sort de derrière son dos une sorte de fausse queue de renard de couleur orange. Son incompréhension était de plus en plus forte. Où avait-il trouvé cette affreuse queue ?

— Withley a organisé un « Poule-Renard-Vipère » à la dernière minute. Et devines quoi ? On est dans la même équipe !

— Sérieusement ? Un PRV ?

Elle saisit la queue et l'observe longuement avec un gout de nostalgie.

— J'imagine que nous sommes les r....

— Les vipères. Les vipères sont vertes.

— Quoi ?

— Nous sommes les vipères, dit-il fièrement.

— Mais la queue est...

— Oui je suis d'accord... Drôle de jeu pas vrai ? Des noms d'animaux dans une langue étrangère, des queues à s'attacher derrière notre pantalon...

— C'est un jeu français.

— Ah bon ? Rien d'étonnant alors.

Son regard observe quelque chose en hauteur avant de dévier vers le vide... Il se recoiffe avec sa main puis s'étire en regardant la vue sur les autres petits chalets. Joe l'observe faire pendant de longues minutes, la queue en main, avant qu'il ne se retourne vers elle.

— Alors, on y va ? demande-t-il.

— Euh... Je vais me changer.

Avant qu'il ne lui réponde, elle lui claque la porte au nez, toujours dans une sorte de floue. Cette histoire était étrange, pour plusieurs raisons... Joe pose la queue de renard (ou de vipère selon le point de vue de Paul) sur le sofa avant de se changer en tenue sportive. Pour plus de sécurité, elle avait laissé le collier de sa grand-mère dans sa chambre.

Zack détestait courir. Dans le domaine, il y avait une très grande partie boisée et pleins de verdures. Toute la famille et les autres étaient là. Tout le monde courrait partout et s'amusait. Zack mourrait de l'intérieur. Il avait déjà échappé plusieurs fois aux mains de l'autre famille diabolique.

— Quel jeu à la con, grommelle-t-il.

Il décide de courir pour se planquer dans une sorte de petite forêt. Il s'assoit lourdement sur une souche d'arbre. A quelques mètres, il aperçoit une blonde arriver toute essoufflée elle aussi : Joe. Elle l'aperçoit à son tour. Elle se tenait les hanches et respirait comme un âne.

— Paul est un vrai pot de colle... Il veut me protéger absolument de tout mais quand l'équipe adverse arrive, il se barre en courant comme une fillette... Et en plus, il est daltonien et je crois qu'il ne le sait même pas. Il a confondu les équipes et s'est fait attraper une dizaine de fois.

— C'est surtout un idiot, lâche sèchement Zack.

En reprenant son souffle, Joe remarque la présence d'un homme derrière Zack. Ça l'avait surpris parce qu'il était pourtant voyant.

— C'est qui lui ? demande Joe en pointant du menton l'homme en question.

Zack se retourne et semble aussi surpris que Joe.

— Oh t'étais là toi ? (Il se tourne vers Joe) C'est Ted, mon cousin. Ted, voici...

— Joe, n'est-ce pas ?

Il se rapproche d'elle avec un grand sourire et en levant une main pour la saluer. Joe ne savait pas si elle devait lui serrer la main ou lui taper dedans. Ils durent tous les deux se reprendre plusieurs fois pour être synchronisés dans leur mouvement. Ted semblait un peu maladroit mais très gentil.

— Je vois qu'on parle de moi alors, accuse-t-elle.

— Oh rassures-toi, il ne t'insulte pas toutes les heures non plus.

— Ah.

Elle lance un regard noir à Zack avant de se rapprocher. Ce dernier crut quelques secondes qu'elle allait le frapper.

— Je te cherchais justement, fait remarquer Joe.

Le torturer même.

— Ah oui ? déglutit-il.

— Oui, Sawyer m'a parlé de ta conversation avec ton père. Tu veux changer de métier et il m'a dit que tu avais une... Une idée, c'est ça ?

— En quoi ça t'intéresse ?

— Je peux peut-être t'aider. C'est quoi ton idée ?

Il lance un regard surpris à Ted. Pourquoi la Gorgone semblait toute gentille d'un coup ?

— Tu sais, après le gros scandale d'hier soir, je me suis dit que....

— Oh, j'ai compris ! Tu as pitié de moi, c'est ça ? Tu m'as vu péter un câble, Sawyer t'a dit que j'avais eu une discussion « d'homme à homme » avec mon père après ça et maintenant tu viens me voir... Tu veux t'acheter une conscience ?

— Non pas du tout, répond Joe en fronçant des sourcils.

Ted essayait d'intervenir mais n'arrivait pas à s'interposer entre les deux têtes de mules.

— J'essaie d'être gentille et serviable, avoue Joe en observant Zack.

— Oh, tu veux être gentille et serviable ? Pourtant personne ne nous regarde ! Comme hier n'est-ce pas ? Je te remercie grandement d'avoir été gentille et serviable !

— Quoi ? T'aurais voulu que j'intervienne hier ? Mais c'est magnifique ! Comment j'aurais pu le faire ? Tu te comportais comme un abruti !

— Super ! Après avoir fait ta douce avec ma famille, tu veux maintenant aller faire la même chose avec les démons de l'autre famille ? Vas-y je t'en prie !

— Mais... T'es demeuré Zack !

Les deux s'observent longuement. Joe rit nerveusement avant de plonger les mains dans son gilet sportif. Elle pousse un soupire.

— Laisse tomber, je vois que tu peux te d'emmerder à merveille.

Elle s'éloigne lentement tandis que Zack hésite à la suivre. Il se tourne vers Ted, qui voulait ajouter quelque chose, mais elle n'eut pas le temps de l'écouter. Il rattrapait déjà Joe. Il pose une main sur son épaule pour la retourner.

— Attends Joe !

Elle se retourne, plissant des yeux.

— On a commencé du mauvais pied tous les deux.

— Oh, ça oui. Dès que tu es entré dans mon taxi.

Ils se mettent à rire doucement avant de reprendre du sérieux.

— Je m'excuse, murmure Zack.

— Tu quoi ? questionne Joe d'un air vraiment surpris.

— Je m'excuse, répète plus fort Zack, pour tout.

Joe lance un regard surpris à Ted.

— Il s'est excusé, on l'a tous les deux entendus ?

— Ça m'a tout l'air.

Elle repose ensuite un regard amusé sur Zack. Ce dernier lui tend sa main.

— Je m'appelle Zackary Periwinkle, enchanté.

Joe fait semblant d'hésiter avant de la saisir pour la serrer.

— Joe Baumeister, enchantée aussi.

Elle voulait retirer sa main mais Zack la serrait pour qu'elle ne parte pas. Il s'était légèrement rapproché d'elle.

— Je suis persuadé que c'est un diminutif.

Joe plisse des yeux avant de retirer sa main avec un sourire amusé collé aux lèvres.

— Tu ne sauras pas.

— J'en était sûr !

Ils se sourient.

— Alors, on repart de zéro ?

— Totalement, affirme Joe.

Elle vient alors s'asseoir sur la souche d'arbre avec Ted.

— Alors, dis-moi, c'est quoi cette idée ?

— J'en sais trop rien... J'en ai marre de bosser dans une entreprise, dans un bureau. C'est étouffant à force. Je veux être proche des gens.

— Dans quel sens ?

— Et bien... C'est là où ça coince.

— Il y a tellement de choses à faire si on veut être proche des gens... C'est assez vaste.

Zack fait une moue. Joe se lève d'un coup, se promenant autour de la souche.

— Allez, je t'aiderai à trouver quelque chose, ne t'en fais pas. On a plusieurs jours devant nous !

— Tu as raison.

Zack se lève à son tour.

— Une chose de faite... Mais vous devriez courir.

— Pourquoi ?

— Vous êtes des poules et je suis un renard.

— T'es pas sérieuse là ?

— Oh que si.

Joe met sa menace à exécution en faisant soudainement un pas vers eux. Les deux hommes lèvent les mains en l'air.

— D'accord, d'accord... Mais c'est de la triche, laisses nous une avance, propose Ted.

— Bien... Je vais être clémente et compter jusqu'à trois.

— Cool... Génial ! assure Ted tout en commençant à s'éloigner de Joe.

Elle croise les bras contre sa poitrine et les observe s'éloigner lentement vers la sortie de la petite forêt. Ils n'arrêtaient pas de regarder Joe tout en reculant. C'était assez drôle à voir, surtout qu'elle ne s'était pas mise à compter.

— Tu ne comptes p... lance Zack.

— Trois !

Elle court vers eux et les cousins s'éloignent en hurlant à pleins poumons. Joe s'arrête et se met à rire en les voyant cavaler ainsi. Elle se met alors à trottiner pour chasser les autres poules.

Dans leur course, les garçons tombent nez à nez avec Paul qui hurlait de peur lui aussi. Ils se cognent, se bousculent puis roulent sur le sol. Les deux camps se toisaient du regard avant de se relever pour se dépoussiérer les vêtements.

— Un jeu vraiment ringard, se répète Zack.

Sa bonne humeur était repartie en voyant Paul.

— Pas pour tout le monde ! s'écrie ce dernier.

Il brandissait avec fierté la queue colorée de Zack.

— QUOI ?!

Il vérifie au cas où et... Oui malheureusement. Paul avait dû profiter de leurs chutes pour lui arracher sa queue de poule... Quel abruti !

— Tu sais où tu dois aller mon pote !

— Ouais ça va, je sais, merci.

Ted pose une main contre son cousin pour éviter une nouvelle bagarre.

— Tout va bien Zack, je t'accompagne jusqu'à leur camp... Je n'ai personne d'autre avec qui jouer de toute manière... Prends ma queue Paul !

Ted arrache sa queue et la donne à Paul, le regard fier.

— Si tu insistes mon pote...

Lentement, les deux rejoignent le camp des renards. Il y avait déjà plusieurs prisonniers poules et ces derniers avaient eu un espoir en voyant leurs collèges arriver. Le premier avait un pied dans le camp, les autres formaient une chaîne. Ils étaient prêts à bondir loin d'ici à la moindre occasion. Zack prend alors la main du prisonnier à sa droite puis celle de Ted.

— C'est naze, souffle Zack.

— Arrête de te plaindre, lui dit Ted.

— Je ne me plains pas.

— Oh que si.

— Oh que non.

— Si.

— Non.

— Si.

— Non.

Soudain, comme sortie de nulle part, Zack observait Joe courir au loin avec un grand sourire aux lèvres. Sawyer courrait gentiment, en grand gentleman. Même au moment où Joe trébuche au sol, il fait semblant de refaire ses lacets. Joe se tordait de rire et pointait Sawyer avec son doigt tout en mouvant les lèvres. Zack n'arrivait pas à distinguer un mot de là où ils étaient... Mais finalement, Sawyer s'était laissé toucher par Joe. Elle lui avait fait une mini pichenette sur le front. Les deux riaient tout en commençant à marcher vers le camp des renards.

Sans s'en rendre compte, Zack souriait lentement face à cette scène qui, soyons honnête, était assez mignonne. Ted , lui, avait bien remarqué son expression. Il allait dire quelque chose mais l'arrivée de Paul bousculait ses plans. Les sourcils de Zack s'étaient froncés pendant un instant. Paul faisait le coq devant Sawyer pour protéger – ou contester quelque chose – Joe. D'une main, Sawyer l'avait dégagée de son chemin.

— Que c'est mignon, lance Ted.

Zack sort de sa torpeur et le fixe.

— Comment ça ?

Ce dernier se tourne vers lui en faisant danser ses sourcils.

— Pfff, arrêtes ça, lui ordonne Zack en secouant la tête.

Après plusieurs heures de jeu, les trois équipes rentraient en sueur et essoufflée vers l'accueil du domaine pour se déshydrater avant le déjeuner. Joe s'étirait le long du chemin. Elle se trouvait derrière les garçons, à quelques mètres d'eux. Elle allait les rejoindre en leur faisant une blague mais quelqu'un l'en avait empêché.

— Zack ! appelle une voix féminine.

En effet, une jolie femme brune se trouvait au niveau de l'accueil. Elle faisait des grands signes de main et souriait à pleines dents. De jolies dents, soit dit en passant.

Zack s'était stoppé face au choc. Tedmund et Sawyer lui avaient même lancé un regard inquiet.

— Lea ? souffle-t-il.

Il s'était avancé d'un pas déterminé vers elle.

— Qu'est ce que tu fais là ?

— Je suis juste venue pour la fête de ce soir. Ça faisait plus d'un an que c'était prévu... Et puis, j'étais invitée avant que...

Joe s'était arrêté elle aussi, observant avec intérêt cette scène. Elle n'arrivait pas à entendre leur discussion.

— C'est d'un rien pathétique.

La voix d'une seconde femme l'avait fait sursauter. C'était aussi une brune. Elle s'était arrêtée à côté de Joe en croisant les bras contre sa poitrine. Elle était un peu plus grande qu'elle et Joe la trouvait vraiment belle.

— Pourquoi vous dites ça ?

— C'est Lea Everton. Ils sont sortis ensemble pendant plus de trois ans et elle l'a quitté il y a quelques semaines de ça.

— C'est dingue... Pourquoi est-elle ici alors ?

— Je suppose qu'elle tient à Madame Periwinkle et qu'elle a voulu lui faire plaisir... Mais regardez-les... C'est un peu triste non ?

Joe les observe alors à nouveau.

— C'est vrai.

La fille se tourne vers elle, en lui tendant sa main.

— Je suis Bailee Harton.

— Joe Baumeister, se présente-t-elle en lui serrant la main, vous êtes une cousine de la famille ?

— A vrai dire, je suis l'avocate de la famille Vermeil.

— Une avocate ? souffle Joe sous le choc. Comment vous savez tout sur cette Lea alors ?

— C'est un peu mon job de savoir tout ce qui se passe ici, qui est présents, qui est absents... Ils m'ont engagé en cas de problème.

— Ah...

Qu'est-ce que la famille Vermeil voulait au juste ?

— Mais je vais vous avouer quelque chose... Ne leur dites pas, mais j'en profite pour me sentir en vacances. Ça fait du bien de faire une pause loin des buildings et du bruit des voitures. Et puis, Whitley est très gentille. Elle m'a accueilli les bras ouverts malgré tout. Je ne veux pas lui faire de la peine.

— Grand-mère Withley est au courant ? répète Joe sous le choc encore une fois.

Pourquoi Grand-mère ne disait rien ? Que se passait-il au juste ? Est-ce que sa Grand-mère Rima lui avait parlé de quelque chose dont elle ne se souvenait pas... ? Réfléchis, réfléchis...

— Est-ce que c'est en rapport avec cette femme... Connie ?

Connie, c'était la femme pour laquelle Earl avait quitté Withley il y a des années de ça. Il avait refait sa vie avec elle : des enfants et des petits enfants. Voilà d'où venait réellement l'animosité entre les deux familles. D'un côté les Periwinkle, blessés par la trahison de leur ascendants Earl. De l'autre, les Vermeil, blessés de ne jamais avoir été accepté. Depuis des décennies, ils se lançaient des chaises au visage pour une histoire qui ne concernait que Withley, Earl et Connie. Joe ne comprenait pas ce qu'une avocate faisait ici. Dans ses souvenirs, Connie était décédée depuis plusieurs années alors... Quel rapport avec Withley ?

— Vous connaissez Connie ? demande Bailee, surprise.

— Ma grand-mère, Rima, m'en a parlé il y a quelques années oui. Est-ce que c'est pour une histoire d'héritage que vous êtes ici ?

— Pour être honnête avec vous, non.

— Ne me dites pas qu'ils comptent attaquer la famille Periwinkle au moindre incident.

— Si...

— Oh ! C'est grotesque.

— Je suis d'accord avec vous malheureusement.

Earl était le seul lien qui unissait les deux familles. Or il n'était pas là. Whitley les avait-il invités par gentillesse ? Non, ça n'avait pas de sens. Pourquoi les inviter si Withley n'était pas de leur famille ? C'était soit la bienveillance de Whitley, soit quelque chose de vraiment étrange... Oh ! Earl allait-il enfin se montrer ? Non, non, ça ferait sûrement exploser la tension déjà accumulée... D'ailleurs, lui et Whitley étaient-ils en bon terme ? Elle ne se souvenait pas si sa Grand-Mère Rima lui avait dit ou non. Elle sort alors de des pensées pour reprendre sa discussion avec Bailee.

— Mais au moins, vous êtes en vacances.

— C'est exact, dit-elle avec un sourire.

— Payée et vacancière, le rêve de beaucoup d'américains.

— A qui le dites-vous ! 

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