CHAPITRE ONZE

Tout le monde attendait joyeusement l'arrivée de Whitley devant la scène. Les gens continuaient de papoter et de rire ensemble. Mais Zack et Joe étaient super stressés. Comme si c'était naturel, Joe avait entouré le bras de Zack avec le sien et elle agrippait fortement sa manche, signe qu'elle était nerveuse. Ils étaient les seuls à ne pas être aussi enjoués que les autres... Parce qu'ils connaissaient le prix de ce qu'allait révéler Whitley. Ils s'étaient échangé plusieurs regards agités.

Les applaudissements dans la salle prouvent que Whitley venait de monter sur la scène. Cette fois-ci, elle avait un visage tendu et demandait, avec l'aide de ses mains, que la foule se calme. Cinq bonnes minutes ont dû être volées pour avoir le silence complet dans la salle. Whitley jouait avec ses mains nerveusement. Zack et Joe se trouvaient au plus proche de la scène et essayaient de la réconforter avec des signes.

Cette fois-ci, Grand-mère n'avait pas de micro. Cela dévoilait que tout allait être différent.

— Bonjour mes enfants.

Sa voix était forte mais tremblante.

— Pouvez... Pouvez-vous tous vous asseoir sur le sol s'il vous plait ?

L'assemblée s'était échangé des regards curieux. Il y avait eu quelques chuchotements. Mais les gens avaient obéi. Whitley faisait lentement les cent pas sur la scène. Joe la regardait se mouvoir.

— En tant qu'adulte, il a des choses qui nous surpassent. Nous ne pouvons pas tout régler, ce serait trop facile. (Elle inspire profondément et se tourne enfin vers sa famille). Je pense que nous découvrons de nouvelles choses tous les jours. La vie est une aventure qui nous emmène parfois au-delà de ce qu'on aurait pu imaginer. Elle nous rend triste, en colère, et joyeux. La vie nous forge et fait de nous ce qu'on sera le lendemain.

Elle se remet à faire les cent pas.

— Je n'ai jamais été honnête avec moi-même. Aucun de nous ne l'est réellement. Les gens sont comme des miroirs. Nous voyons ce qu'on est, ce qu'on pourrait être. Mais toutes nos actions et nos sentiments sont parfois dictées par une émotion : la peur. La peur peut vous paralyser ou vous rendre plus fort. J'en sais quelque chose et... Avant tout, je tiens à dire que si je n'avais pas eu peur, tout aurait changé.

Joe fait une petite moue triste et pose sa tête contre l'épaule de Zack.

— Nos deux familles ne se sont jamais rapprochées jusqu'à aujourd'hui pour différentes raisons. Je déclare ceci : il y a eu des non-dits et je tenais à vous dire la vérité.

Il y a eu un tourbillon de voix s'élevant dans les airs mais avant que le brouhaha commence, Whitley avait levé la main pour faire signe de se taire. Joe s'était redressée, inspirant à fond, prête à intervenir en cas de besoin. A cet instant précis, Earl était rentré sur la scène à son tour. De forts marmonnements s'étaient édifiés dans la salle. Joe avait même senti Zack se raidir à son arrivée. Ce fut une surprise pour tout le monde mais c'était évident : Earl était un témoin direct.

— J'ai appelé Earl, mon ami et mon ex-mari, pour éteindre à tout jamais le feu qui brûle encore secrètement en vous tous : la colère, la trahison et le questionnement éternel.

Elle marque une pause et son regard se porte sur Joe. La jeune femme savait ce qu'elle allait dire. Joe l'encourage alors avec un petit sourire.

— J'ai aimé une femme depuis mes années de jeune fille et à cause des mœurs de la société et de nos familles, nous n'avons pas pu nous aimer au grand jour. Aujourd'hui, je l'aime encore et je l'aimerai jusqu'à ma mort.

De grands cris de surprises et d'étonnements résonnait dans la salle. Earl et Whitley s'échangeaient des regards tendres. Ils étaient restés amis depuis ! Il y avait tant de tendresse entre eux et Joe trouvait ça magnifique. Earl frappe des mains pour ramener tout le monde sur Terre, brutalement.

— Je suis ici pour vous dire, mes chers petits-enfants et mes enfants, que nous nous sommes quittés en bons amis Whitley et moi. Nous n'étions plus heureux dans notre couple. Même si je savais qu'elle aimait cette femme, je n'étais pas triste parce que nous voulions notre bonheur.

Il s'adresse particulièrement à des visages dans la salle, visages que Joe n'arrivait pas à voir.

— J'ai aimé Connie et je l'aime encore après sa mort, tout comme Whitley aime encore cette femme même si elle a rejoint ma Connie il y a peu.

Cette fois, il adresse un regard de condoléance à Joe. Elle le remercie silencieusement.

— Qui est cette femme ? demande l'un des enfants de Whitley.

Elle prend une nouvelle inspiration. Tout le monde retient son souffle.

— Rima Wann, révèle-t-elle après un long silence.

Tous les regards s'étaient portés vers Joe. Zack défiait déjà certains regards haineux.

— C'est un scandale ! crient plusieurs tantes de Zack.

— Je n'y crois pas !

— C'est hallucinant !

— On n'a pas confiance en nous !

— Qui sommes-nous ?

Une avalanche de problèmes pointait le bout de son nez. Joe secoue lentement la tête avant de se lever d'un bond.

— Bon sang où est le problème ?!

Elle arrive à se faire entendre et tout le monde se tait.

— Whitley n'a rien fait de mal. L'amour ce n'est pas mal ! Les gens peuvent aimer qui ils veulent, vous n'avez pas à décider pour eux !

Cheyenne se lève à son tour pour lui répondre.

— Oh gamine ! On n'est pas dans un épisode de Glee.

— Là n'est pas le problème, je clame simplement que l'amour n'est pas réservé uniquement à un homme et à une femme... Si vous ne pouvez pas comprendre ça alors ça veut dire que vous êtes tous des homophobes. Je vous rappelle qu'on est au vingt-et-unième siècle.

— Oh, comment oses-tu !

— Quelle honte de nous traiter de la sorte !

Plusieurs personnes s'étaient levées pour contredire les propos de Joe.

— Pourtant c'est la vérité ! Ne voyez-vous pas vos réactions ?

— On n'est pas en colère parce qu'elle aime une femme mais parce qu'elle ne nous a pas dit la vérité, lance Paul.

— Mais c'est sa vie privée, elle n'était pas obligée de vous le dire, répond Zack.

Il eut un silence avant que le typhon ne s'installe dans la foule.

— Peut-être que si grand-père n'avait pas été aussi ambigu dans ses propos, on n'en serait pas là !

— Peut-être que si Whitley n'était pas restée silencieuse sur son divorce avec Earl, les choses auraient pu être plus simples !

— Peut-être que...

Et voilà. La foule se levait une par une et pointait du doigt l'autre famille en l'accusant. Deux « clans » se formaient à nouveau. Les accusations étaient d'abords centrés sur Earl et Whitley mais petit à petit, certains détails du séjour revenaient sur le tapis. C'était désormais des règlements de comptes. La ligne séparative entre les deux familles s'était une nouvelle fois créée. Tous les progrès de ces derniers jours sont partis en fumée.

Les tables du déjeuner n'avaient pas été débarrassées et les gens commençaient à se balancer le reste de nourriture qu'ils trouvaient. C'était un vrai bain de bouffe. Joe avait reçu du taboulé. Zack des salades de légumes... Ted et Sawyer se protégeaient comme il pouvait. Bailee restait immobile face à ce désastre.

— Tu ne fais rien Bailee ! blâme Cheyenne, des petits pois dans les cheveux.

— Je ne vois pas ce qu'il y a d'illégal là-dedans, provoque Bailee en plissant des yeux.

— Oh ! Tu es virée !

Cheyenne s'éloigne en tirant son mari par le bras. Il y eu un mouvement de foule et plusieurs personnes décident à leur tour de sortir de la salle. Petit à petit, la salle se vidait. Il ne restait que le groupe, Whitley, Earl et un tas de déchets au sol et sur les murs. Joe s'assoit lourdement sur la scène et retire une tranche de tomate de ses cheveux.

— Tout est de ma faute, lâche-t-elle.

— Non mon enfant, tu as bien fait... Etrangement, ça me retire un poids des épaules.

— Mais la famille est à nouveau éclatée.

Zack décollait quelque chose de gluant de son pantalon. Joe secoue la tête. Qu'allait-il se passer maintenant ? Ils allaient tous partir ou rester ?

— Je ne pense pas que les tensions vont redescendre, explique Joe.

Elle lève les yeux pour regarder Whitley.

— J'ai gâché ta fête.

— Non c'est eux ! S'ils avaient été aussi sages que toi, ça ne serait pas arrivé.

Pourtant, elle se sentait coupable.

— Rejoignez vos logements, conseille Whitley, je pense que les jours suivants vont être terriblement longs.

— On va t'aider à tout nettoyer, affirme Sawyer.

Sans attendre, il commence à faire un tas de déchets au milieu de la salle. Les autres l'imitent rapidement. Au bout de deux bonnes heures, ils avaient tout lavé et tout rangé. Puis ils étaient rentrés dans leur résidence pour se débarbouiller et la nuit était très vite tombée. Bailee et Joe restaient silencieuses dans le salon.

— Elle t'a viré, remarque Joe au bout d'un moment.

— Oui mais je reste.

— Bien sûr ! J'irais où sinon ?

Elles sourient lentement. A l'heure qu'il est, ils devraient tous dîner ensemble dans le bâtiment principal.

— Tu crois qu'ils viendront aux activités demain ? interroge Joe.

— On verra.

Quelqu'un frappe à la porte. Bailee se lève lourdement et s'avance lentement vers la porte. Joe fait une légère moue et cale un oreiller contre sa poitrine pour se réconforter. La porte s'ouvre et Joe sent l'odeur chaleureuse de la pizza.

— On peut s'incruster ? annonce Zack avec son sourire de bêta.

Il avait réussi à redonner le sourire à Joe. Il s'installe à côté d'elle sur le canapé et pose les pizzas sur la table basse. Ted entre à son tour et Joe remarque que Sawyer et Bailee n'arrêtaient pas de se lorgner. Tiens, tiens petite cachottière....

— C'est la loose dehors, tout le monde est dans son logement et se fait la gueule, observe Ted en insérant une pizza dans sa bouche.

La boule dans le ventre de Joe était revenue. Zack lui tend une part de pizza. Joe secoue la tête.

— Je n'ai pas très faim...

— Force-toi pour ton estomac sinon tu auras faim pendant la nuit, assure Bailee.

— Bon...

Elle croque dans le morceau de pizza puis la saisi avant que le fromage dégouline. Ses doigts étaient déjà huilés par le gras.

— Je ne pensais pas qu'elle allait faire venir Earl, ça m'a surpris, déclare Joe.

— Tu le savais pour elle et ta grand-mère ? demande Bailee.

Joe secoue la tête.

— Je l'ai appris en venant ici mais je n'étais pas sûre. Tout ce qu'on faisait, ça me rappelait constamment ma grand-mère. Donc ça m'a mis la puce à l'oreille.

Ils mâchent silencieusement leur part de pizza.

— Qu'est ce qui vous fait le plus peur ? questionne subitement Joe.

Zack l'observe les sourcils froncés. Ah, oui ! Elle avait réfléchi au discours de Whitley. C'était le bon moment pour parler de ce genre de choses oui.

— Les cafards ! Ça me répugne. Oh et... Aussi le fait de ne pas trouver de copine. Les femmes me trouvent en général un peu trop, disons... Maladroit et fragile, expose Ted.

— J'ai peur constamment de décevoir mes parents. On est une famille pauvre à la base et ils ont tous donné pour que j'étudie dans une bonne université, justifie Bailee.

Le petit groupe hoche doucement la tête.

— J'ai peur de me confier aux gens. La plupart me trouvent serviable et gentil, presque parfait j'ai envie de dire... Ils ne voient que l'apparence mais ils refusent de voir ce qu'il y a à l'intérieur, révèle Sawyer.

— Qu'est-ce qu'il y a à l'intérieur de toi ? demande Bailee.

— Le petit garçon qui a accidentellement retirer le frein à main de la voiture de son père et qui a détruit la barrière toute neuve.

— Non ! Tu n'es pas aussi sage qui n'y apparait ! drague ouvertement Bailee.

Les autres rient doucement.

— Je suis nerveuse à l'idée de ne pas savoir ce que je vais devenir. Whitley a prouvé que dans la vie, tout peut arriver alors... L'avenir est effrayant, raconte Joe.

— C'est vrai, acquiesce Ted.

— Je ne sais pas si ça vous le fait à vous aussi mais... Parfois, je pense au moment où la Terre va brûler à cause du soleil. Notre chez nous disparaîtra et ça me rend super triste, confie Joe.

— C'est affreusement déprimant et lugubre, commente Bailee.

Joe hausse les épaules dans une petite moue ce qui fait sourire Zack.

— Et toi Zack ? invite Sawyer.

Il déglutit et pose sa part de pizza pour réfléchir. Il jette des coups d'œil furtif vers Joe qui, elle, mâchait avec concentration sa pizza. Il avait peur de l'amour en réalité, mais jamais il ne l'avouerait.

— J'ai peur que ma mère tombe dans l'alcoolisme à cause de mon père, prétend-t-il.

Ses cousins secouaient la tête face à ses mots. Ils semblaient même déçus. Pourquoi... ? Parce qu'il n'avait pas parlé de Joe ? Les gars ! Ce n'était pas du tout le moment.

Le reste de la soirée, ils avaient regardé un film.

Le lendemain, ils s'étaient tous rendus à leur activité respective. Mais personne ne s'était montré. Il y avait à chaque fois qu'eux et les animateurs. Sur le chemin du retour, Zack frappait dans des petits cailloux pour jouer avec. Il était dégouté et énervé par cette situation. C'était de l'irrespect envers sa grand-mère !

Au loin, il vit son groupe en train de discuter dans un cercle déformé. Tout le monde avait l'air aussi remonté et désabusé que lui.

— Le voilà, j'en étais sûr ! souffle Ted.

Il s'avance vers son cousin.

— Toi aussi il n'y avait personne ?

— Oui, l'animateur m'a renvoyé ici.

— Personne n'est venu ! s'emporte Joe.

Elle avait les bras croisés contre sa poitrine. Elle fulminait intérieurement et ça se voyait sur son visage. Zack ne pu s'empêcher de la trouver encore plus attirante - et mignonne. Elle était minuscule mais, il en était persuadé, capable de détruire toute une ville si elle le voulait.

— Ça suffit ! siffle-t-elle.

Il avait sursauté, comme pris sur le fait. Joe s'éloignait déjà vers les premières résidences du domaine.

— Qu'est-ce que tu fais Joe ? sonde Bailee.

La jeune femme s'arrête et se retourne lentement vers le groupe.

— Ce que je fais Bailee ? Je vais frapper à toutes ces maudites portes, demander des explications, et ramener par les oreilles tout le monde pour qu'on fête l'anniversaire de Whitley comme il se doit !

Après cette proclamation, elle s'éloigne d'un pas déterminé et énervé. Zack secoue lentement la tête.

— Elle est géniale cette nana ! dit-il avant de la suivre avec un sourire satisfait. 

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