CHAPITRE CINQ
Pendant le déjeuner, qui était une sorte de pique-nique, Joe pensait que les tensions s'étaient un peu évaporées depuis le jeu dans la nature. Mais ça avait duré seulement quelques minutes. Quand l'être humain à faim, il ne contrôle plus ses pulsions. En arrivant, tout s'était bien passé et quelques cousins éloignés faisaient l'éloge de leur capture ou de leur défense. Cependant, le ton était vite monté et à l'heure actuelle, il y avait à nouveau ce mur invisible qui séparait les deux familles. Joe poussait un soupire, tout en croquant son sandwich à côté de sa nouvelle connaissance Bailee.
Zack observait Joe au loin. Elle ne lui avait pas parlé depuis l'arrivée de Lea. Savait-elle que c'était son ex ? Lea lui avait dit que c'était sa mère qui lui avait envoyé l'adresse du domaine... C'était donc ça son « coup de génie ». D'ailleurs cette dernière lui faisait des clins d'œil tout en désignant Lea du doigt. Sa mère était tellement indiscrète. Paul semblait de la même catégorie puisqu'il n'arrêtait pas de lorgner du côté de Joe. Cela agaçait fortement le jeune homme.
— C'est très silencieux, fait remarquer Lea.
Elle se lève d'un coup en s'essuyant les mains sur sa jupe avant d'attirer l'attention sur elle. Lea était animatrice pour enfants, donc elle n'eut aucun mal à ce que tous les regards se braquent sur elle en quelques secondes.
— Bonjour à tous ! Et si on faisait un petit jeu ? L'ambiance est si... Calme !
— Quelle charmante idée Lea, approuve Withley en brandissant son sandwich dans les airs.
— Quel genre de jeu ? demande Sawyer.
— Oh, euh, je ne sais pas... Peut-être pour apprendre à se connaître ?
Il eut des murmures de désapprobation dans l'assemblée et des mouvements nerveux.
— Oh je sais ! On a qu'à poser une simple question. Si la réponse est affirmative, vous me rejoignez. Quand il ne restera qu'une personne, elle devra faire de même et ainsi de suite. On va faire un exemple. Voyons voir...
Son regard se glisse sur tous les visages. Elle se touchait le menton, signe qu'elle réfléchissait. Son doigt se lève. Ça y est, elle avait trouvé une idée.
— Êtes-vous amoureux ?
— Moi ! s'écrie Paul.
Il se lève, suivit de plus de la moitié de l'assemblée, et s'arrête à côté de Lea. Son regard restait planté sur Joe pendant un long moment.
— Je rêve, souffle cette dernière.
— Tu dois être comblée, sourit Bailee.
— Complètement, ironise-t-elle.
Elle se tourne vers Bailee, surprise.
— Vous m'avez tutoyé ?
— On va rester là pendant plusieurs jours, donc ça me paraît normal. Ça ne te dérange pas ?
— Pas du tout.
Elle se tourne ensuite pour observer Paul en secouant la tête.
— Je ne sais pas ce qui lui prend. On s'est rencontré seulement hier et il me colle comme une moule à son rocher.
— C'est le coup de foudre.
— A sens unique...
— Moi ! s'écrie soudainement Bailee en se levant, faisant sursauter Joe.
— C'est quoi la question ? lui chuchote-t-elle paniquée.
Mais elle était déjà partie rejoindre les autres. Ils étaient encore une dizaine. Ted et Zack étaient encore là aussi. Les autres finissaient leur sandwich debout ou regardaient d'un air amusé les survivants. Combien de questions avaient été posées durant sa conversation avec Bailee ? Devant elle se tenait un troupeau entier d'humain debout, c'était flippant. Ils pourraient la piétiner facilement s'ils étaient des vaches terrorisées, comme dans le film Australia.
Des gouttes, d'abord petites, puis énormes s'étaient abattues sur l'activité improvisée. Joe protégeait son visage avec ses mains. Beaucoup de personnes se plaignaient tout en commençant à partir vers leur lieu de vie respectif.
— Changez-vous et n'oubliez pas l'activité de détente et de beauté cette après-midi ! Ce soir... C'est la fête ! lâche Whitley en faisant des petits pas de danse.
Tandis que Joe s'éloigne le sourire aux lèvres, Zack l'observe s'en aller avec une mine triste. A la question de Lea, « Es-tu certain de ce que tu veux faire comme métier dans la vie ? », Joe ne s'était pas levée, comme lui.
L'après-midi même, Zack était arrivée un peu en retard à l'activité. La salle à manger du bâtiment de l'accueil avait été transformé en un salon de SPA. Dès son arrivée, il sentie l'odeur des bougies parfumées, le genre d'odeur que raffole sa mère mais cette odeur était mêlée à la respiration des gens. Il faisait chaud dans la salle puisqu'elle était aussi dans la pénombre. Une petite musique de détente accompagnait l'ambiance. Il eut du mal à voir mais sa grand-mère était apparue dans son champ de vision.
— Bienvenue mon fils ! dit-elle en lui mettant une sorte de collier de fleur et de coquillage autour du cou.
Zack se senti un peu gêné.
— Encore désolée pour hier grand-mère, je n'ai pas été cool.
— Tu t'es déjà excusé mon garçon... Et puis silence ! N'apporte pas d'énergies négatives dans le cercle de la sérénité.
— Euh... D'accord.
Elle l'accompagne jusqu'à sa « place ». Susan, la copine de sa tante Danice, la cougar, était déjà là. Zack eu un mouvement brutal de recul avec un hoquet de peur. Il se cogne dans quelqu'un.
— Aïe... Abruti !
La personne se retourne, les sourcils froncés.
— Zack ?! s'étonne Joe.
Un autre visage apparait dans son champ de vision. C'était Paul. Il s'était relevé d'un air mécontent.
— Tu ne vois pas que tu nous dérange ?
Sans réfléchir, il avait attrapé son bras et l'avait jeté – littéralement – dans les bras de Susan.
— Oh, bienvenue charmant jeune homme !
Zack se dépêche de se cacher et s'allonge à la place de Paul. Joe pousse un soupir de soulagement.
— Dieu merci, je n'avais aucune envie de lui étaler ce truc sur son visage pendant qu'il me parlerait de ses exploits d'ex-lycéen.
Zack avait alors remarqué un pot à côté de lui que Joe pris dans ses mains pour attraper de deux doigts son contenu. Elle se rapproche ensuite du visage de Zack mais ce dernier la stoppe en attrapant son poignet.
— Attends, c'est quoi cette chose ?
— Un masque nettoyant fait maison, ne crains rien et détends-toi, murmure-t-elle.
Sans pitié, elle lui étale cette chose. D'abord crispé par la sensation, Zack se détendait peu à peu alors que Joe lui massait le visage.
— Fermes tes yeux, ça fait trop bizarre, lui ordonne-t-elle.
— Qu'est-ce que... ?
— Whitley veut qu'on soit tous beaux ce soir, explique Joe.
Ah, il comprenait mieux ! Ce masque nettoyant faisait du bien finalement. C'était donc pour ce genre de chose que les femmes passaient leur temps dans les SPA ou autres ?
— Tu masses bien, remarque-t-il.
— Chut.
— OK.
Il sent ensuite deux choses froides et humides sur ses paupières.
— C'est du concombre, explique encore une fois Joe.
— Ça sert à quoi ? chuchote Zack.
— Je n'en sais rien.
Il ne sent plus ses mains sur lui. Il l'entend lire quelque chose, peut-être une note explicative de l'activité, puis il sent qu'elle lui prend les mains. Allait-elle lui masser ? Peut-être que.. Soudain, il sent quelques choses de désagréable sur ses ongles qui le fait frissonner. Il retire sa main et se redresse légèrement.
— Ah ! Mais qu'est-ce que tu fous ?
Un élan de protestation se fit dans la salle.
— Chut !
— La ferme !
— Bon sang !
Joe le repousse au sol dans un grommellement indescriptible.
— Je fais tes ongles, ils sont en piteux états.
— C'est pour les filles !
— N'importe quoi, tout le monde a des ongles, idiot.
Il sent le sourire dans sa phrase et se laisse donc faire à contre cœur. Il remet machinalement en place un concombre avec sa main libre et se laisse aller à la détente.
— Après je te le fais aussi ?
— Paul l'a déjà fait.
— Ah.
Face à cette information, il se retint d'exploser. Sans se rendre compte, il s'était un peu raidi.
— Hey, je t'ai dit de te détendre.
— Oui, oui bon. C'est bientôt fini ?
— Non après, c'est le massage du dos. Mais ce sera après le roulement.
— Le roulement ? On va changer de partenaire ?
— Oui.
Vingt minutes plus tard, après avoir retiré le masque de Zack, le roulement avait était annoncé avec un gong. Joe s'était retrouvée avec la fameuse Lea.
— Salut ! lui lance-t-elle d'un ton joyeux.
— Salut.
— Je suis Lea.
— Je suis Joe.
— Tu veux commencer ou je commence ?
— Oh, j'allais te proposer de commencer, lui indique Joe.
Après tout, elle ne connaissait pas cette jeune femme alors pourquoi émettre un avis sur elle sans savoir qui elle est ? Pourquoi ressent-elle un peu d'animosité à son égard ? La jeune brune s'installe alors sur le ventre. Elle cale confortablement sa tête et... Ne sachant pas quel mouvement commencer, Joe copie son voisin.
— Alors, vous êtes de la famille ? demande Lea.
— On peut dire ça. Rima était la meilleure amie de Whitley alors...
— Oh ! Rima Wann ? Elle est si célèbre.
Uniquement chez les riches malheureusement... Mais Joe se gardait bien cette réflexion.
— Donc, reprend Lea, vous êtes comme la petite fille de Whitley.
— Oui, dans notre cœur. Et vous alors ?
Elle se doutait déjà de la réponse.
— Je suis un ex de l'un des petits fils, Zack, mais j'ai côtoyé la famille pendant presque trois ans c'était normal que je sois là au moins une journée et une nuit.
— Oui, je comprends ! Vous êtes donc très occupée dans la vie ?
— Je travaille avec mon père, dans l'entreprise familiale.
— Dans quel domaine ?
— Les arts du spectacle.
— Oh, c'est intéressant ! Vous devez en voir du monde.
— Oui pas mal.
Lea avait l'air d'être une fille bien. Elle était correcte, optimiste et intéressante. Son « monde » était complètement différent de celui des entreprises bureautiques de Zack. Mais un peu de nouveau dans sa vie ne faisait pas de mal. Qu'est ce qui a bien pu les séparer ?
— Vous m'écoutez ?
— Oh pardon...
— Je vous expliquais que mon père est très proche des organisateurs de Miss Univers. C'est lui qui gère le grand stand de maquillage et de costume. Il adore la France et il trouve que l'élection de leur Miss est plus festive et colorée... Comparé à Miss Univers qui reste très... Disons...
— Monotone et stricte ?
— Vous avez déjà assisté à une élection de ce pays européens ? demande-t-elle, surprise.
— Oui. Ma grand-mère adorait la France. Nous avons des racines là-bas, alors j'ai regardé plusieurs fois les élections avec elle. C'est vrai que d'années en années, ils s'améliorent. C'est le rendez-vous des Français.
— C'est un spectacle vivant.
— Complètement.
— Mais bon, ils restent réticents aux idées de mon père, il n'a pas tant de pouvoirs que ça là-bas... C'est dommage, ils devraient s'ouvrir un peu.
— Pour une fois que les Américains veulent copier les français...
Après dix minutes de massage, Joe prend la place de Lea. Cette fois, elles ne parlent pas beaucoup, préférant la relaxation au blablatage. En sortant du bâtiment, tous les visages semblaient plus sereins pour la fête de ce soir, et surtout plus lumineux. Whitley avait eu raison de faire cette activité. Ça avait rapproché un peu plus les gens.
La jeune femme avait décidé de porter une robe noire à la fois classe et sexy. Elle ne s'attendait pas à avoir une ambiance aussi dynamique dans la salle. Les gens riaient ensemble. Les gens dansaient ensemble. On aurait dit un monde parallèle. Un sourire amusé se dessinait sur les lèvres de Joe. De multiples tables rondes avaient été disposées dans la salle, à une bonne distance de la piste de danse. Les gens se préoccupaient plus de s'amuser que de manger apparemment. Joe décide donc de suivre l'autre chemin et de trouver sa place. Il y avait des étiquettes avec des noms... Plus qu'à trouver le sien dans la pénombre.
Durant le trajet jusqu'à la salle, Ted et Sawyer débâtaient sur ce qui était meilleure entre des pâtes carbonaras ou des spaghettis bolognaises. Zack les suivait en secouant la tête.
— Quelle perte d'énergie les gars !
Ils entrent dans la salle qui était, comme toujours, bien décoré. Et pour une fois, il n'y avait aucune tension dans les airs. Zack était sous le choc.
— C'est bizarre, souffle-t-il.
Ils se tournent vers ses cousins pour voir leurs réactions. Ils avaient l'air aussi bizarres que les autres. Lea arrive derrière eux.
— Que c'est beau !
Elle sourit aux trois cousins.
— Je nous ai mis sur la même table. J'ai aidé Withley avec la décoration. Alors.... J'en ai profité.
— Lea, qu'essaies-tu de faire ? demande Zack, contrarié.
— Mais rien ! C'est la fête. Demain, Whitley aura quatre-vingt-dix ans. Regarde autour de toi, tout le monde est super content. C'est mieux qu'à mon arrivée, non ?
— Tu leur as jeté un sort ? lâche-t-il.
Lea cru à une blague. Elle se mit alors à rire aux éclats. Zack n'aimait pas ça. Elle se comportait comme une amie et comme si elle était joyeuse tout le temps... Mais il la connaissait. Elle était juste mal à l'aise qu'il soit là.
— C'est grâce à grand-mère, c'est elle qui avait décidé de cette activité de relaxation. C'était dans son programme, argumente Sawyer en regardant Zack dans les yeux d'un air de dire « Calmes-toi ».
— Allons trouver nos places, enrichit Ted pour essayer de distraire Zack à son tour.
Le petit groupe s'avance alors. Les gens s'amassaient de plus en plus autour des tables.
— C'est elle ! désigne Lea en pointant du doigt une table ronde avec des fleurs et des cristaux.
Zack s'avance d'un pas lourd et cherche son nom. Il tombe sur un prénom bien étrange et fronce des sourcils. Il tient le bout de carton dans ses mains pour mieux le lire.
— C'est qui Majorelle ? lit-il distinctement.
— C'est moi.
Une main attrape le carton. Il se tourne alors vers son interlocutrice.
— Joe ?!
Elle avait l'air à la fois gênée et en colère. Il décide donc de lui parler avec des pincettes. Il aurait aimé faire une blague mais ce n'était pas le moment.
— Ce n'est donc pas John...
— En effet, dit-elle en s'asseyant.
— C'est de quelle origine ? imite-t-il.
— Français.
— Elle a des origines, souligne Lea.
Les deux lui lancent un regard coupable.
— Désolée Joe, c'est Whitley qui a écrit les étiquettes... Je ne savais pas.
— Il n'y avait que ma grand-mère qui m'appelait comme ça.
— Je suis désolée ma chérie, souffle une voix.
Ils se lèvent tous en voyant Whitley près de leur table.
— Vous aviez toutes les deux de beaux prénoms toi et Mirabelle, continue-t-elle en lui touchant l'épaule, c'est dommage de les cacher avec des surnoms.
— Oui, je comprends.
Elle sourit à tous ses enfants avant de s'éloigner vers d'autres invités. Joe se rassoit lourdement.
— Mirabelle ? demande Ted, perturbé.
— C'est Rima, sa grand-mère, lui souffle Sawyer.
— Mirabelle et Majorelle donc, répète Zack.
— Oui.
— Comment s'appelle ta mère ? demande-t-il doucement.
— Zelma.
Elle lu des regards amusés dans les yeux de sa troupe. Ce qui n'était pas pour lui déplaire, bien au contraire.
— Et ton père ? demande Ted.
— Aubergine.
Tout le monde fait les gros yeux, abasourdis.
— Je plaisante ! Il a un prénom normal : Garett. Ne soyez pas bêtes.
Ils se mettent tous à rire au moment où le dîner est servi. Pendant le repas, un rose apparaît dans son champ de vision. Puis, le visage de Paul sur le côté. Joe saisie la fleur en fronçant des sourcils.
— En toute beauté ce soir, bébé !
Joe roule des yeux.
— Merci mais ne m'appelle pas bébé.
Elle pose la fleur à côté de ses couverts. Une odeur d'alcool lui parvint à ses narines. Paul avait bu.
— Paul, de quelle couleur tu vois cette fleur ? demande Zack d'un ton froid, ce qui confus Joe.
— Elle est verte et blanche, c'est pourquoi je l'ai pris, je l'ai trouvé sublime ! chantonne-t-il.
— Pauvre tâche, t'es daltonien, crache-t-il.
Joe se tourne vers lui en secouant la tête. Devant l'air désarçonné de Paul, elle pose ensuite une main réconfortante sur son épaule.
— Ce que Zack essaie gentiment de t'expliquer, c'est que cette fleur est rouge. Tu es daltonien Paul, ça veut dire que tu ne vois pas les mêmes couleurs que nous. Ce n'est pas si grave mais c'est un peu rare, explique-t-elle.
— Donc... Je suis encore plus unique que je ne l'étais déjà ? demande-t-il en se rapprochant soudainement de son visage.
— Euh... Oui, répond-t-elle pour lui faire plaisir.
— Eloignes-toi d'elle, ordonne Zack au même moment.
— Super alooooors !
Il s'éloigne en brandissant les bras de tous les côtés. Joe le suit du regard jusqu'à s'arrêter sur Whitley.
— Ce n'est pas le seul à bien être saoul on dirait.
— Oh non... soufflent les cousins en même temps.
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