Mon visage se décomposa lorsque j'entendis ses mots. Jamais je n'aurais imaginé une pareille révélation. Kurt n'est pas capable de m'aimer ou d'aimer qui que ce soit à part lui-même.
Non, je ne peux pas y croire. Je ne veux pas y croire. C'est impossible.
-Tu ne peux pas être amoureux de moi, soufflais-je encore sous le choc.
Il me prit par l'avant-bras pour m'attirer vers le fond du couloir, à l'abri des regards et des oreilles indiscrètes. J'étais tellement stupéfaite que je n'osa pas l'en empêcher.
-Je t'aime depuis tout petit, murmura-t-il, le visage à moitié caché dans l'ombre. Quand nos parents se voyaient et qu'on avait cinq ans, j'étais déjà amoureux de toi...
-Mais...
-Quand on jouait ensemble dans ta chambre, me coupa-t-il, quand on passait nos vacances et nos weeks-ends ensemble...
Il a l'air tout-à-coup affolé. J'ai l'impression qu'il devient fou, qu'il n'arrivera pas à s'arrêter de parler, qu'il ne reprendra pas sa respiration pour continuer son monologue. Il me fait peur. Il m'effraie. J'ai la sensation qu'il est à la limite de faire une attaque.
Je le pris par les épaules et le secoua brusquement pour qu'il s'arrête. Ses yeux se figèrent sur les miens.
-Stop, dis-je fermement. Tu racontes n'importe quoi, tu délires. Tu as trop bu.
-Non, je n'ai bu qu'un seul verre.
-Alors tu t'es drogué, mais en tout cas tu n'es pas dans ton état normal.
Il haussa les sourcils, l'air de me prendre de haut.
-Je suis dans un état parfaitement normal, rétorqua-t-il.
-Alors tu as dit ça pour m'emmerder encore une fois. Tu ne veux pas que je sois avec Brooklyn alors tu m'as dit que tu m'aimais. Mais ça aussi, ça ne marchera pas. Et tu sais pourquoi ? Parce que tu m'as droguée et que tu as voulu me violer. Tu as essayé de me faire partir de Boston. Un homme amoureux ne ferait jamais ça.
-J'ai fait ça parce que tu me résistes trop putain ! Tu ne veux jamais que je t'embrasses ou que je t'approches de trop près, alors j'ai voulu tenter ma chance en te droguant... Et ensuite j'ai voulu te faire partir pour me venger que tu m'aies repoussé. Tu as préféré Brooklyn à moi.
-Évidemment que j'ai préféré Brooklyn plutôt que toi ! Tu es complètement timbré ! Tu as un problème psychologique, Kurt ! Tu te rends compte de ce que tu dis au moins ?!
Il hôche la tête. Je me recule de lui, pour mettre de la distance entre nous. Il est carrément flippant. Il a un sérieux problème mental, j'ai peur qu'il dégénère.
-Rentres à l'appart', ordonnais-je. Tu as besoin de remettre tes idées en ordre... Je vais appeler Daniel.
Alors que je sortis mon portable de ma poche, il m'attrapa rapidement par la taille et plaqua ses lèvres sur les miennes. Un frisson de dégoût me parcourut l'échine et je dégagea mon visage du sien pour lui échapper, ne pouvant pas enlever mon corps bloqué par son bras. Il tenta de recoller ses lèvres aux miennes mais ma main partit pour claquer sa joue pour la deuxième fois de la soirée.
Mon geste ne l'en empêcha pas de retenter son coup. Je tourna ma tête sur le côté pour que ses lèvres ne touchent pas les miennes.
C'est comme s'il me violait une deuxième fois, sauf que cette fois il ne m'a pas droguée ni mise à nu. Cette fois il veut m'embrasser de force, mais ça me répugne tout autant.
Pourquoi est-il comme ça ? Pourquoi est-il fou au point de vouloir m'avoir contre ma volonté ? Il a le droit de vouloir me draguer, mais la façon dont il le fait... Aucune personne rationelle ne le ferait.
Alors que je me débattais entre ses bras pour échapper à ses lèvres rèches, je vis Brooklyn débarquer dans le couloir. Son visage était rouge de fureur, il avait l'air hors de lui. Il tourna sa tête de tous les côtés, nous cherchant du regard.
-Brooklyn, gémissais-je en me tortillant.
Enfin, il nous remarqua dans la pénombre et en quelques pas il nous atteignit et poussa Kurt qui se cogna contre le mur.
Je me réfugia dans les bras de Brook, le coeur battant à tout rompre. Il me serra fortement contre lui, à m'en écraser les côtes. Il a l'air à la fois fou furieux mais aussi rassuré de m'avoir retrouvée.
Kurt se releva lentement. Il n'eut pas le temps de dire ou de faire quoique ce soit que Brooklyn m'écarta de lui pour aller écraser son poing sur sa mâchoire. La tête de Kurt partit en arrière et il vacilla légèrement. Je tressaillis en observant la violence et la fureur qui se dégageaient des gestes de mon copain.
Brooklyn profita du moment de faiblesse de Kurt pour lui assener un coup dans le nez puis dans les côtes. Un gémissement plaintif s'échappa des lèvres de l'homme à terre. Et pourtant, malgré la pitié que je peux éprouver pour les autres, cette fois j'en ai aucune. J'ai envie d'aider Kurt et d'empêcher Brooklyn de lui faire plus de mal, mais je ne peux pas. Ce plaisir que je ressens en voyant sa souffrance physique me ravis. Et je me déteste pour ça.
Mais Kurt m'a fait trop de mal. Il mérite de souffrir lui-aussi. Je serra les dents lorsque je vis du sang couler de l'arcade sourcilière de Kurt. Alors que Brooklyn recula son pied pour aller le projeter dans son abdomen, je posa ma main sur son torse et il se stoppa immédiatement.
-Arrêtes, dis-je. Il en a assez pris comme ça.
-Mais il t'a fait du mal, répondit Brooklyn. Personne n'a le droit de te faire souffrir.
Il a l'air insatisfait des blessures qu'il lui a causé. Mais maintenant, une petite voix à l'intérieur de moi-même m'ordonne de rester sage et de ne pas devenir mauvaise. De ne pas devenir comme Kurt lui-même, qui profite de la violence pour accéder à ses fins. Non, je ne vais pas me laisser tenter par le mal.
Je posa ma main sur la joue de Brooklyn pour le calmer. Il essaya de contrôler sa respiration tant bien que mal.
-On rentre, dis-je à mon petit copain. Je ne veux pas rester une seconde de plus ici.
Je lui pris la main, le forçant à me suivre dans les escaliers, laissant Kurt gisant sur le parquet. Oui, j'ai envie d'avoir pitié pour lui, de compatir. Mais je n'y arrive pas, c'est plus fort que moi.
Est-ce que cela fait de moi quelqu'un de mauvais ?
Ai-je eu raison de laisser Brooklyn frapper Kurt jusqu'au sang ? Est-ce que Kurt m'a causé assez de tord pour subir cette punition ?
Je tente de retirer toutes ces questions de mon esprit. Je ne veux plus y penser, ça me donne mal à la tête.
Une fois qu'on eut dévalé les escaliers et qu'on fut dans le hall, Brooklyn arrêta d'avancer et me tira contre lui pour me serrer doucement dans ses bras.
-Désolé..., murmura-t-il au-dessus de mes cheveux.
Je releva la tête vers lui en gardant mes bras enlacés autour de sa taille.
-Pourquoi ?
-Que tu aies vu ça. Je ne voulais pas que tu me vois le frapper, mais c'était plus fort que moi.
Il pose son menton sur le dessus de mon crâne en soupirant. Je posa doucement le bout de mes lèvres sur sa joue. Un faible sourire apparut sur son visage.
-Je ne veux pas rentrer chez moi, soufflais-je en enfouissant ma tête dans son cou, humant son odeur masculine.
-Je sais.
-Emmènes-moi chez toi, s'il-te-plaît...
Il respire lentement et laisse un silence s'installer entre nous. Il a l'air de réfléchir quand il reprend la parole après quelques secondes.
-Tu es sûre ? Les parents de Kurt ne vont rien te dire ?
-Je m'en fiche d'eux. Pour le moment, je n'ai pas envie de revoir Kurt.
-Alors c'est d'accord.
Il me prend délicatement par la taille et me guide jusqu'à sa moto.
*****
Nous rentrons dans sa maison. Toutes les lumières sont éteintes et l'air à l'intérieur est frais. Encore une fois, j'ai l'impression qu'il n'y a que nous deux ici. Je trouve ça étrange de ne jamais avoir croisé ne serait-ce qu'une seule fois ses parents, mais je ne lui fais aucun commentaire. Peut-être qu'ils travaillent à l'étranger ou que c'est Brooklyn qui s'est installé ici pour ses études. Pour l'instant, je préfère ne pas le déranger avec mes questions.
Brooklyn s'approche de moi et m'aide à enlever mon blouson qu'il dépose sur le dossier d'un fauteuil. Je ressens encore fortement l'alcool qui coule dans mon sang, mon mal de tête ne m'épargne pas. Heureusement que le trajet en moto m'a aidé à décuver. Heureusement aussi que Brooklyn n'avait pas bu si tant que ça, sinon je ne sais pas comment nous aurions fait pour rentrer à la maison en le sachant conducteur.
Il allume toutes les lumières et cela me met tout-de-suite plus à l'aise. J'avoue que l'obscurité m'angoisse un peu.
-Tu peux aller prendre une douche et partir dormir si tu veux, dit-il en s'approchant de sa cuisine.
Je l'observe se servir un grand verre d'eau. Je ne tarde pas et grimpe les escaliers pour rejoindre la salle de bain. Ce sera notre première nuit ensemble, ce soir. Connaissant ma timidité, je devrais être totalement stressée rien qu'à cette idée. Mais étrangement, je me sens tellement bien lorsque je suis avec Brooklyn que je n'ai pas peur. Je sais qu'il ne me fera jamais de mal. Qu'il n'essaiera pas d'abuser de moi si jamais je refuse de faire quelque chose avec lui.
Je déniche une brosse à dents neuve et encore dans son emballage dans un des tiroirs de la salle de bain. Je me brosse rapidement les dents et pars sous la douche. Après vingt bonnes minutes à détendre mes nerfs sous l'eau brûlante, je ressors de la salle de bain en enroulant une serviette autour de moi.
Je sors de la pièce et entre dans la chambre de Brooklyn. Il est torse nu avec pour seul vêtement un bas de jogging. Ses abdominaux me font de l'oeil mais j'essaie de ne pas loucher dessus. Il est assis sur son lit, tapotant sur son portable. Il lève le nez de son écran en remarquant ma présence.
-Qu'est-ce que je mets pour dormir ?, demandais-je d'une petite voix enrouée.
Il se leva et sortit un t-shirt et un caleçon de sa commode. Il me sourit.
-Ça ira mon coeur ?
Je hocha la tête et partis me changer dans la salle de bain. J'observa ma tenue dans le reflet du miroir. J'ai l'air ridicule avec ce caleçon qui ne tient même pas sur mes hanches et ce haut beaucoup trop large pour mes petites épaules. Tant pis, de toute façon je n'ai pas le choix.
Quand je rejoignis Brooklyn, je resta debout face au lit pour le laisser admirer ma tenue pour la nuit.
-Je suis moche, marmonnais-je.
Il tapota son matelas pour mr faire comprendre de m'installer avec lui.
-Mais non, tu es magnifique, rit-il.
Je râla et me faufila sous l'épaisse couverture. Il passa un bras derrière mes épaules pour me serrer contre lui. Je me posa sur son torse. Il éteignit les lumières et il ne resta que pour seul éclairage les lueurs des phares des voitures et des lampadaires dans le boulevard.
-Sara ?
-Mmmh ?
-Je veux que tu restes avec moi jusqu'à ce que les choses s'arrangent vraiment avec Kurt.
-Oui, on en a déjà parlé...
Je bailla et ferma lentement les yeux.
-Je ne plaisante pas, continua-t-il. Je ne supporte pas qu'il essaye de faire ce genre de choses avec toi. S'il recommence, je peux t'assurer qu'il finira sa nuit à l'hopital.
Là-dessus, je peux le croire. La façon dont il a frappé Kurt tout-à-l'heure... Jamais je n'aurais imaginé une telle violence.
-Que tu le veuilles ou non, tu resteras avec moi ici, en sécurité, ajouta-t-il.
Je pris sa mâchoire pour tourner lascivement sa tête vers moi. Je posa mes lèvres sur les siennes dans un mouvement lent et doux. C'est une sorte de remerciement. Je sens bien que Brooklyn s'attache de plus en plus à moi. Moi aussi, je m'attache de jour en jour à lui. J'ai peur de ne plus pouvoir m'en détacher plus tard, de souffrir tellement j'aurais éprouvé des sentiments pour lui. Mais j'essaie d'y penser le moins possible. J'aimerais vivre au jour le jour.
Je décolla mes lèvres des siennes et il m'embrassa tendrement le front.
-Mon bébé... Je suis là pour te protéger. Tant que je resterais avec toi, il ne t'arrivera plus rien.
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