27.

Je me réveille ce matin avec une douleur lancinante au crâne. J'ai l'impression qu'un étau se resserre sur mes tempes pour se rejoindre sur mon front.

Il est six heures du matin et je suis littéralement en train d'agoniser. OK, j'exagère un peu mais ça fait vraiment mal.

Je porte mes deux mains à chacune de mes tempes en essayant de les masser mais rien à faire, la douleur ne s'apaise pas. Je me lève doucement de mon lit et me prépare pour aller en cours.

J'éternue et tousse à plusieurs reprises, ça en devient vite agaçant. Une fois prête, je descends dans la cuisine et attrape une part de tarte aux pommes, restée dans le frigo.

-Bonjour.

Je cligne des yeux et me tourne vers Kurt.

-Bonjour, dis-je à mon tour.

Il se sert tranquillement du jus d'orange, l'air de soudainement faire abstraction de ma personne. Mais je m'en fiche, au moins j'ai la paix pour ce matin.

La porte de la salle de bain de Daniel et Lucy s'ouvre et je vois une petite tête brune sortir. Lucy nous salue d'une voix forte comme tous les matins, ce qui augmente mon mal de tête.

-Vous allez bien ?, nous demande-t-elle entre deux sifflotements de sa part.

Kurt hôche la tête tandis que je pose mes coudes sur le bar en appuyant sur mes tempes.

-Sara ?

-Mmh je ne me sens pas très bien.

Lucy pose sa main sur mon front en haussant les sourcils.

-Ah oui, tu as beaucoup de fièvre.

Elle sort une boite de dolipranes d'un tiroir et me la tend.

-Prends ça. Tu devrais retourner te coucher, tu as dû tomber malade en sortant avec Abigail hier.

Abigail ? De quoi elle parle ?

Tout-à-coup, mon mensonge me revient en tête.

-Euh ça doit être ça. Mais j'irais quand même en cours aujourd'hui, je ne veux pas rater l'école...

Je pense surtout à Brooklyn que j'ai envie de voir. Mais ça, Lucy ne le saura jamais.

-Comme tu voudras.

Je termine mon petit-déjeuner et pars en cours une heure plus tard.

*****

Cours d'histoire.

Le professeur débat sur la guerre du Vietnam avec d'autres élèves tandis qu'Abigail me raconte son week-end chez ses grands-parents.

Mon mal de tête s'est légèrement atténué, mais je le sens toujours. Je me tourne vers Brooklyn qui parle avec Ash dans le fond de la salle.

Nos regards se percutent et nous nous fixons pendant -j'ai l'impression- de longues secondes.

Finalement je décroche mon regard du sien en baissant les yeux.

-T'en penses quoi Sara ?

La voix d'Abi me parvient aux oreilles comme un murmure. Celle-ci fronce les sourcils puis se tourne vers Brooklyn qui nous regarde mais qui fait mine de s'investir dans ses cours dès qu'Abi se tourne vers lui.

-Sara, gronde-t-elle. Vous êtes ensemble c'est ça ? Je t'avais dit que ce n'était pas un mec bien.

-On n'est pas ensemble, rétorquais-je. Et puis, je ne vois pas en quoi Brooklyn n'est pas "un mec bien".

-Je t'avertis. C'est tout. Tant pis pour toi s'il te fait du mal.

Je soupira et mis ma tête entre mes bras pour tenter d'apaiser ma migraine. Oui, Abigail vient tout juste de relancer mon mal de tête, à me faire des reproches sur les personnes que je fréquente. Pour qui se prend-t-elle ? Si je veux être avec Brooklyn ce sera pour ma pomme. Elle n'a pas à s'en mêler de cette façon.

-Sara ?

Je relève la tête et découvre le professeur qui se tient juste devant ma table, me scrutant avec inquiet.

-Ça va ?, me demande-t-il.

Je n'ai pas le temps de répondre qu'il continue sa phrase.

-Tu devrais aller à l'infirmerie, ça n'a pas l'air d'aller.

Le professeur en personne qui m'ordonne d'aller à l'infirmerie alors que je ne me suis pas plaint une seule fois ? Du jamais vu. Je n'objecte pas et me lève. Si je peux rater quelques cours, je ne refuserais pas.

Je ramasse mes affaires. Le professeur secoue la tête en me voyant fourrer mon classeur dans mon sac.

-Abigail te redonnera tes affaires si tu n'es pas rentrée d'ici la sonnerie.

Je jeta un coup d'oeil à mon amie qui sourit pour montrer son approuvement.

-OK, dis-je.

Je sortis de la salle sous le visage étonné de Brooklyn. Il doit sûrement être surpris que je n'aille pas très bien. Je ferma la porte de la classe derrière moi et longea le long couloir de l'étage.

Depuis que je suis dans ce lycée, jamais je n'ai été à l'infirmerie. Je n'en ai jamais eu la nécessité. Mais ce matin, mon mal de tête m'insupporte tellement, j'ai vraiment envie de faire passer cette douleur. Même les dolipranes de Lucy n'ont eu aucun effet sur moi.

Je descends au rez-de-chaussée, puis je passe à côté des toilettes et ensuite je traverse l'immense hall. L'infirmerie est juste au bout, à quelques mètres de moi.

Alors que je m'apprêta à toquer à la porte, j'entendis des pas courir derrière moi. Je me tourna et vis un corps svelte et élancé s'avancer à pas rapides. La tête brune se releva pour afficher une mine soucieuse.

-Brooklyn ?

Arrivé à ma hauteur, il arrêta son allure.

-Ouais, j'ai dit au prof que j'avais mal à mon poignet.

-Qu'est-ce que tu t'es fait ?

Je pris sa main pour examiner l'endroit de sa blessure mais je vis qu'il n'y avait absolument rien.

-J'ai menti au prof, avoua Brooklyn en enlevant son poignet de la paume de mes mains.

-Pourquoi ?

Je fronca les sourcils. Qu'est-ce qu'il a fait encore ?

-Je voulais m'assurer que tu allais bien.

Mes sourcils se haussèrent automatiquement.

-J'ai dû choper un truc en sortant avec toi hier.

-Désolé.

-Ce n'est pas de ta faute.

-Je me sens quand même coupable...

Je fais un semblant de sourire, luttant contre mon mal de tête pour avoir l'air un minimum bien face à Brook.

Il tend sa main droite pour replacer une mèche de cheveux qui retombe fréquemment sur mon front. Je frissonne à ce geste, alors que ma fièvre m'empêche d'avoir froid.

-Je devrais y aller, soufflais-je.

Je posa ma main sur la poignée de la porte de la salle d'attente. Celle-ci est vide, ce qui est plutôt rare.

-Sara...

Je me retourna une dernière fois.

-Qu'est-ce qu'il y a ?

-Il y a quelque chose que je voulais faire depuis longtemps.

Je n'eus à peine le temps de penser ou de réagir que son visage s'approcha dangereusement du mien, ne laissant que quelques centimètres de séparation entre nous. Son souffle s'emmêla au mien et mon coeur s'affola d'un seul coup.

Je baissa les yeux sur le bas de son visage, plus précisément sur ses lèvres.

Non. Cette fois, je ne reculerais pas.

Il leva ses mains pour les placer sous mes cheveux, sur ma nuque. Je glissa les miennes autour de sa mâchoire, légèrement contractée sous mes doigts. Plus les secondes avançaient, plus ses lèvres s'approchaient des miennes.

Il est trop tard pour faire machine arrière.

Quand nos lèvres se frolèrent, Brooklyn arrêta tout mouvement pour faire durer cet instant. Nos nez se touchèrent et il le frotta au mien. Nous sourîmes en choeur et c'est finalement moi qui joignis mes lèvres aux siennes dans un geste le plus doux possible.

Il mouva sa bouche contre la mienne tout en me serrant contre lui. À ce moment-là, je ne sentis rien d'autre que mon coeur battre à tout rompre dans ma poitrine et ses lèvres plaquées sur les miennes.

Après ce qu'il me semble être un trop court instant, il se sépara de moi pour que l'on puisse reprendre notre souffle. Il caressa ma bouche du bout de son pouce en souriant.

-Soigne-toi bien, murmura-t-il. On se voit plus tard...

Je lui souris en retour et cette fois, j'entra dans la salle d'attente pour de bon.

Mon premier baiser...

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