16.

J'entends le lointain son d'une musique qui résonne dans mes tympans. Mes paupières encore lourdes s'ouvrent et un mal de crâne me prend soudain. Je grogne de douleur et pose mes doigts sur mes tempes. J'ai la sensation d'avoir des piques qui s'enfoncent dans mon cerveau.

J'arrive enfin à ouvrir les yeux, mais difficilement. Ma main tâtonne autour de moi et j'attrape enfin mon portable qui est posé près de ma tête. Mon pouce coulisse sur l'écran et je décroche.

-Sara ! Tu décroches enfin, t'étais passée où ?

La voix d'Abigail me fait ressentir son inquiétude et sa colère. Je me lève brusquement et découvre une chambre que je ne connais pas. Au moindre mouvement de tête, j'ai l'impression que mon cerveau remue dans tous les sens dans mon crâne.

-Je... désolée Abi, je ne sais pas où je suis...

-Quoi ?! Comment ça ?

-Je ne sais pas où j'ai atterri... je ne sais même pas ce qui s'est passé hier soir et comment j'ai pu arriver ici.

J'entends des pas se rapprocher et je dis rapidement :

-Je te tiens au courant, bisous Abi. Ne t'en fais pas pour moi.

Puis je lui raccroche au nez. La poignée remue et je découvre avec surprise... Brooklyn. 

-Tu es réveillée, constate-t-il en tenant un verre d'eau à la main.

Il me le tend et j'en bois quelques gorgées après l'avoir remercié.

-Qu'est-ce que je fais là ?, lui demandais-je après avoir posé le verre sur la table de chevet.

-Tu ne te souviens pas d'hier ?

-Non...

Il prend la chaise de son bureau et s'y assoit. Ses cheveux bruns sont encore désordonnés et il porte un sweat et un jean. Sa voix est plus rauque que d'habitude. C'est sûrement dû au fait qu'il n'est encore que le matin...

-De quoi te souviens-tu ?, me demande-t-il avec sérieux.

-Je... je me souviens que j'étais à la soirée d'Ash. Je dansais avec Kurt et puis... et puis après plus rien.

Il fronce les sourcils en lâchant un petit soupir.

-Ce que je vais te dire ne va pas te plaire, Sara. Mais tu dois le savoir et j'en suis désolé.

-Qu'est-ce qu'il y a ?, m'impatientais-je.

-Kurt a tenté... de te violer.

J'écarquille les yeux, totalement abasourdie et déboussolée. Violer ? Non, Kurt n'irait pas aussi loin... Ce n'est pas possible.

-Mais avant qu'il ne fasse quoi que ce soit , je vous ai retrouvé dans la chambre et je l'ai éjecté. Puis je t'ai ramenée ici, chez moi.

-Pourquoi je ne me souviens de rien ?

-Parce que tu avais ingurgité beaucoup d'alcool et aussi parce que j'avais vu Kurt mettre de la drogue dans ton verre...

-De la drogue ? Tu racontes n'importe quoi...

Je commence à me relever mais une douleur lancinante me traverse le crâne. Je sens que si je me lève, je vais m'écrouler par-terre à la seconde suivante tellement j'ai mal... 

Brooklyn me tient par le bras et me rallonge.

-Tu devrais te reposer. Ta gueule de bois a doublé d'intensité avec la drogue.

Je laisse doucement tomber ma tête sur l'oreiller en gardant un œil sur Brooklyn qui se rassoit sur la chaise de son bureau. Un air préoccupé occupe son visage.

-Pourquoi tu m'as aidée ?, lui demandais-je.

-Parce que tu en avais besoin. Je n'allais pas laisser ce connard abuser de toi...

-Tu connais Kurt ?

-Ouais... c'est un mec assez connu pour faire la fête et se droguer.

-Kurt ? Se droguer ?

Brooklyn secoue la tête et la baisse vers le sol.

-Désolé, ce ne sont pas mes affaires. Je n'aurais pas dû t'en parler...

-Non, ça va. T'inquiète.

-Il est dix heures, tu peux manger si tu veux et après je te ramènerai chez toi.

Il se relève et quitte la chambre. Je soupire en passant une main à mon front. Je ne me sens pas du tout de rentrer chez moi... Et en plus de ça, c'est la première fois que Brooklyn est gentil avec moi. C'est peut-être de la pitié après tout. Mais ça fait depuis tellement de temps qu'il m'intrigue que je ne vais pas repartir comme ça. Pas comme si rien ne s'était passé.

Je prends une inspiration et me lève en faisant attention à bouger ma tête le moins possible. J'ai encore ma tenue de la veille, qui est toute froissée. Mes cheveux sont en bataille et je dois avoir une haleine de chacal...

J'observe la chambre autour de moi. Le papier peint s'effrite un peu sur les bords et des photos de Brooklyn et deux adultes sont disposées un peu partout. Ce sont très certainement ses parents. Je me place face au petit miroir qui est accroché au mur et passe mes doigts dans mes cheveux pour les démêler un minimum.

J'ouvre ensuite la porte et me retrouve dans un petit couloir.

-Brooklyn ?, appelais-je.

-Je suis en bas !

Je descends les escaliers et atterris dans le salon. Les fenêtres sont grandes ouvertes et Brooklyn est assis sur le canapé, expirant un nuage de fumée et tenant une cigarette à la main. Je m'assois près de lui en sentant l'odeur du tabac.

-Tu fumes ?, lui demandais-je.

Il pose sa cigarette sur un cendrier sur la table basse et se tourne vers moi.

-Ça te dérange ?

-Non, pas du tout...

-T'en veux une aussi ?

Je regarde la clope qui laisse échapper un filet de fumée grisâtre.

-J'ai une gueule de bois et on m'a droguée hier donc non merci...

Il hausse les épaules.

-OK c'est toi qui vois. Tu as mangé ?

-Non je n'ai pas faim.

Il se lève et attrape sa veste sur le dossier du canapé.

-Alors je te ramène.

Je lui prend le bras pour le retenir.

-Je n'ai pas trop envie que mes "parents" -je mime des guillemets avec mes doigts- me voient comme ça...

-Pourquoi tes "parents" ?, me demande-t-il en mimant le même geste que moi.

Je m'affale au fond du canapé en regardant le mur d'en face.

-Je n'ai pas très envie d'en parler. D'ailleurs, où sont les tiens ?

-Ils... ils sont au travail.

-Ah, d'accord.

Brooklyn se rassoit en reprenant sa cigarette.

-Kurt te connait ?, me demande-t-il avec sérieux.

-Ouais..., soupirais-je. C'est mon "frère".

J'imite encore des guillemets avec mes doigts et il sourit en me le voyant faire.

-Tu aimes bien les guillemets, dit-il en continuant de sourire.

Je rigole et passe une main dans mes cheveux, gênée qu'il m'observe de cette façon.

-Arrête, soufflais-je en relevant mon regard sur lui.

Nos yeux s'accrochèrent pendant quelques secondes avant qu'il ne détourne la tête.

-Arrêter quoi ?

-De me regarder comme ça. C'est stressant.

Il glousse et se lève en écrasant au passage le bout de sa clope dans le cendrier.

-Bon, tu as faim ?, me demande-t-il.

Je hausse les sourcils en voyant qu'il change totalement de sujet et réponds.

-Oui, ça me fera du bien de manger un peu.

Il me sourit et se dirige vers la cuisine ouverte juste à côté. 

-Tant mieux, parce que j'ai fait des pancakes !

Il pose devant moi une assiette de pancakes, recouverts de framboises, de mûres et de myrtilles.

-Tu as fait tout ça pour moi ! Je ne pensais pas que tu savais cuisiner.

-Il y a des tas de choses que tu ne connais pas sur moi.

Il me tendit des couverts que je pris. Je dévora mon assiette tandis qu'il alluma la télévision. Il se rassit près de moi en gardant les yeux rivés sur Hawaï 5-0.

-Tu peux me dire pourquoi tu es venue dans ce lycée ?

-Hum, c'est compliqué.

Il tourne la tête vers moi.

-Tu es une fille bien mystérieuse quand même, dit-il comme s'il le disait pour lui-même.

Je ne répondis pas et me contenta de le regarder.

-Et pourquoi Boston ?, me demande-t-il.

-C'est compliqué aussi.

-Ta vie est compliquée à ce que je vois, constate-t-il en souriant.

Tu n'as même pas idée mon coco...

*****

J'ai passé ma journée enfermée avec Brooklyn dans sa maison. Je n'ai toujours pas vu la lumière du jour, d'ailleurs...

Nous avons passé notre temps à parler de nous, du lycée, de nos amis. J'ai vraiment aimé cette journée et je me rends compte que Brooklyn est une personne géniale. Toutes les rumeurs qui courent sur lui me paraissent encore moins crédible, maintenant que je le connais un minimum. Nous en avons même parler et il a éclaté de rire quand je lui ai énuméré quelques-uns des ragots sur lui.

Mon mal de tête s'est enfin dissipé. En même temps, avec tous les comprimés contre les migraines que j'ai pu prendre, heureusement. Il doit être 22h00 et je n'ai toujours pas envie de rentrer. Je sais très bien que Daniel et Lucy s'inquiètent pour moi à l'instant-même, au vu du nombre de messages que j'ai reçu de leur part. Je sais aussi que j'ai cours demain, mais je ne suis pas fatiguée. Pourtant, je sais qu'il est temps que je partes.

Et à ce propos, je n'ai toujours pas vu les parents de Brook rentrer à la maison...

Brooklyn prend sa veste et l'enfile. Il me sourit.

-Tu viens ? Je te ramène.

Je soupire et me lève du canapé. Je mets mes chaussures et le suis lorsqu'il sort de la maison. Le décor est délabré et sale autour de nous. Nous sommes dans une petite ruelle sombre. Ce n'est pas du tout le même paysage que celui dans lequel je vis, sur une grande avenue. 

Je ne pensais pas que Brooklyn vivait dans ces conditions...

Brooklyn prend sa moto qui nous attend, collée au mur extérieur de la maison. Il me tend un casque que je mets par-dessus mes cheveux restés emmêlés et il l'enfile aussi. Nous enjambons la moto puis il démarre.

-Prête ?

Je lui lève le pouce pour affirmer et nous partons. Brooklyn roule rapidement dans les rues de Boston, faisant voler mes cheveux derrière moi. Je passe mes bras autour de sa taille pour m'accrocher à lui. J'arrive même à sentir ses abdos sous son t-shirt.

Après quelques minutes, il s'arrête devant mon immeuble. Je descends de la moto et lui redonne le casque.

-Merci Brooklyn. Pour tout.

Il hoche la tête en souriant.

-De rien.

Je pars en direction de l'entrée du bâtiment en lui jetant un dernier regard tandis qu'il redémarre pour partir.

C'était une de mes meilleures journées depuis longtemps...

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