13.

Mon réveil sonne et j'émerge lentement de mon sommeil. Je m'étire en baillant bruyamment et sors de mon lit chaud. Je passe mon plaid bleu autour de moi pour ne pas avoir froid et descends dans la cuisine. Daniel est déjà assis à table, buvant un jus d'orange.

-Bonjour, me dit-il.

-Bonjour, répondis-je froidement.

J'en veux à Daniel et Lucy de m'obliger à voir un psy. De croire que je suis devenue folle ou je ne sais quoi.

Lucy arrive dans la cuisine, vêtue d'une robe de chambre. Je me dirige vers le frigo et sors une brique de lait que je fais chauffer pour me faire un chocolat chaud. Lucy et Daniel s'embrassent rapidement et s'assoient derrière le comptoir.

-Hum, Sara..., marmonne Daniel.

Je me tourne vers lui avec ma tasse de chocolat à la main.

-Tu n'iras pas en cours aujourd'hui.

-Quoi ? Pourquoi ?

Surprise, je pose ma tasse sur le comptoir. Je ne peux pas rater les cours, avec les examens qui arrivent en fin d'année...

-Nous t'avons pris un rendez-vous chez Mr Harris, ton psy, annonce Lucy.

-Je vous ai dit que je ne voulais pas y aller, dis-je en reprenant ma tasse entre mes mains.

-Mais tu le dois, dit Daniel. C'est pour ton bien.

Je soupire et boit une gorgée de chocolat. Le liquide me réchauffe la gorge et je me tourne vers mes tuteurs.

-OK, je vais y aller, soupirais-je. Mais ce n'est pas parce que j'y vais que je vais dire quoi que ce soit à ce Mr Harris.

Je pose ma tasse encore à moitié pleine sur le comptoir et monte à l'étage. Dans le couloir menant à ma chambre, je croise Kurt qui est encore en caleçon. Il fronce les sourcils en me voyant énervée.

-Hey beauté, ça va pas ?

Il m'empoigne le bras pour que je me tourne vers lui. Je l'éjecte rapidement et rentre dans ma chambre en grognant :

-Dégage Kurt.

Je claque la porte derrière moi et m'habille d'une chemise courte blanche et d'un jean à taille haute. Je brosse mes cheveux et les laisse détachés. J'attrape mon portable et envoie un message à Abi avant qu'elle n'entre en cours.

Moi : Je ne viendrais pas en cours aujourd'hui, on se voit demain.

Abi : Pourquoi tu ne viens pas ?

Moi : Je t'expliquerais demain, c'est compliqué... Bisous

Abi : Alors je te prends les cours, bisous

Je fourre mon portable dans ma poche. Heureusement que j'ai Abigail, sinon je ne sais pas comment j'aurais fait sans elle. Je vais me préparer dans la salle de bain puis je rejoins le salon et m'assois sur le canapé pour mettre mes chaussures.

Lucy s'assoit près de moi.

-Je t'accompagnerais, m'annonce-t-elle. Tu as besoin d'être soutenue.

Je ne réponds rien en faisant mes lacets. J'enfile ma veste en cuir et m'affale au fond du canapé.

-On passera la journée ensemble si tu veux. Jusqu'à maintenant, on n'a pas encore pu passer du temps ensemble...

-Si tu veux, soupirais-je.

Lucy se relève et enfile sa veste.

-On y va. Le cabinet de ton psy est à quinze minutes d'ici.

Je me lève et nous sortons de l'appartement sous le regard de Kurt et Daniel.

Nous descendons au sous-sol, où repose le parking des habitants de l'immeuble. Lucy grimpe dans une décapotable blanche et j'y monte à mon tour.

-Je ne savais pas que tu avais une décapotable, dis-je alors qu'elle faisait marche arrière.

-C'est parce que je ne l'utilise pas souvent. Comme Daniel et moi travaillons tous les deux au même endroit, ça utilise moins d'essence si nous prenons le même véhicule.

La voiture sort du parking sous-terrain et nous entrons dans la file de voitures qui attend au feu rouge.

-Tu sais Sara, après ce premier rendez-vous avec Mr Harris, tu ne seras pas obligée d'y retourner une seconde fois. Ce sera à toi de voir, on veut juste que tu te sentes mieux. Et si ça marche avec ce premier rendez-vous, alors il n'y aura pas de raison pour que tu arrêtes.

La voiture roule sur les routes bondées de Boston. Je hoche la tête.

-D'accord...

Après ça, Lucy et moi n'ajoutons rien. Elle allume alors la radio et met la musique à fond. C'est Closer des Chainsmokers (voir média). Lucy se met à chanter et secouer la tête en rythme avec la musique. Elle respire la joie de vivre.

Après plusieurs minutes, elle s'arrête devant un immeuble de briques rouges. Nous sortons de la voiture et entrons à l'intérieur. Plusieurs noms de médecins psychologues sont gravés sur des plaques en or, fixées sur le mur de l'entrée.

Une femme se tient à l'accueil, discutant avec un homme. Nous nous approchons d'eux.

-Bonjour, dit la femme, avez-vous pris rendez-vous ?

-Oui, avec Mr Harris, répond Lucy.

L'homme se tourne vers nous.

-C'est moi, dit-il en souriant. Je présume que vous êtes Sara Wilson ?

Il serre la main à chacune de nous.

-Non, c'est elle, déclare Lucy en posant sa main sur mon épaule.

-Bien, vous pouvez me suivre je vous prie.

Nous avançons dans un large couloir aux teintes blanches et bordé par plusieurs plantes vertes. Nous entrons dans une petite salle d'attente.

-Vous pouvez nous attendre ici, dit Mr Harris à Lucy.

-D'accord.

Elle s'assoit sur un siège et me fait un petit sourire encourageant. Mr Harris ouvre la porte communiquant avec la salle d'attente et il me fait signe d'y entrer. Il me suit et referme la porte derrière lui. Mr Harris est un homme de petite stature, aux cheveux grisonnants et aux rides aux coins des lèvres. Il s'assoit derrière un large bureau en bois tandis que je me place face à lui, sur une chaise. Plusieurs bibliothèques nous entourent et au fond de la salle se trouvent un large fauteuil et un long canapé en tissu.

Mr Harris me sourit, comme pour me rassurer.

-Avant de parler de tes problèmes, j'aimerais qu'on fasse plus ample connaissance. C'est pour que ce soit plus facile pour moi de te comprendre, d'accord ?

Je hoche la tête.

-Pour commencer, saches que les psychologues comme moi ne sont pas que pour les fous. Ce n'est qu'un préjugé.

Je ne réponds rien. Il allume son ordinateur et celui-ci émet un petit bruit.

-Alors, parle-moi de toi. Quel âge as-tu ?

Je me racle la gorge en me tenant droite sur ma chaise.

-J'ai dix-sept ans.

-Donc tu es en Terminale ?

-Oui.

-Mme Campbell est ta mère ?

Je baisse les yeux sur mes mains que je triture. Je relève ensuite la tête en ramassant une mèche de cheveux qui retombait sur mon front.

-Hum, non.

-Alors pourquoi s'occupe-t-elle de toi ? C'est ta tante ?

-Non, c'est ma tutrice légale.

Il met ses lunettes et me fait signe de m'installer dans le canapé derrière moi. Je me lève et m'assois sur le canapé.

-Tu peux t'allonger si pour toi c'est plus confortable.

Je me mets de côté et tends mes jambes sur le canapé. Mr Harris s'assoit sur le fauteuil à côté de moi avec un carnet et un crayon à la main.

-Parle-moi de toi, Sara.

Je continue à me triturer les mains en regardant le plafond.

-Est-ce que je suis obligée ?

-Si tu veux trouver une solution à tes problèmes et être aidée, il faut bien que tu m'en parles.

Je me lève rapidement.

-Vous croyez que j'ai un problème psychologique ? Au point que je dois me faire aider ?

-Tu n'as peut-être pas un problème psychologique, Sara. Je suis juste là pour t'aider à te sentir mieux et à réfléchir avec lucidité. Quand on a trop de problèmes, il se peut que tu ais les idées trop embrouillées.

Je me rallonge et braque mon regard sur le plafond.

-J'ai vécu à Seattle de mes cinq ans jusqu'à il y a quelques semaines. Avant ça, je suis née et je suis restée jusqu'à mes cinq ans à Grand Prairie, au Texas.

J'entends Mr Harris écrire sur son carnet.

-Pourquoi avais-tu déménagé ?

-Est-ce que vous avez besoin de savoir tous les détails de ma vie ?, lui demandais-je froidement.

-J'ai besoin de bien te connaître. Pour mieux comprendre ce que tu ressens.

Je soupire bruyamment.

-Mon père est mort d'un accident de voiture lorsque j'avais cinq ans. C'est pour ça que ma mère et moi avons déménagé à Seattle, c'était pour nous rapprocher de mes grands-parents maternels qui vivaient là-bas. Mais eux aussi sont morts, quelques années plus tard.

-Et ta mère ?

Je pinça mes lèvres et tourna ma tête vers le dossier du canapé en passant ma main sur mon front.

-Sara...

-C'est encore douloureux pour moi, le coupais-je.

-Tu as le droit de ne pas m'en parler. Mais ceci est sûrement la raison de ta venue ici, alors il serait peut-être mieux pour toi de me dire...

-Ma mère... a eu un cancer du sein. On n'a pas pu la guérir et... elle... elle est morte.

Je me retourna vers Mr Harris en me retenant d'éclater en sanglots.

-Vous savez, j'ai l'impression que tous les gens meurent autour de moi. Je dois être maudite ou un truc comme ça...

Je ramasse mes cheveux en arrière.

-C'est pour ça que tu as emménagé à Boston avec Mme Campbell ?, me demande-t-il d'une voix douce.

-Oui et son mari et leur fils. Son mari est mon parrain à la base, c'est pour ça qu'ils m'ont prise en charge.

-Tu as renoncé à toute la vie que tu as bâti à Seattle alors ?

-Oui.

-Tu as réussi à te faire des amis ici ?

-Une seule. Mais elle est là pour moi et elle me suffit.

-Tant qu'elle te soutient, c'est ce qui compte. Une bonne amie vaut largement mieux que plusieurs qui ne sont pas là pour toi.

Je hoche la tête.

-Je pense que ce sera tout pour aujourd'hui. C'est déjà pas mal pour un premier rendez-vous.

Je me relève en aplatissant ma chemise qui s'est un peu froissée. Mr Harris m'ouvre la porte et nous sortons tous les deux. Lucy est toujours assise sur un des sièges de la salle d'attente, feuilletant un magazine. Elle se lève lorsqu'elle nous remarque et me prend furtivement dans ses bras.

-Ça va ?, me demande-t-elle.

Je hoche la tête.

-Comment s'est passé le rendez-vous ?

-Très bien, répond Mr Harris. Sara est un peu réticente mais c'est normal lors d'un premier rendez-vous. Puis-je parler seul à seule avec Mme Campbell, s'il-te-plaît Sara ?

J'acquiesca et sortis de la salle d'attente en tendant l'oreille dans le couloir.

-Sara souffre beaucoup de la mort de ses nombreux proches depuis son enfance. Seulement, elle a deux fois plus souffert en perdant la seule personne qui lui restait encore : sa mère.

Je ferma les yeux et posa une main sur ma bouche pour m'empêcher de réagir soit en pleurant, soit en criant.

-Il faut que vous la souteniez et que vous soyez là pour elle. Que vous la protégiez de tout élément perturbateur qui pourrait l'atteindre et l'affaiblir.

-Merci Mr Harris.

Ils ressortent de la salle et je vais avec eux. Lucy passe son bras autour du mien et nous nous dirigeons vers l'accueil.

-Je vous laisse ici pour pouvoir fixer un prochain rendez-vous, déclare Mr Harris. Au-revoir Sara et Mme Campbell.

-Au-revoir.

Il repartit et disparut dans le couloir. Lucy fixa un prochain rendez-vous pour la semaine suivante avec la secrétaire puis nous rejoignîmes la voiture.

-Je vous ai entendu quand tu parlais avec Mr Harris, dis-je à Lucy en attachant ma ceinture.

Elle enclencha la première.

-Je ne veux pas que vous vous occupiez de moi comme si j'étais un bébé qu'il faut protéger. Je suis grande.

-Tu ne comprends pas, Sara. On sait que tu es grande, on va juste tout faire pour que tu recommences à vivre normalement.

Je soupira et regarda la ville défiler à côté de nous.

-Je vis déjà normalement, rétorquais-je.

-Ne plus manger, ni dormir, ni sortir, tu appelles ça "vivre normalement" ?

Je ne répondis pas.

-Tu vois, Sara, termina Lucy. C'est pour ça qu'il faut qu'on t'aide.

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