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Tout ce qu'il me faudrait, c'est décupler ma force. J'ai fait de la physique, c'est vieux mais il m'en reste quand même suffisamment de bases. Une poulie, c'est ça qu'il me faut. Une poulie.
Je sors le rouleau de corde, le noue rapidement autour de la taille d' Harry. Je lui explique mon idée tout en faisant, et il m'écoute en hochant la tête. Je passe ensuite la corde dans la poignée de la porte, puis dans celle d'en face. Double poulie, ma force est multipliée par quatre. Enfin. Si mes vagues souvenirs du cours de physique sont justes. J'installe bien la corde et je dis à Harry de serrer les dents. Ça risque de faire mal.
- Louis, attends...
Il me regarde, toujours enfoncé dans le plancher quasiment jusqu'à la taille. Mais il ne dit rien.
- Quoi ?
Il hésite, se mords la lèvre. Il finit par dire :
- Je te le dirais si ça marche. D'accord ?
- D'accord.
Je m'apprête à tirer.
- Ça a le mérite d'être motivant.
Il rit. Je tire de toutes mes forces et son rire se transforme en grognement de douleur. Avec les deux poulies, j'ai largement assez de force et il est extrait assez violemment du sol. Il se redresse comme il peut, je viens l'aider. Je regarde sa jambe. Il saigne tout du long, mais rien d'aussi catastrophique que je ne le pensais. Il ne boite même pas.
Il prend ma main.
- Je te câlinerais après. Il faut qu'on se barre d'ici avant que tout ne s'effondre sur notre gueule, tu permets ?
Je permets. Je refais passer le bébé devant moi, et par le passage de gravats que j'ai déblayé, on attend rapidement la sortie. On s'élance à l'air libre, là où l'on respire mieux. Dehors, c'est un bordel sans nom. Ambulances, camions de l'armée, blessés étendus dans tous les sens. Des volontaires, des pompiers, des tas de gens sont en train de se battre avec le bâtiment partiellement effondré pour faire sortir le plus de gens possible.
Ne pas penser à tous les morts, ne pas penser aux familles, aux enfants. Ne pas penser à la femme enceinte de tout à l'heure. Il faut que je reste concentré sur ma tâche. C'est vital. On me prend le bébé des bras, on s'occupe de lui. Harry est encore dans sa blouse de médecin, il me traine, non pas vers les blessés mais vers une des ambulances arrêtée là, grande ouverte, ayant déchargés ses médecins. On grimpe à l'intérieur, il ferme la porte et commence à retirer son pantalon pour regarder sa plaie à la jambe. En même temps, il me pose des questions.
- Est-ce que ça va ? Tu n'as pas de plaies ?
- Ça va.
- Tu peux bouger tout tes membres ?
- Tout marche.
- Et ta respiration ?
- Normale.
- Allonge-toi le temps que je me fasse un bandage. Bois un peu.
Je suis tenté de me laisser aller, d'écouter et de suivre ce qu'il dit. Mais non. Je lui prends des mains la bande.
- C'est toi qui t'allonge. Je vais te soigner.
On se regarde quelques secondes en silence, puis il me tend la bande et s'allonge. Je caresse son genou. Il a une plaie assez moche en haut de la cuisse, rien de très grave, mais quand même. J'enroule la bande. Il est en caleçon. Il me regarde, il sourit, puis il ferme les yeux.
- Prends ton temps, Lou. J'ai besoin d'une minute avant de retourner sur le terrain. Alors prends ton temps.
Je hoche la tête et prend mon temps pour dérouler ma bande correctement en haut de sa cuisse, puis une deuxième. Je murmure :
- Qu'est ce que tu voulais me dire, tout à l'heure ?
- Mmm...?
- Tu as dit que tu me le dirais, si j'arrivais à te sortir de là. Et j'ai réussi, alors...
J'attache la bande comme je peux, je l'entends soupirer. Je voudrais lui dire que j'ai fini mais j'ai peur qu'il ne me le dise pas, après. Et j'ai besoin qu'il me le dise.
- Je voulais seulement... Je ne sais pas très bien comment l'exprimer.
Je caresse son bandage du bout des doigts, puis l'extrémité, là où sa peau réapparait, en haut de sa cuisse.
- Je crois bien que je suis...En train de...
Sa voix est frémissante, rauque et quelque part, je ne sais pas si je suis capable de l'entendre alors je nous déconcentre tous les deux. Je caresse sa peau jusqu'à qu'il attrape ma main, que je me rende compte qu'il est excité et que je sente tout mon dos se couvrir de sueurs froides. Il se redresse, attrape son pantalon sur le sol de l'autre main. Puis il porte la mienne à ses lèvres, il embrasse mes doigts et je ne sais pas à quel point je suis sensé être gêné. Mais son regard est très tendre. On ne dit rien, il se rhabille. Il ne finit pas sa phrase, mais il n'a pas besoin. Parce que moi aussi. Moi aussi, je suis en train de... tomber.
Avant que l'on sorte, il me serre dans ses bras. Il me dit :
- Encore un peu de courage, d'accord ? On va très probablement être rapatriés ce soir. On va rentrer chez nous un peu. Encore un peu de courage.
Je lui souris. Je sais, que ça va aller. Je suis près. Je n'ai pas peur. Je crois que ça se déclenchera plus tard. On sort de l'ambulance, les blessés sont installés à même le sol, sur des bâches, regroupés selon la gravité de leurs blessures. Des médecins tout autour s'activent, soignent, sauvent et rassurent. Au travail.
Si tu décides de t'occuper des blessés n'ayant besoin que des soins légers et à ta portée comme tu le faisais tout à l'heure, rends-toi au paragraphe 40.
Si tu préfères rester avec Harry pour l'assister de ton mieux, rends-toi au paragraphe 17.
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