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Une partie de moi voudrait me débarrasser de toute ma colère en m'envoyant en l'air, vite et fort, seulement pour que ça parte, comme si dans l'orgasme je pouvais évacuer tous les sentiments trop lourds pour moi qui me font trembler. Quand mon dos nu touche le matelas et qu' Harry caresse l'arrière de mes cuisses de ses mains, je me dis que c'est comme ça que ça doit être, que ça va être, qu'il va me faire l'amour, que je n'ai qu'à fermer les yeux. Et au début, c'est ce que je fais. Je ferme les yeux, j'attends de sentir, ses doigts, sa langue, ce qu'il voudra, mais juste qu'il m'emmène, qu'il m'emporte loin d'ici par le pouvoir de sa queue ou ce qu'il voudra, vraiment, je lui fais confiance.
Mais ça n'arrive pas. Je rouvre les yeux, il me regarde, il a l'air... Légèrement... Effrayé ?
- Harry ?
- Désolé... Ça fait un moment que je n'ai pas fait l'amour et... Je n'ai pas eu beaucoup de relations, enfin, je ne sais pas comment dire mais je suis un peu...
Il me regarde, allongé sous lui comme une étoile de mer – en plus sexy, j'espère. Encore que je suis tellement épuisé que je n'en suis pas sûr. Lui a l'air d'apprécier ce qu'il regarde, c'est le principal, j'imagine... Je ne sais pas quoi répondre, je me contente de le regarder et lui regarde ma taille. C'est gênant, un peu.
- Il n'y a pas trop de lumière ?
- Oh, non. S'il te plait. Je veux te regarder.
Je ferme les yeux. Il est tendre, timide, adorable. Mais... Là tout de suite, son attitude me donne envie de m'assoupir. J'ai peur de m'endormir, oui, parce que j'ai de la rage au ventre mais je suis tellement cassé par les évènements de la journée que je pourrais tout aussi bien m'endormir comme ça. Même si ce n'est pas ce que je veux. Je finis par rouvrir les yeux, lui n'a pas bougé. Je marmonne :
- Mais fais-moi l'amour, merde...
Il me répond, tout bas, très doux :
- Fais-le avec moi.
Je frémis comme jamais. Prenant mon courage et ce qui reste de mon énergie à deux mains, je les passe autour de son cou et le colle à moi. On rejoint rapidement la chaleur sous la couette, nos corps s'échauffent un moment.
- J'ai des capotes dans ma valise, attends...
Je grogne quand il me laisse là en plan, le temps qu'il aille jusqu'à nos affaires, entassées dans un coin de la chambre. Il revient sur moi, après, serre mes chevilles dans son dos, me sourit.
Et l'on fait l'amour.
Il n'y a pas mieux, pour oublier le reste du monde. Se rapprocher, mettre les autres à distance. On est sales, on est épuisés, on est malheureux. Mais on fait l'amour, fort, pour envoyer valser, pour taper nos têtes contre les murs, pour exprimer ce qui cherche à se taire, pour nous défaire de la haine et de la peur.
Sous la douche après, j'ai l'impression que c'est toute la salissure, la poussière, le sang, la honte, le dégout, que tout s'en va dans le siphon. On se douche l'un après l'autre, je crois que l'on a besoin d'un petit moment d'intimité. Après ça, en pyjama, on mange et quand nos regards se croisent, on se sourit. Pour dormir, on se blottit l'un contre l'autre. On a éteint les lumières, on consume le silence, mon corps au creux de ses bras. Mais on ne peut pas dormir. Alors on se déshabille, mais cette fois c'est différent. C'est plus doux, plus lent. Allongés l'un à côté de l'autre, on se caresse, on se regarde, on ne peut pas se lâcher des yeux. La douceur dans la lumière de ses pupilles, c'est tout ce que je veux voir. Quand il semble déborder de l'intérieur, frémissant, qu'il se perd un peu. Je grimpe sur lui, il se redresse, on fait l'amour enlacés, sans pouvoir cesser de nous embrasser.
On a peur de dormir, on a mieux à faire. Dans cet endroit impossible et caché, petite chambre surprotégée au milieu d'un pays en guerre, entourés par des barbelés de douleur et de colère, on fait l'amour.
Le matin arrive sans que nous ayons gouté la nuit. On se décolle à regret, mais dans les couloirs, alors que l'on part avec nos affaires en direction de l'aéroport, que l'on quitte la ville, le pays, il ne lâche que très peu ma main. Seulement là où c'est dangereux, et encore.
Je reste un moment sur le tarmac, à regarder l'horizon. J'ai peur de monter dans cet avion. J'ai mal pour les gens que je laisse derrière moi. J'ai peur en pensant à l'avenir.
Harry me tends la main depuis le haut de l'escalier, à la porte de l'appareil. Alors je grimpe les marches. Je me cache dans ses bras.
Rendez-vous au paragraphe 100 pour terminer l'aventure.
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