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Quand j'entre dans la salle de pause, elle est vide. Mais au même moment, j'entends du bruit dans le hall. J'ai à peine le temps de faire volte-face qu'un homme âgé portant quelque chose, ainsi que la jeune médecin de toute à l'heure arrive en courant et en gueulant des trucs. Je ne parle pas leur langue mais de toute façon ça pourrait être en français que ça n'y changerait rien. Mon esprit est figé sur ce que porte l'homme. Un petit garçon, couvert de sang. Il porte un short de sport trop grand. D'un côté, une basket blanche très abimée. De l'autre, sa jambe est arrachée à mi- mollet. Un garrot hâtif est noué au-dessus de son genou.

Le médecin me gueule dessus en anglais et je réagis. On se met à courir tous les trois, en direction de la salle d'examen. L'homme âgé est en larmes, il tremble. Je lui prends ce qui est probablement son fils ou son petit-fils des bras, tandis que le médecin sort tous ses instruments. Le pauvre petit est toujours conscient. Son visage a pris une couleur cireuse, ses yeux sont en mydriase. Je lui parle tout doucement en l'allongeant sur la table d'opération. Je sais qu'il ne peut pas comprendre ce que je dis et qu'il est de toute façon en état de choc, mais quand même.

Le médecin lui fait une piqure dans le bras et me dit en anglais qu'il devrait perdre connaissance rapidement. Puis elle me tend un carré de plastique avec un cercle de tissu blanc au milieu.

- Vérifie sa respiration et ventile le si besoin. Je crois qu'il va faire un arrêt.

Je reste un instant sans comprendre. Parce que je viens d'un pays civ... D'un pays avec plus de moyen. Et même dans des conditions précaires, on aurait au moins une pompe, pour faire respirer les gens. Mais non. A l'ancienne.

Le petit est inconscient, son père est prostré dans un coin à dire des trucs. Avec deux doigts sur le menton du gamin, je lui penche la tête en arrière pour libérer ses voies aériennes, puis vérifie qu'il n'a rien dans la bouche. Une main sur son thorax, je vérifie sa respiration. Le médecin sort une scie et je le supplie mentalement d'arrêter. Non, pas ça. Le père hurle.

- Fais-le sortir !

Je jette le père dehors sans ménagement. Pas le temps, son gamin est en danger de mort. Je reprends ma vérification.

- Il ne respire plus.

- Ventile et masse !

Je m'exécute. Mais la scie est près de moi, à former une plaie propre que l'on pourra recoudre et il faut que je reste calme, il faut que je rentre en moi-même... Il faut que je me persuade que ce n'est pas en train d'arriver. Je pose mon morceau de plastique sur le visage du petit, le rond blanc de coton sur sa bouche. Puis lui maintenant la tête en arrière d'une main, je lui bouche le nez de l'autre. Et c'est parti.
Je dois faire quatre séries de massages avant que son cœur ne reparte. Ensuite, je reste à lui tenir la main et à l'aider à respirer. Quand tout est recousu, refermé et correctement bandé, le médecin pousse un long soupir d'épuisement. Des gouttes de sueur perlent de son front.

- C'est fini maintenant. Il est sauvé.

Et puis elle fait le tour jusqu'à moi, me prend le carré de plastique des mains. Elle a les larmes aux yeux.

- Beau travail. Je le ventile encore quelques minutes et puis il ira au repos. Fais rentrer son père et va te reposer.

Je hoche la tête, sans répondre. J'ai peur de ne pas être capable de former mes mots. J'ouvre la porte. Harold et le père du gamin sont juste derrière. Le père a l'air terrifié mais je lui souris et lui fais signe d'entrer. La porte se referme derrière lui et je me retrouve dans le couloir en face d'Harold. Mes vêtements sont plein de sang, je crois que je tremble.

Si tu décides de te laisser aller tes larmes et d'éclater en sanglots devant Harry, rends-toi au paragraphe 30.

Si tu préfères prendre sur toi au maximum et t'isoler une minute, rends-toi au paragraphe 58.

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