Chapitre 28 - Acerbissimum fatum

Je me retrouve avec le seul gars qui ait mon temps dans mon putain d'entourage.

Lo, vadrouille comme un gros pède au milieu des vinyles vintages.

Au début il me fanait jusqu'à ce que je me rende compte que sa connerie faisait peu à peu descendre la pression que subissent mes membres depuis les dernières vingt quatre heures.

- Tu pars quand déjà ? Dit-il, à reculons.

- Demain, à treize heures.

- Je t'accompagne à l'aéroport s'tu veux.

- Ça ira.

Je capte rapidement son sourire en coin mais l'ignore comme si je n'avais rien vu. Sachant pertinemment que sa proposition n'est pas ingénue.

- C'est Naomi Campbell ta pote ou quoi ?

- Qui sait ?

- Arrête ton mystère à deux balles, j'suis sûr que si tu veux pas qu'on l'a voit c'est parce qu'elle est grave cheum.

- Possible, je réponds, détaché.

- C'est bon je déconne. Mais d'habitude tu nous fais pas autant galérer. Normal qu'on soit intrigué aussi.

- Peut-être qu'avec elle, c'est différent. Soufflé-je, un vinyle inconnu dans la main.

Le palot se stoppe et reste interdit. Je me prends d'admiration sur la liste des chansons au dos, pour éviter son regard incisif.

- Mais t'es amoureux, sale bâtard ?

Je souffle et lève enfin mes yeux sa direction.

- T'es ouf ou quoi, toi ? N'emploies pas les mots qui fâchent.

- Tu sais, y'a amoureux et amoureux. La dernière elle n'était pas si fraîche, mais j'suis tombé amoureux de son boule. Tout est une question de perspective.

- Dans ma perspective, tu restes à ta place et tu m'aides à trouver un bon son à emmener.

Il ne réplique pas et fouille à son tour dans le bac pour tenter de dénicher une perle rare.

- Rappelles toi de tes paroles quand tu m'appelleras pour te faire un son, réplique-t-il, après un instant.

Je souris sans répondre, il reprend.

- Tiens, t'aimes la Soul toi, nan ?

J'acquiesce et prends la pochette qu'il me tend, sans chercher à l'examiner. J'ai une confiance totale en ce guignol, musicalement parlant, il ne m'a jamais déçu.

Le temps passe à la vitesse de la lumière, il est déjà dix-huit heures, et je me souviens que je n'ai pas terminé mes affaires pour demain. Lo, s'arrête au rayon des livres, tandis que moi je décide de passer à la vitesse supérieure.

- Tu trouves ton bonheur, Maupassant ?

- Nan, je cherchais un bail pour occuper mon prochain vol moi aussi, mais j'suis duper entre un truc de cul et un classique, tu me conseilles quoi ?

- Prends les deux, j'en sais foutre rien.

- Tu lis pas beaucoup, toi ? Il demande.

- Plus trop en ce moment, j'ai la tête ailleurs, je réponds en feuilletant un premier roman.

- Tu devrais, pourtant.

- Qui scribit, bis legit, mon ami.

- Qui veut dire ?

- Celui qui écrit, lit deux fois.

Il rigole.

- Tu trouves toujours le moyen de contourner les lois, dit-il.

- Quand elle est mauvaise...

Il s'approche et me tcheck.

- Passe la deuxième, frère, j'ai plus le temps.

- Ta race, ça fait deux heures que je supporte ton hésitation de mes couilles sur un article plutôt qu'un autre alors tu me laisse choisir en paix.

Je ne réponds pas, puisqu'il dit vrai. Il a gentiment accepté de m'accompagner dans mes emplettes évasives, je lui dois bien cela.

Je m'avance dans le rayon tout en parcourant les auteurs figurant sur les étagères. Je reconnais certains livres que j'ai déjà lu, d'autres qui attirent mon attention, mais je ne m'y attarde pas. Je me perds entre la centaine de vieux bouquin qui m'entoure et un présentoir annonçant des écrits nouveaux.

Je m'approche, curieux, et en prend un premier. Assez colossal en terme de pages, et le résumé ne me plait aucunement, je le repose tandis que Lo émet deux, trois remarques que je ne relève pas.

Un second attire mon attention, il est bien moins volumineux, la couverture est floue et les rimes parsemées en quatrième m'intéressent un peu plus.

Alors je lis le prologue et survole le premier chapitre. J'ai l'impression de l'avoir déjà lu à la va-vite. Mais où ?

Je persévère, la curiosité m'incite et m'entraine à en savoir plus sur cette histoire bancale, tant les mots me sont familiers.

- Ivan ? On y va ? Demande le moustachu une fois ma lecture bien entamé.

- Ouais, attends vite-fait.

C'est dingue. C'est comme si j'avais déjà lu cette histoire, c'est la première fois que cette sensation me prend. J'ai peut-être éprouvé la même chose, une fois sur un bouquin lambda, mais cette fois c'est différent.

Je survole, feuillette les pages comme un fou, tentant d'éclairer les parcelles d'ombre laissées dans les précédents paragraphes délaissés.

« En sortant du bar je lui ai demandé de me faire l'amour mais il a refusé, j'ai soudoyé ce rappeur au regard médusé, mais étonnamment, ça me plaisait. »

Lo parle encore une fois dans le vent. J'ai déjà vécu ce moment.

Deux questions se posent à moi, maintenant.

Suis-je autant piqué pour nous imaginer elle et moi dans un roman d'adolescent ?

Ou alors, suis-je complètement à la ramasse, pour croire que cette histoire est d'elle ? Ou d'un proche ? Qui l'aurait écrit sciemment ?

Je n'ai pas de quoi être méfiant. Son nom, tout comme le mien ne sont pas écrits sur ce bouquin

Alors pourquoi je suis hésitant ?

- Tu vois, ça joue les mecs pressés mais finalement...

Qui a écrit ce roman ?

- Y a Nek qui m'a envoyé un message, j'sais que c'est tendu pour toi mais tu veux passer la soirée avec nous ?

Pourquoi j'ai l'impression d'avoir été pris pour un con, là dedans ?

- Wesh gros, ça va pas ?

- Si ça va, t'as de la batterie toi ?

- Euh... Ouais ?

J'observe la couverture et relève le nom inscrit à l'encre blanche.

- Tape Nina Morel sur internet.

- C'est qui ?

Il s'exécute suite à mon absence de réponse.

- Y'a rien, juste un lien sur Amazon pour acheter un livre apparemment.

- Fais voir.

Je lui arrache presque le cellulaire et fais défiler la page. Rien hormis un twitter.

Sans photo.

Je ne perds pas espoir, déterminé à trouver l'identité de celle qui se fout de ma gueule. Tout en espérant profondément que je me trompe sur l'auteur.

- Viens on va en caisse, gros. Me propose Lo après qu'une voix nous ait averti la fermeture imminente du magasin.

Je le suis, le nez dans son portable. Essayant toutes les manipulations possibles pour déceler son identité.

Je trouve une certaine Céleste avec qui elle interagit. Je me liquéfie.

- J'te jure, tu m'fais flipper de ouf, t'es en trans' là !

Je clique sur son profil et trouve une blonde, assez jolie que je ne connais pas.

Je fais alors un tour dans ses photos pour essayer de comprendre, peut-être que tout cela n'est qu'une simple coïncidence.

Et après cinq minutes de recherche intensive ou presque, la réponse s'offre enfin à moi.

Celle qui me fait douter de moi-même depuis des jours est identifiée sous le nom de Nina. Tandis que la Céleste que je suis censé connaître est une parfaite inconnue.

Je ne comprends plus rien. Mon cerveau est en surchauffe et ma vision est altérée par une vague amère et salée qui ne dévalera pas mes joues.

Je suis troublé.

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