Chapitre 25 - Passé composé
Je me suis levé sur les coups de midi. J'ai composé, j'ai graille la moitié d'un jambon beurre, puis j'ai comaté. Je n'ai pas trouvé la foi de rejoindre les gars à Belleville. J'ai préféré faire mes bails dans mon coin et arriver en force la semaine prochaine.
J'ai bien avancé sur mon prochain album, il est presque terminé. J'y ai mis toute mon énergie, j'espère qu'il fera son petit effet. L'ambiance est bien différente, même si ma ville natale reste ma principale source d'inspi'.
Sur les coups de dix neuf heures, je me suis levé et j'ai pris une douche. J'ai hésité entre deux polos de couleur pour finalement jeter mon dévolu sur celui que je mets le plus souvent.
Le noir.
Je me suis surpris à appréhender le moment. J'ai eu peur d'être poussé dans mes retranchements. Cette gamine m'a fait faire des choses qui ne me seraient même pas venues à l'idée, alors qui c'est ce qu'il adviendrait de ce soir.
On s'est mis d'accord sur un bar à mi chemin entre nos deux chez soi. J'ai attendu vingt heures pour prendre la route, pensant qu'elle me ferait poireauter un long moment. Mais elle était déjà là, et m'a gratifié de son sourire désarmant.
J'ai pris place près d'elle et je l'ai salué gentiment.
- J'ai cru que t'allais me mettre un plan.
- J'ai eu un empêchement.
- Ravie que ça ne t'ai pas empêché de venir.
Elle a siroté son cocktail, tout en me regardant.
- Je croyais qu'on se contentait d'un café ?
- J'ai eu une semaine difficile, j'ai besoin de décompresser.
J'ai hoché la tête et j'ai commandé un whisky avant de la détailler.
Un jean assez près du corps, une chemise entrouverte et ses éternelles Docs, elle a lâché ses cheveux et habillé ses lèvres d'une couleur bien plus sophistiquée que son violet pourave.
- Quoi ? Elle a demandé, après m'avoir vu la fixer.
- Rien, ça change, j'ai dit en désignant sa tenue.
- J'ai voulu la jouer soft pour ne pas te choquer.
J'ai soufflé du nez.
- C'est réussi, je suis charmé.
Mon ironie lui a plu, elle a rigolé.
- Ça été ta journée ? Elle a demandé.
- J'ai fait la larve jusqu'à dix huit heures, à toi d'en juger.
- Plutôt bonne, alors.
Le serveur m'a servi alors je l'ai remercié.
- Et toi ? Toujours l'école buissonnière ?
- J'ai assisté à tous les cours, sauf les mathématiques.
Face à mon regard accusateur, elle a ajouté.
- Je me suis levée à l'heure, faut pas trop m'en demander.
- Tu comptes faire quoi si t'as pas ton bac ?
- Je n'en sais rien... Trouver un job, pourquoi pas barmaid... Excusez moi, vous recrutez ? Elle a demandé au barman qui s'est retourné.
- J'sais pas, faut que j'vois avec mon boss, mais j'sais qu'ils recherchent des serveurs à côté, il a dit en désignant un établissement du pouce.
- Voilà c'est réglé.
Elle a bu son cocktail en entier et en a demandé un autre, je me suis retenu de la reprendre pour ne pas la contrarier.
- T'as pas envie de faire quelque chose de plus stimulant dans ta vie ? J'ai relancé.
Elle a soupiré.
- La seule chose qui me stimule c'est l'écriture, y'a que pour ça que je me lève le matin. J'ai essayé d'écouter mon père et de tenter une filière scientifique pour avoir un bon métier et un bon salaire, mais c'est la deuxième année que je me ramasse. J'suis pas faite pour ça.
- Tu peux toujours changer.
- J'veux pas. Je me force à aller au lycée parce que j'y suis un peu obligée. Il ne me laissera jamais vivre la vie que je souhaite.
- Peut-être parce qu'elle est bancale.
- J'men tape Jazz, j'suis pas conventionnelle.
Elle a roté, quelques personnes se sont retournées.
- C'est clair.
Elle s'est massée la nuque et a soupiré.
- J'veux vivre sans me prendre la tête, voyager, et écrire les conneries qui me passent par la tête. Je sais que je suis faite pour ça.
- T'as déjà essayé d'envoyer tes manuscrits ?
- Nan, j'ai trop peur qu'on m'envoie chier. Excusez-moi, on peut fumer ici ?
Le barman lui a répondu négatif et elle a soufflé.
- En fait, t'es ambitieuse mais à moitié, j'ai déclaré.
- Non, je ne suis pas ambitieuse, regardes moi j'ai aucun avenir concret en vue, mais je suis rêveuse, ouais. C'est la seule chose qui me reste.
- Alors essaye de les vivre, tes putains de rêves.
Elle m'a regardé, je l'ai regardée. J'ai fini mon verre et j'en ai recommandé un autre, ainsi s'est déroulée la soirée.
On a échangé, parfois ri et, déconcerté, je me suis étonné à l'admirer. Son visage mal éclairé, et son rouge à lèvres à moitié effacé ont réveillé en moi cette envie furieuse de l'embrasser. Mais j'ai résisté, on a recommandé et j'ai payé ma tournée.
Minuit passé et mon visage un peu trop reconnu, on a décidé de sortir pour fumer. Tous deux un peu pompettes, elle a trébuché et j'ai rigolé alors qu'elle s'est agrippée à mon dos de justesse. Puis elle a sorti son paquet de cigarettes et m'en a proposé une que j'ai accepté.
- Tu sais Jazz, j'remercierai jamais assez le ciel d'avoir croisé ta route.
J'ai souri mais je n'ai rien répondu, la clope entre les lèvres. J'ai sorti mon feu de ma poche pour l'allumer.
- T'es mignonne.
- J'ai envie de toi.
Polissonne.
- Dis pas de conneries.
- T'en a pas envie ?
- Pas comme ça.
- Comment alors ?
J'ai tourné ma tête pour lui faire face et la regarder.
- Est-ce qu'on ta déjà touchée ? J'ai demandé, non sans difficulté.
- Évidemment.
- Sexuellement parlant, je veux dire.
- Ben... J'ai déjà essayé avec un pote de vacances mais il n'est rentré qu'à moitié, ça compte ?
J'ai haussé les sourcils, étonné, et elle s'est mise à rigoler.
- J'te fais marcher. Oui j'suis passé à la casserole. C'était vraiment mauvais, comment oublier...
Elle a soufflé lentement sa fumée et s'est rapprochée.
- Si t'as pas envie de moi c'est un fait, laisse-moi juste t'embrasser.
- T'as peur d'envoyer tes écrits dans une maison d'édition mais t'as aucun scrupule à me réclamer un baiser ?
- C'est pas pareil... Avec toi c'est naturel. J'ai l'impression d'être invincible.
- C'est tes cocktails multicolores, là.
- Laisse-moi t'embrasser juste une fois, elle a murmuré.
J'ai senti mon bas ventre surchauffer et ma tension monter. J'en ai eu envie aussi, je ne pouvais pas le nier. Elle était belle, éclairée par l'enseigne. Je n'ai eu qu'une seule envie, sceller nos lèvres jusqu'à en perdre haleine tellement l'attraction était surhumaine.
J'ai inspiré lentement, et je me suis contenté de répliquer.
- Envoies ton bouquin.
- En échange du baiser ?
- Fais-le demain.
- Considères que c'est fait.
Je me suis approché et elle a doucement collé ses lèvres froides mais douces sur les miennes. Puis elle s'est reculée, nous nous sommes regardés, et on a recommencé.
C'était une bonne soirée.
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