Chapitre 23 - Téléphone arabe

-       Fais péter.

-       Nan.

-       Fais péter, wesh.

-       Nan.

Je souris face au regard qu'il me lance, et range mes écrits avant qu'il ne se décide à les lire de force.

-       T'es sérieux ? D'habitude tu m'casse les couilles pour que je t'écoute kicker et là, tu fais ton Sneazzy.

-       Il a fait quoi encore ?

-       Laisse, il fait trop la star en ce moment, avec ses vingt sept ventes, j'sais pas il veut quoi.

Bigo s'allume une clope et amorce.

-       Allez, wesh. J'suis sûr que c'est de la bombe.

-       C'est pas fini.

-       C'est la première fois que tu me sors autant d'excuses de pacotille pour esquiver, il t'arrive quoi ? C'est sur une go ?

Il ricane suite à mon silence et cherche désespérément à me tirer les vers du nez, afin que je lui donne le nom de la personne qui m'as servie de muse le temps d'un quatrain inachevé. 

Mais je me renforce.

Hors de question qu'il ait la moindre idée de ce qu'il se trame dans ma vie désormais. Etre attiré par une lycéenne encore à la recherche d'elle-même c'est plus risqué que de passer devant des marseillais avec un maillot du PSG.

Vaut mieux rester discret.

Et pourquoi pas même l'oublier.

J'ai essayé de me laisser aller, mais ça n'a pas marché. La réalité m'a frappé de plein fouet. Notre binôme n'est qu'un échec inavoué.  

-       De toute façon la vérité se saura, et si j'apprends que c'est sur Audrey, tu peux dire adieu à ton crane lisse, j'te préviens.

-       Vous avez tous le mort contre elle.

-       Bien sûr frérot, elle t'a fait un coup de pute, manquerait plus qu'on la soutienne cette tshoin.

-       Julien m'a dit la même et c'est le premier qu'a essayé de se la faire.

-       Ah t'es au courant...

Il secoue sa tête et dévie son regard vers la fenêtre. Le ciel s'assombrit peu à peu, annonçant une nuit longue et éreintante.

Il faut que je termine ce son, ce sera ma façon à moi de tirer un trait sur elle, et de penser à autre chose. Je suis bloqué depuis des semaines sur des alexandrins qui ne veulent rien dire, et son visage, gravé dans mes paupières me trouble lorsqu'il s'agit de noircir un peu plus le papier pour le remplir.

J'ai déjà choisi l'instru, elle est jazz et quelque peu léthargique, avec quelques notes qui surprennent, pour rappeler son comportement imprévisible.

Pour être imprévisible, elle l'est.

Qui aurait pensé que la réplique gothique de blanche neige s'accaparerait mes pensées jusqu'à les empoisonner et les surmener et me malmener ?

Personne.

Pas même ma conscience qui s'horripile, rien que de penser que je lui accorde mes nuits.

-       Nan mais faut dire ce qui est, c'était une pute mais son cul avait de la gueule, ajoute-t-il, pour justifier les actes d'autrui.

-       J'men tape, en vrai. C'est de l'histoire ancienne, et j'ressasse pas le passé avec les meufs.

-       Sage décision, j'aurais aimé suivre ton parcours mais j'ai succombé aux avances de mon ex comme un hmar.

-       Où est-ce que tu l'as retrouvée ?

-       Juste ici.

Il me montre un compte instagram mais je ne m'y attarde pas, loin d'être réjouit pour lui.

-       T'as la dalle, hein ? Je souris à ma question rhétorique.

-       Un peu, ouais.

-       T'as raison.

J'ai l'impression que ça fait des siècles que j'ai pas imité ce vieux burb', je me surprends même à envier ses plans, aussi foireux soient-ils. Quand on pense avec notre teub, les évènements qui succèdent notre assouvissement n'ont aucune importance, pourvu que l'on ait réellement pris notre pied.

C'est comme ça qu'il arrive à se faire ses exs, sans aucun scrupule ni rancœur. J'aimerais penser comme lui, mais je leur tiens trop rigueur.

-       Esso il m'a dit que t'avais un plan avec une mineure, c'est quoi les bails.

Je secoue la tête et insulte mon ancien acolyte de tous les noms, ce gros cafteur.

S'il caftait correctement, à la rigueur...

-       Il raconte que de la merde, calcules pas.

-       T'as pas de go en vue, depuis le temps ?

Il écrase son mégot dans son verre et fronce ses sourcils sous mon silence proscripteur.

-       J'croyais qu'on se disait tout ?

-       Mais y'a personne, gros.

-       D'accord, comme tu voudras.

Il se lève du canapé et enfile sa parka tout en regardant l'heure.

-       Je dois filer, on s'appelle, monsieur je-fais-mes-bails-en-soum-soum.

Je soupire.

-       T'es où demain ?

-       Dans le cul d'Ella.

-       Bien.

On se tcheck et il disparaît derrière la porte du salon. Je ferme les yeux un instant et l'entends m'appeler d'un air railleur.

-       Y a personne, qui est là pour toi.

Intrigué, je me lève et le rejoins à l'entrée.

Céleste nous fait face, visiblement impressionnée et légèrement gênée.

Deen m'adresse un regard inquisiteur que je tâche d'éviter.

Même involontairement, elle arrive à tout chambouler.

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