- Attends, hey ! Attends !
Je ralentis le pas et soupire ma résolution éphémère de l'éviter.
- Je te dérange ? Demande-t-elle.
- Tu me pistes pour savoir ensuite si tu me déranges ?
- Non mais...
- Oui, tu me déranges.
J'accélère de nouveau, les mains dans mes poches gelées.
- Je comprends pas... J'ai fait quelque chose de mal ?
- Nan.
- Tu me trouves anormale ?
- Nan.
- Ai-je eu tort de penser qu'on pouvait entretenir une relation amicale ?
Je m'arrête et ricane.
- Sérieusement Céleste ? Mon amitié ? C'est tout ce que tu convoites ?
- Pourquoi tu en doutes ?
- Tu sais très bien pourquoi.
- Développes, je t'écoute.
- Non, j'aboie au milieu de la rue.
Quelques passants autour, se retournent sur nous après la résonnance de mon impatience. Je baisse la tête, en espérant ne pas avoir été reconnu.
- Qu'est-ce que tu me veux, concrètement ? Je demande, limpide.
- Et bien je...
Elle croise les bras sur sa poitrine et guette à son tour, les alentours.
Les mots lui manquent, ses paupières papillonnent et son corps tremble sous la froideur de dehors et peut-être de mes mots.
- Et pourquoi tu me questionne ? Je croyais que t'étais cool et accessible. Je ne savais pas qu'il fallait un motif pour approcher le rappeur de ses dames !
- Ne joues pas l'innocente. Tu n'agis pas comme une simple fan qui m'apprécie, tu cherches à me soutirer quelque chose. Qu'est-ce tu veux ? Des infos ?
- Je cherchais seulement à te connaître.
- Avec tes plans d'enfant ? Comme placer des trucs dans mes vêtements ou en m'envoyant des selfies provovants ?
Elle baisse les yeux et fixe le sol comme s'il était le seul capable de la réconforter à présent.
Ses cheveux tombent sur son visage nu de quelconque déguisement. Toujours aussi pâle et luisant.
Elle va te faire passer pour le méchant.
- Pourquoi tu m'as laissé faire si ça te dérangeait autant ? S'enquit-elle après un instant.
- Je trouvais ça intriguant.
- C'est tout ? Ajoute-t-elle.
- Quoi d'autre ?
Elle renifle et frotte frénétiquement ses épaules tremblantes tout en évitant mon regard de toutes ses forces. J'ai l'impression de lui arracher une par une ses écorces.
Mais je ne contrôle pas mon animosité, j'ai envie de comprendre ce qui l'a poussée à me courtiser. Mon regard s'attarde sur ses joues rosies par le froid et la gêne qui la hante. Je me sens coupable de la confronter à ses actions, mais je mérite des explications.
Ma conscience hésite entre le regret et la consternation. Mais je l'ignore d'un bref clignement d'yeux. Je pense qu'elle essaye de me faire comprendre que je n'agis aussi durement que parce que j'ai déjà subit trop de trahisons d'antan.
Une fois qu'on se fait un nom dans le show biz', les gens sincères se font aussi rares qu'un rappeur moderne qui fait des vocalises.
La gente féminine s'approche comme des rapaces et grappillent la moindre parcelle de notoriété ou d'argent qu'il y a à prendre. Pourquoi avec elle, ce serait différent ?
Elle a clairement toutes les manières d'une fille intéressée, et je me disais bien que son entreprenariat n'était pas innocent.
- Je croyais... Je croyais que tu commençais à m'apprécier. C'est pas tout le monde qui serait venu me chercher en soirée ou qui m'aurait hébergée pour la nuit, sans démontrer une quelconque méfiance.
- J'ai fait ça parce que j'ai une conscience, qui me pousse à jouer les bons samaritains de temps à autre, pour compenser les péchés que j'accumule.
- Que ce soit moi ou une autre, tes gestes auraient-été les mêmes ?
- Les mêmes, j'acquiesce.
- Très bien.
Elle sort son cellulaire et s'équipe lentement de ses écouteurs, les yeux dans le vide.
- J'ai enfin trouvé le titre pour mon blog, « Jazzy Bazz le héros noctambule du troisième étaz' » ! s'écrie-t-elle, sournoisement pour me moquer de mon cheveu sur la langue.
- Bravo, t'as le chic pour trouver des rimes, en espérant que ton blog rime, lui, avec vogue. Si c'est pour me descendre dans le vide, c'est pas la peine.
- T'avais pas l'air si amer dans tes interviews, ni même lors de nos dernières rencontres.
- Arrête de dire sans arrêt que je suis méchant. J'essaye d'être sincère avec toi, et je ne ressens pas cette réciprocité. Certes t'es mignonne, t'es intelligente et un poil marrante, mais tes avances sont plus dérangeantes que plaisantes. On ne peut pas trainer ensemble, nous ne vivons pas dans le même monde, et tu mérites quelqu'un de ton âge, aimant et qui te le montre.
Elle soupire.
- C'est l'âge qui te gêne autant ? T'es au courant que je vais avoir dix neuf ans ? Jason Statham et Rosie j'sais pas quoi ont vingt ans d'écart, ça pourrait être son père, et toi tu ne peux qu'être mon grand frère !
- Peu importe, j'ai pas besoin de me comparer aux gens pour donner un sens à mes paroles, t'es trop jeune pour moi.
- C'est quoi l'âge, finalement ? N'est-ce pas qu'un nombre parmi tant d'autres dans ce foutu monde ? J'arrive pas à comprendre comment un mec comme toi, si simple et consciencieux puisse s'arrêter sur un détail aussi piteux.
- C'est juste...
- Et puis merde, j'ai jamais dit que je voulais quelque chose d'intime avec toi ! Me coupe-t-elle. Du moins... Pas forcément dans le sens que tu crois.
J'arque un sourcil tandis qu'elle dévie son regard.
- Alors qu'est-ce que tu recherchais ?
- Une intimité sûrement, mais plus spirituelle. C'est tes mots qui me fascinent, pas toi. J'aurais voulu que tu... Me fasse un transfert de talent, pour que mes paroles soient aussi profondes et sensées tout en restant simples et belles. Comme tes textes.
Elle renifle tout en combattant la masse de cheveux que le zeph a collé sur son visage frigide.
- Pourquoi tu m'en n'a pas parlé avant ?
- Parce qu'il suffisait de d'écouter parler pour prendre exemple. Je n'avais pas besoin d'une leçon a proprement dit, il n'y a que tes lèvres que je contemple.
Sa réplique ne me laisse pas autant de marbre que je tente de prétendre.
Je souffle à mon tour, dépassé et impuissant, face à ce petit bout de femme qui fait soudainement moins enfant.
Et si je m'étais trompé depuis le début ? Si elle était l'exception ? Si elle contredisait toutes mes précédentes déceptions ?
Mais il est trop tôt pour en juger, d'autant plus qu'elle se remet à parler.
- J'voulais te voir parce que c'est mon anniversaire mercredi, et... j'aurais aimé te faire lire mes écrits pour que tu me donne un avis.
Elle humecte ses lèvres gercées puis reprend.
- Mais j'ai cru comprendre qu'il n'y avait pas de place dans ton monde enseveli de cheveux gris. Il doit être bien terne, à priori.
Un léger sourire forcé en guise d'au revoir et la voilà partie.
Je reste débout et immobile de dos à cet esprit qui vient de remettre en question tout ce que j'ai entrepris.
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