Chapitre 08 - Hardie courtisane


- C'est mignon chez toi.

Je referme la porte sans un mot tandis qu'elle s'avance dans ma petite pièce à vivre en déposant mon blouson désormais trempé sur le canapé sans aucune gêne apparente.

Elle fait le tour du propriétaire les bras croisés en grelottant. J'allume la télé pour briser le silence absolu et range mon blouson.

- J'adore tes moulures, dit-elle, dans mon dos.

Son regard quand je me retourne est allusif.

- Je parle de ton plafond.

Incisif.

- T'en trouveras pas deux comme ça.

- J'en suis certaine.

Réceptif.

- T'aimes ce style de moulure ?

- J'aime beaucoup, je suis très attirée par l'ancien.

Abusif.

- Quoi d'autre ?

- Le poétique, le swing, le slave.

Suggestif.

Bordel, cette gamine est en train de m'allumer, sans complexe et ça me rend presque craintif.

Deux ridicules mètres nous séparent mais je peux tout de même sentir ses pupilles havanes me passer sous rayon X.

Je clôture la bataille de regard en m'éclipsant dans ma piaule.

- Bouges pas.

Je soupire longuement en cherchant un t-shirt et un jogging propre à sacrifier. Je n'ai absolument pas de quoi mais j'appréhende cette fin de soirée.

Je refais apparition dans le micro salon où la brunette n'a pas bougé d'un pouce, occupée à détailler quelques photos négligemment accrochées au mur au dessus du radiateur. Je lui tends les affaires et elle me gratifie d'un sourire suborneur.

Elle les pose sur la table basse adjacente et retire son t-shirt sous mes yeux ébahis.

Je me retourne instantanément.

Soit cette meuf me fait du rentre dedans,

Soit mon esprit est réellement perverti.

Je prends pas vers la cuisine pour ne pas lui montrer mon désarroi, je nous sers deux bières puis la trouve face à moi.

- Merci, souffle-t-elle en me prenant la bouteille des mains.

Cette fille est carrément sûre d'elle et bourrée de dédain.

- Au fait, j'amorce alors qu'elle s'installe sur le canapé. Tu t'appelles comment ?

- C'est important ?

- Pas tellement, mais je pense que c'est la moindre des choses...

Ne perds pas tes moyens.

- On s'est croisés quelques fois au hasard, tu n'as pas besoin de connaître mon prénom.

- Au bout de la quatrième fois, je n'appelle plus ça du hasard.

- T'appelles ça comment ? S'enquit-elle.

- Le destin.

Je la mets à l'aise afin qu'elle baisse les armes.

- Oh...

Je m'approche lentement pour ne pas la brusquer. Elle a l'air d'un animal sauvage qu'il faut s'apprivoiser.

Je compte explorer les moindres recoins de son esprit assuré jusqu'à y trouver une faille. Cette fille est bien trop intrigante pour que je la laisse jouer les filles de l'air, encore une fois.

- Céleste.

- Enchanté Céleste, c'est un nom très original que voilà.

- N'en fais pas trop.

Elle attrape le briquet sur la table basse et décapsule sa bouteille sans effort.

Je ne sais même pas faire ça.

- Ma mère était une fana des astres, et toutes ces conneries... Avoue-t-elle entre deux gorgées.

- Et qu'est-ce qu'elle dirait si elle savait que tu es présentement chez un parfait inconnu ?

- Rien, sans doute.

- Je pourrais te faire du mal, j'insiste.

- Bah voyons.

Elle éclaircit sa voix et boit.

- J'ai laissé mon téléphone chez moi, tu me prêtes le tien pour appeler ?

J'hésite un instant puis me résigne à lui tendre mon cellulaire.

Je ne suis déjà pas sûr de mon comportement avec elle, l'amener chez moi était peut-être une grave erreur. Je ne préfère pas prendre de risque.

Elle ricane.

- Tu vois, ajoute-elle. Tu m'as accordé une interview, t'es venu me sortir de mon bain de minuit, tu me loges pour la nuit et tu me prêtes volontiers ton portable quand je te le demande. A quel moment tu comptes me faire du mal ?

- Quand tu t'y attendras le moins, je réponds du tac au tac.

Elle ne répond pas et sourit.

- C'est vraiment déroutant d'être assise avec toi, chez toi à une heure moins le quart du matin.

- Ça fait longtemps que tu me connais ?

- Depuis P-town pour être honnête. Pas besoin que je te donne mon avis là-dessus...

- Ça m'intéresse, je la coupe, amusé.

Elle soupire et sourit discrètement.

- J'ai aimé.

- Aimé comment ?

- Aimé beaucoup.

- Sur une échelle de un à dix ?

- Onze.

- Pas mal.

Je souris et bois à mon tour.

De mon côté, je trouve ça aussi déroutant qu'elle de me trouver dans cette posture avec une fan. Et dire que notre première rencontre s'est faite dans la ur'.

Mes yeux se perdent dans le durcissement de ces traits. Elle est toujours aussi pâlotte, son crayon qui a coulé et son éternel rouge à lèvre couleur aubergine pourrie accentue son allure de zombie dépravée qui sort de nulle part.

Elle a un nez concave et une bouche fine, ses joues sont légèrement creusées par sa maigreur sans doute. Elle n'est pas si maigre après réflexion, mais quelques kilos en plus ne lui feraient pas de mal.

- Pourquoi tu me regardes comme ça ? Demande-t-elle.

- J'essaye de te cerner.

- Pas la peine, j'en ai déjà deux qui creusent le bas de mes yeux. Je peux t'emprunter ta salle de bain ? Demande-t-elle en désignant ses cheveux poisseux.

- Derrière toi.

Elle pose sa bière et se lève. Mon regard suit lascivement ses gestes.

Céleste...

J'avoue putain, je lui lâche trop de lest.

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