Souviens-toi... l'été dernier (1)

Un  mois et demi plus tôt



— Sans !

— Avec !

— Sans !

— Avec, je te dis ! Tu perds tout le plaisir de la découverte, sans ! Là, c'est comme... un kinder surprise ! s'extasie Dounia.

— Non mais, esthétiquement, c'est bien plus joli, reconnais-le ! proteste Luce. Qu'est-ce que tu en penses, Ali ?

— Bof, dis-je en sirotant mon cocktail à la paille. Une queue, c'est une queue. Avec ou sans prépuce.

— Oh, mais quand même ! Avoue que c'est rigolo de dérouler l'engin. Un peu comme ces glaces « pouss pouss » qu'on avait quand on était gosses !

— Euh...

— Non mais arrête ! C'est bien plus beau sans. Tu verrais celle de Marc, elle est vraiment très mignonne...

— Non mais tu t'entends, Luce ? Mignonne ? Tu parles de la queue de ton mari là ! Pas d'une peluche !

— O.K. ! Donc, tu verrais celle de Marc, elle est putain d'excitante sans ce bout de peau dégueulasse, j'ai tout de suite envie qu'il me la fourre dès que je la vois ! C'est mieux là, Dounia ?

Nous explosons de rire face à la réplique de notre douce Luce. Ces mots-là dans sa bouche sont absolument incongrus.

— C'est beaucoup mieux comme ça, ma Lulu., lance Dounia.

— Parfois, je me dis que vous oubliez que je ne suis ni une femme, ni gay, soupire Camille en avalant une gorgée de sa bière.

— T'inquiète Cam' ! Après tu nous diras si tu préfères les petites chattes façon abricot, ou plutôt celles qui ont du vécu, genre...

— Dounia !

— Quoi ? Y a pas de raison ! Bon, Ali, tu ne nous a toujours pas dit ce que tu préfères.

— Honnêtement, ça m'est égal. Au point où j'en suis, je me contenterai d'une queue tout court. Enfin, pas trop courte non plus ! ajouté-je en riant.

— T'es con ! Tu es trop difficile aussi, rétorque Dounia. Ouvre les yeux, le monde est plein de mecs qui rêveraient de coucher avec toi.

— On ne doit pas vivre dans le même monde alors ! Comme dirait Annie Cordy, « j'voudrais bien, mais j'peux point ! ». Toi, tu n'as qu'à te baisser pour trouver un amant. Tu es jeune, jolie, sexy. Moi, je suis plus proche des quarante ans que des vingt, j'ai deux gosses, des rides, des kilos en trop, quelques vergetures et des poches sous les yeux.

— Arrête ton cinéma, Ali ! Tu as de magnifiques yeux bleus, une silhouette d'adolescente, une micro ride sur le front et des vergetures imaginaires !

— Tu vois ! Toi aussi tu l'as vue cette ride !

— Ali ! Tu ne vois pas tous ces mecs qui te matent depuis qu'on est arrivés ? Tu n'as qu'à choisir !

— Mais bien sûr !

— Aliénor, nous sommes en vacances sur la Costa Brava, dans un hôtel de rêve, sans gosses, sans thèse à bosser, sans ex-mari relou, sans mari à la queue trop mignonne, entourés de mâles plus sexy les uns que les autres – et de petites chattes aussi, je ne t'oublie pas Camille – alors tu vas me faire le plaisir de profiter de tes vacances, d'oublier ton doctorat et tes complexes, et de t'envoyer en l'air ! C'est compris ?

Je la regarde en souriant. Cette fille a le don pour me mettre de bonne humeur même si parfois son obsession pour le sexe me tape sur les nerfs. Après tout, elle a raison. Ça ne va pas me faire de mal de me lâcher, pour une fois. Surtout que dès que nous rentrerons chez nous, ce sera reparti pour la routine et le boulot. Cette année encore plus que les autres ! Je n'ai que quelques mois à tenir avant d'être enfin diplômée, je vais me consacrer essentiellement à ça jusqu'à ma soutenance de thèse, je peux bien m'accorder un peu de bon temps. Je ne veux rien de plus, de toute façon. Juste un peu de plaisir pour ne pas oublier que je suis aussi une femme.

— Bon, puisque tu insistes...

— Ah ! Je le savais que ça te titillait malgré tes belles paroles !

— Non, mais n'exagère pas ! Je n'ai pas dit que j'allais sauter sur tout ce qui bouge ! Juste que, éventuellement, si une opportunité se présente, je ne fermerai pas la porte...

— C'est pareil ! T'inquiète, on va te la trouver, nous, ton opportunité ! Une belle grosse opportunité, si tu vois ce que je veux dire, ajoute-t-elle en me faisant un clin d'œil.

— Comme quoi, vous avez beau répéter que ce n'est pas la taille qui compte, vous ne pensez quand même qu'à ça, intervient Camille.

— Mais non, l'important est de bien savoir s'en servir, c'est tout. Je faisais de l'humour, mon chéri. Et ne t'en fais pas, je m'occuperai de te trouver ton opportunité à toi aussi.

— Non, c'est bon, je crois que ça va aller en fait. Mais merci.

— Comme tu voudras, Cam, fait Dounia en haussant les épaules.

Je crois qu'elle a réussi à le vexer, mine de rien. Camille n'a pas vraiment confiance en lui. Il a pourtant du succès auprès de la gent féminine mais ses échecs répétés pour construire une vie de famille avec quelqu'un de stable finissent par lui mettre un coup au moral. En fait, depuis sa rupture avec Morgane, quelques semaines après leurs fiançailles, il y a de ça déjà huit ans, il a beaucoup de mal à faire confiance et ses exigences en matière de relation sont de plus en plus élevées. Et, en plus, il est tombé sur un paquet de pétasses.

— Bon, je propose qu'on aille se poser sur la plage, histoire de faire un peu de repérage, ça vous dit ?

— Sans moi, je crois que j'ai besoin de faire la sieste. Trop de cocktails, ajouté-je gênée.

— T'es sérieuse ? grimace Dounia.

— Tu feras la sieste sur le sable, viens ! renchérit Luce.

— Non, vraiment. J'ai besoin de fraîcheur et d'ombre, là. Je crois que j'ai passé l'âge de m'enfiler autant de cocktails aussi tôt dans la journée.

— Pfff, t'es pas marrante ! Tant pis pour toi ! Cam', tu viens ?

— Yep ! On se retrouve pour manger, Ali ?

J'acquiesce et je les regarde s'éloigner en direction de la plage. Puis je ramasse mes affaires à la hâte et regagne ma chambre en vitesse. J'ai exactement une heure et quarante-trois minutes pour faire tout ce que j'ai à faire. Je monte dans l'ascenseur en même temps qu'un groupe de jeunes d'une vingtaine d'années. J'essaie de me faire toute petite et de ne pas me faire remarquer. En même temps, ce n'est pas compliqué avec mon gabarit, ils me dépassent tous de plus d'une tête. Je ne me sens pas à l'aise, je regrette de ne porter qu'un paréo sur mon maillot de bain. J'essaie de rentrer mon ventre au maximum. Je suis sûre qu'ils sont en train de me regarder en se disant que je suis ridicule. Je baisse les yeux et tire un peu sur le tissu pour tenter de cacher un peu ma poitrine. La montée est interminable, je me sens rougir jusqu'aux oreilles. Je risque un œil pour vérifier qu'ils ne prêtent pas plus attention que ça à ma présence et je suis rassurée de constater qu'ils ne m'accordent pas un regard, trop occupés à comparer leurs performances de la veille avec leurs conquêtes du moment. Quelle idiote ! Comment ai-je pu croire que ces gamins m'auraient regardée ! Je dois leur rappeler leur mère, oui ! Ils ne me trouvent pas ridicule, ils ne s'aperçoivent même pas de ma présence. Une mère de famille débordée en vacances en Espagne. Je ne fais même plus partie des options envisageables pour ces jeunes hommes.

Je suis une vieille.

Une vieille raie.

Une vieille raie desséchée.

Je secoue la tête et laisse échapper un soupir de soulagement lorsque la cabine s'arrête à leur étage et qu'ils en descendent. Je m'adosse contre la paroi, attendant que l'ascenseur reprenne son ascension lorsqu'un grand blond se retourne et me lance un sourire timide. Je ne peux pas détacher mon regard du sien jusqu'à ce que les portes se referment, hypnotisée par ses yeux d'un bleu si pur et par ses deux adorables fossettes.

Merde. C'était quoi, ça ?

Je parviens dans ma chambre sans être arrivée à chasser cette étrange sensation. Je suis de plus en plus ridicule, décidément. Émoustillée par un simple sourire.

Pathétique.

J'ouvre la porte et laisse échapper un profond soupir avant de jeter un rapide coup d'œil à mon smartphone pour vérifier que je n'ai pas raté un message ou un appel des enfants. Je sais qu'ils s'éclatent avec leur père mais je ne peux pas m'empêcher de ressentir un petit pincement au cœur en les sachant loin de moi. Ils me rendent folles mais quinze jours loin d'eux, c'est long. J'aimerais qu'ils soient avec moi, ici. Passer du temps en famille. Profitez les uns des autres sans le stress du quotidien. Depuis que j'ai repris mes études et que leur père et moi avons divorcé, je suis beaucoup moins disponible. Juste au moment où je repose mon téléphone, il se met à sonner, m'avertissant de l'arrivée d'un texto accompagné d'une photo du premier album des Spice Girls.

[J'ai retrouvé des vieux CD chez papa. Il dit que c'est à toi. T'écoutais vraiment ça quand t'étais jeune ?!?!?!?!?!]

Je ne sais pas si c'est le fait que ma fille considère que je ne suis plus jeune ou le nombre de smileys mort de rire qui suivent sa question, mais je ne suis pas mécontente de ne pas les avoir avec moi, finalement.

Je vais chercher mon PC portable que j'ai caché au fond de ma valise et m'installe au bureau. Plus qu'une heure et trente-trois minutes pour bosser tranquillement. Si les autres savaient que j'ai amené du boulot ici, ils seraient capables de jeter mon ordinateur dans la piscine.

Et ensuite, je me verrai dans l'obligation de les tuer. Même si j'ai plusieurs copies de mon travail (trois clés usb, un disque dur externe, une sauvegarde dans le Cloud et moultes copies envoyées par mail – qui a dit que j'étais stressée ?), il y a toute ma vie dans ce PC. Le fruit de plusieurs années de recherches, de tellement sacrifices et de nuits blanches que je deviendrais folle si je devais perdre mon travail. Rien que de penser à ce que ces trois adorables barjots pourraient faire à mon ordinateur, je frémis. Je me lève et vais vérifier que la porte est fermée à clé. Il ne manquerait plus que l'un d'eux rentre plus tôt de la plage.

J'ouvre mon document et m'attèle à la tâche.

Des vacances, d'accord. Mais pas trop.

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