7. Amis

Pdv Eijiro


Ça va faire six mois que Shoto vit et travaille avec moi. Le moins qu'on puisse dire, c'est que sa présence change tout. 

Je peux aller au sport, je suis beaucoup moins fatigué et surtout, je ne suis plus seul à longueur de journée.


Au quotidien, en dehors du boulot, la différence est encore plus palpable. C'est tellement plaisant d'avoir quelqu'un avec qui tout partager. 

En plus, on s'entend aussi bien qu'au lycée, si ce n'est encore mieux.

Nous avons énormément de goûts en commun, que ce soit en matière de nourriture ou en loisir, par exemple. 

Une de nos seules "divergences" était qu'il adore les films d'action, mais les super-héros ce n'était pas son truc, jusqu'à ce que je le convertisse.


Le jour où j'ai dû expliquer à Mina ce qu'il faisait là, j'ai bien cru qu'elle allait me gifler pour me remettre les idées en place. 

Je les ai laissés le temps de faire ma tournée des commerçants, de cuisiner puis de distribuer les repas avec une certaine appréhension.

À ma grande surprise, lorsque je suis rentré, ils discutaient tranquillement et Mina lui faisait de grands sourires. 

Depuis, dès qu'elle passe à l'épicerie, elle semble ravie de voir qu'il est toujours là.


Je ne sais pas ce qu'il a pu lui dire ou faire pour la convaincre, mais elle a clairement changé d'avis sur lui. Par contre, j'avoue que je suis soulagé que les autres ne soient pas au courant.

Mina est comme moi, elle donne des secondes chances, Denki, Hanta et Kyōka, ce n'est pas leur genre, mais le pire de tous, c'est Kat's. 

Il l'a dit à l'époque, que s'il croisait Shoto en dehors du lycée, il lui casserait la gueule et je sais qu'il le ferait, même quatre ans après.


Je demanderai volontiers à Mina de lui parler avant qu'il ne se pointe en décembre, mais il ne l'écoutera pas. 

Il va, comme chaque année, revenir pour l'anniversaire de sa mère et passer me voir dès son arrivée.

C'est mon meilleur ami depuis notre rentrée en seconde et même s'il ne le dit pas, je fais partie des gens qui lui manquent le plus depuis qu'il est à Okinawa. 

Il faut que je réfléchisse à comment aborder le sujet de Shoto avec lui, mais j'ai le temps, nous ne sommes que fin septembre.


Cela dit, quand il verra que ça se passe très bien et que la présence de Shoto me rend heureux, il lui laissera peut-être une chance. 

Le problème, c'est qu'il va tout de suite capter que je suis retombé amoureux de lui, ou plutôt que je n'ai jamais cessé de l'aimer et va quand même voir la situation d'un mauvais œil.


Au lycée, j'en étais raide dingue et c'est vrai que durant les deux ans et demi où on a été amis avec Shoto, ça n'a pas été facile tous les jours. 

Malgré tout, j'aimais passer du temps avec lui et je préférais ça que de m'en éloigner, comme c'est le cas aujourd'hui.


Néanmoins, il y a une grosse différence. À l'époque, je sortais d'une histoire d'amour, mon petit ami du collège avait déménagé et j'ai fait une sorte de transfert. 

Je me suis accroché à mes sentiments et honnêtement, jusqu'à ce que je le revoie, j'ai cru qu'il n'avait été que ça, un pansement pour mon cœur.


Là, je sais que je l'aime réellement, ce qui devrait compliquer les choses, hors, c'est tout l'inverse. 

J'ai beaucoup mûri depuis et je sais faire la part des choses. Même si notre relation n'est qu'amicale, je n'en souffre pas.

Je ne m'autorise pas à le voir autrement que comme un ami, encore moins à ressentir du désir pour lui. 

Fort heureusement, même en rêve, je n'ai jamais fantasmé sur lui, sinon j'aurais du mal à le regarder dans les yeux.


En fait, j'ai des sentiments amoureux que je sais ne pas être réciproques et du coup, je pense que contrairement à la première fois, mon inconscient le sait aussi. 

Du coup, lorsque mes pensées s'égarent alors que j'ai les yeux posés sur lui, elles restent platoniques. 

J'ai envie de le prendre dans mes bras ou encore d'embrasser sa tempe, pas de lui rouler une grosse pelle ou de lui arracher ses fringues.


D'une certaine façon, je pense que je me suis fait une raison dès le départ, il n'est certes pas homophobe, mais il n'en reste pas moins hétéro. 

En plus c'est flagrant, quand des clientes minaudent à la caisse, il leur fait son sourire de charmeur.


Le jour viendra où il sortira avec l'une d'entre elles, il prendra un appartement pour avoir son intimité et peut-être même qu'il se trouvera un meilleur boulot. 

J'espère seulement que nous garderons le contact, j'aimerais vraiment ne pas le perdre à nouveau.


Eijiro : Cet après-midi, ça te dirait de bouger ?


Shoto : Ouais, tu veux aller où ?


Eijiro : J'irais bien au cinéma, si ça ne te gêne pas qu'il y ait une heure de marche


Shoto : Y'a ni train ni bus le dimanche dans le coin ?


Eijiro : ... Si...


Shoto : Bah alors...


Eijiro : J'ai la trouille, j'arrive même pas à monter dedans


Shoto : À cause de l'accident de tes parents ?


Eijiro : Ouais, je sais, je suis ridicule


Shoto : Pas du tout, mais tu sais, l'amaxophobie se soigne


Eijiro : Je n'ai pas la peur de conduire, je n'ai même pas le permis de toute façon


Shoto : Ça concerne aussi les personnes qui angoissent lorsqu'ils sont dans un véhicule, y compris en passager


Eijiro : Et ça consiste en quoi ?


Shoto : Une thérapie pour traiter les raisons de la peur et aussi des séances avec un kiné spécialisé, en général, il te fait faire des simulations avec un casque à réalité virtuelle


Eijiro : J'en savais rien


Shoto : Si tu veux, je peux demander à Momo de te recommander un psy et un kiné près d'ici


Eijiro : Je veux bien, merci


Shoto : Ça doit être très handicapant


Eijiro : Ouais, enfin je ne vais jamais bien loin, alors...


Shoto : Parce que tu bosses trop, j'espère que ça aussi, ça changera bientôt


Je n'ai pas l'habitude qu'on fasse attention à moi de cette façon. Mes amis se préoccupent de moi, mais pas à ce point, pas en me faisant comprendre qu'ils vont être présents à chaque seconde pour m'épauler.


Shoto me donne cette impression qu'il sera toujours là et c'est aussi agréable qu'effrayant, car même s'il en a l'intention, y'a un moment où il devra, comme les autres, faire sa vie.


J'en veux à personne, c'est normal, c'est dans l'ordre des choses et j'ai appris avec les années que c'est moi qui suis trop, pas les autres qui ne sont pas assez. 

Je suis trop gentil, trop concerné par autrui, trop serviable, ou servile selon Kat's, je donne trop, et c'est impossible pour quelqu'un de "normal" d'en faire autant en retour.

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