Tome II, chapitre XXVIII.

           Une voix lontaine l'appelait, mais il avait l'énorme flemme d'y aller, il se retourna mais cette fois, il sentit une main agripper son épaule nue et sursauta en se reculant.

— Bon dieu enfin tu te réveilles ! s'exclama Sélim, relevé sur l'un de ses coudes et penché vers lui.

Isaia se frotta les yeux et gémit, il n'avait pas envie de se réveiller ! Il se rétala dans son lit et se cacha sous la couette tel un enfant capricieux. Mais Sélim ne lui laissa pas de répit et retira d'un coup la couverture pour la jeter dans son coin, le châtain se retrouva en boxer, grelottant et jurant contre son cousin.

— Je te hais Sélim ! poussa-t-il en se levant.

— Moi aussi je t'aime Isou, pouffa le plus vieux en se remettant correctement dans le lit, prêt à se rendormir.

Gianni prit une douche bien chaude pour se réchauffer du froid ambiant du matin et enfila ses habits, dont un pull bien épais. Il se brossa les dents et partit dehors, emmitouflé sous une grosse écharpe blanche en laine et son blouson, l'hivers arrivait et ça se ressentait.

       Au lycée, il rejoignit directement Claire, Mattéo commençant plus tard les cours. Celle-ci se mit à rire devant ses cernes et ses bâillements répétitifs.

— C'est là qu'on voit qu'on est pas tous égaux face aux heures de sommeil, se moqua-t-elle toute pimpante, comme si elle avait eu dix heures de sommeil.

— Je t'emmerde, lâcha Isaia ronchon.

Ce qui ne l'arrêta pas de rire. Quand le châtain vit Ilyes au loin, avec sa bande dont Hugo, il se remémora de plein fouet son aveu de la veille à son cousin et il sentit non seulement ses joues chauffer, mais également son ventre. Comme si le brun avait le pouvoir de lire dans les pensées, il se retourna vers son ex-victime et lui lança un grand sourire avant de se reconcentrer sur sa conversation avec ses amis. Le coeur du châtain s'emballa et il se traita d'idiot de réagir pour si peu. Ce n'était pas parce qu'il venait de s'avouer une chose énorme qu'il devait se comporter comme un jeune énamouré.

        Comme d'habitude, il réfléchit à sa phrase durant toute la journée, se demandant si c'était vrai ou s'il se faisait des films. Mais après tout, Sélim l'avait bien dit, s'il restait encore avec Ilyes, c'est qu'il ne le laissait pas indifférent. Il était temps qu'il se l'avoue, il aimait son physique, ses yeux profondément noirs, son air malicieux et taquin, sa machoire marquée, son corps bien dessiné, il aimait quand il l'embrassait, quand il le prenait par les hanches ou quand il lui lançait ce regard bien spécifique. Il aimait aussi quand Ilyes n'avait pas peur du jugement des autres en annonçant clairement qu'Isaia lui plaisait... Il s'arrêtait là pour aujourd'hui, ça faisait déjà beaucoup de choses aimées et qu'il n'assumait pas forcément.

A la fin des cours, il enroula son écharpe jusqu'à son nez, comme si ça allait le cacher du monde extérieur et soupira quand, en attendant le bus, Ilyes et Hugo les rejoingirent, lui, Claire et Mat'. Hugo eut un large sourire niais en voyant la jeune femme, qui minauda en lui disant bonjour. Isaia retint un sourire amusé.

Le grand brun se positionna en face de lui, lui coupant la vue de sa meilleure amie et posa ses mains sur ses bras en frottant pour le réchauffer.

—  T'as froid ? demanda-t-il normalement.

Isaia planta son regard dans le sien et hocha la tête, constatant un léger sourire se dessiner sur ses lèvres. Leur regard était plongé dans l'autre, ils se scrutaient en silence, comme s'ils avaient réussi à créer une bulle entre eux. Mais celle-ci fut brisée à peine eut-elle le temps de prendre vie.

— Dis-moi Gianni, pourquoi tu n'as pas arrêté de me fixer aujourd'hui ?

Le châtain écarquilla les yeux et recula d'un pas, faisant éclater les parois invisibles qui les encerclaient, échappant aux doigts d'Ilyes. Il se sentit comme mis à nu, il avait pensé être discret en épiant de loin le sosie de Johnny Depp, mais apparamment, l'espionnage n'était pas son fort...

— Tu délires, lâcha Isaia.

Ilyes haussa un sourcil, ne comprenant visisblement pas la phrase de son vis-à-vis.

— Enfin, arrête ça si tu ne veux pas que je te saute dessus, parce que ça me donne sérieusement envie de...

Le brun mit soudainement sa main devant son visage et éternua, décrédibilisant la fin de sa phrase :

— T'embrasser, reprit-il.

Isaia rit légèrement et Ilyes bloqua sur ce son, qu'il avait entendu de si rare fois et qu'il le rendait si dingue.

— Ca se voit que tu es heureux en ce moment, ajouta-t-il en souriant sincèrement.


*Point de vu d'Ilyes*


      Isaia n'eut aucune réaction face à sa phrase, il le regardait simplement d'une expression neutre, comme s'il était en train de réfléchir.

— Sélim ne t'a pas loupé, remarqua le lycéen en fixant sa pommette tachée de rouge.

Le brun toucha ledit endroit et grimaça sous la mince douleur qui persista. Le cousin de son petit animal était fait de muscle et de force, s'il avait repliqué, Ilyes aurait été mis k.o sans aucun doute. Mais sous le coup de l'énervement et de l'adrénaline, il était prêt à se défendre, surtout qu'il s'était senti humilié devant Isaia.

— Qu'est-qu'on ne ferait pas pour toi, Gianni, répliqua Ilyes de son éternel sourire confiant.

Aussitôt, il sentit Isaia mal à l'aise, le regard fuyant, celui-ci s'apprêtait à décamper quand le brun ajouta:

—Tu veux que je te ramène chez toi ? proposa-t-il.

— Non... Merci, répondit presque timidement le châtain, avant de s'éclipser vers son bus qui venait d'arriver.

Ilyes le regarda partir et se dit que Gianni avait quelque chose de changer. Enfin, ça devait être le fait que ses cousins et son amie d'enfance soient là. Il sourit malicieusement en se rappelant des présentations, Isaia avait présenté Sélim comme étant un ami, oubliant complètement avoir revelé sa vraie identité lorsqu'il avait été drogué, chez lui. Ça l'avait fait rire intérieurement, de connaître la vérité mais de simuler une crédulité face à ses mots. Il saura le ressortir au bon moment, cassant les plans d'Isaia si jamais il en avait. Il avait une longueur d'avance sur lui et il comptait bien s'en servir à bon escient.

Il prit donc le chemin de la sortie de l'établissement, seul. Il regagna sa voiture, qu'il prenait chaque jour désormais à cause des horaires de son travail tardif. À l'intérieur, il posa seulement son sac à ses côtés et attendit avant de démarrer, plongé dans ses pensées.

Malgré tout ce qu'il se passait avec son ancienne victime, Ilyes avait de plus en plus d'envies sur celle-ci... Combien de fois s'était-il réveillé, en sueur, transpirant dans ses draps, souvent accompagné d'un problème entre les jambes. Parfois il s'abandonnait à la luxure, seul, ayant en tête des scènes qui ne seront jamais réalisées où une certaine tête châtain est l'acteur principal, mais des fois, il n'a pas le courage de fantasmer, dépité, et faisait partir cette excitation à coup moyen qui n'ont pas pour but la jouissance finale.

Par moment, quand il était seul dans son lit par exemple, où à son travail, en nettoyant les verres, il s'imaginait avec Gianni. Et puis juste après, il se souvenait de ce qu'il avait fait, en regrettant ses actes. Il avait été autant fautif que les autres, voire davantage car c'était lui qui était le plus enthousiaste à l'idée d'approcher le fils du célèbre Leo Gianni. Cependant, il était partagé, car d'un autre côté, il ne regrettait absolument pas. Sans ce chantage, il n'aurait pas connu Gianni.

Il se sentait tellement bien avec Gianni, il oubliait ses problèmes à la maison, ses idées noires sur le monde, son pessimisme face aux gens. Il se sentait... Comme dans un cocon sécurisant, il adorait passer son temps à le taquiner, à défaut de l'avoir. Rien que sa voix suffisait à l'apaiser.

Le besoin d'avoir Isaia près de lui se faisait de plus en plus intense. Alors qu'elle ne fut pas son immense frustration quand le châtain avait déguerpi lors de son diner avec Alexandra, tandis que lui s'était imaginé tenter de le convaincre de rester dormir chez lui, avec lui. Juste son corps contre le sien, rien de plus. Mais Gianni avait fait son choix, et même s'il savait qu'il faisait de l'effet à son petit italien, il avait également connaissance de son désir de le résister.

Il soupira longuement en démarrant enfin sa vieille voiture. Il avait le temps de rentrer chez lui pour manger un truc et se changer directement avant le travail.

Ilyes secoua la tête en arrivant chez lui.  A quoi pensait-il ? Plus il réfléchissait de cette manière, plus ses sentiments s'approchaient dangeureusement de ceux d'Alexandra, auparavant... Autant dire, c'était mauvais pour lui. Pas qu'il tombe amoureux, mais plutôt de la personne pour qui il tombait.

Trop perdu dans ses pensées, il buta contre un corps et sursauta en s'éloignant aussitôt.

— Alors mon fils, à quoi on pense ? demanda sa mère avec un sourire en coin, presque le même que le sien.

— Mais je pensais à ma sublime maman, répliqua-t-il ironiquement en retirant son blouson.

—  Ah je m'en doutais ! Une femme aussi brillante et intelligente que moi ne peut que hanter la pensée des gens, affirma-t-elle avec narcissisme.

— Maman mégalo.

Ils pouffèrent de rire ensemble et le fils vint embrasser la joue de la maman. Cependant, sa mère reprit vite son sérieux et fixa Ilyes.

— Tu n'as pas quelque chose à me dire, toi ?

Le brun fronça les sourcils et se retourna vers elle, lui faisant face.

— Non, pourquoi ?

La jeune femme brandit son téléphone dans sa main et le montra à son fils.

— On m'a appelé pour me dire qu'un certain Ilyes Naessem avait obtenu l'appartement qu'il avait visité il y a une semaine, et qu'il pourrait emmenagé dans trois semaines, annonça-t-elle sur un ton bien moins joyeux, presque réprobateur.

L'étudiant se toucha les cheveux dans un tic nerveux, il n'en avait pas parlé à sa mère pour la simple raison qu'il savait qu'elle allait être contre. Il sortit son téléphone de sa poche et regarda dans ses appels manqués et effectivement, on avait tenté de le joindre. Il avait donné le numéro de sa mère au cas où, mais c'était promis de décrocher, peu importe où il se trouvait.

— Désolé de ne pas t'en avoir parlé maman, mais je savais que...

— Ilyes nom de dieu ! T'es encore jeune, profite, voyage, achète toi des trucs bêtes comme des playstation, des jeux, des fringues, mais ne t'embarque pas dans de telles responsabilités ! Avoir un appartement, c'est avoir un travail stable, des revenus chaque mois, tu vas te priver pour pouvoir payer ton loyer ou encore de quoi te nourir.

— Maman maman maman, j'ai mis de l'argent de côté, t'en fais pas, j'ai de quoi vivre pour pas mal de temps tranquillement, et tu sais que je sais me débrouiller, ça fait depuis ma seconde que je travaille. Je vais m'en sortir, donc pas de problème à se faire, ok ? tenta-t-il de la rassurer.

Sa mère soupira longuement et roula des yeux.

— Est-ce que j'ai le choix, de toute façon?

Ilyes sourit et secoua la tête lentement. Il avait toujours fait ce qu'il voulait faire, il n'avait jamais été bridé par un père présent et aimant, non à la place, son père le laissait tout faire tout en le critiquant derrière son dos.

— Ok, j'accepte, mais à une condition.

Le brun se mit à rire doucement, voilà d'où il tenait.

— Dîtes moi, ô brillante et intelligente maman.

Cela eut le dont de lui soutirer un sourire amusé.

— Laisse toi t'aider financièrement.

Ilyes ouvrit la bouche pour donner son avis mais sa mère le devança :

— Alors là mon fils, si tu crois une seule seconde que cette condition est négociable, c'est que t'es encore plus con que je ne t'ai fait !

Le brun pouffa et se retint de lui renvoyer la balle, il lui devait tout de même respect, à elle.

—Est-ce que j'ai le choix, de toute façon ? répéta-t-il la phrase de sa mère.

Celle-ci lui sourit et embrassa son front. Son téléphone vibra au même moment et il y jeta un coup d'oeil avant de reporter son attention sur sa maman.

" On a loué un chalet ce week-end, et bien sûr, tu es convié :D ! "

Il sourit encore plus en découvrant le message sur skype de Jenny. Evidemment qu'il irait, si Isaia y allait.


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