Tome II, chapitre XXVI.
Isaia était pensif et n'avait pas répondu à la dernière provocation de son ex-bourreau. Les mots s'emmêlaient dans sa tête et il ne savait plus quoi penser. Est-ce qu'Ilyes était sérieux ? Était-ce vraiment ce qu'il croyait ?
Devant la maison, les voitures étaient déjà garées et ils furent les derniers à arriver. Le petit groupe était déjà affalé dans les canapés et papotaient entre eux, alors que Sélim était à l'étage.
Le châtain partit dans la cuisine se servir un verre d'eau. Wilfrid y était déjà, une pomme dans les mains.
— T'as passé une bonne soirée ? demanda celui-ci en lui offrant un sourire.
— Ça été. Et toi ?
Wil hocha la tête en croquant dans sa pomme verte. Il s'apprêtait à poursuivre leur conversation quand Ilyes fit son apparition.
— Ah les gars, je suis tellement content ! lança le brun avec un énorme sourire aux lèvres.
— Pourquoi ? questionna le roux.
— Sélim part ce soir.
Wilfrid sembla surpris et Isaia le foudroya du regard.
— Tu ne l'aimes pas ?
— S'il ne m'haïssait pas autant, je pense qu'on pourrait bien s'entendre, lança Ilyes, songeur. T'en pense quoi, bébé ?
Isaia savait très bien que le brun faisait exprès de l'appeler ainsi devant Wilfrid, mais il en avait l'habitude maintenant, ça ne le gênait même plus.
— Si tu n'avais pas été un connard, peut-être, ouais, répondit-il.
Et il le pensait vraiment. Ilyes et Sélim avaient deux points en commun très important : cette joie de vivre et ce je-m'en-foutisme. Cela aurait pu les réunir, mais son ex maître-chanteur avait tout foiré et jamais, il ne pourrait avoir la sympathie de son cousin. Sélim était trop protecteur envers Isaia pour pardonner qui que ce soit lui ayant fait du mal.
Wil pouffa et s'approcha du châtain pour passer une main dans ses cheveux afin de les ébouriffer, puis lança, taquin :
— C'est qu'il a du répondant, mon chéri.
Isaia, presque avec sadisme, se tourna vers Ilyes pour observer sa réaction. Ses sourcils froncés et son air sombre le réjouissaient au plus haut point. Il prenait un plaisir malsain à le voir dans cet état.
— Au fait, vous avez fait quoi dans les toilettes, avec Jihane ? demanda Wil avec curiosité.
— On s'est embrassé, lâcha Isaia naturellement, en reposant son verre sur l'évier.
A l'unisson, les deux autres garçons de la pièce se mirent à rire. Le lycéen croisa les bras sur son torse et les regarda tour à tour, pourquoi se moquaient-ils de lui ?
— C'était une bonne blague, ça, siffla Ilyes.
— Isaia, le tombeur de ces hommes, rit Wilfrid.
Alors c'était ça, Ilyes croyait qu'il était ironique ? Il ne le pensait pas sérieux ? Il eut un petit sourire. Quand le brun saura qu'il y a eut réellement un baiser, il ne pourra pas reprocher à Isaia de ne pas lui avoir dit.
— Je vais aider Sélim à faire ses bagages, termina Isaia.
Il grimpa rapidement les escaliers pour rejoindre leur chambre et découvrit son cousin en train de plier les derniers vêtements pour les ranger dans sa valise.
— Isou, sourit celui-ci en posant sa chemise et en tendant les bras vers le petit photographe.
Isaia ne broncha pas et s'y logea, le nez dans son cou pour sentir son odeur. Il sentait toujours bon. Comme quand ils étaient petits, deux vrais pot de colle, toujours à se tenir la main, à se faire des câlins, à dormir ensemble. Leur relation était si fusionnelle, mais tout cela avait volé en éclats avec... La disparition de sa mère.
— Tu vas me manquer, souffla son cousin.
— Pourquoi tu dis ça ?
— On ne pourrait pas se voir pendant un petit moment, j'ai bientôt mes partiels et j'ai eu une tonne de choses de prévues... Dis, Isou ?
Le châtain était un peu triste, il aimerait tellement que Sélim habite près de chez lui, pour le voir un maximum de temps. Sa présence lui faisait du bien, elle apaisait son esprit.
— Quoi ?
Sélim se détacha de son cousin pour pouvoir prendre son visage entre ses deux et plonger son regard dans celui bleuté d'Isaia.
— Est-ce que... Est-ce que tu viendras me rendre visite ? Je veux dire, à la maison.
Le châtain se raidit aussitôt. Aller chez Sélim, voulait dire revoir sa famille, dont sa mère. Est-ce qu'il était prêt, après toutes ses années, à voir de nouveau le visage de sa maman ? Une profonde triste l'envahit, mais avant qu'il n'ait le temps de sombrer dans la douleur, Sélim poursuivit :
— Ça ferait plaisir à ma mère, elle me dit souvent que tu lui manques énormément... Puis, elle me demande toujours de tes nouvelles, elle s'assure toujours que tu ailles bien, elle pense toujours à toi, Isaia.
Celui-ci baissa les yeux au sol, ne sachant donner une réponse. D'un côté, il était absolument effrayé, mais de l'autre, il avait aussi envie de la revoir. Elle était ce qui se rapprochait le plus de sa mère.
Des lèvres se posèrent sur son front et un doux baiser fut déposé.
— Hey, réfléchis-y ok ? Pas la peine de me donner une réponse maintenant.
Isaia rencontra le sourire rassurant de son cousin et hocha la tête. Il prendrait son temps pour lui donner la meilleure réponse.
Ils rangèrent ensuite ses quelques affaires qui traînaient dans la chambre et la salle de bain et bouclèrent enfin la valise. Ils descendirent au salon et Sélim dit au revoir à chaque personne, en omettant Ilyes, qui n'avait même pas un regard pour lui. Cependant, il daigna bouger ses fesses pour aller dehors, l'accompagner jusqu'à sa voiture.
Le rugbyman enlaça une dernière fois Isaia, le serrant fort contre lui et prit enfin la route, sous les au revoir de la petite bande.
Totalement épuisé, Isaia partit dans sa chambre, après s'être brossé les dents et retira ses vêtements, pour ne laisser que son caleçon. Il se précipita sous les couvertures et soupira de bien-être. Il croyait s'endormir très vite, mais tout lui revint en tête : la future rupture d'Adriano et Jenny, la confession de Jihane, la volonté de Sélim pour revoir sa famille et enfin, la déclaration d'Ilyes. Cela faisait beaucoup pour lui, surtout que la date fatidique approchait à grand pas... Parfois, il avait envie de tout fuir, de partir loin de tout, juste pour quelques temps, histoire de prendre l'air, de se changer les idées, de ne plus penser à rien. Malheureusement, il devait faire face à tout ça. C'était ça la vie, affronter le malheur, la douleur, la tristesse et ne pas s'échapper à la moindre petite chose.
Après des heures à réfléchir aux derniers événements, il finit par enfin trouver le sommeil. Néanmoins, celui-ci fut de très courte durée, car les cauchemars l'assaillaient et le réveillèrent au beau milieu de la nuit, les joues mouillés et en sueur. Il savait de quoi il avait s'agit : sa mère. Sélim avait ravivé la douleur incommensurable sans le vouloir, en reparlant de la sienne.
Il s'était revu, dans sa chambre, à attendre sagement que son père revienne vers lui pour lui annoncer une "nouvelle". Il était jeune, il n'était qu'au collège. Son père était revenu vers lui, le teint livide, les cernes sous les yeux et l'expression à la fois grave et anéanti. Leo lui avait annoncé, difficilement, la perte de sa femme. Isaia s'en rappellera toujours, il avait simplement hoché la tête et avait demandé à son père de partir, puis il avait repris son téléphone et avait poursuivit sa lecture tranquillement. L'information n'arrivait pas à entrer dans sa tête, comme s'il faisait un rêve et qu'il allait se réveiller, tout simplement. Sa mère n'avait pas pu disparaître, rien ne le présageait.
Son monde s'était écroulé le lendemain, en se réveillant et en constatant qu'elle n'était vraiment plus là, qu'il ne la reverrait plus jamais, qu'elle était décédée... Il avait crié, hurlé, tapé dans des murs, dans tout ce qu'il atteignait. Le châtain était devenu complètement incontrôlable, son père avait du le tenir pour ne pas qu'il se blesse. Leo lui avait parlé durant des heures et des heures pour le calmer, jusqu'à lui donner des somnifères.
Le jour suivant, il s'était terré dans un silence profond et son père était parti en Italie.
Il avait été détruit à tout jamais et ne pensait pas qu'un jour, il pourrait se relever de ce malheur.
Le visage baigné de larmes, le cœur tambourinant à croire qu'il allait imploser dans sa poitrine et le corps chancelant, il se leva de son lit et sortit de sa chambre. Son esprit était embrouillé et projetait encore des images de ces moments affreux. Isaia ne savait pas quoi faire, Sélim n'était même plus là, Mattéo, Jihane et Claire ne comprendraient pas et ne seraient s'y prendre avec lui et Adriano et Jenny devaient dormir à point fermé, il ne voulait pas les déranger. Il y avait encore une dernière personne... Ilyes. Il l'avait déjà vu faire une crise d'angoisse, il serait quoi lui dire pour le calmer. Plutôt paradoxale comme situation, aller voir une personne qui vous a fait du mal pour justement, ne plus avoir mal.
Incertain, le châtain fit quelques pas pour se retrouver devant sa chambre. Il toqua à la porte faiblement.
— Je t'ai dit non ! prononça Ilyes d'un ton sec, de l'autre côté de la porte.
Il ne chercha pas à comprendre la signification de sa phrase et ouvrit la porte, qui heureusement, était ouverte. La lampe de chevet fut allumée.
— Gianni ? s'étonna le brun en relevant le haut de son corps.
Quand il s'aperçut de l'état dans lequel était Isaia, il se précipita vers lui.
—Isaia, qu'est-ce qu'il se passe ? demanda Ilyes, la panique dans la voix.
Le châtain laissa tomber sa tête contre son torse et se remit à pleurer avec abondance. Aussitôt, Ilyes le prit dans ses bras et l'emmena jusque dans son lit.
— Tu veux que j'appelle ton père ?
Isaia secoua la tête et garda son visage contre son ex bourreau, qui les fit s'allonger dans le lit, tout en le serrant contre lui. Son visage contre son torse nu, le châtain se sentait déjà un peu plus apaisé, il n'était pas seul, ça lui faisait du bien. Cependant, cela ne lui suffit pas pour arrêter les battements fous de son cœur.
Ilyes lui caressait le dos doucement et lui chuchotait des mots rassurants, ne cherchant pas à comprendre le pourquoi de son état et surtout, il le laissait pleurer. La majorité des gens demandaient à une personne qui pleurait, d'arrêter en pensant que cela allait cesser son mal, mais c'était faux. On avait besoin d'extériorisé.
Le brun prit sa main et la posa contre son torse pour lui faire calquer sa respiration, qui était bien trop rapide. Isaia l'écouta et tenta d'imiter son souffle lent, ce qui fit ralentir ses pleurs par la même occasion. Il se laissa submerger par les mots doux d'Ilyes, par cette main qui était repartie caresser son dos, par son autre main qui s'était glissée dans ses cheveux et par ses baisers sur le haut de son crane. Doucement, son esprit cessa sa torture et se laissa aller à la douceur de l'étudiant.
Après plusieurs minutes, Isaia trouva enfin le repos, il avait encore mal, mais son corps semblait complètement lessivé. Ilyes se baissa et releva la tête du châtain pour l'avoir en face de lui, l'une de ses mains vint se poser sur sa joue et il essuya de son pouce les larmes encore présentes sur ses joues. Pour une fois, voir ses yeux noirs sans pupilles lui faisait énormément de bien. Ilyes embrassa doucement son front, puis son nez et enfin, ses lèvres, mais seulement un baiser chaste.
— Dors, maintenant, murmura-t-il.
Ilyes se pencha, éteignit la lumière et revint se positionner contre le châtain. Il l'entendit soupirer et se coller davantage à lui, mais cela ne dérangea pas Isaia, il avait besoin de ce contact, même s'il s'en mordra les doigts le lendemain.
Le réveil fut assez compliqué pour Isaia, son cerveau eut du mal à immerger et il se sentait encore plus fatigué. Il se rendit vite compte qu'il était seul dans le lit d'Ilyes, mais en tournant la tête vers l'horloge, il vit qu'il était déjà quatorze heures.
Il remonta la couverture sur lui pour s'emmitoufler dedans et plongea son nez dans le coussin d'Ilyes pour sentir son odeur. Il se faisait de la peine à agir de la sorte, mais personne n'était là pour le voir, pour le juger, alors il en profitait. Refouler ses sentiments et ses envies les grossissaient, il commençait à le comprendre.
Le châtain n'abusait pas plus et sortit du lit, il ouvrit la porte discrètement et passa sa tête pour s'assurer qu'il n'y avait personne pour le voir sortir de la chambre d'Ilyes. Trop tard, Claire vint à sa rencontre avec un grand sourire. Il sentit son regard glisser sur son corps à moitié nu.
— Qu'est-ce que tu fais là, toi ? s'amusa-t-elle.
— Avant que tu ne penses quoique ce soit...
— Trop tard ! le coupa-t-elle.
— Hé bien c'est pas ce que tu crois ! Je... Je me sentais pas très bien, alors je suis juste allé voir la première personne sur mon chemin.
— Ouais ouais, ose me faire gober cette énormité ! pouffa-t-elle.
Isaia leva les yeux au ciel et s'enfuit dans la salle de bain pour prendre une bonne douche bien chaude.
Une phrase lui revint et il fronça les sourcils. Pourquoi Ilyes lui avait dit " je t'ai dit non " ? Est-ce que quelqu'un était venu dans sa chambre avant lui ?
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