Tome II, chapitre XVIII.
Alors qu'il gémissait à n'en plus pouvoir, se laissant dévorer la bouche avec plaisir, il dut repousser le brun vivement et une fois que leurs lèvres se décollèrent les unes des autres, il inspira fortement, reprenant sa respiration. Avec son rhume, il manquait affreusement d'oxygène et penchait sa tête vers le sol, une main sur sa poitrine.
— Euh, ça va Gianni ? s'inquiéta Ilyes en posant une main dans son dos.
Isaia hocha la tête, le souffle fort. Il resta quelques minutes dans cette position, sentant des doigts caresser doucement son dos, faisant des va-et-vient qui se voulaient rassurant. Cependant, le châtain se releva brusquement en assimilant la seconde condition de son ex-bourreau, s'écartant de lui et fronça les sourcils.
— Amis ? Sérieusement ?
— Tu m'as embrassé, sourit malicieusement Ilyes.
Le châtain fut légèrement décontenancé par sa réplique et pendant quelques secondes, il se dit à lui-même « je l'ai embrassé ? » avant de rougir et de détourner le regard.
— C'est... C'est comme ça qu'on scelle un pacte d'après Claire, répondit-il du tac au tac.
— Quoi ? Vous vous êtes embrassé d'autre fois à part dans la boite et au lycée ? Et quel pacte ? se précipita Ilyes en s'approchant une nouvelle fois de lui.
Isaia écarquilla les yeux en même temps qu'il recula. Parfois, il ne comprenait pas le comportement d'Ilyes. Non en fait, il ne le comprenait jamais. C'était un extraterrestre, voilà tout, bien trop compliqué à déchiffrer. Il ouvrit la bouche pour répondre mais éternua au même moment, faisant rire son « ami ». Le brun s'écarta et ouvrit la portière de sa voiture pour prendre des mouchoirs et lui tendre. Comment pouvait-il rester crédible si son nez coulait toutes les cinq minutes ? Pourquoi la vie s'acharnait à le montrer faible devant la personne qu'il voulait impressionner ?
— Arrêtes de faire genre, je suis sûr que t'as embrassé plein de filles toi, répliqua Isaia en se mouchant.
Ilyes eut tout à coup l'air gêné et passa une main dans ses cheveux noirs avant qu'elle n'atterrisse sur sa nuque.
— J'ai embrassé le même nombre de personne que toi, avoua-t-il finalement.
Isaia compta rapidement dans sa tête qui il avait embrassé : il y avait évidemment le sosie de Johnny Depp, Eva l'italienne, Claire et Adriano, quand il lui avait donné un baiser chaste à cette boite de nuit en Italie. Ça faisait quatre au total.
— Seulement quatre ? s'étonna le lycéen, pas très convaincu.
— Quatre ? répéta Ilyes dont l'expression était surprise.
Il ne comprit pas avant de se souvenir que le brun n'avait pas connaissance du baiser avec Adriano.
— Tu as embrassé qui à part moi, Claire et l'autre en Italie ? demanda-t-il curieusement.
— Ça ne te regarde pas.
— Bien sûr que si, on est amis Gianni.
— Je n'ai jamais accepté.
— Tu m'as embrassé par sceller le pacte, répondit Ilyes avec un grand sourire triomphant.
Cette phrase coupa net Isaia dans sa lancée et il soupira.
— Justement, quand on est amis, on oblige pas ses potes à révéler quelque chose, conclut Isaia, plutôt fier de lui.
Il fixa Ilyes, comme pour lui dire « vas-y, essaie de redire quelque à ça » mais eut un sourire en coin en voyant que son interlocuteur demeura muet. Isaia se rendait bien compte qu'il avait plus de repartie face à lui désormais, il s'imposait et ne se laissait plus faire comme avant. Ilyes ne l'impressionnait plus autant, même s'il s'en méfiait encore énormément.
— Donc tu acceptes notre amitié alors, lança le brun.
Pourquoi, à chaque fois qu'Isaia croyait remporter du terrain, Ilyes brisait toutes ses illusions dans la seconde qui suivait ?
Il contourna la voiture en l'ignorant et rentra dans celle-ci, bouclant sa ceinture pour lui faire comprendre de le ramener chez lui. Le châtain était épuisé, comme à chaque fois qu'il parlait à son ex-bourreau, comme si celui-ci lui tirait toute son énergie pour le laisser en loque juste après.
Ilyes sembla comprendre car il entra lui aussi dans sa voiture et la démarra.
— Je prends ton silence pour un oui, décida le brun de son propre chef.
— Prends c'que tu veux, répondit-t-il sans vraiment réfléchir avant.
— Me tente pas, lança malicieusement Ilyes.
Isaia se traita d'idiot, en même temps, s'il lui tendait des perches aussi grosses, normal qu'il perde toujours à son petit jeu ! Il s'accouda contre le rebord de la fenêtre en regardant de nouveau le paysage défiler en repensant à sa condition. Jamais il n'aurait songé à cette demande et Isaia ne pouvait s'empêcher de penser que ça cachait quelque chose. Il en avait marre de se creuser la tête pour anticiper les prochaines conneries de ce type, mais après tout, pourquoi ne pas accepter ? Le brun le laisserait tranquille, il ne lui donnerait plus de surnom ou ne le narguerait plus dans les couloirs avec ses sourires provocateurs. L'amitié impliquait une bonne entente, ce qui voulait dire qu'Ilyes allait se tenir droit, du moins, il l'espérait.
— Je suis sorti avec deux filles, une au collège et une deuxième au lycée, annonça Ilyes en brisant le silence.
Malgré lui, Isaia se redressa et regarda à présent devant lui, intéressé par ses paroles. Il se mordit l'intérieur de la joue mais ne sut se retenir de lui demander :
— Et... Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
— Celle du collège m'a largué parce que « je traînais trop avec mes potes et Johan n'est qu'un salaud », pouffa le brun.
Si Isaia connaissait cette fille, il lui aurait serré la main.
— Mais quand elle m'a quitté, je me suis rendue compte que je n'étais pas si amoureux que je le pensais parce que ça ne m'a rien fait. En revanche pour l'autre... Peut-être que tu la connais ? Elle s'appelle Alexandra Trionera, tu étais en seconde quand on était en première avant qu'elle ne quitte le lycée pour faire sa term' ailleurs.
Le châtain chercha dans sa mémoire une certaine Alexandra, il était sûr d'avoir déjà entendu son nom mais ne se souvenait plus de rien.
— Elle est comment physiquement ?
— Sublime, c'était la fille la plus belle du lycée, elle a des longs cheveux roux bouclés, des yeux gris magnifiques et un corps de fou.
— Ça ne me dit rien, lâcha Isaia un peu froidement.
— C'est obligé que tu l'ais vu, personne peut louper une beauté pareille, elle...
— Bon, je t'ai pas demandé de la glorifier mais comment vous avez rompu, l'interrompu Isaia, légèrement agacé.
— Arrêtes de paraître jaloux Gianni, tu vas me faire bander, rit Ilyes.
Isaia se crispa mais ne répondit rien, comme s'il était jaloux.
— C'était la première fois que je suis tombée amoureux d'une fille, elle était parfaite à mes yeux, on est resté ensemble durant un et demi mais un soir, elle s'est bourrée la gueule suite à... Une dispute qu'on a eu, elle est allée à une soirée et a couché avec le premier connard venu. Elle est revenue le lendemain en s'excusant, omettant bien de préciser qu'elle avait été voir ailleurs. Comble de l'ironie, je me suis embrouillé avec ce type dans la semaine qui a suivi pour un truc con, et il m'a balancé fièrement qu'il avait « baisé ma salope ». Elle n'a pas démenti quand je lui ai demandé.
— Et tu l'as quitté ? demanda curieusement le châtain.
— Non. J'étais tellement amoureux de cette fille, que je n'ai pas pu me résoudre à la quitter.
Le lycéen en fut étonné, tant qu'il se tourna vers Ilyes pour le regarder.
— Ma mère m'a toujours dit que l'être humain était imparfait et que savoir pardonner certaines choses étaient inévitables pour être heureux. J'ai tenté de lui pardonner, mais je n'y suis pas arrivé, quand je la touchais, j'avais en tête ce mec qui... Elle s'en est rendue compte et a stoppé notre relation.
Isaia en resta bouche-bée, ne sachant quoi dire, quoi répondre, s'il devait répondre quelque chose à ça. Il était certain qu'Ilyes aurait été plutôt du genre à lâcher sa copine comme une vieille chaussette en ruinant sa réputation, pas à... Pardonner et aimer. Il se sentait vraiment bizarre, comme l'impression d'être en face d'un autre homme. Il le fixait encore plus intensément, alors que le ténébreux regardait la route avec attention, ses mains serraient un peu trop le volant mais son expression contrastée en restant neutre.
— Ce qui m'a mis en colère, c'était pas qu'elle m'ait quitté, après tout, je la comprenais parfaitement, je n'arrivais plus à l'embrasser, à la regarder, ça me rongeait de l'intérieur, c'était plutôt la réputation qu'elle a eu ensuite. Elle s'est faite traiter de pute par la moitié du lycée parce qu'elle m'avait trompé, elle a même été rabaissé par ses meilleurs potes, tout le monde la jugeait sans rien connaître, juste parce qu'un fils de pute avait profité de son état. Qu'est-ce que ça pouvait leur foutre Gianni ? Ils n'avaient rien à voir dans notre histoire, ça nous concernait que tout les deux.
Ilyes lâcha quelques secondes la route pour planter son regard dans le sien, avant de le reporter devant lui.
— Claire l'a jugé.
Cette fois, le châtain fut littéralement choqué. Il ouvrit la bouche sous le choc. Sa Claire à lui ? Sa meilleure amie ? Celle qui l'avait aidé à trouver son bourreau ? Celle qui était toujours là pour lui ?
— Ma Claire ? demanda-t-il pour s'assurer que c'était bien elle.
— Précisément.
— Que...Qu'est-ce qu'elle a dit ?
— Tu lui demanderas, je pense qu'elle sera ravie de t'expliquer d'elle-même.
Qu'avait-elle bien pu dire ? Était-ce pour cette raison qu'il était sorti avec sa meilleure amie alors qu'il savait qu'elle l'aimait ? Une sorte de vengeance pour son ex-copine ? Il avait énormément de questions à lui poser, mais il revint à la réalité : Ilyes avait été son bourreau, il l'avait harcelé presque au même titre que ces gens qui s'en étaient pris à Alexandra, il devait donc réprimer ce sentiment de sympathie qu'il était actuellement en train d'éprouver. Le brun était vraiment un idiot, il haïssait les personnes qui avaient insulté son ex, mais il l'avait harcelé lui ! Il reproduisait un comportement qui le mettait hors de lui !
— Tu n'es pas mieux qu'eux, cracha Isaia.
— Quoi ? s'étonna Ilyes.
— Tu les traites de fils de pute parce qu'ils l'ont harcelé, mais tu as fait exactement la même chose pour moi. Ça me confirme encore une fois à quel point tu es un détraqué mental.
— D'où tu compares ces deux histoires ? Tu n'as rien eu comparé à elle !
— Pardon ? s'outra le châtain.
— Merde Gianni il serait temps que tu arrêtes de te victimiser sans cesse ! Je comprends que tu m'en veuilles, moi aussi à ta place je l'aurais mal, mais j'ai supprimé tes photos depuis un moment, je m'amusais simplement par message avec toi. Je t'ai même fait découvrir que ta bande de potes était des connards, je t'ai éloigné des gens qui ne t'aimaient pas. Je t'ai embrassé et touché et n'ose même pas prétendre que tu n'as pas aimé !
— Comme d'habitude, tu ne retiens que ce que tu veux, répliqua Isaia sèchement.
Ilyes soupira longuement en se garant devant chez Isaia. Il coupa le moteur de sa voiture et frappa doucement son front contre le volant en poussant un gémissement désespéré.
— J'ai l'impression qu'on avance pas Gianni. On s'est embrassé, on va devenir amis et pourtant, on continue à être chien et chat. On fait un pas en avant pour en reculer de dix. Dis moi ce que je dois faire pour diminuer ta colère ? souffla-t-il.
— Laisse-moi tranquille.
Le brun pouffa doucement en entendant sa réponse. Il releva la tête pour ancrer son regard noir dans le sien.
— Je t'ai laissé tranquille. Réfléchis-y bien Isaia, rappelles toi de qui est venu vers l'autre.
Il se redressa sur son siège et se pencha vers Isaia, attrapant sa mâchoire d'une main pour le rapprocher de lui.
— Arrête un peu de te voiler la face, t'as autant besoin de moi que j'ai besoin de toi. Je t'ai fait du mal, mais tu continues à être attiré par moi et aujourd'hui, je t'offre la possibilité de voir si c'est juste en amitié. Tu veux quoi Gianni ? Te torturer l'esprit en tentant de refouler ton attirance ou essayer de la transformer en une simple amitié ?
Isaia ouvrit la bouche pour parler, mais la referma aussitôt. A priori, il avait envie de l'insulter, de lui dire que ce n'était qu'un con arrogant et égocentrique, mais... Il se pouvait qu'Ilyes ait raison. Ça le tuait de le reconnaître, surtout pour sa fierté, cependant, il en avait marre d'essayer de tout enfouir en lui en espérant que ça suffirait pour l'oublier. Les faits étaient là, et ce qu'il lui proposait était très tentant. Pourquoi ne pas tout mettre dans la case « amitié » ?
Mais en même temps, pouvait-il faire copain-copain avec une personne qui lui avait fait du mal ? Il repensa aux paroles de la mère d'Ilyes : « il faut savoir pardonner certaines choses pour vivre heureux », est-ce que cette phrase s'appliquait à son cas ? Après tout, il pouvait toujours essayer... Qui ne tente rien n'a rien, non ? Au moindre faux pas, il stopperait tout. C'était aussi simple.
— D'accord, j'accepte, dit-il avec beaucoup de mal.
Ilyes sourit et le lâcha, plongeant sa main dans ses cheveux pour lui ébouriffer gentiment.
— Bien.
Isaia sortit rapidement de la voiture sans rien dire, regagnant sa chambre sans faire de bruits. Comment pouvait-il réussir à dormir avec toutes les questions qu'il avait en tête ? A présent, il devait réfléchir plus posément à la proposition d'Ilyes et tout ce que cela impliquait. Il devait également parler à Claire pour s'excuser et lui demander ce qu'il s'était passé avec Alexandra.
Dans son lit, son téléphone se mit à vibrer pour annoncer un message.
« Ça te dit qu'on se voit demain, après les cours ? » 00 :24.
Le photographe hésita un petit moment, avant de taper la réponse et de mettre son téléphone sur la table de nuit à côté de son lit.
« D'accord »00 :26.
Il ne savait pas pourquoi, mais il avait envie de sortir avec Jihane. Au final, peut-être que sa décision l'avait libéré d'un poids ? Peut-être que le pardon était envisageable ?
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