Tome II, chapitre XLIII.
Un raclement de gorge se fit entendre, des yeux plissés observaient et une mâchoire était contractée. Isaia était en colère, Ilyes lui avait dit qu'ils allaient discuter tranquillement chez lui, pour tout mettre au clair, mais ça ne s'était pas passé de cette manière. La seule chose qu'ils ont échangé jusque là, étaient des banalités.
Ce n'était pas vraiment le fait qu'Alexandra soit là qui le gênait, c'était surtout son enfant, dont Ilyes était complètement gaga. Plus il regardait Mahel, plus il lui trouvait de la ressemblance avec son ex-bourreau. Ils étaient tous les deux bruns aux yeux noirs, on pourrait aisément croire que c'était le père et l'enfant.
Malgré ce constat, Isaia restait serein, il savait qu'Ilyes ne lui avait pas menti. Il devait lui faire confiance et c'était leur premier obstacle, s'il cédait maintenant, ils n'avaient rien à faire ensemble. Le châtain voulait que ça fonctionne, mais en attendant, son futur copain était obnubilé par le petit, qu'il taquinait et jouait avec.
— Ils sont mignons ensemble, n'est-ce pas ?
Isaia tourna la tête vers la jeune femme, qui tenait un verre d'eau dans sa main et qui avait le regard scotché vers Ilyes et son fils, un grand sourire aux lèvres.
Le châtain hocha la tête pour seule réponse, même si l'autre ne pouvait pas le voir. C'est vrai, ils étaient adorables ensemble, comme un père et son garçon en train de jouer. Il se mit quelques secondes à la place d'Alexandra, et se dit qu'il aurait aimé que le brun soit le géniteur.
— Il voit encore son père ? demanda Isaia.
— Dieu, non, " ce truc dans mon ventre " n'est pas de lui, je ne suis qu'une " grosse pute " qui a " baisé " avec la terre entière.
— Ce sont ses mots ?
— Ouais, soupira-t-elle. On a fait des tests de paternités avec Ilyes, révélant qu'il n'était pas le père et donc, c'est forcément ce connard, parce que je n'ai couché avec personne d'autre, qu'avec cette erreur humaine. Mais d'après lui, c'est faux, je veux juste lui voler son argent et refiler mon gosse à quelqu'un.
— D'un côté, tant mieux qu'il n'assume pas, Mahel n'aura pas à subir un père con comme lui, pensa Isaia.
— Pas faux.
Alexandra tira une chaise pour s'asseoir à ses côtés.
— Tu sais, je veux pas angéliser Ilyes, mais il m'a énormément aidé quand j'ai été enceinte et quand Mahel est venu au monde, autant mentalement que financièrement, je lui dois tellement, avoua-t-elle.
— Je sais que c'est quelqu'un de bien, il a juste fait quelques conneries dans sa vie. Tes parents, comment l'ont-ils pris ? Si ce n'est pas indiscret, le questionna Isaia, curieux.
— Mon père a faillit faire un malaise et ma mère est restée muette durant des semaines, puis une fois assimilée, elle a été très compréhensive. Elle m'a fait quitté le lycée, j'ai été dans un internat spécialisé pour les jeunes mamans, afin qu'on puisse finir nos études, même en ayant un enfant.
— Ça n'aurait servi à rien de t'en vouloir, ce qui est fait est fait, ajouta le châtain.
— Exactement, mais elle m'a tout de même mis en garde, on a eu une discussion et j'ai dû faire une batterie de test pour les MST. En fait, elle n'était pas en colère que je sois tombée enceinte, mais plus sur le fait que j'aurais pu chopper une maladie.
Isaia hocha la tête, il était sûr que son père aurait réagi de la même manière.
— Et maintenant que Mahel est là, ils sont fous de lui, rit-elle légèrement.
Le châtain sourit, tous les grands-parents étaient fous de leurs petits-enfants. Isaia se mordit la langue, une question lui vint en tête. Elle n'avait pas abordée ce sujet, alors il prit son courage à deux mains et demanda :
— Tu as retrouvé quelqu'un ?
— Non, j'ai du mal avec les hommes. Puis, je ne veux pas que Mahel passe son enfance à voir plusieurs hommes aux bras de sa maman, alors si un jour je trouve une bonne personne, je lui présenterais, mais uniquement si je suis certaine que ça va durer.
Isaia ne pouvait s'empêcher de la trouver très raisonnée, nombre de jeunes mères auraient continué leur vie comme si elles étaient encore adolescentes, mais Alexandra semblait avoir assimilé le changement crucial que cela engendrait.
— Mahel est attaché à Ilyes ?
Cependant, la rousse ne répondit pas et le châtain dut se tourner pour voir si elle était encore là. Étonnement, elle le fixait.
— Isaia, tu n'as aucun soucis à te faire de ce côté. Ily et moi, c'est du passé, on est plus amoureux l'un de l'autre et je n'essaierai jamais de le récupérer. Je ne suis pas ce genre de fille, puis vous avez l'air de beaucoup vous aimer et ça, ça me rend heureuse. Je ne veux que son bonheur. Mais pour répondre à ta question, oui, il est très attaché à lui, lui sourit-elle.
Le châtain avait envie de démentir ses propos, lui dire qu'il ne s'inquiétait pas, mais c'était faux. Il avait espéré qu'elle soit en couple pour être sûr qu'elle laisserait Ilyes, néanmoins, elle avait l'air sincère, ce qui le rassurait un temps soit peu.
Ils regardèrent en silence Ilyes et Mahel, jusqu'à ce qu'ils décident de revenir vers eux. Le brun avait l'enfant dans ses bras et s'approchait avec un sourire heureux aux lèvres. Isaia le trouvait magnifique.
Ilyes allait parler, quand la porte de l'entrée claqua. Un cri aiguë se fit entendre et Alexandra se mit à rire en reconnaissant la petite sœur d'Ilyes, qui se jeta en premier dans les bras d'Isaia.
— Isiiiiiiiiiia ! Je suis trop contente de te voir ! s'exclama-t-elle en lui déposant un baiser sur la joue.
Le lycéen sourit et lui fit également un baiser sur sa joue.
— Je suis aussi content de te voir.
Sa phrase sembla faire de l'effet à Mélina, qui rougit instantanément. Alexandra s'extasia sur ce qu'il arrivait à produire sur la petite fille et sa mère était morte de rire.
— On dirait bien qu'il y en une qui soit tombée amoureuse ! la taquina sa maman.
— Hey ! Je te préviens tout de suite microbe, Isaia est à moi, compris ? lança Ilyes à sa petite sœur.
— Alors pourquoi il me fait des bisous à moi et pas à toi ? répliqua Mélina, les mains sur les hanches.
Cela rendit bouche-bée le brun et fit éclater de rire tout le monde, même Isaia s'en amusait. Elle en avait, du répondant ! Décidément, c'était de famille. Pour seul réponse, Ilyes lui tira la langue. Sa mère vint leur dire bonjour et prit Mahel dans ses bras pour lui faire plein de bisous, preuve qu'Alexandra était déjà venue pas mal de fois chez eux avec son enfant. Tous semblaient très à l'aise avec le petit garçon, même Mélina.
Ilyes se mit derrière lui et lui chuchota à l'oreille :
— Suis-moi.
Le plus jeune abdiqua et se leva pour le suivre. Enfin, ils allaient se retrouver pour ce qu'ils avaient prévu.
— Alex, on se voit plus tard ? annonça-t-il.
— Oui oui.
Ils se firent tous la bise et Ilyes fit un énorme câlin à Mahel avant qu'ils ne partent. Le brun prit la main d'Isaia pour l'emmener dans sa chambre.
Enfin à deux, Ilyes lui offrit un sourire malicieux, qu'Isaia ne comprit que trop bien.
— Oublie ce que tu as en tête, Naessen, c'est archi mort, le prévint le châtain.
Ilyes fit une moue boudeuse en s'approchant de lui, il l'empoigna par les hanches pour le garder contre lui.
— S'il te plaît, juste un baiser ? le supplia-t-il. Je suis carrément en manque, là.
Cependant, il se fit repousser et Isaia partit s'asseoir sur le canapé.
— Je suis venu car on devait parler, pas s'embrasser.
Le brun soupira et se laissa tomber dans son lit, sur le dos.
— Je veux juste savoir, si on sort ensemble, est-ce que tu seras sincère ? Est-ce que tu sauras me faire confiance ? Est-ce que tu me pardonneras pour ce que j'ai fait ?
Isaia roula des yeux.
— Je te l'ai déjà dit, Ilyes, je ne suis pas comme toi. Si on est ensemble, c'est que je l'aurais réellement voulu, que je t'aurais pardonné le plus gros et que j'apprendrais à te faire confiance.
Le châtain se fit soudainement renversé sur le lit et Ilyes se retrouva au dessus de lui, avec son air satisfait collé sur sa face.
— Alors c'est bon, on est en couple ? demanda-t-il avec un sourire adorable.
— Non.
Isaia avait envie de le taquiner, lui aussi, et de le faire galérer un tantinet.
— Mais pourquoi ? se plaignit Ilyes, tel un enfant frustré.
— Parce que je veux d'abord qu'on apprenne à se connaître.
— On se connaît déjà, Gianni ! Allez bébé, dis oui, lâcha le brun.
Le châtain secoua la tête, puis, il se souvint soudainement d'une chose. Il souleva son bassin et prit son téléphone, qui était dans la poche de son jean.
— Merde ! Je dois y aller, annonça Isaia en poussant Ilyes.
— Quoi ? Maintenant ?
— Ouais, mon bus est dans dix minutes.
— Tu te fous de moi, Isaia Gianni ? Je vais te ramener chez toi, alors reviens en dessous de moi, accepte d'être mon petit-ami et embrassons-nous toute la nuit.
La bouche d'Isaia se déforma d'un sourire sadique, il secoua son indexe devant le brun, prêt à le retenir.
— Il faut savoir mettre les priorités, Ilyes Naessen.
Évidemment, il faisait référence à la venue de son ex-copine. Il avait préféré s'amuser avec Mahel et discuter avec Alexandra, plutôt que de lui donner de l'intérêt et d'enfin mettre les choses au clair.
— Ça faisait longtemps que je n'avais pas vu Mahel. Toi et moi, on a le temps pour régler nos problèmes, prit-il comme excuse.
— Justement, on a le temps, ciao ! lança joyeusement Isaia.
Il entendit le brun tenter de le stopper, mais il poursuivit son chemin. Heureusement, il ne croisa pas sa mère ni sa sœur, car il était sûr que Mélina aurait essayé de le garder avec elle un peu plus longtemps.
En sortant de la maison, il croisa un homme en costume, vêtu tout de noir. Ils se regardèrent quelques secondes et Isaia comprit que c'était le père d'Ilyes. Il ne l'avait encore jamais vu, jusqu'à présent. Il se sentait tout petit face à cet homme immense, aux allures froides et hautaines. Le châtain lâcha un faible " bonjour " qui ne lui fut pas rendu. Cela déstabilisa encore plus Isaia, qui pressa le pas pour déguerpir d'ici et rejoindre l'arrêt de bus. Quelques minutes après, il reçut un message.
" T'as vu mon père ? " 17:02.
C'était Ilyes.
" Oui, pourquoi ? " 17:02.
" Rien :) A demain mon cœur <3 " 17:04.
Isaia remit son téléphone dans sa poche et grimpa dans le bus, qui était déjà là. Le châtain perdit son sourire en pensant que dans trois jours, ce sera l'anniversaire de la mort à sa mère... Comme chaque année, il avait prévu de rester seul durant cette période, il ne supportait pas de voir d'autre personne dans ces moments-là. C'est l'esprit en vrac qu'il rentra chez lui. Il reprit directement ses cahiers et continua ses révisions, histoire d'oublier quelques heures le malheur de sa vie.
*Point de vu d'Ilyes*
Le brun était en train d'enfourner plusieurs affaires dans son sac de sport. Ses mains le faisaient souffrir, mais il s'en fichait à l'heure actuelle. Tout ce dont il avait besoin, c'était de partir très loin d'ici. Il porta son sac sur son épaule et fila dans la chambre d'à côté, où Mélina était assise sur son lit, en train d'écouter les cris de ses parents.
— Viens ma puce, on s'en va, l'appela-t-il.
La petite fille sembla septique, puis finit par secouer la tête, refusant d'obéir.
— Mélina ! gronda son grand-frère.
— Je veux pas dormir chez tes copains, je les aime pas, prononça-t-elle en faisant la moue.
Ilyes soupira et posa son sac, il ouvrit l'armoire de la petite et prit le strict nécessaire, qu'il mit dans son sac-à-dos dora.
— On va chez Isaia.
— D'accord, je viens, abdiqua-t-elle finalement.
Ce n'était pas dans ses plans, mais si Mélina se sentait mieux avec Isaia, alors il allait faire des concessions. Il lui mit son manteau sur les épaules, c'était le déluge dehors, mais ne prit pas le temps de se couvrir et ils partirent en catimini vers sa voiture.
Sur le trajet, Mélina le questionna, sur ce qu'il s'était passé un peu plus tôt dans la soirée.
— Dis Ily, c'est pas bien que tu aimes Isia ?
Ilyes soupira. Jamais, lui ou sa famille, n'avait eu besoin de lui dire que deux personnes du même sexe qui s'aimaient, était tout à fait normal, elle l'avait su seule. Mais c'était à cause de connard comme son père, que les plus jeunes pouvaient devenir homophobes plus tard. C'était les adultes, qui rendaient leur enfant intolérant.
— Mais non, c'est juste papa, il est en colère que son plus jeune fils soit heureux, c'est tout. Ça n'a rien à voir avec le fait qu'Isaia soit un garçon.
— Alors tu pourras rester avec Isia ? demanda-t-elle, la voix pleine d'espoir.
Cela réussit à lui soutirer un petit rire.
— Bien sûr, personne n'a le pouvoir de nous séparer, à part nous-même, la rassura-t-il.
— Je te crois alors, j'avais peur que tu voulais plus parler à Isia parce que papa a dit qu'il trouvait ça dégoûtant, mais moi je trouve pas ça dégoûtant.
Ilyes sourit. Il espérait que Mélina reste ouverte d'esprit toute sa vie et que son père n'ait aucune emprise sur elle.
Leur mère avait cru bon de dire qu'il fréquentait quelqu'un, évidemment, leur père avait demandé qui et c'est à ce moment que tout avait dérapé. Heureusement que sa mère avait réussi à convaincre son père d'aller discuter ailleurs pour Mélina, car il avait été prêt à tabasser son fils. Mélina l'avait, en quelques sortes, sauvé, même s'il aurait lui rendre la monnaie de sa pièce. Il l'avait rabaissé à de la merde devant sa mère et sa petite-sœur et ça, il ne le supportait pas. Il était parti dans sa chambre pour se calmer, mais avait tout retourné dans celle-ci.
Son sac sur l'épaule, sa petite-sœur à côté, un simple t-shirt et trempé, Ilyes était devant chez le châtain, qui lui avait ouvert la porte et qui avait, à l'heure actuelle, les yeux écarquillés.
— Ilyes ?
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