Tome II, chapitre XII.
La dissertation était une chose courante chez Isaia. Il se posait une question principale et de là, ressortait une introduction, un plan et des grandes parties, dans le seul but de trouver une conclusion satisfaisante. Il réfléchissait sur celle-ci par la suite sans relâche jusqu'à trouver une réponse claire et qui pencherait en sa faveur. Il savait que parfois, certaines questions n'avaient tout simplement pas de réponses, mais c'était plus fort que lui, il se devait d'en obtenir une à tout prix, quitte à ne pas dormir pendant plusieurs jours.
— Qu'est-ce que tu veux que je te dise Gianni ? D'après moi, t'es complétement fou, soupira Claire en croquant avidement dans son sandwich.
Cela ne l'avançait pas grandement, à vrai dire. Fou, il l'était probablement, lui voulait un avis concret de la chose. Il voulait des détails, des pour et des contre, du débat. Pas juste un sentiment.
— Sérieux Claire... Le supplia-t-il des yeux.
La jeune fille soupira, déjà lassée de devoir donner un avis poussé de son idée qui lui paraissait suicidaire.
— Si je t'aide, tu m'offres un mac flurry ok ? Et attention ! Chocolat kit kat sinon c'est non, la prévint-elle en posant son sandwich débordant de mayonnaise sur la table.
— Marché conclu.
— Bien.
Elle posa ses coudes sur la table et releva la tête en l'air, comme si elle réfléchissait. Bon signe pour Isaia, qui lui laissa quelques minutes pour mettre ses arguments en ordre.
— Non j'suis désolée, le seul truc qui me vient en tête est : Isaia a perdu la tête, lâcha-t-elle finalement.
— Claire ! Tu la veux ta glace oui ou non ? la menaça-t-il, ancrant son regard dans le sien.
— Oui ! Mais je sais pas quoi dire moi, ronchonna-t-elle comme une enfant en train de bouder. Tu veux vraiment faire la paix après ce qu'il t'a fait Isaia ? C'est un con ce type, il acceptera jamais, ou alors si, mais ce sera dans le but de t'enfoncer d'autant plus, il ne s'arrêtera jamais, conclut-elle en haussant les épaules, l'air désolé.
Ce fut au tour d'Isaia de soupirer. Elle ne l'aidait toujours pas, pire, elle le démoralisait davantage. Lui tentait de trouver une solution, elle semblait résignée à son sort. Isaia a trop été spectateur de sa vie, il devait reprendre les rennes de celle-ci et si cela devait passer par la case « excuser Ilyes », alors il le ferait. Du moins, il ferait croire qu'il l'excuse, au fond de lui, il savait qu'il ne lui pardonnerait jamais.
— Génial, t'es en train de me dire de le laisser me « persécuter » sans rien faire ?
— Isaia t'abuses ! lança-t-elle en levant les yeux au ciel.
Le châtain fut vexé de sa réaction. Il se braqua immédiatement.
— T'insinues quoi là ? demanda-t-il sèchement.
— Il ne te fait plus rien depuis la rentrée, il ne te calcule plus alors arrêtes de rester bloquer sur lui sérieux, répondit-elle en continuant de manger, la bouche pleine et aucune classe.
— Pardon ?
— Isamour, fais pas genre s'il te plaît, on est amis toi et moi et on sait tout les deux que tu fais une fixette sur lui, tu penses tout le temps à lui et ça te fait clairement chier qu'il t'ignore. Mais t'as pas pensé au fait qu'il avait passé à autre chose ? Et si tu veux vraiment mon avis, tu devrais faire de même de ton côté. Continues à voir Jihane, c'est un type bien, je le connais, ou j'sais pas, ouvres toi aux autres et arrêtes de te bloquer autant, c'est pas bon.
Isaia en fut choqué. Il avait voulu son avis, il l'avait poussé à lui donner et maintenant qu'il l'avait eu, il le regrettait déjà.
— Tu te fous de ma gueule ? On est amis oui, alors putain pourquoi tu ne prends pas en compte la fois où il m'a bousculé en me traitant de « mioche » en sachant que c'est le mot qu'avait employé Jihane le jour d'avant !
— Et alors, c'est peut-être une coïncidence Isai...
— Une coïncidence ? Vraiment ? Tu crois vraiment qu'Ilyes ne serait pas capable de faire des recherches pour continuer à me pourrir la vie ? Et quand j'ai atterri chez lui et qu'il m'a fait ça, répliqua-t-il en tirant sur son t-shirt, laissant apparaître trois suçons plus au moins gros. Ou quand il m'a dit qu'il voulait me voir « excité et jouissant pour lui ».
— J'en sais rien Isaia, j'ai juste l'impression que t'es accro à lui, continua-t-elle à dévoiler ses pensées.
— Putain j'en reviens pas ! lâcha-t-il avec colère.
Il n'en revenait pas que sa meilleure amie puisse être du côté de son pire ennemi ! Ça le mettait hors de lui, elle osait lui dire qu'il psychotait et que tout ce qui lui arrivait, était uniquement de sa faute, parce qu'il n'arriverait soi-disant pas à passer à autre chose.
— Putain ! jura-t-il en se levant et prenant la porte du restaurant dans lequel ils s'étaient rejoint.
Quelques secondes après, il entendit Claire l'appeler derrière lui, tentant de le rattraper.
— Isaia attends ! Je voulais pas te vexer mais tu m'as demandé mon avis alors...
Isaia se retourna rapidement vers elle, lui faisant face et le visage déformé par la colère qui le possédait actuellement.
— Me vexer tu penses ? Moi je crois plutôt que t'es encore amoureuse d'Ilyes et que ça te fait chier qu'il continue de m'accorder de l'importance et pas toi ! envoya-t-il sournoisement.
Il vit son amie se décomposer à cette phrase avant d'ouvrir la bouche, puis la refermer. Il voyait bien qu'elle ne trouvait pas de phrase à répliquer.
— Qu...Quoi ? Tu vois Isaia, ça, c'est vraiment pas sympa de ta part... Souffla-t-elle en tournant les talons.
Isaia était bien trop dégoûté par ses pensées pour se rendre compte du mal qu'il lui avait fait. Il rentra dans le lycée le pas pressant et l'esprit en éruption. Il n'arrêtait pas de se remémorer ses paroles blessantes, l'accusant d'être le problème principal et que tout ce qui lui arrivait était de sa faute. Il serra les poings, lui n'avait jamais rien demandé ! Il n'avait pas voulu qu'on lui vole ses photos, que des psychopathes connards s'en prennent à lui et que son maître-chanteur le torture psychologiquement ! Lui souhaitait juste passer son bac et s'adonner à ses passions, rien de plus !
Il regagna sa classe, où certains élèves y étaient car ils prenaient leur déjeuner à l'intérieur. Il se mit dans le fond, près de la fenêtre, sa place préférée pour rêvasser. Il ouvrit son sac, sortit un cahier et sa trousse en essayant de se calmer et de reprendre sa respiration. En ce moment, il se réfugiait beaucoup dans ses classes, il avait peut-être besoin d'être seul ? Surtout que la date approchait à grand pas...
Il mit ses bras sur la table et posa sa tête dessus, fermant les yeux pour apaiser son pouls qui s'était légèrement emballé.
Ilyes venait encore foutre la merde. Même quand il n'était pas, il arrivait à mettre le chaos dans sa vie. Comment pouvait-il être obsédé par ce type ? Comment pouvait-il être frustré qu'il l'ignore ? Le brun se détruisait et détruisait le châtain par la même occasion en l'entraînant avec lui dans les profondeurs de la solitude... Il devait faire quelque chose, il avait bien essayé de le rejeter, de l'insulter, de l'ignorer, mais rien n'y faisait, Ilyes s'accrochait à lui telle une sangsue et lui aspirait tout son sang, toute son énergie et éloignait les gens qui tenaient à lui. S'il ne prenait pas des mesures rapidement, il finirait par être seul, définitivement.
Il se releva précipitamment, il avait pris sa décision : il allait demander la paix à Ilyes. Il tritura ses doigts en le cherchant dans les couloirs, espérant à la fois le voir pour en finir une bonne fois pour toutes, et d'un autre ne pas le trouver pour repousser l'échéance et prendre un peu plus de temps à réfléchir posément. Isaia n'était définitivement pas une personne spontanée, ce qui lui causait quelques problèmes lors de conversations.
Il le chercha partout durant le reste de son temps libre et lâcha un soupire ennuyé quand la sonnerie retentit, annonçant la fin de la pause de midi.
En fin de journée, il sortit de son lycée le pas traînant, ayant toujours en tête sa dispute avec Claire. Plus le temps passait et plus il s'en voulait. Après tout, c'était lui qui avait demandé son avis et son aide, elle n'avait fait qu'y répondre avec franchise, alors certes, ce n'était pas glorieux pour lui, mais elle au moins avait le culot de s'exprimer, Mattéo ne l'aurait jamais fait. Il aurait dû garder son sang froid et lui amener des arguments pour la contredire au lieu de l'accuser d'être encore amoureuse du mec qui lui avait brisé le cœur.
Quand il passa les portes, il tomba directement sur le regard de Claire, un peu plus loin avec Hugo, cependant, celle-ci détourna les yeux et continua sa discussion avec Hugo. Il en eut un pincement au cœur mais laissa couler, il savait que ce n'était pas le moment pour aller lui parler.
Il vit également Ilyes avec deux filles et un garçon en train de discuter. Il s'apprêtait à s'approcher de lui quand une main le stoppa sur son épaule.
— Hey, l'interpella une voix qu'il connaissait très bien.
Il se retourna sans entrain, levant les yeux au ciel pour bien montrer qu'il n'était pas le bienvenu ici. Il remarqua tout de même qu'il était vraiment beau aujourd'hui, toujours avec son style originale, ses lunettes rondes sur le nez et ses cheveux blancs mis sur le côté, avec quelques mèches rebelles qui lui tombaient sur le front. Certains élèves s'étaient retournés sur lui, surtout les filles.
— Jihane, qu'est-ce que tu fais ici ? lança-t-il sans joie.
— Je suis venu te chercher.
— Tu t'es cru pour mon père ? répliqua le châtain, lassé.
— Non pour ta mère, le taquina Jihane.
Isaia se crispa immédiatement à sa phrase. Jihane semblait s'en apercevoir car il fronça ses sourcils bruns et demanda, avec inquiétude :
— J'ai dit quelque chose qu'il ne fallait pas ?
— Tu dis toujours des choses qu'il ne faut pas, répondit Isaia en prenant la route du retour.
Il espérait qu'il le laisse tranquille, mais l'autre ne fut pas du même avis que lui et se mit à ses côtés pour le suivre et continuer leur semblant de conversation.
— Je suis désolé, je sais que je suis maladroit et qu'au début, ça peut être très chiant, mais... Faut pas m'en vouloir.
— Bon, pourquoi t'es venu ? le coupa Isaia.
— Parce que j'avais envie de passer du temps avec toi et apprendre à te connaître.
— Tu aurais pu m'envoyer un message, fit remarquer Isaia, toujours en train de marcher vers chez lui.
— Parce que tu m'aurais répondu ? Ah oui tu l'aurais fait excuses moi : pour me dire « va te faire foutre ».
Isaia sourit légèrement. Touché.
— Tu marques un point, avoua-t-il.
Jihane rit de sa réponse et lui donna une caresse affectueuse sur la tête, avant de la retirer précipitamment en se retournant vers les élèves qui les entouraient.
— Oh excuse j'aurais pas dû, après ils vont...
— C'est pas grave t'en fais pas, j'ai déjà embrassé un mec dans les couloirs, l'informa Isaia.
Monsieur cheveux-blanc reporta donc sa main mais le châtain l'esquiva. Il ajouta, en remarquant ses yeux surpris.
— Mais j'ai pas dit que j'aimais ça.
— Et donc, tout le monde sait que t'es gay alors ? demanda Jihane, une lueur d'espoir dans le regard.
— Je sais même pas si je suis gay, ronchonna Isaia, n'ayant aucune envie d'en parler avec lui.
Il regarda autour d'eux et les élèves les plus proches le regardaient à la volée, comme s'ils écoutaient ce qu'il disait.
— Bah, si tu embrasses un mec dans ton lycée, alors c'est que tu l'es probablement, analysa le plus vieux.
— C'était pour lui mordre la lèvre inférieure et lui mettre mon genou dans l'entre-jambes, ajouta Isaia en haussant les épaules.
Jihane s'écarta tout à coup de lui et le regarda, l'air exagérément choqué, se tenant les parties intimes avec une grimace.
— Ah ouais t'es ce genre de mec ? s'exclama-t-il.
— Non, gloussa Isaia, devant reconnaître que la situation était comique.
L'autre lui lança un drôle de sourire et Isaia reprit immédiatement son air sérieux et son visage impassible.
— T'es pas à la fac toi ?
— Nope, j'ai pas cours aujourd'hui. Enfin si, mais c'est pas intéressant crois moi.
— Si je n'allais pas à chaque cours inintéressants, je ne serais jamais au lycée.
— Pas faux, mais toi t'es obligé, rit Jihane en se moquant de lui.
Isaia lâcha un petit « pff » pas très sérieux. Ils continuèrent de discuter ensemble quelques minutes, enfin, surtout à s'envoyer des petits piques, avant de se retrouver devant chez le châtain. Il entra sa clé dans la serrure et ouvrit la porte, se retournant vers Jihane.
— Bon, à plus, le salua Isaia, prêt à refermer la porte sur lui.
— Non.
— Quoi ? demanda incrédule le châtain.
Jusqu'au moment où Jihane le poussa un peu et entra dans sa maison, sans gêne. Isaia en fut interloqué et se retourna, regardant le blond prendre ses aises et admirer les cadres photos.
— Qu'est-ce que tu fais, là ?
— Bah je t'ai dit que je voulais apprendre à te connaître, alors me voilà, lui lança-t-il avec un grand sourire.
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