Tome II, chapitre VIII.


Ilyes était anxieux, cela faisait un bon dix minutes qu'il observait Isaia allongé dans son lit, le torse nu et en sueur et la respiration lente, fixant un point imaginaire sur le plafond. Il ne savait pas quoi faire. Lui qui gérait chaque situation, là, il était littéralement perdu.

— Johnny Depp, t'es là ? demanda enfin le châtain, toujours concentré, les yeux en l'air.

Johnny Depp sourit malicieusement de son surnom. Il se rappelait encore du week-end chez Théo, Sélim lui avait dit que cet acteur était le préféré du châtain. Il comprenait pourquoi maintenant.

Il s'approcha de Gianni doucement, comme s'il craignait lui faire peur, ou le faire fuir. Fuir était sans aucun doute plus approprié.

— Je suis là. Dis moi Isaia, Sélim est quoi pour toi ? demanda-t-il en s'asseyant près de lui.

Isaia pouffa légèrement et leva une main devant lui, touchant une chose suspendue imaginaire. Est-ce qu'il délirait encore ?

— Ben mon cousin, répondit-il comme une évidence.

Ilyes se crispa. Est-ce qu'il disait la vérité ou inventait-il ? Après tout, il était probablement sous l'effet de la codéine. A forte dose, ça donnait des hallucinations plus ou moins fortes et il était possible qu'il en ait une actuellement.

— Ton cousin ? Vous êtes parentés ? le questionna-t-il pour s'assurer.

— Oui, c'est le fils de maman. Euh non, c'est le fils de la jumelle à maman, rectifia-t-il.

— Ta mère a une jumelle ?

Cependant, Isaia ne répondit plus et se tourna sur le côté, cherchant du regard le sien et qu'il trouva bien assez vite. Il était incroyablement cerné et sa peau avait pâli.

— Pourquoi tu sembles si réel ? Même dans mon rêve, tu le paraissais pas autant, avoua le châtain d'une petite voix.

Ilyes s'allongea juste en face de lui, connectant leur regard ensemble. Il sentait son souffle brûlant s'échouer contre son visage et retenait ses pulsions difficilement. Il devait le tenir éveillé, avait dit son frère, alors il lui parlerait. Puis Gianni avait tendance à être sans filtre bourré, donc il devait aussi l'être drogué.

— Tu m'as rêvé ? poursuivit Ilyes.

Le châtain hocha la tête et pendant une seconde, le brun pensait qu'il était normal, qu'il n'avait pas ingéré de drogue tellement il paraissait naturel.

— Tu me disais que tu n'étais pas mon maître-chanteur et me demandais de t'embrasser, se confia le plus jeune.

— Et tu l'as fait ?

— J'allais, mais Mat' m'a réveillé à ce moment-là.

— Tu dormais avec Mattéo ? demanda un peu trop brusquement Ilyes.

— Et avec Claire aussi, rajouta Isaia.

Cette précision lui fit desserrer ses poings. Putain, il ne supportait vraiment pas quand quelqu'un s'approchait trop de lui ! Sans vraiment avoir réfléchi avant, il plongea sa main dans ses cheveux et vit Isaia fermer les yeux à ce contact. Il savait que s'il avait été conscient ou qu'il allait se rappeler de cette nuit, jamais il ne l'aurait fait.

— Tu as embrassé d'autre personne depuis Claire ? profita-t-il de la situation.

Isaia lui lança un sourire amusé avant de secouer la tête. C'était carrément flippant, il avait vraiment peur que le châtain ne soit plus drogué et qu'il soit parfaitement conscient. Mais c'était impossible, ça ne partait pas aussi vite et comme son frère lui avait dit, il fallait au moins trois bonnes heures pour que le poison se dissipe.

C'était d'ailleurs très paradoxal, il souhaitait qu'Isaia soit encore sous l'emprise d'une drogue et en même temps, le fait qu'il ait été drogué le rendait malade. S'il avait eu ce fils de pute qui avait mis cette merde dans sa boisson devant les yeux, il l'aurait frappé jusqu'à ce que mort s'en suive.

Il se releva avec lenteur et prévint le petit châtain :

— Je vais te chercher à boire et à manger, restes ici ok ?

Isaia ne réagit pas et le regarda partir, l'air absent. Ilyes courut dans ses escaliers, il craignait que le châtain s'endorme ou encore sorte de sa chambre, ses parents ne devaient pas savoir qu'il était là, encore moins son géniteur. Alors certes, il était tard et ses parents dormaient, mais il suffisait que l'autre tombe dans les escaliers pour alerter toute la maison.

     Il prit rapidement un grand verre d'eau et quelques biscuits qui lui venaient sous la main. Il se rappelait qu'en Italie, Gianni mangeait tout ce qui était à base de chocolat. Une fois, Adriano lui avait donné un biscuit avec la moitié de chocolat et l'autre était juste du sablé, il avait remarqué avec amusement que celui-ci n'avait mangé que la partie chocolatée avant de reposer l'autre.

Il remonta les marches trois à trois et s'engouffra dans sa chambre, cependant, il tiqua, la lumière était éteinte. Il l'alluma et surprise : Isaia n'était plus dans le lit. Il déposa ce qu'il avait pris sur son bureau et fit un tour sur lui-même, cherchant l'intrus.

— Isaia ? L'appela-t-il craintivement.

Pitié, qu'il n'est pas sorti de cette chambre !

— Gianni, t'es là ?

Mais toujours aucune réponse. Il commençait à perdre patience et grimpa sur son lit, au moment où il pencha la tête vers l'autre côté, celui de la fenêtre, il sentit une main lui attraper le poignet et tirer d'un coup dessus, le faisant tomber par terre lourdement. Il eut un hoquet de surprise en se retrouvant au sol, mais fut encore plus choqué lorsqu'il vit Isaia l'enjamber et poser ses mains sur sa bouche.

— Chut, murmura le châtain.

Ilyes fronça les sourcils, il aurait voulu lui demander ce qu'il lui prenait, mais ses doigts lui barraient la bouche. Il était une nouvelle fois pris d'un délire. Gianni se tourna légèrement vers le mur et fixa celui-ci.

— Les murs ont des oreilles, balança-t-il la voix tremblotante.

Le brun eut soudainement une irrésistible envie de rire, mon dieu ce n'était pas possible ! Il retira ses mains à l'aide des siennes sans lui faire mal et passa ses doigts derrière sa nuque pour aplatir sa tête contre son torse. Il avait envie de jouer avec son délire en lui lançant « oui et les murs vont te poursuivre si tu ne me fais pas de câlin » mais il s'en abstint. Il avait décidé d'être clean ce soir.

De toute façon, il arrivait à l'enlacer sans rien faire. Comme il désirait l'avoir contre lui ! Il aurait bien mis ce fait sur l'alcool, mais il n'avait bu une seule goutte. Alors la fatigue ? Ou plutôt le manque. Ça faisait près de trois mois qu'il n'avait approché Isaia, et là, il ne l'avait rien que pour lui.

Contrôle toi mec, contrôle toi.

Il le serra fort dans ses bras, façon, demain il ne se souviendra de plus rien. Il laissa ses mains se balader sur ses omoplates nues, glissant ses doigts sur sa peau légèrement humides. Il entendit la petite chose contre lui pousser des soupires et un sourire malicieux se dessina sur ses lèvres.

— Est-ce tu aimes sentir mes doigts sur toi, Isaia ? demanda-t-il la voix charmeuse.

Il redevenait le Ilyes confiant et sûr de lui. Il maîtrisait une nouvelle fois la situation mais la sentit presque aussitôt lui glisser des mains lorsque le châtain donna un coup de bassin sur le sien. Sa respiration se coupa et ses yeux s'agrandirent.

Un second suivit et le brun ne put empêcher un soupire d'aise, alors ça, c'était pas bon du tout. Enfin si ça l'était, très même, mais pas dans le sens moral. S'il se laissait aller – et dieu qu'il en crevait d'envie, ce serait considéré comme du viol et le châtain lui en voudrait jusqu'à sa mort. Difficile de se dire ça en le voyant effectuer des petits coups de hanches innocemment. Il sentait leur jean se déformer petit à petit et il ferma les yeux un court instant. Ayant toujours rêvé de faire ça, il glissa ses mains le long de son dos et les posa sur ses fesses, les empoignant avec un plaisir non dissimulé. D'habitude, c'était lui qui agissait de façon aussi provocante et Isaia se contentait de gémir, alors se retrouver en dessous et prit d'assaut par son bassin était juste... Putain de bandant. Est-ce qu'un jour avait-il songé à ce genre de scénario ? Même dans ses rêves chauds avec une tête châtaine dedans, il n'avait jamais pensé à cette possibilité.

Un gémissement sortit de sa bouche quand il sentit une bouche humide s'écraser dans son cou. Il resserra instinctivement ses doigts et poussa son bassin contre le sien, leur donnant un rythme.

Est-ce qu'il lui en voudrait s'ils faisaient que du frotti-frotta ? Après tout, ils ne se touchaient pas à proprement parlé, pas de quoi s'offusquer.

Cependant, il se souvint de sa conversation avec lui, un soir quand il l'avait appelé sous couverture du « bourreau » et lui avait demandé s'il s'était déjà touché. Est-ce que Gianni avait déjà joui une fois dans sa vie au moins ?

— Merde, jura-t-il.

Il voyait déjà la tête choquée de Gianni en train de lui reprocher de lui avoir volé sa première éjac. Difficilement, très difficilement, il repoussa Isaia et celui-ci fronça les sourcils, comme si on venait de lui reprendre son jouet préféré. Ilyes rit de la comparaison.

— C'était pas bon ? demanda le châtain, l'air extrêmement fatigué sur le visage.

— Quoi ? Si, bien sûr que si. Écoutes Isaia, t'es complètement pété par je-ne-sais-quoi, tu ne te contrôles plus et le Isaia normal n'aurait jamais fait ça, d'ailleurs, le Isaia normal m'aurait cassé la gueule rien qu'en lui faisant un câlin.

Gianni se prit un fou-rire, posant une main sur son ventre à l'entente de ses mots et Ilyes se demandait qu'est-ce qu'il avait encore.

— Tu dis que je suis pété, mais tu parles de moi comme si on était plusieurs, s'expliqua-t-il, encore hilare.

Le brun leva les yeux au ciel, ce gosse allait le tuer. Il se releva et le reprit dans ses bras pour le poser dans son lit.

— Bon maintenant tu ne bouges plus, sinon les murs seront en colère, ok ?

— Et maintenant tu parles de murs en colère, éclata-t-il encore plus de rire.

Ilyes écarquilla les yeux, l'enfoiré ! C'était lui qui sortait des conneries depuis tout à l'heure et ça se retournait contre le brun. Il prit le verre d'eau et lui tendit, prenant ses biscuits et repartit s'asseoir à ses côtés.

— J'ai pas soif.

— Je m'en fous, tu bois, ordonna Ilyes le ton autoritaire.

Isaia souffla pour montrer son agacement et prit le verre des mains pour verser le contenu dans sa gorge d'une traite. Il lui tendit ensuite les biscuits.

— J'ai pas faim.

— Manges !

Encore une fois, il s'exécuta en rechignant. Le brun sentit son ventre se tordre en voyant la bosse dans le jean de son hôte. Il détourna les yeux, il ne devait pas y penser. Dieu, pourquoi ne s'était-il jamais touché ? Quelle torture.

— T'es qu'un enfoiré, lança soudainement Isaia, balançant le biscuit au travers de la pièce et en s'éloignant du brun.

— Quoi ?

— Tu l'aurais laissé crevé, tu l'aurais abandonné dans la rue, continua-t-il.

Son regard à présent le méprisait. Encore cette phrase... De quoi parlait-il ? Isaia devenait l'exorciste, vraiment. Il passait du type absolument adorable, au chaud lapin en passant par l'enfant pour finir par se retrouver dans le type haineux. Sa nuit n'allait pas être de tout repos...

— De qui tu parles ?

— Tu as volé mes photos, poursuivit Gianni sur le ton du reproche. Tu as dit que tu allais me prendre sauvagement contre un mur.

Cette dernière phrase lui décrocha un sourire.

— Non, c'est toi qui a dit ça Isaia, répliqua Ilyes.

Le châtain écarquilla les yeux et sembla perdu. Le sosie aurait aimé savoir ce qu'il lui passait par la tête à l'instant présent, car son expression était vraiment étrange et il avait baissé la tête.

Sans qu'il ne comprenne, Isaia s'allongea dans le lit et se mit dos à lui.

— Je prends pas les gens sauvagement contre un mur moi, l'entendit-il se murmurer à lui-même.

Ilyes retint difficilement un rire. Il espérait que non ! Il ne savait pas comment il aurait réagit s'il avait découvert que son petit châtain soit un adepte du SM. Ça aurait très drôle certes, mais vachement flippant aussi.

     Ses paupières commencèrent à devenir lourdes, mais il ne devait pas se laisser aller au sommeil. Pas maintenant. Quand il regarda le cadran de son réveil, il remarqua que ça faisait seulement quarante minutes qu'il était rentré chez lui. Honnêtement, il aurait préféré se retrouver dans une autre situation, du genre, lui et Isaia, l'un sur l'autre, gémissant et recouvert de sueur.

Il lâcha un soupire. La vie était cruelle avec lui.

— Est-ce que tu te doutais que c'était moi, ton bourreau ? finit-il par demander, la curiosité réapparue.

Isaia se retourna pour lui faire face.

— Je voulais pas le croire, lâcha-t-il.

— Pourquoi ?

— Parce que... Parce que je suis attiré par toi, se livra Isaia.

Ilyes avait un large sourire satisfait collé à la bouche, si seulement le châtain se doutait des informations capitales qu'il balançait sur lui.

— Tu m'aimes ? osa Ilyes.

— Non je te hais, dit-il en fronçant les sourcils.

Cela le surprit, il s'attendait à une réponse plutôt positive, voire avouer à demi-mot, mais sûrement pas à son contraire.

— Pourquoi ?

— Parce que tu m'as fait du mal. Tu sais si... Si j'avais une fille, je l'appelerai Mona.

Ilyes fut déconcerté par cette phrase. Son temps de concentration était donc très restreint.

— Pourquoi ? répéta-t-il.

— Je ne veux pas le dire aux méchants.

Isaia rapprocha leur visage ensemble et lui offrit un sourire timide. Il le vit remuer ses jambes, les frottant entre elles.

— Je suis un méchant ?

— Touche-moi, annonça Gianni sans appel. 

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