Chapitre XXIV.


Non, il n'était pas encore prêt !

Isaia se tourna lentement. D'une telle lenteur que l'on se serait cru dans un slow motion et cela fit sourire le brun. Lorsque leurs regards se croisèrent, Isaia lui offrit le sourire le plus forcé que toute l'histoire de l'humanité n'ait jamais connu.


- Ilyes, dit-il difficilement, sa mâchoire ne voulant pas se décontracter.


Ledit Ilyes s'approcha, tendant sa main en guise de bonjour. Isaia la prit et la serra brièvement pour la relâcher la seconde d'après. Il ne s'était jamais senti aussi gêné, après le baiser, bien sûr. Ilyes pencha son visage légèrement vers la droite, scrutant Isaia.


- Ça va ? T'as l'air... Préoccupé.


Isaia ouvrit grand les yeux.

À qui la faute ? Se dit-il mentalement.

Mais il se ressaisit aussitôt, ne voulant pas montrer ses émotions au brun. Il craignait même que son pull ne trahisse les battements de son cœur qui palpitait à un rythme beaucoup trop supérieur à la normale.
Il se sentait tellement gêné à devoir lui faire face, mais encore plus à se refuser de regarder ses lèvres. Il mit toute la volonté dont il disposait pour fixer ses yeux incroyablement noirs. Déjà que son regard le mettait souvent mal à l'aise, mais là, il s'obligeait à ne pas détourner les yeux.


- Euh ouais ça va, j'ai... Juste eu une mauvaise note alors que j'avais bossé, du coup... Voilà, mentit ouvertement Isaia.


Il ne savait même pas pourquoi il s'était senti obligé de lui dire un mensonge.

Puis soudainement, tel un éclair, il eut la vision d'Ilyes le surplombant, léchant et mordant sa lèvre inférieure. Il eut instantanément des bouffées de chaleur, sentant ses mains devenir horriblement moites.


- Ah c'est énervant ça, rit Ilyes, comme si il avait oublié leur baiser.

- Ouais, ne pût que répondre le châtain, ne s'aventurant pas dans de grandes répliques sous peine de bégaiements.


Isaia remarqua le manque de gêne d'Ilyes et trouvait ça très étrange. Normalement, il aurait dû être dans le même état que lui, mais c'était carrément l'inverse. Le brun se comportait de façon très normale, trop normale. Il était toujours le même, avec son grand sourire et ses yeux malicieux. Et pendant une seconde, il se demanda si Ilyes se souvenait de leur baiser. Après tout, seulement Lilo et lui le savaient. Et, vu l'état dans lequel il avait été, il avait dû avoir un trou de mémoire.

Mon dieu, ça le mettait encore plus mal à l'aise ! De cette manière, il avait l'impression de l'avoir violé !


- Ah oui, je voulais te dire mon anniversaire est dans pas longtemps, ça te dirait de venir chez moi ? Demanda gentiment Ilyes.


Isaia en fut choqué. L'invitait-il vraiment à son anniversaire ?

C'était décidé, Ilyes avait oublié le baiser. Et Isaia se sentait terriblement coupable.


- Si tu veux, ne sut que répondre Isaia, perplexe.


La sonnerie annonçant la reprise des cours retentit et Isaia en fut soulagé, sauvé par le gong ! Ils se quittèrent en silence et regagnèrent leur classe respective.

Isaia se rendit compte de ses sueurs froides et ses mains ne voulaient toujours pas retrouver leur aspect normal. De même pour son cœur qui continuait à battre la chamade. Pourquoi se mettait-il dans tous ses états ? Certes, ils s'étaient embrassés, mais cela ne voulait rien dire, Ilyes était stone et ne semblait même pas se rappeler de la soirée. Ce baiser n'avait aucune signification, alors il n'y avait pas de quoi s'alarmer, c'était comme d'embrasser un ami par erreur, ça arrive non ?

En revanche, si ce baiser n'avait aucune signification apparente, c'était tout de même la première fois qu'Isaia embrassait quelqu'un. Et en plus, un garçon. Si on lui avait dit un jour que son premier baiser lui serait volé par une personne du même sexe que lui, jamais il n'y aurait cru.

Mais pire encore, alors qu'il avait été totalement terrifié à l'idée de poser ses lèvres sur celles d'un inconnu au Phoenix lors de son premier chantage, il avait carrément laissé Ilyes l'embrasser cette fois. Et il se rappelait très bien avoir gémit et... En vouloir encore. Toujours plus. Comment expliquer ce comportement et cette volonté ?

Peut-être que c'était une chose normale et qu'il aurait envie de plus qu'importe la personne l'embrassant ? Après tout, tout le monde disait bien que les hommes étaient plus réceptifs que les femmes et qu'on pouvait rapidement les chauffer.

Puis c'est probablement dû au phénomène de la première fois. C'était quelque chose de nouveau, on est toujours troublé dans ce cas, et très curieux.

Il se rassura avec ces explications, trouvant de la rationalité là où il ne devrait pas forcément y en avoir.


- Tu peux pas faire attention putain? S'exclama une voix visiblement en colère.


Isaia, trop perdu dans ses pensées, ne s'était même pas rendu compte qu'il avait bousculé une personne. Lorsqu'il se retourna pour s'excuser, il croisa un regard noir plein de haine et rapidement, il ravala ses excuses.


- Déjà tu me parles autrement, le prévint Isaia sur un ton sans appel.

- En quel honneur ? Répondit Ethan provoquant.


Isaia se rapprocha de celui-ci, se mettant bien en face de lui, prêt à lui décrocher une droite s'il l'énervait trop.


- T'as vraiment aucune honte hein ? Cracha Isaia le regard mauvais.


Il en avait marre de se sentir faible, d'abord avec son bourreau et son trop plein d'autorité, et ensuite avec cette pourriture de traître, qui le narguait du regard.


- Avoir honte de quoi, Isaia ? Sourit Ethan.


Isaia s'avança encore d'un pas.


- De ta lâcheté, t'es un putain de traître qui ne devrait même pas oser parler, gronda le châtain.


Cette fois-ci, ce fut Ethan qui diminua le peu de distance qui restait entre eux. Ils se jaugeaient du regard, l'un tendu aux extrêmes et prêt à frapper, l'autre souriant, provocateur.


- Hé vous deux, vous n'avez pas cours ? Demanda un surveillant qui s'approchait d'eux.


Isaia tourna sa tête vers la gauche, surprit par le surveillant, c'est alors qu'Ethan en profita pour s'approcher de son oreille droite et lui murmurer :


- Tu peux me dire merci Isaia, tu ne seras pas déçu.


Le châtain eut à peine le temps de se retourner qu'Ethan était déjà parti rejoindre sa classe.


- Oh tu m'entends ! S'agaça le pion.


Isaia ronchonna un " ta gueule " avant de se rendre dans sa salle.

Toute la journée, la phrase d'Ethan retentit dans sa tête, comme s'il faisait constamment du Replay.

Il ne sera pas déçu de quoi? Automatiquement, il pensa à son bourreau. Mais pourquoi ne sera-t-il pas déçu de son bourreau ? Était-ce ironique ou non ?
Il se prenait tellement la tête qu'il soupirait toutes les cinq minutes. Et puis les cours n'arrangeaient rien, il avait l'impression de ne jamais en finir.

Plusieurs fois ses enseignants l'avaient ramené à la réalité, il était beaucoup trop absent et s'épuisait lui-même à chercher sans cesse, à vouloir décrypter chaque parole prononcée par son maître chanteur et ceux qui savent.

Forcément, ses complices devaient laisser une tonne d'indices, mais savoir les repérer et les comprendre était autre chose.


" Connard. " 16:38.


Isaia avait envoyé ce simple message à son bourreau. Une pulsion probablement. Il avait très envie de parler avec et ces temps-ci, celui-ci se faisait plus absent, faisant ressentir un vide au châtain. Pourtant ça ne faisait qu'un mois qu'il était victime de chantage, mais c'était bien trop pour lui. Il s'était habitué aux messages envahissants de son maître chanteur, alors qu'il soit presque absent en ce moment le rendait nerveux. D'un côté c'était bon signe, peut-être qu'il se détachait d'Isaia ? Ou alors c'était tout l'inverse, il se lassait et allait finir par tout balancer. Ou pire, il préparait un sale coup.

Isaia prit une décision que jamais il aurait pu ne serait-ce qu'imaginer : il devait raviver l'intérêt de son bourreau pour lui. Qu'il ne lui dise plus rien ne pouvait que signifier quelque chose de mauvais. Mais seulement le temps de trouver qui il était et, pour enfin s'en débarrasser, il devait le trouver avant que celui-ci ne publie les photos partout.

Son téléphone vibra et il en fut soulagé pour la première fois depuis le début de ce chantage, il se précipita afin de regarder le message.


" Je te manque, Gianni ?" 16:43.


Isaia eut un sourire, mais l'effaça tout de suite après s'être rendu compte de cet acte. Il trouvait ça terriblement malsain d'avoir été un temps soit peu amusé par une ordure de première. Bon dieu, que lui arrivait-il ?

Il posa sa tête sur la table, soupira, il avait envie de dormir. Non, il avait plutôt envie de fuir ce pays tout court. Il voulait repartir en Italie et revoir la famille de son père. Ils commençaient à tous lui manquer. Cela faisait une éternité qu'ils ne s'étaient pas vus, Isaia était sûr que si il partait là-bas, ils seraient tous ravis de le revoir. Il y songea plus sérieusement. Après tout, bientôt, c'était les vacances, et son père ne lui refuserait jamais un petit voyage, surtout si c'était pour aller en Italie rejoindre les siens.


" Je te hais. " 16:48.

" Je n'en ai pas l'impression Isou. " 16:50.


Isaia grinça les dents, cet enfoiré avait osé l'appeler par le surnom que lui donnait Sélim. D'autant plus, il affirmait ne pas avoir l'impression que Isaia le détestait. Alors que celui-ci le haïssait de toute son âme.

D'ailleurs, cette réaction colérique le soulagea d'une part parce que sa haine envers cette personne était toujours présente et ça le rassurait aussi car, pendant un petit moment, il avait eu peur que ses sentiments disparaissent.

Lorsque la sonnerie de fin de cours se fit entendre, tout le monde se leva précipitamment vers la sortie sous des soupires soulagés. Une journée de faite.

Le dernier à sortir était Isaia, il prenait du temps à répondre à son maître chanteur.


" Les apparences sont trompeuses. " 17:00.


Il n'attendit pas longtemps avant de recevoir une réponse.


" Je suis d'accord. Mais j'ai appris à te connaître et je peux te dire aisément que tu te prends la tête de plus en plus. D'ailleurs, la phrase d'Ethan ne te perturbe pas trop j'espère ? " 17:03.


C'était clair, net et très précis, le châtain avait des envies meurtrières. Oh oui, il désirait follement attraper ce connard d'Ethan par les cheveux, le traîner par terre avant de le frapper jusqu'à le défigurer. Ce fourbe avait répété comme un bon toutou le ferait à son maître. Et là, ce fut le déclic : qui est assez proche d'Ethan pour que celui-ci lui en parle aussi vite ? Isaac.

Isaia serra les poings et relut plusieurs fois le message. Lorsqu'il atteignit la sortie, il croisa Simon, qui était seul sur un banc, une sucette à la bouche.


- Aide-moi. Simon putain, toi et moi on était potes, je t'appréciais, tu étais le seul qui ne m'avait jamais saoulé, alors s'il te plaît, en souvenir de ce sentiment, donnes moi un petit indice, le supplia presque Isaia, désespérément.


Simon fronça les sourcils et détourna le visage, comme si il prenait son temps pour réfléchir.


- Assieds-toi, dit-il en tapotant la place à côté.


Isaia s'exécuta, l'espoir dans les yeux. Simon sortit sa sucette bleue de sa bouche et fixa Isaia.


- Maintenant, regarde moi dans les yeux, ne me quitte pas du regard et n'essaie pas de te retourner, tu ne le verras pas, c'est juste que je suis sûr qu'il nous regarde, demanda Simon sur un ton calme.


Isaia comprit de suite : son maître chanteur était en ce moment même en train de les observer.
Le châtain sentit son sang bouillir. Son cœur loupa un battement, mais il fit ce que Simon lui demandait. Il le fixa sans ciller.


- Maintenant souris moi, un petit sourire, celui que tu ferais à une jolie fille qui te plaît.


Le photographe haussa un sourcil, ne voyant pas où voulait en venir Simon.


- Gianni, fais juste ce que je te demande, je suis en train de t'aider. Mais si tu veux je peux tout arrêter.

- Non ! Non c'est bon, se précipita Isaia, résigné.


Il obéit à son ancien ami, se forçant comme jamais, il imaginait la fille très mignonne qu'il avait vu une fois dans un film, une petite brune aux yeux sombres et à la peau mate.
Simon lui sourit en retour, et il se rapprocha d'Isaia.


- Surtout ne recule pas, reste comme ça, c'est très bien. Maintenant prends la sucette de ma bouche et mets la dans la tienne, toujours en souriant et...

- Quoi ? S'exclama Isaia, dégoûté de devoir mélanger sa salive à la sienne.

- Isaia, écoute moi putain, je fais ça pour toi, donc obéis sinon ton indice tu iras le chercher toi-même, gronda Simon.


Isaia déglutit avant de prendre délicatement le bâton de la sucette de sa bouche et la retirer doucement, toujours en fixant son vis-à-vis et en lui souriant niaisement. Il prit sur lui et enfonça la boule bleue dans sa bouche, réprimant un frisson de dégoût.


- Suce la, s'amusa Simon.


Le châtain prit immédiatement une teinte rouge tomate, comprenant l'énorme sous-entendu de Simon. Il garda la sucette dans sa bouche et la bougea légèrement.


- Désolé mec, mais j'étais obligé, je devais te faire rougir, dit-il accompagné d'un clin d'œil.


Isaia eut envie de l'insulter, mais il se retint. Puis Simon se leva tranquillement, remettant correctement son sac sur son dos, et se pencha vers l'oreille d'Isaia.


- Maintenant, regarde ton téléphone. Et surtout, garde la sucette bien enfoncée dans ta bouche, et n'hésite pas à la tourner de façon sexy, murmura Simon au creux de son oreille.


Isaia eut du mal à avaler sa salive, mais une fois son ancien ami partit, il s'empressa de regarder son téléphone, et effectivement, il avait bien un nouveau message.


* Point de vu du bourreau *


Le jeune lycéen était tranquillement installé dans son bus, bien sûr, du côté fenêtre afin d'avoir une vue sur tous les lycéens qui sortaient précipitamment de l'établissement. Un énorme sourire s'afficha sur ses lèvres lorsqu'il vit une tête châtain sortir, son téléphone en main. Il était sûr que celui-ci lisait son message.

Cependant, son sourire disparut peu à peu lorsqu'il le vit s'approcher de Simon.

Ils se parlaient encore ? Il n'aimait pas du tout cette optique. S'il avait tout fait pour que Gianni se rende compte de la culpabilité de Simon, ce n'était pas pour qu'ils se pardonnent et se reparlent ensuite !

Il observa attentivement la scène qui se déroulait sous ses yeux et insultait mentalement tous ceux qui avaient le malheur de passer devant les deux lycéens, lui cachant la vue durant quelques secondes à peine.

Il s'énerva encore plus lorsqu'il vit Isaia s'asseoir à côté de Simon et Simon lui sourire. Cependant, il ne voyait pas beaucoup le châtain, il le voyait juste de profil.

Qu'elle ne fut pas sa surprise en constatant qu'Isaia lui sourit à son tour. Il serra les poings et se concentra encore plus sur leur conversation, essayant de comprendre les paroles de Simon sur ses lèvres, mais c'était peine perdue.

Ce qui lui donna envie de descendre et de frapper dans le tas, était décidément le coup de la sucette. Il écarquilla les yeux, littéralement. Était-ce une caméra cachée ? Est-ce qu'on lui jouait un mauvais tour ? Parce qu'Isaia prendre une sucette d'une autre personne et la mettre dans sa bouche, c'était carrément improbable et ça le mettait en furie.

Il pencha la tête pour essayer de voir sa victime plus amplement, et s'aperçut des rougeurs de celui-ci.

Il tapa son pied frénétiquement sur le sol.

Bon sang, que lui avait dit ce traître de Simon ?

Il prit la décision de se lever, bousculant la personne à côté de lui, et de se diriger à toute vitesse au fond du bus, à cette place, il verrait un peu plus Gianni.

Son sang bouillit et sa tête siffla quand il vit Simon s'approcher du châtain et lui murmurer quelques mots.

Il était même prêt à descendre de ce foutu bus et à... A faire quoi d'ailleurs ?

Il soupira pour reprendre ses esprits. Ça le rendait dingue, c'était son jouet ! Hormis lui, personne n'avait le droit de le toucher. C'était devenu sa propriété.

Déjà que ce Sélim l'irritait au plus haut point, mais si Simon s'y mettait, ça n'allait décidément pas lui plaire du tout.

Il prit son téléphone et envoya un message à Gianni.


" Est-ce que l'échange de salive est considéré comme adultère ? " 17:14.


Le jeune homme savait très bien qu'Isaia ne sortait pas avec Sélim. Il était parfois distant avec celui-ci et il l'avait remarqué a cette soirée, lorsque que Sélim se rapprochait trop d'Isaia, celui-ci était indéniablement gêné. En revanche, si Isaia n'avait pas de sentiments apparents envers Sélim, c'était autre chose pour Sélim. Lui semblait vraiment accroché à Isaia. Et ça ne lui plaisait pas.

Il avait d'ailleurs une solution, si Sélim revenait, il essaierait de se faire ami avec lui, histoire de l'écarter doucement de sa proie.

Il arrivait toujours à ses fins.


Il remarqua que Gianni tournait sa tête et regardait dans tous les sens. Le jeune lycéen détourna le regard, si le châtain le repérait, il était foutu. Et il avait encore envie de jouer avec lui.

C'était très jouissif de le voir chercher, sans jamais trouver.

Son téléphone émit des vibrations et il regarda le nouveau message qu'il avait reçu.


" C'est mal, la jalousie. " 17:16.


Son bourreau sourit. Puis changea de fil de conversation pour tomber sur celle de Simon.


" Toi, va falloir qu'on parle. " 17:17.


Son bus démarra. Dommage, il aurait bien aimé continuer à jouer avec sa pauvre petite victime. Il le regarda une dernière fois, jouant avec cette sucette qu'il mourrait d'envie de lui retirer.

Son maître chanteur devint soudainement livide, son cœur se stoppa l'espace d'une seconde.

Isaia Gianni venait de croiser son regard.



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