Chapitre XVII



                 Les cours se terminèrent sans encombre et Isaia put rejoindre Sélim, qui était venu le chercher devant le lycée. Celui-ci posa aussitôt sa main dans le creux de son dos et se pencha pour lui murmurer à l'oreille :

— Alors comme ça, ce salaud est possessif envers sa victime ? 

Le gros point positif de Sélim était qu'il le comprenait toujours, même sans se parler. Le châtain acquiesça en signe d'affirmation, mais se décala de lui afin qu'il retire sa main. Il n'appréciait pas vraiment la proximité, surtout à cet endroit, cela s'apparentait à une gêne, même si c'était celle de son cousin. Curieux, il questionna celui-ci du regard avant d'ouvrir la bouche.

— Comment tu as su ? 

— À l'insistance de ses messages et comment tu t'es comporté avec moi, ça m'a mis la puce à l'oreille et j'en ai donc conclu qu'il te voulait pour lui seul, donna-t-il le fils de sa pensée.

— Bravo, Sherlock, l'applaudit Isaia.

— Ca me fout des frissons, lâcha Sélim. 

Le châtain se contenta de hausser les épaules, c'était un psychopathe et cela faisait quelques temps qu'il s'en était rendu compte. Lorsqu'ils se mirent en route pour rentrer chez Isaia, son téléphone sonna et il fut surprit du nom de l'émetteur qui était affiché à l'écran.

— Qui c'est ? 

— Mister psychopathe, soupira le châtain. 

La question qui se posait était de savoir s'il devait répondre ou non. Le choix fut assez difficile, dans un sens, il ne voulait pas parler avec lui et juste raccrocher, mais de l'autre, il avait bien envie de décrocher, surtout devant le lycée, avec une bonne vue sur l'ensemble des lycéens. De plus, son cousin pourrait peut-être l'aider, à deux, ils étaient plus enclin à détecter de petits indices imperceptibles que s'il avait été seul. A chaque fois qu'ils se parlaient, Isaia était isolé des autres et il était toujours dans une colère telle qu'il ne faisait plus attention à ce que son bourreau lui disait. Il ne pensait qu'à l'incendier.

— Décroche, c'est en parlant avec lui que tu apprendras à le connaître. 

Il n'avait pas tort. Il glissa son pouce sur le logo du téléphone vert et colla l'écran à son oreille.

« Qu'est-ce que tu veux, encore ?

— Est-ce que tu reçois bien les messages, Gianni, ou dois-je te racheter un putain de téléphone pour que tu me répondes ?

— Déjà, tu vas te calmer, je n'ai pas à te raconter ma vie.

— En fait, tu n'as surtout pas à remettre mes paroles en question, quand j'exige, tu fais, quand je demande, tu réponds, point. Alors maintenant, réponds à cette question avant que je ne pète un plomb : qui est le kéké à tes côtés ? »

Sélim avait presque collé son oreille au téléphone pour entendre lui aussi. Lors de cette question, il se tourna vite vers Isaia pour lui faire face et chuchota :

— Joue avec lui.

Isaia mimait un « comment ? » et Sélim répondit en haussant les épaules. Il se replaça de façon à écouter.

« Et j'aurais quoi en échange ?

— Le plaisir de la soumission. »

Sélim s'éloigna quelques secondes pour poser une main sur sa bouche, puis de mimer une insulte avec sa bouche. 

« C'est l'un de tes fantasmes, c'est ça ? Désolé de te le redire, mais je ne suis pas intéressé par les mecs.

— Et le gars à côté de toi, il l'est, lui ?

— Il t'intéresse ?  »                         

Isaia était fier de sa réplique, pour une fois, c'était lui qui piquait son bourreau. Un rire se fit entendre à l'autre bout du fils, rapidement suivi d'une réponse :

« Voyons Gianni, il n'y a que toi qui m'intéresse. »

Décidément, son harceleur avait la tchatche. Encore une fois, il ne parvint à avoir le dernier mot, il ne perdit pas espoir et savait qu'un jour, il lui fermerait son clapet définitivement. C'était le don indéniable de son harceleur, quoique Isaia fasse ou dise, il trouvait toujours un moyen de le contrer ou de le tourner en ridicule. C'était extrêmement rageant.

« Ça n'a jamais été mon truc, de briser des cœurs, tenta Isaia.

— Oh, mon petit Gianni se met à l'attaque ? Enfin ! Moi qui comptais me dévoiler bientôt, je crois que je vais retarder l'heureuse annonce, comment ne pas profiter d'un cerveau en éveil ?  »

Isaia grinça des dents mais ne répliqua pas. Quant à Sélim, il sût qu'il n'y avait rien à ajouter.

« On a perdu sa langue Gianni ?

— Pourquoi tu veux savoir qui il est ?

— Parce que j'ai un droit sur toi non négociable, je crois que c'est la réponse qui convient le plus.

— Que vas-tu faire, si je ne te le dis pas ?

— Je te rappellerai ce soir et tâche de te débarrasser de ce... Kéké, je veux te parler seul et pas à ton pote en même temps. »

Isaia et Sélim eurent exactement la même réaction, ils se retournèrent dans une synchronisation parfaite. Ce connard pouvait les voir, sinon comment saurait-il que Sélim écoutait ? Les bipbipbip du téléphone les laissèrent dans l'incompréhension totale.

— Oh putain, c'est rageant ! grogna le brun.

— Tu vois ce que je vis depuis quelques jours maintenant, s'exaspéra le châtain.

— Mais comment il fait ? C'est impossible !

— Rien n'est impossible avec ce malade, Sélim. Je te l'ai dit, il anticipe tout et sait tout.

— Il me fait limite flipper, frissonna Sélim.

— Bienvenue au club.

Isaia ne comprenait que trop bien cette remarque.

— Et tu vas lui reparler ce soir ?

Le jeune-homme se contenta de hausser les épaules et ils décidèrent de ne pas s'attarder une seconde de plus ici, prenant le chemin du retour. 


— Oh mon dieu !

Leo s'était jeté sur son fils à la seconde où il était entré chez lui, ignorant par la même occasion Sélim, obnubilé par les marques dessinées sur le visage d'Isaia.

— Mais c'est quoi ça ?

Isaia soupira, il avait complètement oublié ce détail et il n'avait pas très envie de l'expliquer à son père. Celui-ci posa ses mains sur le visage de son fils et tata le coin de sa lèvre et sa pommette, les deux endroits les plus marqués. Isaia grimaça, c'était toujours sensible.

— Désolé Leo, c'est ma faute, Isaia et moi, on se promenait, un mec m'a bousculé et j'ai pété les plombs pour qu'il s'excuse et au moment où il a voulu frapper, Isaia s'est interposé entre nous et a prit les coups à ma place, mentit effrontément Sélim.

Son père sembla enfin remarquer la présence de son neveu. Il fronça les sourcils puis se tourna aussitôt vers son fils.

— C'est vrai ?

Isaia s'empressa de hocher la tête. 

— T'inquiète, c'est rien. 

— C'est ce que tu me dis tout le temps, Isaia, je commence à en avoir marre, chaque jour c'est pire, j'ai l'impression. Ça sera quoi, la prochaine fois ?

Isaia fit une chose qu'il n'avait pas l'habitude de faire et passa ses bras autour de son père pour le tenir contre lui, lui offrant une étreinte chaleureuse.

— J'ai Sélim avec moi, papa, je me sens mieux, lui dit-il à son oreille, espérant que son cousin n'ait rien entendu.

Ils se séparèrent et Leo avait l'air un minimum convaincu, sa main passa dans ses cheveux châtains dans un geste tendre et plein d'affection et son regard s'était adouci.

— Salut mon grand, je suis désolé, ton cousin me donne du fils à retordre en ce moment. Je suis heureux de te revoir ! s'exclama le père. 

Lui et Sélim se sourirent et échangèrent quelques banalités, mais Isaia voyait très bien que son père avait du mal à regarder Sélim, pour lui aussi, cela devait être dur.

Les deux garçons montèrent ensuite dans la chambre d'Isaia.

— Non mais sérieux Isou, t'as un mac, t'as le dernier iPhone, t'as de bonnes fringues mais t'as réellement aucunes consoles ? J'y crois pas !

— J'ai le droit de pas aimer ça.

— Non, non et non ! Je ne peux pas te croire, c'est impossible. Genre même chez tes potes, tu joues pas ?

— Si, là-bas, ça ne me dérange pas... Enfin, je n'ai plus d'amis, donc c'est réglé.

Sélim lui offrit un regard triste et sauta sur le lit, aux côtés de son cousin.

— Tu vaux mieux qu'eux tous, Isaia, dit-il pour le réconforter.

— Tu m'as pris pour un gosse à consoler ou quoi ? se renfrogna Isaia.

Sélim éclata de rire et lui ébouriffa les cheveux.

— Je vais chercher de la glace ma chérie ! mima grossièrement Sélim.

Cette fois-ci, ce fut à Isaia de rire. Tellement cliché. Le pire, c'était qu'il était vraiment revenu avec des glaces, ainsi que quelques petits trucs à grignoter. Ils passèrent leur soirée à regarder des films et à manger. Isaia en oublia même de faire ses devoirs.

Alors que Sélim s'était endormi, Isaia entendit son téléphone sonner, il décrocha rapidement pour ne pas réveiller son cousin et partit s'enfermer dans sa salle de bain.    

« T'es sérieux ? Tu m'appelles vraiment à une heure du mat' ?

— Si je te réponds : j'avais envie d'entendre ta voix, est-ce que ça te suffirait ?

— Non.

— Étrange, pourtant dans les films la personne trouve toujours ça mignon, rit la voix de son bourreau. »

Isaia eut envie de se claquer la tête contre le mur. À quoi jouait-il ? Pourquoi il faisait ça avec lui?

« Tu ne pourras jamais être mignon.

— C'est parce que tu ne m'as encore jamais vu, du moins, pas encore reconnu. »

Isaia se rappela alors d'une phrase qu'avait dit Sélim, et qui prenait tout son sens : « c'est en discutant avec lui que tu apprendras à le connaître et que tu sauras donc le reconnaître. » Il devait donc parler et réussir à lui soutirer quelques informations, sur son physique ou bien même mentalement. Mais il devait faire ça subtilement, ne surtout pas éveiller les soupçons de son bourreau sinon celui-ci pourrait jouer dans son jeu et mentir sur lui-même pour induire Isaia en erreur.

Après tout, il devait connaître son bourreau, pour avoir sa vengeance. Et il y tenait.

« Parce que tu crois que je ne tiendrai pas le même discours si je savais qui tu étais ?
— Là n'est pas la raison pour laquelle je t'ai appelé. C'est qui ? »

Première tentative ridiculement échouée. C'était toujours comme ça avec son harceleur, il avait un contrôle de la situation, ou du moins, le faisait-il croire, c'était lui qui menait les conversations, c'était lui qui décidait, c'était lui qui obtenait toujours ce qu'il désirait.

Il connaissait tout, il anticipait tout, il avait une répartie étonnante et une perspicacité incroyable.

Ce garçon devait être très charismatique, ou être un petit imbécile qui se croit au dessus de tout le monde, au choix. C'était le genre de personne à soumettre et à donner les ordres, qui imposait lui-même les sujets de conversation à tout ceux qui osaient s'intéresser à lui. Isaia ressentit une sorte d'admiration malsaine pendant quelques secondes, avant de vouloir se mettre deux doigts dans la gorge pour se faire vomir, dégoûté de ressentir une once de bon sentiment envers cet être immonde et sans scrupule.

« Un ami.

— Un ami ? C'est-à-dire ? Tu le connais depuis longtemps ?

— Ouais. Satisfait ? Je peux aller dormir, maintenant ?

C'est très impoli de vouloir interrompre assez abruptement une conversation, Gianni. Tu devrais le savoir, toi qui viens d'un milieu social supérieur. »

Le connard avait volontairement appuyé sur le supérieur, Isaia soupira et roula des yeux. Le châtain n'était vraiment pas ce genre de mec à se vanter de sa richesse ou de la carrière de son père. Tout le monde le savait uniquement car on voyait son père partout dans les journaux, sur internet et même à la télévision, sans compter que Leo Gianni était déjà venu de nombreuses fois chercher son fils au lycée.                

Pourquoi pensait-il qu'il était vantard ? Quand a-t-il eu une réaction qui pourrait laisser penser ça ?

« Arrête, soupira Isaia, lassé et fatigué.

— Alors dis-moi, je veux savoir.

— T'es un putain de psychopathe.

— Dis-moi, sinon je te dirais des mots tellement hot qu'en raccrochant, tu seras obligé de te toucher pour te soulager.

— T'es ridicule.

— Très bien. Je vais te dire à quoi je suis en train de penser, là, Gianni. Je t'imagine à quatre pattes devant moi, ma queue dans ta bouch...

— Ok ok, c'est bon, tais-toi ! se précipita Isaia. Tu me donnes la gerbe. »

Il entendit son bourreau rire et il sentit ses joues s'enflammer. Il n'avait rien dit et pourtant Isaia avait réagi au quart de tour, montrant bien à quel point il est mal à l'aise sur ce sujet. Au lieu de le laisser déblatérer dans son coin, il s'emportait.

« Quelle chochotte, j'avais même pas encore installé l'atmosphère.

— Il est à la fac d'art, il habite loin et je l'ai connu il y a quelques années. Voilà, bonne nuit.

— Et vous êtes amis ?

— Tu veux qu'on soit quoi d'autre ?

—J'en sais rien, peut-être un lien de parenté. »

Isaia eut une lignée de frissons qui apparue sur ses bras découverts. Ce n'était pas possible. Il ne pouvait pas savoir ça ! Le châtain n'avait rien dit à personne, donc personne n'avait pu le répéter et lui et Sélim ne se ressemblaient absolument pas. C'était limite les opposés total !

Effrayant, se dit Isaia.

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