Chapitre XVI


     Lorsque le soleil se coucha, Sélim proposa de sortir prendre l'air. Isaia ne pouvait pas lui refuser, même s'il aurait préféré rester chez lui, en sécurité. Cependant, il était avec son cousin, alors il ne pouvait rien lui arriver. Il prévint son père, qui était d'accord car il était accompagné d'une personne de confiance.

Il pensa un instant à son père et se dit qu'il ne lui avait rien demandé avant d'amener Sélim à la maison, alors que cela allait être difficile aussi pour lui. Puis, il se dit que Leo avait déjà revu la famille de Sélim quelques fois auparavant et qu'il ne serait pas si chamboulé que ça de revoir son cousin. D'ailleurs, son père revenait dans la nuit, étant donné qu'il avait eu un vol tard.

Ils sortirent donc et Sélim l'embarqua dans le premier bar qu'ils croisèrent. Autant dire, ce n'était pas le plus jovial et jeune qu'ils aient connu, mais plutôt un bar de cité où des ivrognes passaient leur temps, mais cela ne sembla pas déranger le grand brun.

Sélim continua de parler et Isaia se dit que sur ça, il n'avait pas changé : il était toujours aussi moulin à paroles. Mais il le laissa faire volontiers, il était bien trop heureux de le revoir pour s'en agacer.

Ils décidèrent de rentrer vers les vingt-deux heures tapantes, Isaia avait cours le lendemain, ils ne pouvaient pas s'éterniser. Les deux cousins rentrèrent en catimini dans la maison pour ne pas réveiller le photographe, qui était rentré depuis deux bonnes heures au moins et qui devait être éreinté, et atteignirent rapidement la chambre du châtain.

— Je dors où ? chuchota Sélim.

— Là, marmonna Isaia en tapotant sur son lit.

— Avec toi ?

— Mmh, poussa le châtain, sentent le sommeil l'emporter peu à peu.

Isaia était affalé sur le ventre, les yeux fermés et les sourcils légèrement froncés. Sélim rit devant sa petite moue endormie et se dit qu'il n'avait pas vraiment changé. Quoiqu'un peu tout de même : le Isaia d'avant était rayonnant, celui de maintenant était terne. Sélim ramait pour lui soutirer ne serait-ce qu'un petit étirement de lèvres. Cependant, il ne pouvait pas le lui reprocher, il comprenait parfaitement la raison.

Physiquement, il ne le trouvait pas spécialement changé. Il avait grandi, muri, certes, mais sa bouille d'enfant demeurait. Il admira un instant ses cheveux, ils étaient toujours aussi magnifiques, ils semblaient briller, dans le bar. Curieux, il passa sa main dans cette tignasse et sourit de la douceur de ceux-ci. Ils avaient la même texture que ceux de sa mère, ça devait sûrement être un truc de famille.

Isaia, lui, dormait déjà comme un gros bébé, ne s'apercevant même pas de cette main qui lui caressait doucement les cheveux.

     Il sursauta en entendant le bruit strident de son réveil. Il déverrouilla rapidement son téléphone et appuya sur le bouton arrêt. Il regarda à côté de lui et vit Sélim, il se demanda un instant ce qu'il faisait là, avant de se souvenir des récents événements.

Il baissa la tête et constata qu'il était toujours habillé. Il soupira et se dépêcha d'aller prendre sa douche et se préparer pour aller en cours.

Alors qu'il faisait son sac, un Sélim tout endormi apparu.

— Attends Isou, je vais t'accompagner au lycée, dit-il d'une voix rauque.

— Va te rendormir, je connais la route du lycée, t'inquiète.

— Non, en même temps tu me montreras les gars et Ilyes.

Sélim avait expressément appuyé sur le Ilyes et Isaia leva les yeux au ciel, désespéré par son cousin, mais aussi extrêmement gêné.

— Dix minutes, si tu n'es pas prêt d'ici là, je pars sans toi.

Sélim se précipita dans la salle de bain pour se préparer et fut prêt à temps.

Devant le lycée, il y avait déjà énormément de lycéens qui attendaient l'ouverture des portes.

— Alors, ils sont où ?

Le châtain chercha du regard des têtes qu'il connaissait et fut surprit de voir Claire les regarder, avec un grand sourire. D'ailleurs, elle n'était pas la seule à les fixer, beaucoup de personnes avaient le regard tourné vers les deux cousins. Avant même qu'il n'ait pu réfléchir plus amplement à la raison de cette curiosité, il reçut un message.

« Qui est-ce ? » 07:50

— C'est lui ?

Isaia sursauta et se tourna vers son cousin, qui avait le visage au-dessus de son épaule et qui regardait son téléphone.

— Ah. Ouais, c'est lui.

Sélim serra la mâchoire et ses sourcils se froncèrent. Sa colère était évidente et il se demandait si son harceleur pouvait également le voir.

Les deux levèrent les yeux vers la foule, cherchant un bourreau qui porterait clairement une pancarte sur son front, sur laquelle il serait écrit « C'est moi, le gros connard ». Malheureusement, personne n'en avait.

Il reçut un second message :

« Oh, alors il sait ? Intéressant. J'espère qu'à deux, vous allez former un cerveau complet. Quoique... En voyant sa tête de kéké, permets-moi d'en douter. » 07:52.

Je vais le démonter quand on saura qui est ce petit bâtard qui se cache derrière un téléphone.

Isaia fut perplexe. Son message l'avait, bien évidemment, mit en colère. De quel droit se permettait-il de rabaisser son cousin ? En revanche, il fut septique quant à la façon de parler de son bourreau. Cela ne lui ressemblait pas, son harceleur aimait s'amuser avec lui et non le rabaisser méchamment.

Une idée effleura son esprit, se pourrait-il qu'il soit... en colère de le voir avec Sélim ? Le voir accompagné d'une personne nuisait à ses plans. Peut-être avait-il pour but de l'isoler complètement en lui retirant tous ses amis ? il rangea cette idée dans un coin de sa tête.

— Le premier qui aura le droit de s'en prendre à lui, ce sera moi, affirma Isaia.

La sonnerie du début de cours retentit et Simon se pointa devant eux, tendant sa main. Isaia hésita avant de la lui serrer, peut-être un peu trop fort au vu de la légère grimace qu'il tira.

— Je pense qu'on a des choses à se dire, Simon.

— Bien sûr. Qui est-ce ? demanda-t-il en se tournant vers son cousin.

Les deux se tournèrent vers le grand brun et le châtain fronça les sourcils. Pourquoi voulait-il connaître Sélim ? Cela ressemblait étrangement au comportement de son maître-chanteur.

— Sélim.

— Enchanté, Sélim, sourit Simon d'un air amical. Tu es un ami d'Isaia ? Je ne t'ai jamais vu au lycée.

— Oui c'est un ami, répondit Isaia à sa place.

Il sentit le regard de Sélim sur lui, certainement désapprobateur, mais surtout surpris. Néanmoins, il n'ajouta rien.

— Isaia, on se voit à dix-sept heures ? demanda-t-il après que les portes s'ouvrirent.

— Pas possible, Sélim vient me rechercher.

— Oh, alors midi ?

— Ca me va.

Simon semblait attendre Isaia, mais celui-ci se tourna vers son cousin et lui déposa un baiser sur la joue, sachant parfaitement à quel jeu il était en train de jouer. Avant que Sélim ne puisse prendre conscience de l'atmosphère ambiguë que le châtain laissait entre eux, il lui susurra :

— À tout à l'heure, Sélim.

Le brun resta muet et inexpressif, ne sachant comment réagir à ça. Presque instantanément, Isaia reçut son troisième message, celui qu'il espérait avoir.

« Au lieu de flirter avec monsieur kéké, tu ferais mieux de me répondre, ce n'est pas en option. » 08:01.

Le châtain fut satisfait de ce message, fier de lui. Il avait eu exactement ce qu'il voulait et, pour la première fois, c'était lui qui menait la danse, c'était lui qui le faisait réagir, et il en éprouva une joie malsaine immense.

Il avait su que son harceleur n'apprécierait pas beaucoup qu'il soit aussi proche d'une personne, sans qu'il ne puisse mettre la main dessus.

— C'est quoi ce petit sourire en quoi ? On dirait que tu as une petite amoureuse, se moqua Simon.

Le châtain redescendit directement, ayant complètement oublié son camarade. Son sourire disparut aussitôt, déjà parce que croire que son sourire était à connotation amoureuse le rendait malade, mais aussi car c'était Simon et il lui en voulait. Il était sûr que celui-ci était impliqué dans l'histoire.

— C'est ce Sélim ? continua-t-il.

— Mêle-toi de ce qui te regarde.

Simon parut étonné par cette réplique froide.

— Qu'est-ce que j'ai fait ? questionna-t-il, l'air innocent.

— Midi, devant la cantine.

Isaia rejoignit sa classe, sans croiser l'un de ses prétendus amis et cela le soulagea. Il n'était pas encore prêt à les revoir, surtout Mattéo. Il refusait de ressentir un quelconque sentiment lié à la peine ou la tristesse, mais d'avoir perdu Mattéo le mettait en colère. Il avait juste à haïr les autres de sa bande, mais Mattéo, c'était autre chose. Il avait cru à une amitié, il l'avait pensé sincère et loyal. La vie venait de lui donner une autre leçon : toujours se méfier. Ses amis avaient sauté les uns après les autres.

Lorsqu'il entra dans sa classe, tous les yeux étaient pointés vers lui, même le professeur le fit avant de vite détourner le visage. Probablement dû à l'altercation avec Ethan, qui avait dû faire le tour du lycée à une vitesse grand V.

— Mec, tu t'es vraiment battu avec Lacroix ? demanda un de ses camarades de classe, à qui il ne parlait jamais.

— Ca te regarde, peut-être ? lâcha sèchement Isaia, avec le regard noir.

Cela jeta un froid et plus personne n'osa le déranger après ça.

Isaia était devenu la bête de foire à cause de cette bagarre dans la cour. Il détestait ça, il préférait de loin être l'élève invisible qu'on laisse tranquille. Décidément, ce connard d'Ethan ne lui apportait que de mauvaises choses.

     À midi, Isaia était allé jusqu'à la cantine, le pas traînant et la moue fatiguée. Il serait bien resté chez lui pour passer sa journée à dormir ou à parcourir des sites de photographie, comme il avait l'habitude de le faire. Mais le devoir appelait, et il devait régler ses comptes avec monsieur le populaire.

Simon était déjà là, appuyé nonchalamment contre le mur, les yeux rivés devant lui, fixant un point imaginaire. Une fois devant lui, Simon eut un petit sursaut.

— Bon mec, je veux bien parler de ce que tu veux, mais là faut qu'on aille graille, je crève la dalle ! s'exclama Simon.

Isaia obtempéra et ils sortirent du lycée, se dirigeant vers le macdo juste à côté de leur établissement. Ils commandèrent rapidement et s'assirent sur une table reculée pour éviter les oreilles un peu trop curieuses, surtout car c'était Simon, le beau mec du lycée.

— Je t'écoute.

Le châtain inspira profondément avant de se lancer.

— Déjà, dis-moi pourquoi tu as organisé cette sortie dans le bar avec tous les mecs que je suspectais ?

Simon sembla réfléchir, se grattant la nuque et finit par poser ses mains sur la table et regarda Isaia droit dans les yeux.

— Isaia, je ne vais pas passer pas quatre chemins, je t'apprécie, tu es un mec sympa et c'est la raison pour laquelle je te protégeais quand on était au collège, alors promets-moi de ne pas péter les plombs sur ce que je vais te révéler.

— Balance, lâcha Isaia d'un ton extrêmement froid et distant.

Ce n'était pas avec quelques compliments et des actes passés qu'il allait tout lui pardonner. La pire chose qu'il pourrait lui dire, était sans doute qu'il soit le maître-chanteur. Le châtain n'était pas sûr de pouvoir se contenir, si c'était le cas.

— Je... je sais qui est le gars qui te harcèle, lança-t-il d'une traite.

Le châtain se leva d'un bond, les poings serrés et la mâchoire contractée.

— Isaia, assieds-toi, s'il te plait. Laisse-moi t'expliquer, tenta Simon, d'une voix calme.

— T'es vraiment qu'un...

— Ecoute-moi et ensuite, je te promets que tu pourrais me traiter ou même me frapper.

Le châtain hésita, il ne voulait même pas le laisser s'exprimer, il souhaitait juste lui envoyer son poing qui le démangeait. Son visage, qui lui paraissait auparavant amical, le dégoutait profondément, désormais.

— Gianni, on nous regarde, tu ne voudrais pas faire un autre scandale ? Je sais que ton avenir de photographe compte et tu sais comme moi qu'il est facile d'aller sur facebook et de dire qu'Isaia Gianni est devenu fou et très violent. Personne ne cherchera à connaître la vraie raison de ce comportement, ils te jugeront tous. Tu imagines ta carrière avec ce genre de commentaires ?

Isaia s'assit de nouveau, toujours aussi furieux. Il plongea son regard dans le sien et dit :

— Et toi connard ? T'as pensé à ma carrière quand tu as décidé de te taire alors qu'on me harcelait ? Tu y as pensé quand tu as décidé de me jeter dans la gueule du loup en invitant chaque personne suspecte ?

— J'ai mes raisons, Gianni, et je suis extrêmement désolé pour ça. Mais je te jure que je n'ai rien fait, je suis en dehors de tout ça.

— Pardon ? T'es autant coupable que cette enflure, putain ! Tu sais que cacher un crime est un délit aussi ?

— Isaia, calme-toi, s'il te plait.

— Alors dis-moi qui il est, lâcha Isaia, déterminé à ressortir d'ici avec l'information.

— Je ne peux pas.

— Pardon ? Tu te fous complètement de ma gueule, là ?

— Je ne peux pas te donner son prénom, mais je peux t'aider à le trouver.

Isaia fronça les sourcils. C'était complètement stupide, autant dire qui il était. Est-ce que lui aussi se moquait de lui ?

— Comment ?

— Je ne peux rien révéler, mais je peux t'aider à te venger de lui. Tout ce qui est en train de se passer, je ne suis pas d'accord avec, alors je veux changer un temps soit peu le court des évènements. Si tu arrives à me donner le bon nom, je t'aiderai à te venger de lui et je saurais le persuader de ne rien balancer, pour tes photos, tu peux compter sur moi.

— Pourquoi j'accepterai ? Qui me dit que tu tiendras ta parole ? Après tout tu m'as menti et trahi toi aussi, alors pourquoi je te croirai ?

— Pour la simple et bonne raison que tu es seul dans cette histoire et que tu ne trouveras jamais si personne ne t'aide. Je ne peux rien te dire, mais crois-moi, celui qui te harcèle n'est... pas un petit débutant qui va se vendre tout seul. Si tu continues seul, il finira par ruiner ta carrière. Qui voudrait d'un photographe qui ne sait même pas garder ses œuvres en sureté ? Et puis, pense à ton père, que dira-t-on de lui quand tout le monde saura ?

Son père était vraiment son point sensible et Simon semblait l'avoir remarqué. Même s'il détestait Simon en cet instant, il se dit qu'il n'avait plus rien à perdre, alors pourquoi ne pas essayer ?

Accepter ? Ne pas accepter ?

— J'accepte, mais sache qu'en aucun cas je ne t'ai pardonné et, pour moi, plus jamais tu ne pourras redevenir une personne de confiance, ni même un ami.

Isaia crut apercevoir une lueur de tristesse dans son petit sourire.

— Très bien. Je comprends.

Ils se jaugèrent un instant, avant que Simon ne lui attrape son téléphone, qui était posé sur la table.

— Hey !

— Première règle, change ton code et mets quelque chose d'impossible à trouver, même pour des gens qui te connaissent bien.

Isaia lui arracha son téléphone des mains et partit sans aucun mot. Il n'avait rien à dire aux traitres, à part qu'il les haïssait. Il avait l'impression de les collectionner, en ce moment.

— Isaia ! entendit-il derrière lui.

Le châtain se retourna et tomba nez à nez avec une autre tête brune.

— Je viens de te voir avec Simon et ça n'avait pas l'air d'aller. Tu vas bien ? questionna Ilyes.

— Putain, vous ne pouvez pas vous mêler de ce qui vous regarde, non ? C'est quoi votre foutu problème ? s'énerva Isaia.

— Euh... désolé, je ne voulais pas t'énerver, ma question était indiscrète.

Le châtain ferma les yeux un instant et soupira. Il s'était importé sur lui alors qu'apriori, il ne lui avait rien fait, si ce n'était s'inquiéter.

— Je me suis emporté... Dis, j'ai une question à te poser : est-ce que... tu voudrais bien poser pour moi ? demanda-t-il soudainement.

Ilyes pouffa légèrement.

— Il y a deux secondes, tu étais prêt à m'étriper et maintenant, tu me demandes de poser pour toi.

Le brun pencha sa tête sur le côté, un petit sourire aux lèvres.

— T'es amusant.

Isaia se sentit gêné et passa une main dans ses cheveux, nerveux. Il ne lui en voulait pas, de lui avoir mal parler ?

— Excuse-moi, je suis sur les nerfs ces temps-ci.

Ilyes hocha la tête.

— Je comprends, avec ce qu'il s'est passé avec Ethan...

— Mmh, tu... serais ok, alors ?

— Bien sûr ! Mon premier shooting, c'est excitant, sourit-il.

— Ton premier ? J'y crois pas, avec le physique que tu as fait, c'est sûr et certain que tu as dû en faire des tonnes.

Ilyes rit de nouveau et se pencha vers Gianni pour capter son regard et le taquiner :

— Oh, dois-je en conclure qu'Isaia Gianni me trouve beau ?

Isaia se sentit en détresse total, il ouvrit la bouche pour parler mais la referma aussitôt, il ne savait même pas quoi lui répondre !

— Je te taquine, Gianni, ça serait avec grand plaisir. Tu seras mon tout premier, je n'ai jamais fait ce genre de chose !

Le châtain fut perplexe quant à sa dernière phrase mais la chassa rapidement de sa tête. 

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