Chapitre XV.

     Isaia était furieux que ce cinglé ait osé lui poser ce genre de questions super intimes ! Pour qui se prenait-il ? N'avait-il donc aucune limite ? Il ronchonna entre ses dents, dire qu'il en avait marre de cette situation était un doux euphémisme. Pendant une seconde, il avait songé lui envoyer un message en lui disant de faire ce qu'il voulait avec ses photos, avant de se reprendre et se dire que ce n'était vraiment pas une bonne idée.

Il bondit de son lit pour rejoindre la salle de bain. Face au miroir, il grimaça en voyant l'état de son visage, lèvre fendue et hématome sur la pommette, sans compter sur les bleus qui étaient apparus sur son corps. Il leva son t-shirt et remarqua des traces sur son torse dont la couleur n'inaugurait rien de positif.

A vrai dire, le châtain n'était pas quelqu'un de nature violente, ses parents l'avaient éduqué avec la fameuse phrase « la violence ne résout rien », mais ces temps-ci, il se sentait perdre patience et toutes bonnes attitudes qui le caractérisaient en temps normal disparaissaient.

Il posa ses doigts sur l'arête de son nez et couina aussitôt, celui-ci le faisait souffrir, tout comme l'énorme hématome qui se trouvait juste en-dessous de ses côtes. Il se promit d'aller chez le médecin si ses douleurs persistaient.

Heureusement pour lui, son père ne rentrait pas avant un moment, il ne souhaitait pas se montrer dans cet état. Celui-ci s'était déjà bien trop inquiété pour la fois où il était rentré complètement bourré en pleine semaine, il ne voulait pas lui infliger ça en plus. Et puis, il comprendrait qu'il se passe quelque chose au lycée et il refusait catégoriquement qu'il soit au courant de cette histoire.

Le jeune-homme regagna sa chambre et se détendit en écoutant des musiques douces de sa playlist. Truth untold, Aurora, Can't you see me, the night we met...

Isaia ne put s'empêcher de se prendre une cigarette et la consommer. Il ne voulait penser à rien. Ni à son maître-chanteur, ni à ses soi-disant amis, ni aux événements récents, ni à cette soirée qui approchait.

Il finit par s'endormir mais sa nuit fut ponctuée de cauchemars et de réveils incessants. Etrangement, aucuns ne concernaient son harceleur, mais plutôt une période de sa vie qui l'avait détruite. Il y pensait moins, avec ses problèmes de photos volées, mais son subconscient était là pour lui rappeler.

     Au petit matin, la première chose qu'il fit, fut de prendre son téléphone et de chercher un nom bien précis dans ses contacts. Tous ses souvenirs en tête lui avaient rappelés à quel point cette personne lui manquait énormément et qu'il avait besoin de la voir, le plus vite possible. Il finit par lui envoyer un message, lui demandant de venir dès qu'elle le pourrait. Quelques minutes après, il obtint une réponse positive, suivit d'une horde de smileys représentaient tous la joie.

Il se rendormit après avoir reçu ce message, l'esprit légèrement apaisé. Il avait désactivé son réveil, ne souhaitant pas aller en cours. Il avait besoin de prendre l'air, de s'éloigner de cet environnement toxique et angoissant qu'était devenu le lycée.

     Lorsqu'il se réveilla aux alentours de midi, il remarqua un nouveau message : « je suis là à 13h, j'ai tellement hâte de te voir <3 ». Isaia esquissa un faible sourire, il ressentit... une once de joie en lui, il n'avait pas ressenti ce sentiment depuis si longtemps.

Il se dépêcha de prendre sa douche et de se préparer, puis donna un coup de propre dans sa maison. Elle n'était jamais vraiment sale, étant donné qu'il vivait le plus souvent seul et que quand son père était là, il rangeait et nettoyait tout ce qu'il prenait et touchait.

Lorsqu'il entendit la sonnette de sa maison, il eut une petite appréhension et se frotta les mains, devenues moites sous le stress qui s'installa en boule, bien au chaud au fin fond de son ventre. Il était, néanmoins, très impatient de revoir ce visage qu'il n'avait pas vu depuis quatre ans.

À peine avait-t-il tourné la clé dans la serrure, que la porte se poussa toute seule et qu'un poids vint s'écraser sur lui, les emportant tous deux au sol. Pas étonnant, avec un homme de plus de quatre-vingts kilos et un bon mètre quatre-vingt-dix. Il ne faisait pas le poids face à lui.

— Isouuuuuuuu ! s'exclama une voix qu'il reconnut aussitôt.

De puissants bras encerclèrent sa taille et il put sentir aisément leur puissance, tandis qu'une joue s'écrasa contre la sienne.

— Tu m'écrases, idiot.

Les bras se resserrèrent sur lui et cette fois-ci, Isaia fut vraiment compressé, en plus d'être écrasé.

— Sélim, tu cherches à me tuer ou quoi ?

En réalité, il était rassuré de voir que Sélim se comportait exactement comme avant avec lui et ne semblait pas lui en vouloir pour ces années de silence, à le repousser pour ne pas le voir, lui et sa famille. Il espérait que cela reste ainsi et que son cousin comprenne la cause de son comportement. Sélim était un spécimen très étrange, imprévisible et très franc, il le saura rapidement.

La tête brune se releva enfin et Isaia pût détailler son cousin plus amplement. Il eut un pincement au cœur en voyant cette ressemblance qui était de famille. Ses cheveux bruns étaient tirés en arrière et retombés sur le côté de son visage, ses yeux étaient d'un vert perçant peu communs, ceux-ci étaient pétillant de malice. Son nez était droit, avec une légère bosse qui était une caractéristique dans sa famille. Son visage était symétrique et très beau. Sélim avait confiance en lui, ce qui lui rajoutait un charme certain.

Il était son portrait craché... Et Isaia se souvenait précisément de la raison pour laquelle il ne voulait pas le revoir.

— Tu m'as teeeeeeeellement manqué ! s'exclama-t-il comme un enfant, ce qui contrastait merveilleusement avec sa carrure.

Sélim était la personne qu'il aimait le plus au monde, après ses parents. Il parvint à briser les barrières de son côté réservé et non-tactile et le prit dans ses bras, le ramenant contre son corps.

Isaia eut un soupir de bonheur. Sélim était l'une des rares personnes à pouvoir lui apporter une joie incommensurable, tout comme une peine des plus terribles. C'était son paradoxe à lui, mais en même temps, il avait tellement besoin de lui. Il devait passer ce pas douloureux pour le retrouver et surmonter ses peurs. Après quatre ans, Sélim aurait pu lui balancer son poing dans la figure ou même refusé de le voir, mais c'était aussi une personne compréhensive et il n'abandonnerait jamais son cousin.

Au bout de quelques minutes, Isaia se sentit oppressé par tant d'affection et tenta de le repousser afin qu'ils se remettent sur pieds.

L'un face à l'autre, ils purent constater les centimètres qui les séparaient désormais d'une manière très flagrante. L'un était brun, immense et massif, l'autre était châtain, plus petit, à la carrure plus fine et svelte.

— Qui t'a fait ça ? questionna soudainement Sélim, tout en fronçant les sourcils.

Isaia semblait perdu par sa question.

— Ca, ajouta-t-il en pointant son visage violenté.

— Longue histoire, soupira Isaia.

Pendant une bonne partie de l'après-midi, ils se racontèrent les choses qu'ils avaient manqué dans la vie l'un de l'autre. Isaia apprit que Sélim avait obtenu son bac scientifique avec mention, son permis dans la foulée et était désormais en école d'art plastique. Il continuait à faire du rugby, ce qui n'était pas étonnant avec le corps qu'il avait. Il lui raconta même quelques anecdotes drôles avec ses conquêtes, le grand brun ne voulait pas se mettre en couple, il voulait profiter un maximum de sa jeunesse. Quant vint au tour de parler de sa famille, il resta vague et dit juste que tout allait bien. Il parla de sa petite-sœur comme si elle était toute sa vie et Isaia eut une pensée passagère : lui aussi aurait aimé avoir une petite-sœur ou un petit-frère. Cependant, il oublia aussitôt cette idée, il ne pourrait jamais en avoir.

— Et... ta mère, comment elle va ? demanda Isaia, s'avançant sur un sujet sensible.

Sélim le regarda comme si c'était une question piège et semblait lui demander silencieusement s'il souhaitait réellement parler de sa mère.

— Mh... ça va, elle commence petit à petit à se sortir de sa dépression, elle fait beaucoup de progrès, elle va mieux, ne t'en fais pas pour elle, finit-il par répondre, ayant jugé qu'il était prêt à entendre ses paroles.

Le châtain était rassuré, il savait que la mère de son cousin avait autant souffert que lui et de la savoir sur la bonne voie lui donnait du réconfort.

— Et toi ? demanda Sélim d'une petite voix tâtonnante, ne sachant s'il pouvait lui poser cette question.

Isaia sentit son cœur se serrer aussitôt. Il n'était pas prêt à en parler, ni avec lui, ni avec son père, ni avec qui que ce soit pour le moment.

— J'ai besoin de toi, Sélim, répondit Isaia, ignorant sa question.

Son cousin esquissa un léger sourire peiné, comprenant qu'Isaia ne lui donnerait pas de réponse et respecta son choix.

— Je t'écoute.

Isaia se mit à raconter son histoire avec son maître-chanteur, il n'omit rien, pas même le passage dans les toilettes ou la conversation qu'ils avaient eue la veille. Le brun écouta attentivement, haussant les sourcils par moment ou les fronçant, en signe de colère évidente.

— Attends, Mattéo était aussi dans le coup ?

— Il savait que c'était Ethan qui était à l'origine du changement des numéros, ouais.

— Putain, j'ai les nerfs, maintenant. Je vais aller les frapper, surtout cette merde d'Ethan.

— Sélim, je ne t'ai pas raconté ça pour que tu ailles tous les frapper un par un, je veux juste que tu m'aides.

— Comment ? demanda Sélim, ne comprenant pas là où il voulait en venir.

Isaia comptait jouer une nouvelle carte de son jeu, il était prêt à affronter cette endure aux côtés de Sélim. Son cousin était sa force, il se sentait mieux avec lui. Le châtain souhaitait l'emmener avec lui à ce week-end et ensemble, ils démasqueraient celui qui le faisait chanter.

— Est-ce que tu veux bien m'aider à trouver ce connard ?

— Bien sûr, Isou, quelle question !

Sans qu'il ne s'en rende compte, Sélim s'était approché de lui et lorsqu'il posa ses deux mains sur ses joues pour qu'ils soient face à face, Isaia sursauta.

— Isaia, je t'aiderai même à cacher un corps s'il le fallait.

Le châtain ne répondit rien, il se contenta de hocher la tête. Après tout ce qui venait de se passer, cela lui faisait un bien fou de parler à quelqu'un, d'évacuer tout ce qu'il avait sur la conscience. Et surtout, de pouvoir enfin avoir confiance en une personne.

— J'ai encore une question, après tout ce que je viens de dire... qui penses-tu être mon harceleur ?

— Isaac, lança-t-il aussitôt.

Isaia était surprit par la rapidité de sa réponse.

— Pourquoi lui ?

— Quand tu t'es battu avec Ethan, je me suis demandé ce que j'aurais fait et la réponse m'a paru évidente : j'aurais agi de la même manière qu'Ilyes. Je t'aurais arrêté avant qu'un surveillant démarque, étant donné que tu étais le seul à frapper au départ, tu aurais pris plus cher et tu aurais pu te faire virer. J'aurais essayé de te calmer. Et puis... la réaction d'Isaac est suspecte. Je pense qu'il aurait pu le retenir de te frapper quand tu étais maîtrisé par Ilyes, mais à la place, Isaac a quand même pu t'atteindre. Est-ce qu'Isaac l'aurait fait exprès ? Et enfin, le message qui s'ensuit et qui est clairement du côté d'Ethan, on comprend que les deux sont de mèche.

Il fit une pause, semblant réfléchir à la suite de cette analyse.

— De plus, Ilyes t'a tenu toi, imaginons que le surveillant arrive à ce moment, toi, tu es en incapacité de te défendre étant donné qu'une personne t'en empêche, en revanche, Isaac, lui, a tout le loisir de te frapper. Tu crois que le surveillant sanctionnera qui ? Le gars qui frappe un gars sans défense ou un autre qui se mange la fureur d'un fou sans répliquer ? On peut croire qu'Ilyes ait pensé aussi de cette manière. Finalement, il n'y a que des côtés positifs pour Ilyes et très peu pour Isaac, surtout que tu as dit qu'il t'avait lancé un regard noir durant cette altercation.

Isaia écouta attentivement son discours, à vrai dire, il n'avait jamais réfléchi de manière aussi concrète. Sa haine aveuglait son jugement. Le raisonnement de son cousin était tout à fait probable.

— Mais dis-moi, tu ne serais pas un peu attiré par Ilyes ?

Le châtain s'empourpra et crut s'étouffer avec sa propre salive.

— Ca va pas de dire ça ! Pourquoi tu penses que je suis attiré par lui ?

— J'sais pas, tu l'as décrit d'une manière très précise, je veux dire, physiquement, alors que les autres n'ont eu le droit à aucune description.

Isaia fut extrêmement gêné, il ne s'était même pas rendu compte qu'il avait fait la description d'Ilyes seulement.

— C'est juste car il ressemble à Johnny Depp dans ses bonnes années, c'est tout, se trouva-t-il comme excuse.

— M'oui, tu aurais juste pu me dire qu'il lui ressemblait, j'aurais compris, pas besoin d'ajouter des détails, rit-il doucement.

Isaia était clairement à court d'argument. Il détestait être acculé de la sorte. Il ne savait pas quoi répondre et laisser Sélim avoir raison lui confirmerait son attirance envers Ilyes. Et ça, jamais !

— Arrête de prendre tes fantasmes pour la réalité, lâcha-t-il en détournant le regard, ronchon.

Cette fois, son cousin rit franchement mais n'ajouta rien.

Ce n'était pas vrai, Ilyes ne l'attirait pas. Il trouvait juste qu'il avait un visage photogénique, tout simplement.

Aucun attirance, zéro.

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