Chapitre XIX


Voilà une bonne heure qu'ils étaient entrés dans cette grande maison en bord de mer, après avoir salué tout le monde, qui se composait des sept suspects bien entendu ainsi que Simon et d'autres personnes, qu'Isaia devinait être des amis à Théo. D'ailleurs dans ce petit monde, se trouvait une fille, qui ne devait pas dépasser le mètre soixante-cinq. Elle avait les cheveux châtains foncés, plus bruns que ceux d'Isaia, des yeux noisette en amande, des sourcils joliment arqués, un petit nez et une bouche un peu trop fine pour une fille. Elle était habillée avec un jean bleu simple, un t-shirt basique et par dessus celui-ci se trouvait une veste de sport qui s'accordait avec ses baskets. Elle avait un peu le style garçon manqué. Elle n'était pas magnifique, mais elle dégageait un petit truc qui la rendait agréable.

Et là vous vous demandez pourquoi cette description la fille ? Hé bien il s'avérait que celle-ci dévisageait littéralement Isaia.

Elle était assise sur un canapé, entre deux garçons qu'Isaia ne connaissait pas, tandis que le châtain était sur le canapé d'en face, avec à ses côtés Sélim et Fabien.

Il avait même cru qu'elle ne le regardait pas lui, mais plutôt Sélim ou encore Fab, mais non, son regard était scotché sur Isaia. Elle le fixait d'un air neutre et c'était vraiment perturbant et gênant pour lui qui ne savait pas le but de cette observation.

Isaia posa le verre qu'il avait dans les mains sur la petite table d'en face et partit sans rien dire. Personne ne remarqua car des petits groupes s'étaient formés et ils parlaient entre eux.

Il monta au premier étage, car il y en avait deux, et entra dans la chambre qui lui avait été attribué ainsi qu'à Sélim, Ilyes et un ami à Théo. À quatre dans une chambre, heureusement qu'il ne dormait ici que deux nuits.

Il s'assit sur le lit en soupirant et sortit son téléphone, cherchant le numéro de son père. Au moment où il colla son smartphone à son oreille, Ilyes entra dans la chambre.

- Ah t'es au téléphone, remarqua-t-il.
- Euh ouais.
- Ça te dérange si je reste ?
- Non, t'inquiète.

Ilyes lui sourit et s'allongea sur le lit, juste derrière le châtain.

- Allô ? Oui je suis bien arrivé... Oui t'inquiète, c'est vraiment une super belle maison et il y a la mer juste à côté... Bien sûr que j'irai ! Bon je te laisse, fais attention à toi... Oui t'en fais pas, oui à lundi.

Puis il raccrocha. Il entendit soudainement Ilyes rire, il se tourna alors vers lui et constata qu'il était sur le dos, les mains derrière la tête et les yeux clos. Il admira un instant son ventre qui était creusé par sa position et masqué par son t-shirt. Il fixa le mouvement que provoquait sa respiration et eut presque envie de passer une main dessus par pure curiosité. Il réprima vite cette pensée de son esprit, qu'il jugea trop étrange.

- Ton père est un papa poule, je me trompe ? Demanda-t-il, toujours les yeux fermés.
- Un peu.

Il y eut un silence. Décidément, quand il se retrouvait avec Ilyes, il y avait toujours des moments de silence.

- Dis Isaia, je voulais te parler seul à seul.

Isaia eut soudainement peur, il ne savait pas vraiment pourquoi, mais il sentait que ça n'allait pas lui plaire. Le ton qu'avait employé Ilyes était étonnement très sérieux.

Il ouvrit les yeux et se releva légèrement sur ses coudes, plongeant son regard noir dans celui bleu foncé d'Isaia. Les sourcils du brun étaient légèrement froncés, ce qui lui donnait d'autant plus l'air circonspect.

- Je me disais souvent que...

Il interrompit sa phrase là, la laissant en suspend.

- Que ? Continua Isaia, impatient.

Son ventre se noua et il vit Ilyes se relever lentement, très lentement. Comme si tous ses gestes étaient calculés à l'avance, ce qui lui rappela un trait de caractère de son bourreau.

Leurs regards étaient toujours plongés l'un dans l'autre, aucun des deux ne flanchait. Une bulle s'était formée et les deux garçons étaient comme enfermés dans celle-ci, plus rien n'existait autour.

Quelques heures plus tôt, Isaia s'était dit qu'il n'imaginait guère Ilyes manipulateur, cassant voir méchant, mais il en était tout autre à présent. C'était comme si Ilyes décidait de lui montrer l'autre facette de sa personnalité. Il n'avait encore jamais vu cette expression sur son visage, il avait toujours vu le Ilyes souriant, blagueur et sympathique, mais jamais le Ilyes à l'expression si... Réfléchie, attentive. Il avait l'impression de voir une tout autre personne.

Ilyes leva une main dans sa direction et effleura sa joue, Isaia se sentit rougir violemment.

À quoi jouait-il ?

- Que je ne te voyais jamais sourire, ni rire. Je ne sais même pas à quoi ressemble ton rire.

Après avoir lâché cette phrase, Ilyes sourit de façon malicieuse, il ne donna même pas le temps au châtain d'encaisser qu'il lui sauta dessus spontanément et l'immobilisa à l'aide de son corps, se positionnant à califourchon sur lui. Il passa ses mains sur son ventre et dans son cou, le chatouillant.

- Mais on va y remédier ! Dit joyeusement le brun avec un large sourire qui dévoilait toutes ses dents.

Trop surprit, Isaia ne rit pas au début, mais à force de mouvements répétitifs sur des zones sensibles, il se sentit sourire, puis au bout de quelques secondes, il rit. Laissant exprimer ce son que rares étaient les personnes qui l'avaient entendu.

Il essayait de se débattre mais pas moyen, Ilyes était beaucoup plus fort que lui, mais aussi car il était occupé à rire à gorge déployée. Leur position changea plusieurs fois, mais le brun avait toujours le dessus, fouillant son corps à la recherche d'endroits sensibles, et Isaia se surprit même à rire quand les mains d'Ilyes se baladèrent sur son ventre.

Les deux corps entraient violemment en contact, ils se mouvaient l'un contre l'autre, les membres s'entremêlaient et les souffles erratiques s'échouaient sur les visages.

- A... Arrête... Ilyes, eut du mal à prononcer Isaia, littéralement assailli par ses rires incessants ainsi que par ceux d'Ilyes.

Mais celui-ci ne l'écouta pas et continua à le torturer de chatouilles.

Au bout de quelques minutes, Ilyes attrapa fermement les poignets d'Isaia et les plaqua au dessus de sa tête, sous le regard incompréhensif du châtain. Son visage était près du sien, encore un peu et ils se touchaient. C'est seulement quand Ilyes fit un mouvement de bassin qu'Isaia retint sa respiration, une sensation étrange lui dévorant peu à peu le ventre.

- Ton rire est très communicatif, tu devrais plus souvent te laisser aller, lâcha Ilyes, toujours un sourire collé aux lèvres.

Les joues du photographe se teintèrent de rouge doucement. Cette phrase renforça l'impression qui se baladait dans le creux de son ventre. Il eut une irrésistible envie de bouger ses hanches et de sentir... Celles d'Ilyes, étant sûr que ça lui procurerait du bien, aussi fou que cela puisse paraître.

Isaia ne savait où poser le regard sur Ilyes, passant de ses yeux sombres à sa bouche étirée. Il sentait le souffle du brun se mêler au sien et cela lui injecta mille frissons.

Le visage d'Ilyes se rapprocha un peu plus et, cette fois, Isaia ressentit une montée de chaleur se disperser sur la totalité de son corps.

Mais que lui arrivait-il ? Pourquoi se sentait-il si déconcerté ?

- Mais j'ai remarqué autre chose, murmura Ilyes, si prêt de son nez qu'il sentait l'haleine alcoolisée de celui-ci.

Il dévia son visage vers son oreille et le châtain resta paralysé par ce geste. Inconsciemment, il enfonça un peu plus sa tête dans le coussin, offrant son cou au brun.

- À chaque fois que je m'approche de toi ou que je prononce certains mots, tes joues deviennent joliment rouge, susurra Ilyes à son oreille, et je trouve ça très mignon, ajouta-t-il d'une façon très... Sensuelle.

Le châtain frissonna de partout, jamais il ne s'était senti de cette manière, ni même ne s'était retrouvé aussi proche d'un homme. Si ça avait été une femme, cela aurait parut moins étrange, on aurait pu penser qu'elle le draguait et qu'ils allaient finir par s'embrasser, mais là, c'était deux hommes.

Isaia n'imaginait pas une seconde l'embrasser... En fait si, il l'imaginait, mais c'était tellement incongru ! Mais en même temps, il se demandait quel goût ça avait...

Ilyes releva la tête, mais son sourire avait disparu. Il se redressa, mais resta tout de même à califourchon sur son bassin. Il bloqua quelques secondes sur ses yeux et se pencha sur le côté, attrapant la veste d'Isaia. Celui-ci observa chacun de ses mouvements, qu'il trouvait étonnamment très gracieux pour un homme. Il vit Ilyes sourire avant qu'il ne sorte un paquet de cigarettes de sa poche, ainsi qu'un briquet.

- Ah les fumeurs, toujours leur drogue sur eux, constata le brun en souriant.
- Qu'est-ce que tu fais ? Demanda Isaia, qui avait retrouvé miraculeusement la parole.

Il l'observa tirer une cigarette et reposer le paquet dans sa poche. Il alluma le briquet et mit le bout de la clope sur la flamme. Puis il porta la drogue à sa bouche. Isaia le regarda aspirer une latte, puis celui-ci toussota frénétiquement juste après.

- C'est la première fois que tu fumes ? Questionna le châtain, un temps soit peu amusé.
- Ouais, dit-il difficilement, je me suis toujours demandé quel goût ça avait, ajouta-t-il.
- Et donc ?
- C'est dégueulasse, rit Ilyes.

Le châtain le suivit, et ils se regardèrent rire tout les deux. Comme deux amis le feraient pendant un moment de complicité.
Ilyes donna un petit coup sur le ventre à Isaia.

- Mec pourquoi t'as commencé cette merde ?

Rien qu'à cette phrase, le châtain eut le regard qui s'assombrissait. Il tourna un peu la tête, fixant le mur blanc en face. La tristesse prenant la place de la sensation étrange qu'il avait ressentie quelques minutes plus tôt. Et bizarrement, il avait préféré ce que lui avait procuré Ilyes.

- Oh, désolé, c'était indiscret, dit Ilyes, déduisant le malaise qui s'était installé entre eux.
- Non c'est rien, tu pouvais pas savoir, soupira Isaia.

Le châtain prit la cigarette de sa main et commença à l'entamer, relâchant de la fumée entre eux, qu'Ilyes regardait attentivement.

- J'ai commencé il y a quatre ans, finit par avouer Isaia, après ce qui lui semblait être une éternité.

Le brun se tut, il hocha juste la tête en guise d'accord, ne voulant pas interrompre son ami et le laisser se confier.

- À... À la mort de...

Isaia laissa sa phrase en suspend, n'arrivant pas à la continuer, ne trouvant pas la force nécessaire de la finir. Il ne l'avait jamais dit à haute voix. Il avait l'impression que si il prononçait cette maudite phrase, elle ne serait plus jamais là, en choisissant de ne pas la dire, elle restait à ses côtés, quelque part où Isaia ne la voyait pas, mais ne l'oubliait pas et pensait encore à elle.

Elle était constamment là, dans sa tête. Elle ne l'avait quitté que physiquement.

- Ta... Maman ? Dit tout bas Ilyes, comme si il prenait ses précautions et que parler trop fort aurait fait fuir le lycéen.

Isaia reprit une bouffée avant de hocher faiblement la tête. Le cœur devenu lourd, il sentit ses yeux piquer et son ventre se contracter douloureusement. Il espérait qu'Ilyes ne lui pose pas de questions, car il se sentait incapable de répondre, ne serait-ce que d'ouvrir la bouche. Il était arrivé à se retenir de pleurer devant Sélim, il y arriverait devant Ilyes.

Tout à coup, la porte de la chambre s'ouvrit en grand, laissant apparaître un Sélim surprit, et Isaia se demanda pourquoi il faisait de gros yeux, avant de se rappeler qu'Ilyes était assis sur lui, de façon très explicite, et qu'ils avaient tous les deux les cheveux ébouriffés de leur bataille de chatouilles.

Merde à quoi allait-il penser ?

Et en même temps, voir le visage de Sélim lui procura un énorme réconfort et encore une fois en deux jours à peine, il avait besoin de prendre Sélim dans ses bras. Et ce besoin incessant de le sentir contre lui commençait à sérieusement l'inquiéter.

Depuis que Sélim était revenu, Isaia était beaucoup plus émotif et pensait plus à ce drame. En même temps, Sélim ressemblait comme deux gouttes d'eau à sa mère.

En réalité, sa mère et celle de Sélim étaient jumelles, et Sélim avait tout prit de sa mère, donc de celle du châtain par la même occasion.

Voilà pourquoi Isaia et son père avaient énormément de mal à regarder Sélim, ils voyaient en lui l'être aimé décédé. Après l'enterrement, Isaia avait refusé de revoir son cousin et son père ne communiquait plus que par téléphone avec la sœur de sa femme pour prendre des nouvelles.

La mère de Sélim était partie en dépression, et ce depuis un peu moins de deux ans, ne se remettant pas de la mort de sa jumelle avec qui elle était très proche. Le père d'Isaia avait beaucoup souffert aussi, la semaine suivant sa mort, il était parti, il avait fuit cette souffrance, partant en Italie. Il avait d'ailleurs proposé à Isaia de venir, mais celui-ci avait refusé. Tous les jours, Isaia se rendait sur la nouvelle tombe du cimetière et y passait des heures à pleurer. Il se rappellera toujours des litres et litres d'eau qu'il avait déversés. Toute cette souffrance terrible.

- Je vous laisse, le coupa Ilyes de ses pensées.

Le châtain revint brutalement sur terre, et regarda le brun se relever de son bassin, il ressentit un froid là où il avait posé ses fesses auparavant. Juste avant de sortir, il se tourna vers Isaia, le regard triste, et dit :

- On se voit tout à l'heure.

Le photographe hocha la tête, et Sélim pût entrer. Un sourire aux lèvres, il se lança sur le lit et grimpa sur les cuisses d'Isaia, remuant ses fesses de façon comiques.

- Oh Isaia, oh oui mmmmh ! Simula Sélim en penchant la tête en arrière et ouvrant la bouche.

Ce qui réussit à soutirer miraculeusement un maigre sourire à son cousin.

- Espèce d'idiot, l'insulta gentiment Isaia, c'est dans l'art du spectacle que tu aurais dû faire tes études, continua-t-il.

Sélim partit dans un fou-rire.

- Alors c'est bon ? Vous avez assumé votre côté homosexuel ? Taquina Sélim.
- Arrête de dire n'importe quoi.
- Non plus sérieusement, c'était quoi cette position grave ambiguë Isou ? Et n'ose pas me dire qu'il ne s'est rien passé parce que la dernière fois que quelqu'un était au dessus de moi comme l'était Ilyes sur toi, c'était mon ex, dit malicieusement son cousin, et je te passe les détails sur ce qu'on faisait, ajouta-t-il avec mesquinerie.

Isaia reporta sa cigarette à sa bouche.

- Il ne s'est rien passé, on s'est juste... Bataillé, d'où sa position, puis ensuite on a parlé, et je crois que tous les deux, on avait oublié la position dans laquelle il était.
- Ah on me la fait pas à moi ! Un mec se mettrait jamais comme ça sur son pote Isaia. Alors dis moi, t'as ressenti quoi ? Appuya Sélim en lui faisant un clin d'œil.
- Qu'est-ce que j'ai ressenti ? Demanda Isaia, ne comprenant pas où voulait en venir son cousin.
- Bah ouais, quand vos bassins se sont rencontrés, répondit Sélim en riant.

Isaia sentit encore ses joues chauffer. Devait-il lui dire qu'il avait retenu son souffle quand Ilyes avait bougé des hanches par mégarde ? Devait-il lui dire que pendant l'espace d'une demi-seconde, il avait eut envie que celui-ci remue son bassin sur le sien pour voir quelle sensation cela allait lui procurer?

- C'est... Un ami, Sélim.

Non, il était trop gêné pour tout lui avouer. Et aussi car il ne savait pas à quoi toutes ces pensées correspondaient.

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