Chapitre V


          Recroquevillé dans son lit, Isaia ne cessait d'entendre son téléphone vibrer contre le bois de son bureau. Complètement épuisé, il finit par l'éteindre, espérant que cela le libère de ses pensées afin qu'il puisse trouver le sommeil. Peine perdue, la soirée le hantait. Il se repassa en boucle les événements de celle-ci, le fait d'être obligé de faire une chose qu'il ne voulait pas. Il se sentait enchaîné, comme l'esclave d'une personne.

Lorsqu'il finit par s'endormir des heures après, il fit un cauchemar. Une sorte d'ombre maléfique le suivait partout, jusqu'à ce qu'il se réveille en criant, après avoir entendu un murmure glaçant dans son oreille : « je suis plus proche que tu ne le penses ».

Isaia se leva d'un bond, le cœur battant à un rythme effréné. Cette phrase lui avait donné des sueurs froides. Il traînait cet inconnu jusque dans ses rêves.

 Il se demandait ce qu'il avait fait pour mériter ça. Le jeune lycéen n'avait jamais fait de mal à qui que ce soit, d'ailleurs, il n'avait que très peu d'amis et parlait rarement avec des personnes qu'il ne connaissait pas. Son entourage se résumait à son groupe d'amis : Mattéo, Ethan, Jérémy et Louis. Isaia avait toujours été un enfant solitaire, ayant très peu d'amis durant toute sa scolarité, de la maternelle jusqu'au lycée. On l'avait même qualifié d'anti-social. Il n'avait juste pas envie de se faire des amis, il se complaisait très bien seul. 

Il lui arrivait parfois d'observer sa bande et de se dire que cela devait être plaisant, d'être social, drôle, ouvert à tout le monde, mais ce n'était pas lui. Il était ce genre de personne à s'enfermer dans sa chambre pour faire ce qu'il aimait, comme lire ou encore travailler ses photos.

Les cauchemars s'étaient succédé durant le reste de la nuit, lui retirant bon nombre d'heure de sommeil. Malgré ses énormes cernes noires le matin venu, il décida d'aller courir. Il avait besoin de prendre l'air et de libérer tout le stress qu'engendrait cette histoire.

     Il passa tout son dimanche avec son père, leurs retrouvailles lui faisaient tellement de bien et lui permettait d'oublier un temps soit peu son maître-chanteur. Ils bavardaient de ses voyages, de photographies et bien d'autres choses encore. Isaia savait qu'il manquait énormément à son père. Ils avaient une relation très douce et basée sur l'amour et le respect de l'autre. Le châtain aimait tant son père, c'était grâce à lui qu'il gardait la tête haute et qu'il se fichait de ce que pensait les autres.

Celui-ci avait mainte et mainte fois répéter à quel point il était fier de son fils et c'était l'une des raisons pour laquelle il ne souhaitait pas parler de son problème au lycée. Il ne voulait pas que son père s'inquiète, il se disait qu'il réglerait ça seul, comme un adulte.

Certes, cette première expérience avait été infructueuse, mais il n'avait rien fait non plus pour découvrir qui était cette personne qui se jouait de lui. Il allait la retrouver et lui faire payer.

Il devait commencer à faire des recherches, à observer son entourage, à analyser les comportements.

Avant d'aller se coucher, il inspira un bon coup pour se donner de la force et regarda son téléphone, où une multitude de messages défilaient sur son écran.

« Le grand Isaia Gianni a-t-il peur des hommes ? »23:26

« Reviens sinon tu sais ce qu'il t'attend. »23:35

« Je vais devoir te punir. » 00:10

« Qui aurait cru que Gianni avait une phobie d'embrasser un pauvre mec ? » 01:37

« Premier jeu, première déception. Moi qui croyais m'amuser avec toi... Je me dis que finalement, je devrai directement balancer les photos, voir ta réputation être ruinée avant même qu'elle n'ait débuté, pop-corn en main. J'hésite. » 03:12

« Dis-moi, Isaia, veux-tu réellement les récupérer ? Ou est-ce que je perds mon temps ? » 05:48

Six messages et dix appels manqués du même numéro. N'avait-il donc aucune vie, pour s'acharner autant sur lui en une nuit seulement ?

       Le lundi matin, il retrouva ses amis sur leur banc, avant le début des cours, et ceux-ci lui posèrent toujours la même question, à savoir : « on avait quoi comme devoirs pour aujourd'hui ? » pour une fois, Isaia ne savait pas. Il n'avait pas ouvert ses cahiers du week-end, trop occupé à penser à son harceleur et à discuter avec son père.

Lorsqu'ils entrèrent dans le bâtiment, Isaia remarqua très rapidement toutes les paires d'yeux qui le dévisageaient. Il ne mit pas longtemps à comprendre que sa punition lui avait été attribuée. Il se précipita vers le tableau des élèves, le cœur lourd et la boule au ventre et tomba sur un bout de papier, comme la première fois, avec une inscription différente : « ISAIA LE PETIT PUCEAU ».

Bouche-bée, il demeura quelques instants devant cette phrase, ne sachant comment réagir, jusqu'à ce qu'une exclamation le fit sortir de ses pensées. Ethan venait de lâcher un « oh putain » et son cerveau s'emballa. Il se retourna vers son ami et lui choppa le col, le regard furieux.

— Vous êtes les seuls à savoir pour les photos, alors comment ça se fait que ce connard les ait ? Tu peux m'expliquer ? cria Isaia, dont les nerfs venaient de lâcher.

Isaia regarda aussi ses autres amis, qui semblaient tous confus. Il resta plus longtemps sur Matteo, qui était celui qui savait le moins mentir, et vit son regard surpris et... embarrassé ? Il avait du mal à décrire ses expressions.

— J'en sais rien, tu deviens parano ! riposta Ethan avec entrain.

— Si j'apprends que vous y êtes pour quelque chose, je vous jure que vous me le paierez, menaça le châtain, telle une promesse.

Ethan ne répondit pas et Isaia le lâcha sans douceur. Il en avait fini pour aujourd'hui, de toute manière, il savait qu'il n'aurait rien de plus. Son harceleur cherchait sûrement à ruiner sa réputation au lycée, mais il préférait ça plutôt qu'il n'aille balancer ses photos.

   Sur la route pour rejoindre sa salle de cours, son téléphone vibra dans sa poche.

« Mon message t'a plu ? Pauvre Ethan. » 07:58

Isaia vrilla en lisant ce message, ce sale petit con prenait plaisir à l'enrager. Néanmoins, une petite ampoule s'illumina dans sa tête : son harceleur venait de lui donner un indice capital sur son identité. Il n'y avait que les premières et terminales qui avaient cours ce lundi, tous les secondes étaient partis pour une journée découverte des musées de la région, passage obligatoire en entrant dans ce lycée.

Ses recherches pouvaient donc se centrer, sachant que les secondes étaient majoritaires, cela l'aidait un peu. Il savait que son maître-chanteur était un terminal ou un première, comme lui.

« Est-ce qu'on a déjà parlé ensemble ? » 08:00

« Probable. » 08:02

    Pendant son premier cours, Isaia pensa à tous les mecs avec qui il avait parlé au moins une fois. Il prit une feuille et écrivit les prénoms dont il se souvenait.

Dans sa liste, se trouvait : Fabien, Dimitri, Raphaël, Laurent, Théo, Neal, Tristan, Mathieu, Julien, Isaac, Lorenzo, Ilyes, Nasrin, Noah et Killian.

Il y avait ceux à qui il serrait la main le matin parce que c'étaient des potes des siens ou encore ceux à qui il avait parlé durant une soirée. Il n'avait le numéro d'aucun d'entre eux. Il n'avait qu'à leur demander leur numéro et celui qui refusera sera susceptible d'être son maître-chanteur. Il avait exclu toutes filles car il avait discuté avec aucunes.

Il commença son plan dès dix heures, sa première victime fut Noah. Il lui donna son numéro sans hésiter quand le châtain le lui demanda, un sourire aux lèvres. En entrant les chiffres qu'il lui épelait dans son téléphone, son cœur commença à s'accélérer, il craignait la similitude entre les deux numéros. Noah réussit le test haut la main et le châtain pouvait rayer son prénom de sa liste. Enfin, tout ceci reposait sur une maigre information non-vérifiée et prenait en compte qu'Isaia lui ait déjà parlé.

     En fin de journée, il avait réussi à récolter tous les numéros, en revanche, si tous s'étaient prêtés au jeu, certains avaient eu l'air suspect.

Isaia avait bien observé chaque réaction et sept lui avaient semblé très étranges. L'un était nerveux, l'autre souriait beaucoup trop, quand un autre avait mis du temps avant d'énoncer son numéro.

Les yeux devant sa liste, sept prénoms restaient intactes : Raphaël, Nasrin, Fabien, Théo, Ilyes, Isaac et Mathieu.


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