Chapitre IX


       Comme Isaia le pensait, cette journée fut d'une lenteur surhumaine. Cependant, Mattéo lui déballait sa vie avec un débit infernal et le châtain ne s'en plaignit pas, son ami lui changeait les idées. Il appréhendait énormément le rendez-vous, il avait peur que son bourreau ne lui fasse faire des choses comme en boite de nuit, la dernière fois. Il était effrayé à l'idée qu'il recommence à jouer avec lui d'une manière horrible et sans aucun sens moral.

— Eh oh, tu m'écoutes, Is' ?

Isaia se tourna vers son interlocuteur, il avait perdu le fil de la conversation, perdu dans ses pensées.

— Tu disais ?

Le petit soupira.

— Super, Dis le si ce que je dis ne t'intéresse pas, dit-il d'une voix boudeuse.

Isaia s'en amusa. Son ami avait l'air d'un enfant, avec cette expression. Il ne se rendit pas tout de suite compte que Mattéo s'était penché sur lui, son visage à quelques centimètres du sien. Isaia se recula brusquement lorsque Mattéo ouvrit la bouche pour dire :

— Tu penses à quoi, Gianni?

Le photographe aplatit sa main sur sa joue afin de repousser son visage à bonne distance.

— Vas-y, dis que j'ai mauvaise haleine !

L'impassible Isaia esquissa un sourire. Il se demandait s'il paraissait normal, lorsque ses lèvres s'étirer, étant donné qu'il souriait une fois par an, maximum.

— Tu as mauvaise haleine.

Mattéo souffla, désespéré par son ami. Isaia profita de son air renfrogné pour le regarder.
Il avait des cheveux noirs de jais, la peau métissée de part un père marocain et une mère française. Ses yeux bleus étaient la première chose que l'on remarquait en le voyant, surmontés par de longs cils bruns. Il avait une belle bouche bien dessinée et un nez épaté. Autant dire, Mattéo était un garçon très correct pour la société, le seul souci, était sa très grande timidité. Il lui arrivait rarement d'être franc, pour éviter de froisser qui que ce soit.

Isaia lui portait un attachement tout particulier. Peut-être parce que Mattéo avait toujours été extrêmement gentil et bienveillant avec lui. Aussi étonnant que cela puisse paraître, c'était Mattéo qui avait fait le premier pas, lorsqu'ils s'étaient retrouvés dans la même classe en seconde. C'était également grâce à lui qu'Isaia avait une bande d'amis, qui, d'ailleurs, avait tous été surpris en apprenant que Mattéo s'était fait un ami.

Malgré qu'ils ne soient plus dans la même classe, Mattéo étant en S et Isaia en ES, ils continuaient à passer toutes leurs pauses ensemble.

— Je déconnais, pour ton haleine.

— M'oui.

Mattéo était surnommé le « petit » car il avait des réactions d'enfant, mais aussi car c'était le plus petit, en taille, de la bande.

— Tu es plus beau quand tu souris, tu sais ? lâcha-t-il de but en blanc.

Isaia passa sa main dans ses cheveux et frotta sa paume contre son crâne, emmêlant ses cheveux mi-longs.

— Ne dis pas ce genre de chose.

— Pourquoi pas ?

— Parce que ce sont des phrases de mec amoureux, balança Isaia.

— Le pauvre, s'il l'était, il serait bien malheureux vu comme tu es coincé du cul.

Mattéo et Isaia se retournèrent vers la voix qui était venue s'ajouter dans leur conversation.

— Ethan, lâcha Isaia d'un ton irrité.

— En chair et en os ! répondit celui-ci, un grand sourire placardé sur son visage.

Isaia ne trouva pas l'intérêt de répondre. Il s'en fichait bien, de ce que pouvaient penser les gens. S'il le jugeait « coincé du cul », grand bien lui fasse. Il préférait être comme ça, que comme eux, à baver devant une paire de fesses qui passent devant leurs yeux.

Les deux garçons se levèrent pour rejoindre leur classe respective, lorsqu'il reçut un message.

« Hâte de finir les cours ? » 12:58.

Le châtain soupira et roula des yeux. Il décida de ne pas répondre, cela n'en valait pas la peine. Ces marques de provocations commençaient réellement à lui taper sur les nerfs.

Il savait ce qui l'attendait après les cours : il allait subir la folie de son maître-chanteur. Il allait devoir prendre sur lui et contenir toute cette rage qu'il avait accumulée depuis qu'il avait vu ce foutu bout de papier sur le tableau des lycéens.

Que lui avait-il préparé, cette fois ? Isaia en eut des sueurs froides rien que d'y penser. Il espérait du plus profond de son cœur pour que ce soit une chose supportable, malheureusement, il doutait fort de cela avec un bourreau qui lui semblait psychopathe.

Ses cours de l'après-midi, en revanche, passèrent très vite, faisant monter la pression chaque minute passée.

Le châtain se précipita en dehors de sa salle de classe lorsque la sonnerie de fin de cours retentit. Il n'avait pas hâte, non, il avait juste peur d'être en retard et que son harceleur lui en fasse payer les conséquences.

Mais lorsqu'il passa les portes de l'établissement, des voix l'interpellèrent. Une fois retourné, il constata avec surprise que les sept suspects étaient tous réunis et bavardaient entre eux.

— Viens mec, cria Mathieu.

Il s'apprêtait à refuser, n'ayant pas le temps, mais là encore, il trouvait cela étrange que, devant le lycée, se trouvaient les sept lycéens, ceux qui étaient le plus susceptible d'être le grand méchant. Isaia sentit son cœur rater un battement. Était-ce l'œuvre de son tortionnaire ? Il en était presque certain.

Alors qu'il hésita à les rejoindre, il reçut un message, confirmant ses pensées.

« Va donc les rejoindre. » 17:02

Il releva aussitôt sa tête pour voir qui était sur son téléphone, mais c'était peine perdue, certains étaient cachés par d'autre, il ne voyait pas tout le monde de là où il se trouvait.

Prudemment, Isaia s'avança vers eux, il serra chaque main pour dire bonjour, du moins, à ceux qu'il n'avait pas vu de la journée.

Isaia se retient de ne pas leur lancer de regard meurtrier, il savait bien qu'il n'y avait qu'un bourreau et que les autres étaient maintenant devenus des pions dans les mains d'un très grand manipulateur.

Il ne pût s'empêcher de tous les observer, un par un.

Isaia était très énervé, il se dit qu'il y avait sûrement son harceleur parmi eux et ça le rendait fou.

— Mec, ça va ?

Le châtain pencha la tête pour croiser les yeux de Mathieu.

— Ouais, aucun souci.

Il serra les dents. Et si c'était lui ? Après tout, il était le seul à remarquer qu'il était nerveux. Et pour pouvoir remarquer ça, il fallait savoir qu'Isaia avait justement des raisons de l'être.

— Bon, on va boire un coup, les gars ? lança Isaac.

Isaia se demanda ce qu'il devait faire ? Devait-il les suivre ou partir à l'endroit du rendez-vous ? Il regarda son téléphone et lut une seconde fois le message de son bourreau, qui lui disait d'aller les rejoindre. Cela devait être encore le cas, c'était probablement le nouveau jeu de son harceleur, de lui faire tourner la tête avec ses suspects en tête de liste.

Le châtain se demandait comment son maître-chanteur avait réuni tous ces lycéens, il n'était même pas sûr qu'ils se connaissent tous.

Tout à coup lui vint une idée en tête : il devait choisir une proie, la moins suspecte.

Alors qu'ils se mirent tous en route vers le centre commercial, qui était à quelques minutes de leur lycée, Isaia chopa Fabien et marcha plus lentement pour le tenir à l'écart du groupe.

— Qu'est-ce qu'il y a, Gianni ? demanda-t-il.

Isaia tiqua. Son maître-chanteur l'appelait justement Gianni.

— Dis-moi, pourquoi vous vous êtes rassemblés ? Je ne savais pas que vous étiez tous potes.

Isaia avait choisi Fabien car il avait l'air de se foutre complètement de cette sortie. Il semblait totalement désintéressé, le nez sur son téléphone, sûrement un train de regarder une vidéo.

— C'est Simon qui voulait qu'on se retrouve, mais finalement il a décliné à la dernière minute, apparemment, il avait un truc urgent à faire. Et quand on t'a vu tout seul, on s'est dit qu'on allait te faire venir avec nous, t'as l'air sympa comme mec mais tu ne parles jamais.

Isaia se força à un sourire, même si celui-ci devait plus ressemblait à une grimace.

Simon ? C'était Simon qui avait organisé ça. Pourquoi aurait-il fait ça ? C'est la boule au ventre qu'il se rendit compte que Simon était réellement impliqué dans cette histoire... De plus, Fabien avait dit " on ", il n'avait donné aucun nom quant à la personne qui avait voulu le faire venir et ça aussi c'était étrange. L'avait-il fait exprès ?

Fabien rejoignit le groupe et Isaia passa ses mains dans ses cheveux, son cerveau faisait des liens et en dénouait d'autres. Ils étaient tous coupables aux yeux d'Isaia.
Son téléphone se mit de nouveau à vibrer et il était sûr du destinataire avant même de l'ouvrir.

« Alors, lequel suis-je ? » 17:23.

Il serra tant ses dents qu'il crut que celles-ci allaient se briser sous le choc. Il l'insulta de tous les noms d'oiseaux qu'il connaissait avant de lui donner une réponse, pas des plus tendres.

« Au moindre geste, à la moindre parole qui te trahit, tu as intérêt à avoir de l'endurance, parce que crois-moi, tu vas devoir t'enfuir le plus loin possible si tu ne veux pas finir à l'hôpital. » 17:25.

Tout de suite après, il reçut une réponse.

« J'ai de l'endurance, mais pour autre chose ;) » 17:26.

Isaia mit quelques secondes avant de comprendre le sous-entendu et il sentit le rouge monter à ses joues. Il était furieux qu'il se joue de lui de la sorte !

« Sale pervers. » 17:26.

Constatant qu'il commençait à perdre le groupe, il s'approcha d'eux, priant pour que la couleur de ses joues revienne à la normale. Ce qui fut, bien évidemment, peine perdue.

— Ah le coquin, il envoie des sexto à sa meuf, rit Nasrin.

— Pourquoi tu dis ça ? questionna Ilyes, qui s'était retourné, soudainement intéressé par la conversation.

— Bah t'as pas vu ses joues, on dirait une jeune pucelle qui vient de recevoir son premier sexto.

Un rire général se fit entendre et Isaia ne savait plus où se mettre. C'est dans ce genre de moment qu'il se rappela pourquoi il préférait être seul, les gens étaient trop cons.

— Déstresse, gros, je rigole, lança Nasrin en lui donnant un coup d'épaule amical.

Isaia sourit, encore une fois, de manière forcée.

— T'inquiète, je sais.

La route se passa sans plus d'encombre et il remercia le ciel pour ça.

Lorsqu'ils furent arrivés dans un bar, ils s'installèrent tous autour d'une table, Isaia avait Mathieu d'un côté et Isaac de l'autre. En face de lui, se trouvait Ilyes, qui avait à ses côtés Nasrin et de l'autre Théo. En bout de table se trouvaient Fabien et Raphaël.

Tous les garçons se parlaient plutôt bien, ils devaient probablement se côtoyer au lycée.

Isaia apprit pendant cette conversation qu'Ilyes, Nasrin et Isaac étaient déjà en terminale tandis que les autres étaient en première, comme le châtain.

Mais une chose surpris Isaia et se mit à fixer Ilyes pendant quelques minutes. Il était le portrait craché de Johnny Depp dans ses jeunes années. Les cheveux noirs mi-long, le regard sombre et les yeux légèrement plissés, le nez droit, une belle bouche bien dessinée et une mâchoire marquée.

Comment Isaia n'avait-il pas remarqué cela avant ? Johnny Depp était l'un de ses acteurs favoris.

Il souriait de façon étrange aussi, un mélange de malice et d'amusement. Pendant une seconde, Isaia s'imagina que c'était lui, son bourreau. Il le trouverait bon, dans ce rôle. Il ne saurait dire pourquoi, mais il sentait qu'Ilyes n'était pas aussi jovial et enjoué qu'il le paraissait.

— Qu'est-ce qu'il y a ? demanda le principal sujet de ses réflexions.

Isaia le fixa, ses yeux plantés dans les siens. Il ne s'en rendit pas compte, mais les autres garçons avaient interrompu leur conversation pour regarder les deux jeunes hommes qui se jaugeaient du regard.

— Wow, il se passe quoi, les mecs ? questionna Théo.

Les deux garçons se tournèrent vers Théo, surpris par cette remarque. Ni l'un ni l'autre ne s'étaient rendu compte de ce qui les entourait.

Isaia se leva d'un bond.

— Je vais aller commander les boissons.

Tous demandèrent une bière, à l'exception de Nasrin, qui réclama un coca.

Il attendait au bar que le serveur lui serve les sept bières et le coca-cola, il ne put s'empêchait de jeter des coups d'œil vers sa table, mais aucun garçon ne le regardait et ils avaient tous repris leur conversation.

Isaia décida de le provoquer.

« Regarde-moi. » 17:46.

Il fixa le petit groupe. Le premier qui le regardait était mort. Mais comme il se doutait, aucun ne regarda son téléphone. Son bourreau avait peur de se faire prendre, ce qui voulait dire qu'il savait qu'Isaia les espionnait.

Le châtain se retourna, déçu que son plan ne fonctionne pas. Alors qu'il retourna vers sa table pour demander de l'aide afin de porter toutes les bières, il reçut un message.

« Je te regarde, Gianni, je te regarde. De près, même. » 17:50.

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