Chapitre IV
Se plier pour garder sa réputation intacte. Lui qui avait toujours surveillé ses faits et gestes, des actions ou paroles mal placées qui auraient pu ressortir plus tard et mettre à mal carrière qui n'avait même pas encore commencée. Désormais, il se retrouvait victime d'un chantage qui avait le pouvoir de briser tous ses rêves et le dur travail qu'il avait effectué. Mais pas seulement, si la presse s'emparait de cette histoire, cela allait affecter la réputation de son père.
Il était dans un sacré pétrin.
De plus, il ne savait toujours pas comment son maître-chanteur avait obtenu les photos, ce qui était d'autant plus frustrant et agaçant.
Durant toute la semaine, l'inconnu ne l'avait pas contacté une seule fois malgré les messages insistant d'Isaia.
Le jour du rendez-vous, il ressentit de l'angoisse. Toute la journée, il avait eu cette boule logée dans le ventre, les mains constamment moites et l'air soucieux, ce qui lui avait valu de nombreuses remarques venant de son petit groupe habituel.
Lorsqu'il rentra chez lui après les cours, il eut l'étonnante surprise de voir son père, rentré de voyage.
— Isaia ! Je suis très heureux de te revoir, s'enthousiasma son père.
Il le prit dans ses bras pour une étreinte chaleureuse.
— Moi aussi, papa.
Son père lui avait manqué. Cela faisait des mois qu'il ne l'avait pas vu et malgré les coups de téléphone fréquents, la présence de son père lui faisait un bien fou.
C'est tout ce dont il avait besoin, surtout ces temps-ci.
Il alla déposer ses affaires dans sa chambre et redescendit en vitesse. Ils s'installèrent dans le canapé et Leo raconta ses aventures et montra ses nombreux nouveaux clichés devant les yeux ébahis et admiratifs de son fils.
Durant cinq heures, ils parlèrent de tout et de rien, mais pas une seule fois le châtain ne mentionna sa malheureuse mésaventure. Il préférait garder tout ça pour lui, étant persuadé qu'il pouvait gérer cette affaire seul. Peut-être faisait-il une grossière erreur ?
À vingt-deux heure, Isaia interrompit son père dans son monologue de ses fabuleuses aventures.
— Euh, papa, je dois y aller.
— Comment ça ? Tu ne restes pas avec moi ? demanda-t-il, une pointe de déception dans la voix.
— J'aurais aimé, je t'assure, mais j'ai promis à... un vieil ami qu'on allait se revoir, puis tu devrais te reposer, avec le décalage horaire. Et si tu es de retour, c'est que tu as probablement du travail en France. On se voit demain, non ?
— Mh... Très bien. Tu veux que je te dépose quelque part ?
— Je veux bien, je dois être au Phoenix à vingt-trois heures.
— Au Phoenix ? répéta-t-il surpris. Tu sors en boite maintenant ?
— Juste pour cette fois, répondit Isaia, un peu gêné.
Il était vrai qu'il n'était pas du genre à traîner dans les boites de nuit ou les bars de la ville. Mais si c'était pour rejoindre un ami, alors cela passerait sûrement inaperçu aux yeux de son père.
Il partit se préparer rapidement, il enfila une chemise noire souple, un jean slim de la même couleur et des baskets pâles, très à la mode en ce moment. Il nettoya son visage et se mit une crème hydratante. Il passa une de ses mains dans ses cheveux mi-longs pour les remettre correctement en place et fut enfin prêt.
Isaia adorait ses cheveux, c'était la partie de son corps qu'il aimait le plus chez lui. La couleur était parfaite, un châtain aux nombreux reflets blond clair, mais aussi de mèches plus foncés, tirant par moment sur le brun. Ils prenaient rapidement la forme à laquelle il souhaitait les placer et étaient toujours aussi beaux, peu importe la longueur. Il avait d'ailleurs déjà tout essayé en termes de coiffure, il changeait régulièrement. Il avait aussi un tic, il passait toujours sa main dans ses cheveux, non dans un souci de simple apparence, mais car depuis son plus jeune âge, il avait eu cette manie qui était de jouer avec ses cheveux.
Ils arrivèrent tout pile à l'heure et avant qu'Isaia ne sorte de la voiture, son père lui glissa, accompagné d'un sourire :
— Amuse-toi bien, Isa !
— Merci papa, répondit-il, un sourire forcé.
— Il faut revenir te chercher ?
— Non ça va aller, je me débrouillerai, à demain.
Il laissa repartir son géniteur, un peu triste de couper court à leurs retrouvailles. Même s'ils avaient déjà eu plusieurs heures pour parler, ce n'était pas assez après une aussi longue séparation.
Ce fut l'air maussade qu'il entra dans la boite. Il partit directement au bar après l'avoir repéré, il avait besoin d'un booster car il craignait fortement ce qui allait suivre. Il n'osa envoyer un message à son rencard, priant pour qu'il oublie cette soirée. Peine perdue, il sentit son téléphone vibrer dans sa poche.
« J'apprécie beaucoup l'effort vestimentaire. Rejoins-moi à l'étage, chambre 6.» 23:01
Il demanda un shot de vodka pure au serveur et le but cul-sec avant de se diriger vers les chambres.
Il le voyait. L'inconnu pouvait le regarder, il se trouvait dans la même boite. Isaia serra les poings. Il était là, mais le châtain ne pouvait rien faire. Il jeta tout de même un coup d'œil sur la piste, le bar, le balcon, espérant qu'un garçon ait inscrit sur son front « Je suis un enculé », là, il saurait qu'il s'agissait de son bourreau.
Lorsqu'il ouvrit la porte qui comportait le numéro six, il n'y avait personne, comme il l'imaginait. Il savait très bien qu'il n'allait pas se montrer aujourd'hui. Mais une tâche noire attira son regard sur le lit. Intrigué, il s'en approcha. Il découvrit alors une oreillette, qu'il examina de tous les côtés avant de la porter à une de ses oreilles.
— Content d'enfin pouvoir te parler, Gianni.
Isaia sursauta, était-ce réellement celui qui le harcelait ? Sa voix était très grave, comme celle des méchants dans les films. C'est reparti pour les clichés.
— Ne te réjouis pas trop vite, ma voix est déformée grâce à un fabuleux logiciel. Si demain je décidais de venir te parler, jamais tu ne te douteras que c'est moi, ton grand méchant et machiavélique bourreau.
— Tu t'es pris pour James Bond, avec l'oreillette et le logiciel pour la voix ?
Il entendit un petit rire amusé, mais surtout déformé.
— Ca donne du charme, je trouve.
— Pourquoi je suis ici ? demanda Isaia de but en blanc.
— Mais pour jouer !
— T'es complètement malade.
Un nouveau rire éclata, celui-ci semblait plus sadique et Isaia avait une folle et irrésistible envie de le lui faire ravaler.
— Seulement un joueur. Bref, trêve de bavardages. Je veux que tu quittes l'étage.
— Et ?
— Hop hop hop, ne sois pas si pressé, chaque chose en son temps.
Le photographe reprit les marches, pendant ce court temps, il essaya tout de même de lui soutirer des informations.
—Comment as-tu eu cette oreillette ? Et n'ose pas me dire que ton père travaille pour la CIA.
— Peu importe.
— J'essaie juste de faire la conversation.
— Dis-moi, Gianni, as-tu déjà embrassé des hommes ?
Isaia arrivait en bas des escaliers lorsqu'il se stoppa net.
— Jamais, répondit-il, craintif.
— Pourquoi ne pas essayer ?
Il sentit dans sa voix que son bourreau souriait, qu'il appréciait cette situation.
— Jamais, dit-il avec conviction.
Il n'avait jamais essayé avec un garçon. A vrai dire, il n'avait jamais essayé avec personne, que ce soit fille, garçon ou autres. Cependant, il se connaissait et savait qu'il n'était pas du tout attiré par les hommes. Rien que de s'imaginer embrasser l'un d'eux le dégoûtait.
— La véritable question est : as-tu le choix ?
Ses mains se mirent à trembler. Il ne pouvait pas l'humilier à ce point ! Se faire harceler par message ou encore venir en boite à pas d'heure, il acceptait, mais lui demandant d'user de son corps, ça, c'était impensable. La mâchoire crispée, il répondit.
—Je ne le ferai pas.
—Je veux que ce soir, tu embrasses cinq garçons. Le premier sera un blond, le second brun, le troisième châtain, le quatrième plus petit que toi, et enfin le dernier, je veux que ce soit un mec en couple. Je veux le bon french kiss, tu sais celui avec la langue. Ne me déçois pas Gianni, sinon tu sais ce qu'il risque de t'arriver.
— Espèce de pourriture, grinça Isaia des dents.
— Réjouis-toi de ce challenge, j'aurais très bien pu te demander de branler un type au beau milieu de la piste, pouffa son maître-chanteur.
Isaia se dirigea directement vers le bar et commanda un alcool très fort. Il ne tenait pas l'alcool, et c'était bien pour cela qu'il but. Il s'enfila trois shots d'affilé au son du rire dans son oreillette. Sa tête commençait à tourner et ce fut à ce moment qu'il décida de chercher un blond. Un blond avec une tête qui lui indiquerait qu'il serait gay, ou du moins bi.
La boite était bondée, Isaia n'avait que l'embarras du choix. Il s'approcha enfin de la piste et commença à s'immiscer peu à peu.
— Pas mal, le déhanché.
Mais il décida d'ignorer cette petite voix dans son oreille.
Il venait de repérer sa première proie. Un type blond décoloré, la peau luisante, les yeux rouges et les gestes imprécis. Il était bien éméché. Tout ce qu'il lui fallait.
Le dégoût enfouit dans son ventre, qu'il s'approcha de sa victime. Isaia n'avait jamais dragué, il se mit donc en face du faux blond. Celui-ci le regarda avant de lui sourire. Devait-il aussi sourire comme un idiot ? Isaia esquissa un rictus très crispé et sûrement très faux au visuel. Le blond diminua l'espace entre eux, rapprochant inexorablement leur corps et Isaia fut soudainement pris de panique. Il ne voulait pas l'embrasser !
Il poussa brusquement le blond et s'enfuit, bousculant plein de monde sur son passage.
— Pas assez de couilles, Gianni ?
Isaia retira furieusement l'oreillette et l'écrasa par terre avant de crier toute sa rage.
— Crève en enfer sale connard ! Enculé ! Pourriture ! Enfoiré ! Je te hais !
Il balança son poing dans le mur pour faire partir sa rage, devant l'entrée de la boite. Il cria de douleur et ramena sa main contre son torse, du sang coulant de ses plaies fraichement ouvertes.
Il était incapable d'embrasser qui que ce soit. C'était au-dessus de ses forces, il ne saurait l'expliquer, mais faire une telle chose le terrifiait.
Il ne restait plus qu'à attendre patiemment la punition qui lui serait infligé à cause de son refus. Il sentit son téléphone vibrer plusieurs secondes, mais il n'avait pas le courage ni l'envie de regarder, sachant parfaitement qui en était le destinataire.
Il le prit tout de même pour appeler un taxi, tout en ignorant les messages.
Ce soir, il avait besoin de dormir.
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