La résilience du bitume
NB : Texte publié initialement dans la Revue Souffles en réponse à l'appel à textes sur le thème "Résister c'est exister".
Sur le bitume un mec cradingue perdait ses plumes, paumait ses s'ringues. Dans sa grisaille la ville avait déjà pris ses airs ampoulés, ses diodes électro-luminescentes rayonnaient indécentes, bien planquées derrière les poitrines perchées de mannequins fades ; lui se tenait là, sous une douche de néons sales, à chercher l'ombre et sa lumière au détour d'un mur repeint de frais. À l'approche de ce vernis d'apparence, lisse et sans bavure, l'artiste en lui percevait l'écaille miteuse du béton qui se pèle. D'aucuns aurait dit de ce gars qu'il était une loque, un truc louche, une chose qui suck. Là, avec son œil qui brille au reflet d'une vitrine, on eut juré pourtant que l'homme se tenait debout, les épaules dressées face à l'ennui, résistant par miracle à l'oppression des appliques. Dans le clignotement incessant, un linceul qui s'étiole sur le monde.
D'un geste souple il dégaine un carnet plus froissé encor que sa peau grise ; une clope, un joint, tout ça aurait fait bien trop cliché pour notre homme. Rapidement, il gribouille quelques mots sur la résilience du bitume, la ville et ses habitudes, le chant de l'asphalte lorsque ses boots claquent sur le sol noirâtre. Une idée qui passe, les mots lui trépassent, il fourre le calepin dans la poche arrière de son blue-jeans défoncé par l'usure.
Sous les néons pâles un mec dégueu' rehaussait sa carcasse, colorait l'espace. Sur les façades chaque fois plus blanches, son esprit jetait les étoiles, relevait les fissures, les transformait en fleurs bleu d'azur.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top