Chapitre 7
« Ça va mieux ? »
Adèle haussa les épaules, se retenant d'expédier un regard noir à sa grande sœur.
Elles deux s'apprêtaient à retourner chez elles, avec Benjamin. Ce dernier était déjà bien loin, s'il n'était déjà pas arrivé dans le jardin de leur grand-mère.
« Pourquoi tu t'es énervée, tout à l'heure ? questionna Nadia. Il l'a demandé gentiment !
— Je ne sais pas ! rétorqua Adèle. Arrête de remettre ça sur le tapis, je ne suis pas d'humeur.
— Je vois ça. »
Elles entrèrent dans le jardin dans un grand silence.
Les petites bottes de Benjamin étaient déjà là, trempées, sagement alignées devant la porte d'entrée, à côté du paillasson.
En revoyant la petite tête de son frère, recevant toute sa colère et sa frustration, Adèle eut la soudaine envie de pleurer.
Elle se déchaussa rapidement, retira son imperméable, et s'élança dans les escaliers, sans accorder un regard à sa grand-mère, qui arrivait pour les accueillir, ou encore pour sa sœur, qui devait la regarder avec étonnement et suprise, encore.
Adèle remonta le couloir à toute vitesse, et, passant l'embrasure de sa chambre, claqua vivement la porte, avant de lever tout les barrages retenant ses larmes.
Elle s'affala sur son lit, parmi ses draps défaits, et son oreiller aplatit.
Un petit bruit sourd lui indiqua que son livre Mille et un secrets sur Trois-Rivières venait de chuter au sol.
Tant pis.
Pourquoi est-ce que je suis comme ça.
Pourquoi ai-je été méchante.
Adèle écrasa ses pleurs de ses draps, et renifla à en faire saigner ses pauvres sinus.
Elle entendit quelques pas dans le couloir, et elle devina une présence, arrêtée devant sa porte, qui devait prêter oreille aux sanglots qui s'échappaient de sa chambre.
Puis elle repartit.
La jeune fille se redressa en tailleur, passant un revers de main sur ses joues humides et ses yeux rougis.
Son livre avait bel et bien glissé de sa table de chevet. Le marque-page s'était envolé, et il s'était ouvert en son beau milieu.
La belle calligraphie du chapitre attira l'attention d'Adèle.
Pourquoi Trois-Rivières porte t-il son nom ?
Elle saisit entre ses doigts l'ouvrage.
Pourquoi Trois-Rivières porte t-il son nom ?
C'est bien simple, en vérité. Ses habitants vantaient l'existence de trois rivières, alors qu'eux-mêmes ne savaient pas où elles se trouvaient.
« ... Un beau jour, un homme n'attendant plus rien de la vie entreprit la quête aussi inutile que futile de toutes les retrouver. »
On ne revit pas l'homme durant de longs mois.
Et, lorsqu'il revint, il jura avoir trouvé ces trois fabuleuses rivières, qui l'avaient guéri de son mal.
« Depuis ce jour, on raconte que celui qui trouvera ces trois rivières en une seule vie se soignera du mal rongeant son âme, accédant ainsi à une paix intérieure éternelle. »
Une paix intérieure éternelle...
Ces mots avaient une délicieuse odeur dans la bouche d'Adèle.
L'odeur d'une Fleur Éternelle.
Adèle referma doucement le livre, glissant son marque-page à cet endroit précis.
Ses yeux étaient redevenus secs.
Elle savait quoi faire, à présent.
***
« Mamie ? »
À table, tout le monde sursauta au son de la voix d'Adèle : Benjamin releva la tête de son assiette de plastique, Nadia se contenta simplement de lever les yeux, et l'interpellée se redressa de sa position, offrant un grand sourire à sa petite-fille.
« Oui, ma chérie ? répondit Jeanne de sa belle voix usée.
— Est-ce que... est-ce que tu as déjà vu des rivières, ici ? »
Nadia fronça les sourcils, plissant ses yeux remplis d'incompréhension.
« Des rivières ? répéta sa grande sœur, méfiante.
— Oui, mais je demandais plutôt à mamie.
— De toute façon, ça m'étonnerait, coupa tout de même Nadia. On est loin de tout, il n'y a pas de mer, ni de fleuve, et certainement pas de rivière. Je suis sûre qu'il n'y a même pas de torrent, ici. »
Mamie Jeanne laissa échapper un petit rire, quand Nadia eut terminé sa tirade.
« Toi, tu as trouvé la légende de Trois-Rivières », lança t-elle à Adèle.
Sans le savoir pourquoi, Adèle sentit ses joues rosir, et baissa le nez.
Elle sentit le regard devenu perçant de Nadia se poser sur elle.
« Une légende ? répéta cette dernière, dévisageant tour à tour sa grand-mère et sa petite sœur. C'est quoi, cette histoire, encore ?
— Une légende raconte qu'il existerait trois rivières ici, dans la région, tout près de Trois-Rivières, d'où son nom.
— C'est à peine si Trois-Rivières possède sa propre ville ! C'est juste un nom qu'on a placé sur un territoire qui n'appartenait qu'à quelques paysans, et qui se sentaient exclus du reste du monde ! »
Nadia n'avait pas tort sur ce point-là : à part le centre-ville, qui se trouvait à un bon kilomètre d'ici, les petites maisons étaient saupoudrées dans la nature çà et là, sans qu'elles ne forment une commune.
Les trois quarts de Trois-Rivières appartenaient donc à la nature.
Jeanne sourit :
« C'est une légende, bichette. Rien de plus, mais rien de moins. »
Nadia hocha la tête, déterminée à passer à une autre conversation.
Adèle, en revanche, ne put s'empêcher de fixer sa grand-mère, à la recherche d'une autre anecdote.
Mais elle ne lui en donna pas.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top