Chapitre 20

Le son d'une alarme stridente transperça soudainement la bulle de sommeil dans laquelle Adèle reposait.

Elle ouvrit brusquement les yeux, arrachant ses paupières l'une de l'autre.

Anniversaire de Benjamin.

Elle asséna un coup au réveil, qui s'arrêta net de hurler, et tomba par terre.

Anniversaire de Benjamin.

Disparue, la fatigue.

Adèle se posa en tailleur entre ses draps, et s'étira, réveillant ses muscles et ses articulations.

Elle se répéta mentalement le programme de cet anniversaire. On aurait dit un plan de guerre.

Tout avait été soigneusement calculé, stratégiquement organisé.

Elle s'habilla rapidement. Son réveil, encore au sol, témoignait neuf heures du matin.

Parfait.

Elle se coiffa rapidement d'un chignon emmêlé, et s'en alla dans le couloir, où elle y rencontra Nadia.

« T'as les indices ? » interrogea immédiatement Adèle.

Nadia hocha la tête silencieusement, désignant la liasse de papier qu'elle tenait dans la main.

« La plupart sont déjà dehors, souffla t-elle. Ça va aller, pour la cuisine ?

— Absolument ! »

Adèle rejeta la tête en arrière, d'un air faussement modeste.

« Espérons que maman fasse son job », murmura Nadia.

En vérité, Adèle n'avait pensé qu'à ça, durant toute la soirée, avant de se coucher.

Elle avait demandé à sa mère, à l'insu de Benjamin évidemment, si elle pouvait tenir un rôle durant cette chasse au trésor : celle de la mystérieuse femme donnant des énigmes.

Karine avait haussé les épaules, à nouveau — ce geste était devenu sa nouvelle façon de communiquer avec l'extérieur.

« Oui, si vous voulez... »

Maman ne peut pas gâcher l'anniversaire de son propre fils, avait pensé Adèle, avant de s'endormir. Il est évident qu'elle tiendra un minimum son rôle.

Pourtant, un doute s'immisçait dans sa poitrine, comme une méchante écharde dans son cœur.

« Bon ! la réveilla Nadia. Que la fête commence ! »

Elle passa devant sa jeune sœur, et descendit les escaliers, prenant soin de dissimuler les papiers dans son dos.

Adèle l'imita.

Elles entrèrent toutes les deux dans la cuisine, baignée des douces lueurs matinales de l'été.

Sur sa chaise haute, comme à son habitude, Benjamin brandissait ses couverts en plastique vers ses sœurs :

« Bonjoooouuuuuuuuuur !!

— Bonjoooouuuuuuuuuuuur !! » lui répondirent en retour Nadia et Adèle.

Elles s'installèrent à table, devant une assiette vide.

Parfaitement normal.

« J'ai faim ! » grogna Benjamin.

Adèle se retenait à grande peine de jeter un regard vers la porte, où sa grand-mère s'apprêtait à débouler d'un moment à un autre.

« Il faut attendre mamie pour le petit-déjeuner », répondit malicieusement Nadia, un petit sourire en coin.

Benjamin resta quelques instants perplexe, devant l'expression amusée de sa grande sœur. Il se gratta la tête, dubitatif.

Quand soudain (enfin !), Jeanne s'engouffra dans la cuisine, telle une tornade, la mine catastrophée.

« Mon dieu ! Je n'ai plus rien à cuisiner pour le petit-déjeuner ! »

Benjamin resta interdit.

Puis il cria :

« QUOI ?! »

Adèle pinça les lèvres, espérant que son sourire hilare n'était pas trop visible.

Nadia se leva, et plaqua deux mains sur ses joues d'une manière théâtrale :

« Oh, mais mamie, c'est terrible ! Qu'allons-nous manger ?

— Mais moi, j'ai faim ! » renchérit Benjamin.

C'était horrible, de voir comment ils profitaient de l'esprit naïf du petit bambin. Il ne devait pas faire le lien entre le fait qu'ils avaient été en course il y a moins de cinq jours, et que le placard regorgeait de biscuits...

Mais c'était pour lui faire plaisir, et lui faire vivre une belle aventure.

Alors, pendant que Nadia, Jeanne et Benjamin se lamentaient en chœur, Adèle s'éclipsa discrètement de sa chaise, et déposa dans l'assiette de son frère le premier indice :

Le déjeuner tu trouveras

Si à la terrasse tu iras.

***

La cuisine était déserte.

Dehors, on entendait la petite voix piaillante de Benjamin, lisant les indices, criant des « Je suis sûr qu'il y a quelque chose ici ! », et grommelant tout de même « Il est méchant, celui qui nous a fait ça ! »

Adèle sourit, observant son petit frère depuis la fenêtre, puis se détourna vers le reste de la pièce.

Il était temps, pour elle, de commencer son travail.

Elle passa un tablier autour de son cou — celui de mamie Jeanne, qui lui allait presque parfaitement, d'ailleurs.

Soudain, elle sentit la méchante petite écharde s'enfoncer plus profondément dans son cœur, sans raison apparente.

Adèle porta une main à son torse, perplexe.

D'où venait cette douleur ?

Cette étrange petite douleur...

Non. Il fallait qu'elle se recentre.

Elle inspira un grand coup, puis commença à sortir tout les ustensiles nécessaires à la préparation de son gâteau.

Saladier. Verre mesureur. Balance.

Douleur.

Non.

Farine. Sucre. Œufs. Lait.

Douleur.

« Bon ! s'exclama à voix haute Adèle, comme pour concentrer son esprit sur autre chose qu'elle-même. Alors, commençons par la farine... »

Elle ouvrit le paquet de farine.

Un nuage de poussière blanche s'éleva du paquet, se déposant sur la table comme des flocons de neige.

Adèle sourit.

Et sentit sa douleur s'effacer légèrement.

Elle versa doucement la farine dans le saladier, les yeux en alerte, prête à stopper le jet quand il le faudrait.

Utilise une passoire...





« Utilise une passoire, Adèle. Tu vois, si tu y filtres la farine, ta pâte sera sans grumeaux ! »

Adèle se hisse sur la pointe des pieds, regardant les gestes habiles et méthodiques de cet homme.

Dehors, la pluie tombe drue, sous un lourd ciel de cendres.

« On dirait de la neige », souffle la petite fille.

L'homme ne répond rien. Il se concentre.

D'un petit tapotement de doigt, il fait tomber la farine du bocal, le regard minutieux, extrêmement minutieux.

Adèle a envie de saisir la farine à pleine main. De la jeter à travers la pièce.

Mais elle se retient.

« Papa, il sera prêt dans combien de temps, le gâteau ? »

L'interpellé relève le bocal de farine, faisant tomber les derniers flocons de farine au fond de la passoire.

« Une heure, ma puce. Un peu moins. »

Adèle acquiesce.





La farine débordait.

Stupéfaite, Adèle manqua de lâcher le paquet de farine.

Son saladier en était plein, et la farine commençait à tomber des rebords.

Elle referma vivement le paquet, et le posa à côté du saladier, où reposait à présent une imposante montagne enneigée.

C'était son père, à la maison, qui adorait cuisiner.

Et sa spécialité était ce gâteau-là en particulier.

Parfois, quand Adèle rentrait de l'école, elle découvrait, sur la table de la cuisine, un beau gâteau au chocolat, n'attendant qu'une chose : se faire dévorer par les enfants de son créateur.

Puis, cette année, cette tradition du gâteau avait cessé.

Elle regarda son saladier débordant de farine.

Est-ce que papa avait fait ça, quand il était plus jeune ?

S'était-il trompé dans les doses ? Avait-il inversé le sel et le sucre, rendant le plat immangeable ?

Oui, évidemment. Tout le monde fait des erreurs...

Non, bien sûr que non.

Son père était un homme parfaitement logique. Jamais il n'aurait confondu le sel avec le sucre : leur différence lui aurait sauté à l'œil.

Est-ce que je serai capable de faire comme lui ?...

Elle jeta un nouveau coup d'œil à son saladier.

C'était plutôt mal parti.

La vilaine écharde continuait son chemin, creusant dans son cœur.

Afin de s'aérer l'esprit, elle commença à vider son saladier du surplus de farine.

Mais les pensées continuaient de tourner autour d'elle, comme des vautours guettant leur proie.

Elle passa au sucre, le front plissé de rides et d'angoisses.

Ah, elle avait oublié la cuillère.

Elle se détourna, et ouvrit un tiroir.

Des milliards d'ustensiles se présentèrent à elle, certains scintillant d'une couleur métallique, d'autres rayonnant de la beauté naturelle qu'était le bois.

Dont les plus tranchants.

Adèle dévisagea un couteau aiguisé, celui de Jeanne utilisait pour le plus ardu des saucissons.

« Ne t'approche pas, Adèle ! » prévenait-elle d'une voix bien autoritaire. « C'est extrêmement coupant. Tu pourrais te couper le doigt ! »

Son cœur cogna d'avantage à cette idée.

Non. Est-ce que...

Paniquée, Adèle attrapa la cuillère de bois, et referma vivement le tiroir, coupant le contact visuel avec le couteau de cuisine.

Est-ce que je viens réellement de penser à me couper le doigt ?

Son cœur lui faisait mal, très mal.

Comment ai-je pu penser à ça ?! Comment ?!

Adèle était totalement désemparée. En colère contre elle-même.

Mais pire que tout : effarée.

De quoi était-elle capable de faire, si ce genre de pensées lui venaient à l'esprit ?

Elle se concentra sur la recette, mais tout commençait à lui échapper : ses pensées devenaient incontrôlables, lui murmurant des choses qu'elle n'aurait jamais pensé entendre avant.

Bon. Comment faisait papa, avant ?

Elle s'empara du premier œuf.

Mais il resta longuement en l'air : la propriétaire des mains le portant était totalement perdue dans ses angoisses.

Mais qui pense à ça ? Qui ?

Qui peut avoir ces pensées aussi dérangeantes, aussi lugubres ?

À part un fou ?

Ou peut-être était-elle bel et bien folle ?

Est-ce que papa aurait ce genre de pensée, lui ?

La réponse était claire.

Même si Adèle ignorait beaucoup trop de choses de son père, malheureusement, elle le savait, car c'était l'évidence même.

C'est un adulte, Adèle.

Ce que toi, tu n'es pas.

« Et que je ne serai peut-être jamais... »

Était-on obligé de grandir, même quand on ne s'en sentait pas prêt ?

***

Son père avait dit une heure ? 

Adèle bâcla la recette en quelques minutes, pressée d'en finir avec ses pensées troublantes.

Elle enfourna à toute vitesse l'étrange pâte qui constituait son futur gâteau. Elle semblait extrêmement liquide, ce qui laissait croire qu'Adèle s'était trompée dans les doses quelque part.

Elle quitta la cuisine, et sortit dehors, dans le jardin.

L'air pur s'infiltra dans ses poumons, calmant un peu ses pensées en effusion.

Allons, ce n'était qu'un petit moment de bas...

Quoiqu'elle n'en était pas si sûre, puisque la méchante écharde était toujours là.
Elle posa ses mains sur ses hanches, et passa en revue le jardin, ses haies parfois touffues, parfois non, l'herbe vert tendre parsemée de pâquerettes et de pissenlits, les quelques plantes qui poussaient en troupeau, la terrasse pourvue d'une table et de quelques chaises...

« Et donc, il faut aller voir la gardienne du temps ? » s'exclama une petite voix.

Adèle sursauta.

« Oui oui ! » lui répondit une autre voix.

Nadia et Benjamin.

Ils revenaient déjà !...

Adèle devait à présent mener le jeu, tandis que Nadia allait sortir toutes les décorations dans la cuisine, sortir le gâteau et prévenir leur grand-mère et leur mère de se mettre en position.

La jeune fille essuya à la hâte ses mains, encore tâchées de chocolat fondu, sur son tablier qu'elle avait oublié d'enlever, se recoiffa d'un geste rapide, et plaqua sur ses lèvres un grand sourire.

C'est un anniversaire — l'anniversaire de Benjamin.

Et un anniversaire, ça se passait toujours bien.

Nadia et Benjamin émergèrent de derrière les buissons. Benjamin semblait ravi de cette chasse au trésor, ce qui mit un petit peu de baume au cœur d'Adèle.

Son petit-frère la dévisagea, et s'écria :

« C'est toi, la gardienne du temps, qui sait où se trouve le restant des indices jusqu'au petit-déjeuner ? »

Adèle esquissa un sourire malicieux et amusé.

« Bien entendu ! En revanche, je ne suis pas sûre de pouvoir résoudre toutes les énigmes... »

Le petit bomba le torse :

« Moi, je peux ! »

Nadia fit un vague hochement de tête vers Adèle, signifiant qu'elle allait faire ce qu'elle devait faire.

Adèle saisit la petite main de son frère, et l'entraîna dans le fond du jardin :

« Tu vois, le prochain indice se trouve... »

***

« Adèèèèèèèle... J'trouve pas. »

Benjamin arpentait la petite prairie voisine à la maison de Jeanne, depuis une bonne dizaine de minutes déjà.

Son enthousiasme avait disparu, et il semblait soudain très ennuyé.

Adèle l'encouragea :

« Voyons, tu n'as peut-être pas regardé partout...

— Mais j'ai regardé partout ! grogna t-il. On dit que l'indice est dans la cachette des écureuils ! Mais je n'ai rien trouvé ! »

Adèle jeta un bref regard vers la souche, à quelques mètres de là, où reposait l'indice.

Comment Benjamin ne pouvait-il pas avoir trouvé l'indice — qui était pourtant bien en évidence ?

« Cherche encore ! » dit Adèle.

Benjamin soupira.

« J'ai faim, moi... »

Adèle se mordit la lèvre.

La petite écharde se transforma en un lourd nuage de cendres, flottant dans sa poitrine.

Elle avait envie que son frère cherche encore un peu, ne serait-ce que pour honorer cette chasse au trésor, qui lui avait pris du temps à créer...

Mais se pouvait-elle encore le forcer ?

« Bon, très bien, suis-moi », soupira t-elle.

Elle se dirigea vers la souche, Benjamin sur ses talons.

Mais lorsqu'elle s'y pencha, elle ne vit rien.

Aucun indice.

Adèle fronça les sourcils, stupéfaite.

« L'in... l'indice !... » laissa t-elle échapper.

Benjamin se pencha à son tour.

« Il est pas là », releva t-il.

Adèle creusa un peu, parmi la terre et les plantes qui dévoraient la souche.

« M-mais... »

Il n'y avait rien.

Toujours rien.

Adèle fit le tour de la souche, le cœur battant la chamade.

Mais l'indice avait bel et bien disparu.

Le vent ? Les écureuils ?

Ou d'autres humains, avides de méchanceté ?

« Alors ? s'impatienta Benjamin, il est où, l'indice ? »

Adèle secoua misérablement la tête, les larmes aux yeux.

***

Beaucoup d'indices avaient disparus, si bien qu'Adèle ne s'y retrouvait plus.

L'histoire que devait raconter la chasse au trésor ne rimait plus à rien, et Benjamin ne semblait plus du tout amusé.

À chaque indice manquant, Adèle sentait le nuage grossir dans sa poitrine, remonter à sa gorge, et cette même gorge se nouait, si fort que l'air circulait avec difficulté.

« Bon, Benjamin, fit Adèle. Je... je pense qu'on va rentrer. »

Elle n'avait plus la force d'inventer un tournant de l'histoire, afin de rattraper la chasse au trésor.

Elle tapota le dos de son petit-frère, indiquant la maison, et dit d'un piètre sourire :

« Allez, viens... une surprise t'attend à la maison. »

Elle revoyait pourtant Nadia revenir vers elle avec un Benjamin, qui était totalement enchanté de cette chasse au trésor...

Eh bien, ce n'était plus tout à fait le cas.

Lorsqu'ils arrivèrent dans le jardin, une odeur de chocolat fondu s'échappait de la cuisine, s'envolant délicieusement à leurs narines.

« Mmmmh, fit Benjamin, soudain bien appâté. C'est quoi ? »

Adèle n'avait même plus la force relever ses lèvres en un sourire mystérieux.

Elle se contenta simplement de répondre :

« Tu verras. »

Au moins, le gâteau ne semble pas raté, c'est déjà ça.

Ils entrèrent dans le hall, où ils retirèrent leurs chaussures.

Adèle en profita pour se débarrasser enfin de son tablier, qu'elle posa machinalement sur le porte-manteau.

Elle se détourna, et fit signe à Benjamin :

« Allez, allons-y. »

Ils se dirigèrent tout deux vers la cuisine, mais lorsqu'ils ouvrirent la porte, ce que vit Adèle surpassa toutes les petites catastrophes qui lui étaient arrivées aujourd'hui.

Nadia était penchée dans le four, les mains protégées de gants de cuisine, en train de refermer la trappe.

Quant au gâteau, il était là, sur la table...

Mais aussi plat qu'une crêpe.

« Ah, vous êtes déjà rentré ? s'étonna Nadia, tout en retirant ses gants. Adèle, je crois qu'il y a eu un petit souci avec le gâteau... »

C'était simple : Adèle n'osait même plus le dévisager, ce fichu gâteau.
Avait-elle réellement oublié de mettre la levure ? Vraiment ?

Et combien d'ingrédients avait-elle oublié, comme ça ?

Accablée, Adèle se laissa tomber sur une chaise, qui grinça sous son poids.

Benjamin se précipita vers le gâteau :

« Mais il a l'air bon !

— Non Benjamin, ça m'étonnerait » la prévint Nadia, attrapant son petit-frère avant qu'il ne pose ses mains sur le moule brûlant.

Cette phrase acheva Adèle.

Mais Nadia avait raison : ce gâteau n'était certainement pas mangeable ; elle ne savait même plus ce qu'elle avait mis dedans...

Adèle posa sa tête dans ses mains, elles-mêmes accoudées à la table.

Les larmes brûlaient ses yeux, et c'était si dur, de réprimer les larmes...

« Elle — Elle est où, mamie ? » demanda t-elle, d'une voix déformée de par sa gorge serrée.

Nadia haussa les épaules :

« Elle est partie faire une sieste... On ne vous attendait pas avant midi, tu sais. »

Adèle le savait parfaitement : c'était elle qui avait tout prévu.

Et peut-être moi qui ai tout gâché.

Son regard s'échappa vers le maigre et piteux gâteau, qui ressemblait étrangement à un paillasson.

Il semblait même avoir rétrécit, c'était dire...

« En fait, c'est les méchants écureuils qui ont volé les indices, expliqua très sérieusement Benjamin à sa sœur. Ils avaient faim. Et comme ils sont bêtes, ils ont mangé les indices. »

Peut-être que les bêtises de Benjamin auraient fait sourire Adèle.

Mais pas cette fois.

Nadia remarqua vite le désarroi d'Adèle ; elle s'approcha d'elle, et s'assit à la chaise voisine :

« T'inquiète Adèle, ce n'est que le début de la journée... tout peut s'améliorer ! »

Adèle fit une moue.

Elle sentait son menton trembler, sous l'effort qu'était de retenir ses larmes.

Elle passa un revers de main sur ses yeux, et sa bouche se tordit en une grimace sanglotante.

« Où-où est maman ? demanda t-elle.

— Maman ? s'étonna Nadia. Bah... Je ne sais pas... »

Comme si c'était l'évidence même, de ne pas savoir où était Karine.

« Mais elle est censée être là ! » s'écria Adèle.

Ça y est, les premières larmes avaient percé, et dévalaient le coin de ses cils.

« Je le lui avais demandé... » murmura t-elle faiblement.

Elle plaqua ses mains sur ses yeux, et ferma les paupières.

Cet anniversaire est vraiment terrible...

De derrière ses mains, elle entendit la petite voix presque chagrinée de Benjamin :

« Qu'est-ce qu'elle a ?

— Elle est fatiguée, affirma Nadia. Il n'y a pas si longtemps de cela, elle ne dormait pas très bien... »

***

Jeanne était venue à la rescousse, dès qu'elle fût réveillée : elle se précipita dans la cuisine, où Adèle, la tête plongée dans les bras, continuait de sangloter, tandis que Nadia et Benjamin s'amusaient dehors.

« Ma chérie !... fit-elle, déroutée de voir sa petit-fille en larmes. Mais qu'est-ce...

Regarde ! cria Adèle, désignant le gâteau. C'est quoi, ça ? »

Jeanne détailla la crêpe noire, tapie au fond du moule.

« Tu as du oublier de mettre de la levure, releva t-elle. Et... hum... je crois que tu n'as pas mis suffisamment de farine... »

Adèle se mordit profondément la lèvre.

Mais pourquoi j'ai fait ça...

« Ne t'inquiète pas, Adèle, fit Jeanne, attrapant le gâteau devenu froid. Je vais en refaire un. Tu peux m'aider, si tu veux. »

Adèle revit soudain le tiroir ouvert, les ustensiles métalliques, les ustensiles de bois, et ses pensées troublantes.

Elle secoua vivement la tête.

« Non merci. »

Je crois que j'ai eu ma dose.

Contrairement au gâteau.

Elle se leva précipitamment.

« Je vais me coucher, soupira t-elle.

— Mais attends Adèle, il est à peine midi ! » s'exclama Jeanne.

La grand-mère dévisagea longuement sa petite-fille, ses joues rougies, ses yeux écarlates, et encore quelques larmes, scintillantes aux coins de ses yeux.

Puis elle désigna la fenêtre :

« Regarde... Benjamin a l'air de bien s'amuser. D'ici quelques temps, il va pouvoir souffler ses bougies, ouvrir ses cadeaux, et il sera le plus heureux des petits garçons. »

Adèle s'approcha de la fenêtre.

Visiblement, Nadia et lui jouaient à chat : l'un et l'autre se coursaient, chacun leur tour, et se tapaient l'épaule : « chat ! »

Le sourire hilare du petit témoignait des paroles de Jeanne.

En effet, il ne semblait pas tant perturbé que cela.

Mais alors, si ce n'était pas le bonheur de Benjamin qui affectait autant Adèle...

... Qu'était-ce ?

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