Chapitre 19
C'était l'heure du dîner.
Quand Adèle quitta sa chambre, elle rencontra sur son palier sa mère, à peine habillée et à peine coiffée, enveloppée dans une robe de chambre, quittant la sienne.
« Bonjour ma chérie », souffla t-elle, sans lui adresser un regard.
Elle semblait terriblement fatiguée. Ou morose. Ou les deux, peut-être.
Ses boucles d'un blond clair et ambré retombaient n'importe comment, sur son front, sur ses épaules, à peine retenues par ses oreilles.
Et ses yeux bleus avaient pris une teinte vitreuse, derrière ses rondes lunettes de métal.
Elle descendit les escaliers avec mollesse, se hissant sur un pied à chaque lourd pas.
« Maman ! » fit Adèle, posant une main sur l'épaule de sa mère.
Karine ne réagit pas tout de suite.
Puis elle finit par se détourner vers sa fille.
« Oui ?
— Que vas-tu faire pour l'anniversaire de Benjamin ? » questionna la jeune fille à voix basse.
Karine haussa les épaules.
« Je vais y réfléchir. »
Puis elle continua de descendre les escaliers.
***
« Pas mal... »
Nadia rendit la feuille à sa jeune sœur.
Celle-ci se dressa, et saisit la feuille en retour, traquant sa sœur du regard.
« Alors alors ? Qu'en penses-tu ?
— J'ai dit que c'était pas mal ! Bon, franchement, c'est du bon boulot. Il y a de quoi rendre Benjamin fou de joie durant cette journée. »
Ce que tenait Adèle dans les mains n'était autre que l'organisation de la future chasse au trésor, réservée pour son cher petit-frère.
Si elle trouvait son travail plutôt satisfaisant, et que sa grande sœur n'en pensait pas moins, alors cette chasse au trésor s'apprêtait à être parfaite.
Les deux sœurs se dirigèrent vers la petite terrasse du jardin, où Jeanne, coiffée d'un large canotier, lisait une revue de jardinage.
Elle lut à son tour le plan d'organisation de cette fameuse chasse au trésor, et s'exclama :
« Mais c'est parfait ! Tu as vraiment beaucoup d'imagination !
— Tu accepterais de jouer celle qui ignore tout ce qui se passe ? » demanda Adèle.
Mamie Jeanne bomba faussement le torse :
« Ma chérie, sache que, durant dix ans, j'ai appartenu à une troupe de théâtre !
— C'est vrai ? s'étonna Nadia. Tu ne m'avais rien dit !
— Hé hé, je regorge toujours de surprises ! »
Adèle passa une nouvelle journée à découper des petits papiers, contenant les précieux indices pouvant mener au trésor — soit un grand paquet de bonbons, ainsi qu'au gâteau !
L'énergie persistait. Elle ajouta même des petits dessins à chaque cartes, coloriés avec précision au crayon de couleurs.
Parfois, Benjamin toquait à sa porte, lui demandant d'abord ce qu'elle faisait, et si elle pouvait jouer avec lui.
Ce à quoi Adèle répondait qu'elle dessinait, et que non, elle ne pouvait pas jouer avec lui, mais qu'en revanche, Nadia pouvait l'accueillir à bras ouverts.
Vers la fin d'après-midi, Nadia interrompit son travail, lui demandant une nouvelle fois si elle voulait aller à la bibliothèque.
« Demain, elle est fermée, rappela Nadia. Et après-demain, c'est l'anniversaire de Ben. Donc on ne peut y aller que maintenant... »
Adèle finit par accepter, rangeant précieusement son travail dans l'un des tiroirs de son bureau.
« Tu as l'air réellement passionnée », fit Nadia, alors qu'elles longeaient le champ de terre.
Adèle ne pouvait s'empêcher de les détailler, avec un peu de nostalgie. Elle revoyait les tournesols, se balancer au gré de la bise estivale, renvoyer les rayons du Soleil...
Et maintenant, ces parcelles de terres, aussi nues que démunies...
Ils reviendront.
Ça ne faisait pas l'ombre d'un doute.
Adèle se détourna vers sa sœur, et confirma ses propos :
« Oui ! Je trouve ça marrant, pas toi ? »
Nadia haussa les épaules :
« Beaucoup d'organisation, c'est sûr... Mais c'est vrai que c'est rigolo, d'imaginer tout ça. »
Elles entrèrent dans le centre-ville, toujours aussi dépeuplé.
Les gens étaient-ils tous partis en vacances, ou n'y avait-il tout simplement pas de gens ?
Adèle et Nadia déposèrent leur vélo contre un arbre, face à la bibliothèque.
Presque collée au bâtiment, sommeillait une vieille école primaire, aux vieux murs d'une autre époque.
Adèle fixa l'arbre, qui se dressait au milieu de la cour de l'école, déployant fièrement ses branches fournies en feuilles d'un beau vert tendre.
Serait-elle encore là, quand ces mêmes feuilles prendraient une teinte d'abord dorée, puis orangée, avant de tomber au sol ?...
Peut-être serait-ce Benjamin, qui les regardera voltiger un infime instant dans l'air, avant de rejoindre le bitume.
Puis d'autres enfants viendraient sauter dans les feuilles, et il se joindra à eux.
« Tu viens ? »
Adèle cligna des yeux, avant de se détourner de l'école.
« Oui, j'arrive ! »
L'idée de rester ici jusqu'à septembre s'envola loin de son esprit. Elle rejoignit sa sœur, qui lui tenait la porte de la bibliothèque ouverte.
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